Ohayo mina' !

Bon. Je n'ai pas grand-chose à dire, hormis que je suis désolée pour les réactions épidermiques que le chapitre 49 a provoqué. Je vous donne cet épilogue, en espérant qu'il répondra à vos dernières questions. Si ce n'est pas le cas, posez-les moi, et je verrai comment y répondre !
Je vous remercie encore du temps que vous avez pris pour me poster vos reviews entre deux seaux de larmes... elles m'ont beaucoup touchées, en tout cas !

Petite info : J'ai écouté "Tu n'es plus là" d'Amel Bent pour la 2ème partie de l'épilogue. Je trouve qu'elle colle bien au genre... vous verrez pourquoi.

Je vous donne rendez-vous en bas pour le point final de cette fiction, ainsi que les réponses aux guests !

Enjoy it...!


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POV Zoro :

J'entre dans le funérarium et je frissonne.

Dans l'entrée, la température est déjà fraîche… alors je n'imagine pas dans la chambre le froid polaire qu'il doit y avoir.
J'entends Nami demander à Sanji de lui accorder un peu de temps seule avec Luffy. Je sais qu'elle l'a toujours apprécié, même si elle passait son temps à lui hurler dessus. Elle était même totalement et irrévocablement amoureuse de lui, et apprendre qu'il était gay, c'a été un drame aussi violent que celui de Boa.

Luffy ne l'a jamais su, et c'est mieux comme ça. Nami a toujours étouffé ses sentiments, mais aujourd'hui…
Elle m'offre un bref sourire avant d'ouvrir la porte en tremblant – Sanji a le même réflexe que moi et on la retient avant qu'elle ne s'effondre, en larmes.

- Nami… chut…

- S-Sanji… je…

- Ne te sens pas obligée de faire ça.

- Pourquoi est-ce qu'il a fallu qu'il meure aussi, hein… ?!

Sanji n'a pas de réponse, et moi non plus. Luffy a fait son choix. Sa vie ne lui plaisait pas, de toute manière. Les seules fois où je l'ai vu vivant, c'était quand il parlait d'Ace.

- Je vais y aller… tu iras après, d'accord ?

Nami acquiesce et je la laisse dans les bras du cuistot. Mes pas m'emmènent dans la chambre funéraire et je referme la porte derrière moi.
Le soleil baigne la pièce par les baies vitrées mais le froid est celui auquel je m'étais attendu ; saisissant, incisif. La seule source de chaleur est presque inexistante, elle vient des cierges allumés aux quatre coins du cercueil.
Je marche jusqu'au centre de la pièce, et je me demande encore comment Boa a pu convaincre les pompes funèbres de faire ça.

Les lois interdisent la mise en bière de plusieurs corps dans le même cercueil.

… je suppose qu'elle avait les moyens de faire une entorse à la règle. Et puis, personne n'est censé le savoir. Aux yeux du monde, Ace est déjà au fond d'une fosse commune.
Je m'assois près du cercueil et je replace une mèche de cheveux égarée sur la joue d'Ace ; sa pâleur fait ressortir ses taches de rousseur. Il a l'air très jeune, vu d'aussi près et sans l'air insolent qui le caractérisait autant, mais Luffy m'avait dit qu'il avait vingt-quatre ans. Je lui en donne à peine vingt, voire dix-neuf, comme nous.

« The flower Duet » de Lakmé résonne doucement dans la pièce.
Luffy aimait l'opéra et je me marrais à lui dire que c'était gay. Il se marrait aussi et se contentait de me dire qu'il appréciait la bonne musique. Cet air, c'était son préféré. Il pouvait l'écouter en boucle pendant des heures sans jamais s'en lasser.

Je tends la main et je caresse la joue de Luffy. J'ai l'impression qu'il sourit ; mon pouce caresse sa bouche et je me penche pour embrasser son front.
Il est froid… figé. Sa peau a perdu sa souplesse et j'ai l'impression d'embrasser une statue. Leurs corps se font face, leurs jambes sont mêlées et leurs doigts entrelacés. Je retire le ruban noir que je porte au bras et je l'attache au poignet de Luffy, avant de caresser sa main.
Ma vision se brouille et je serre les dents – je m'étais juré de ne pas pleurer. Ce n'est pas une question de courage, de fierté ou de toutes ces merdes dont on se fout totalement, en fait. Non, c'est juste que je ne veux pas craquer pour pouvoir soutenir Nami ; si elle voit que j'ai pleuré, elle va devenir hystérique et s'effondrer en larmes.

Les thanatopracteurs ont fait un boulot monstre.
Personne, pas même moi, ne se douterait qu'ils se sont tirés une balle dans la tête et la bouche. On a l'impression qu'ils se sont endormis pour ne pas se réveiller.
Leurs fronts sont pressés l'un contre l'autre, leurs lèvres presque unies dans un baiser. Je caresse la cicatrice sous l'œil de Luffy et ma main se perd dans ses cheveux. Doux et fins.

- Attends-moi, idiot. J'ai deux trois baffes à te mettre quand on se reverra. D'ici là… profite bien.

J'essaye de me rassurer plus qu'autre chose. Il n'y a rien après la mort, j'en suis sûr. Luffy était croyant et il était persuadé que toutes ces conneries d'en-haut et d'en-bas étaient vraies.
Si c'est ça… il doit brûler en Enfer, à l'heure qu'il est. Mais avec Ace.

Je l'embrasse une dernière fois et je vide le pot de pétales que j'ai amenées dans le cercueil, au milieu des centaines et des centaines qui tapissent déjà le fond. Des fleurs prises au hasard, avec la même couleur chaude.

La seule chose qui détonne, ce sont les amaryllis pourpres, les seules fleurs entières.
De ce que je sais, c'est la fleur qu'Ace aime le plus. Luffy me l'avait dit, ça aussi. Détail insignifiant sur le moment, mais qui prend toute son importance maintenant.
… qui les a déposées là ?

Je secoue la tête pour moi-même – ça n'a plus d'importance, maintenant. Je lui murmure que je lui ramène Nami et mes pas me guident dans l'entrée ; Sanji m'aide et Nami chancelle jusqu'au cercueil.
J'ai perdu presque toute ma famille et Sanji n'a plus que son grand-père, le vieux Zeff. On sait tous les deux ce que ça fait de voir les gens mourir. Nami n'est pas habituée à ça et voir leurs deux corps sans vie la tétanise.

- Nami… ne te force pas…

- La chaise…

- Nami, hésite Sanji en caressant sa joue. Écoute, on…

- La chaise… !

Message reçu. On l'amène jusqu'au siège posé à côté du cercueil et on la dépose sur l'assise avec douceur – au moins, elle ne s'effondrera pas au sol. On sort en lui murmurant qu'on est juste à côté, et la porte se referme.

Aussitôt, Sanji va s'allumer une cigarette, dehors.
Le soleil est haut dans le ciel, presque éclatant, et je cligne des yeux pour ajuster ma vision ; le cuistot tremble trop pour craquer son briquet et j'allume moi-même sa clope, en tirant une bouffée de cigarette avant de la lui redonner. Il me remercie d'un hochement de tête et contemple les cailloux qu'il pousse du bout de sa chaussure.

- … toi aussi, tu vas porter le cercueil… ? murmure-t-il.

- Ouais. Et j'suis censé dire un truc, mais je sais même pas quoi raconter.

Qu'est-ce qu'il y'a à dire, de toute manière ? que Luffy est parti trop tôt, qu'il va nous manquer jusqu'à notre dernier souffle, que la vie est une chienne qui se fout de tout ? trop banal car trop vrai, de toute manière.

Je ne sais même pas s'il y aura du monde, cet après-midi. Sûrement des hypocrites de première, des trous de balles faux-culs qui vont se presser dans les premiers rangs pour pouvoir essuyer leurs larmes forcées dans leurs mouchoirs… ? Luffy était plutôt populaire, à Westlake, une petite planète autour de laquelle tous les satellites gravitaient, moi le premier. Mais beaucoup n'auront pas leur place dans cette église.
C'a déjà fait un foin pas possible, dans la prépa, l'autre matin.
À peine les cours repris qu'on enterre un garçon présent à nos côtés depuis quatre ans… les médias ne nous ont rien épargné, mais ils ne savent qu'un centième de tout ce qui liait Luffy et Ace. Pour eux, Lu' était son petit-ami, point.

Tout le monde était dingue d'apprendre qu'il s'envoyait Gol D. Ace, le fils de Roger. Un ramdam de tous les diables, avec les pires rumeurs possibles – tous trouvaient déjà que Luffy avait un caractère instable, et ça n'a rien arrangé à l'affaire.
Sanji inspire profondément et souffle un panache de fumée, qui se perd dans l'air ; et moi, je plonge dans les souvenirs des cinq derniers jours passés.

« Je me réveille en sursaut quand mon portable sonne ; mes yeux s'ouvrent sur le plafond, et un parfum de sable chaud et de pommes fraîches envahit mes sens.
Luffy…
… son odeur.

Je tourne la tête et je ferme les yeux en nichant mon visage dans son chemisier rouge qui embaume sa fragrance. C'est ma façon de le retenir ici… parce que je ne réalise pas encore très bien. Vingt-quatre heures qu'il a quitté ce monde. Vingt-quatre heures que les aiguilles défilent toujours, que la Terre tourne et que la vie continue. Sauf pour moi ; ma vie est en suspens, pour le moment.

J'ouvre mon cellulaire et je fronce les sourcils : un message automatique, envoyé à l'instant. Je referme mon portable et je me lève pour rejoindre mon bureau, pour ouvrir mon pc resté en veille. J'ouvre ma boite de réception, mécaniquement, et je clique sur le dernier reçu.
Mon cœur rate un battement, juste un instant.

From : "La-Team-Chapeau-De-Paille" /monkey-d-luffy .comcast
To : "swordmen" /roronoa-zoro .timewarner

Salut, Zoro.

Si tu lis ce mail, c'est que je n'ai pas pu actualiser le serveur qui me permet de l'envoyer en cas de non-envoi du signal. Et si moi, ou Ace, on ne l'a pas fait…
… c'est que je suis mort. Désolé.
Je t'aime, Zoro. Comme le frère que la vie a oublié d'me donner, comme le p'tit-copain parfait que tu seras jamais, comme un putain de plat de veau aux sauternes et aux asperges caramélisées que fait ma mère (encore désolé pour ça aussi). Et c'est pour ça que je veux que tu ailles ici, pour avoir la réponse aux questions que tu t'es toujours posées :

1972 Pier D Avenue,
Long Beach,
CA 90802.

Il y a quelque chose pour toi. Tarde pas et aies confiance en moi.
Signé : ton abruti de binôme mort.

Je reste scotché à mon siège, abasourdi. »

Et c'est ce que j'ai fait. J'ai pris une douche, enfilé mes fringues et je suis monté sur ma moto pour rejoindre Long Beach, près d'Inglewood. Très industriel, mais j'ai fini par trouver le bon quai – Luffy y avait laissé le bon indice. Il avait peint un chapeau de paille sur un vieil entrepôt.

J'y suis entré, pour le trouver totalement vide, désaffecté depuis longtemps. Enfin… presque.

Il y avait une cible au mur, peinte en rouge, criblée d'impacts de balles. Je me rappelle avoir été surpris d'imaginer Luffy là-dedans, avant de trouver une mallette noire sur une desserte.
Rien de spécial, hormis une clé et une feuille de papier, qui me demandait de me rendre au trentième container en partant de la gauche, sans me paumer, et d'ouvrir le container noir fusionné avec un autre. Je suis parti à la recherche de cette bizarrerie, non sans me perdre au passage, comme Lu' l'avait prédit.

Le container était bardé de chaines cadenassées, mais la clé les ouvrait toutes. J'ai tiré les poignées centrales, et les portes se sont ouvertes en grinçant.

« - … alors c'est là que vous viviez cachés des autres… ? murmuré-je pour moi-même en entrant.

Mes bottes claquent et résonnent dans les deux containers rattachés. C'est propre, rien à dire là-dessus. Plutôt sympa, même, bricolé mais agréable à vivre. Des casiers partout en rangements, un coin bureau, des bibliothèques pleines de bouquins. Un lit défait – j'ai du mal à imaginer Luffy faisant l'amour avec Ace dans ces draps noirs – et un canapé, une douche avec une paroi de verre et une machine à laver. Un côté cuisine, et le fin fond du container de gauche, que je ne vois pas vraiment. Trop sombre.
Il y a des feuilles, posées sur la table haute ; je les prends sans réfléchir, et ma gorge se serre. L'écriture de Luffy, brouillonne et large, comme un enfant. Elle m'est adressée, et je compte seize pages.

Courage, mon vieux Zoro.
Je m'installe et je commence ma lecture.

Je ne sais pas combien de temps elle me prend, mais certainement des heures, parce que je lis et relis les lettres sans m'arrêter.

Mortifié.
Dégoûté de moi-même pour n'avoir rien vu, dégoûté d'Ace, de cette vie damnée.

Ace, un tueur… ? Gol D. Ace… le fils de cette enflure de Roger ?

Je voulais pas y croire, quand j'ai eu l'idée saugrenue de le soupçonner pour Lucci. J'ai été bien con.

Luffy, braquer des banques et tuer des innocents ? le monde à l'envers. Impossible.

Je ne supporte pas cette page où il m'avoue s'être éloigné de tout après qu'un cinglé l'ait torturé. Il trouve le moyen de s'excuser à travers ces lignes et s'il n'était pas déjà mort, je le tuerais pour ça, tiens ! »

Luffy ne m'a jamais rien dit sur la vie criminelle qu'il menait avec Ace.
Sur les aveux que cet idiot égoïste lui avait faits, sur l'agression que Lu' avait subie, seul au fond d'une cave de Phoenix.
Sur l'horreur qu'il avait ressentie, sur… son idée de mériter tout ça, pour avoir sombré avec Ace par amour et par immaturité.

J'ai imaginé Luffy violé sur le béton crasseux d'un sous-sol sordide, et mes tripes se sont soulevées.

Ça me faisait beaucoup trop. Tout ça pour avoir suivi un inconnu prêt à l'envoyer nourrir les poissons… L'impression de gâchis ne me lâche pas. Je suis le dernier dépositaire des volontés de Luffy et, maintenant, Uno, Dos et Tres dorment avec moi sur mon lit, la truffe dans un vêtement de leur ancien petit propriétaire. Ils miaulent beaucoup en le cherchant, mais je ne peux pas leur en vouloir – je passe mon temps à pleurer la perte du seul homme que j'ai jamais aimé.

Sanji jette son mégot et retourne dans le froid du hall d'entrée ; dans moins de quinze minutes, le cercueil sera fermé, et je redoute la réaction de Hancock, dont la voiture vient de se garer sur le parking, au bout de la cour. Voitures par dizaines, d'ailleurs… ils attendent le cortège pour l'église. Elle a refusé, à juste titre, que d'autres que nous voient l'intérieur du cercueil.

« Ils sont tous sur leurs smartphones, à checker les dernières infos de l'avant-veille. Ça jase. Ça chuchote nos mon passage. Je devine leurs coups d'œil, qui sont empreints de pitié, de moquerie ou de suffisance.
Nami n'est pas là, elle n'a pas eu la force de venir ; elle reste prostré dans son lit, ses parents ne savent pas quoi lui dire et Sanji est aussi impuissant que moi à la consoler.

Ils me fixent, d'autre détournent les yeux, trop gênés pour soutenir mon regard qu'ils cherchent malgré tout. Ils chient pas la honte, putain.
Je pose mon sac trop brutalement sur la table, le bruit résonne et le silence se fait, un bref instant, avant que le brouhaha revienne.
Je pourrais aussi rester chez moi, mais je préfère être là plutôt que de ruminer et de pleurer dans mon lit.
Les portes s'ouvrent pour laisser passer Sanji, qui a une tête de cadavre ; il est pas non plus au top de sa forme, sa chemise est pas repassée, sa cravate mal serrée.

- Hé, Roronoa.

Je jette un regard noir à Kaku, qui s'est rapproché de moi, l'air de rien.
On peut pas se blairer, c'est pas la mort de Luffy qui va nous rapprocher. Il croit quoi ?!

- Mmn.

- J'ai l'impression que t'avais les yeux un peu bouchés de merde, non...?

J'inspire profondément, mon poing se serre sur le rebord de la table.
M'énerver ne m'apportera rien.
C'est maintenant que j'dois garder la tête haute, maintenant que j'dois pas craquer et céder. Je ne peux pas leur faire cet honneur.

- Lâche-moi. C'est pas l'jour, au cas où t'aurais pas r'marqué.

- Si, c'est le jour, justement. On peut savoir comment il l'a dégoté, ce mec...?

- Tu crois que j'vais t'répondre ?

- Toi et Monkey vous étiez comme cul et chemise. Tu dois bien le savoir, non...?

- T'es encore plus con que j'le pensais.

- M'insulter n'arrangera rien, tu sais...?

- Alors te couper les couilles, ça ira ? persiflé-je en brandissant mon katana, qui glisse du fourreau dans un chuintement sonore.

La lame se plaque contre son entrejambe et tout le monde recule ; une main se pose sur les miennes, je reconnais les doigts du cuistot – pleines de coupures – et j'entends sa voix, près de mon oreille.

- Zoro. Arrête. Ça vaut pas la peine.

- Ils comprennent rien, martelé-je. Ils le connaissaient pas. Ils peuvent pas... ils...

- Je sais. Laisse tomber, c'est pas le moment de déconner. Sors ça encore une fois, et j'te latte la gueule.

Sanji détache mes doigts de la garde mon sabre, et le récupère pour le ranger dans le fourreau ; l'amphi est vide sur 5 bons mètres, tout le monde s'est mis hors de portée du katana en moins de temps qu'il ne leur en fallait pour dire des saloperies sur Luffy.
La rage m'aveugle. C'est plus que j'peux en supporter.

La lettre, bordel. Personne ne sait. Le seul qui serait encore à même de juger Luffy, c'est moi, et j'le fais même pas. Je peux pas. C'est au-dessus de mes forces, je peux pas le détester.
Il croyait vraiment que j'allais lui tourner le dos après tout ce qu'on avait vécu, lui et moi...? Son sang sur ses mains, je m'en serais foutu. J'en aurais rien eu à carrer qu'il soit un meurtrier, ou quoi que ce soit... ça changeait rien au fait qu'il était Luffy, peu importe le reste.
Et moi, j'ai rien vu. Qui est le pire, de lui ou moi...?
Mes yeux ne voient plus rien, Sanji m'étreint et je fonds en larmes silencieuses, sous le regard de ces connards hypocrites. »

Dans moins de quinze minutes, Luffy ne sera plus qu'un visage sur des photographies, et des souvenirs flous et muets. Plus de présence physique, rien d'autre que des images sur du papier glacé.

Hancock remonte l'allée, vêtue de noir ; je suis un peu surpris par sa coiffure, puisque je l'ai toujours connue tirée à quatre épingles, avec un chignon strict et tellement parfait que c'en était suspect.
Aujourd'hui, ses cheveux sont libres, et elle porte une paire de boucles d'oreilles qui ne va pas avec sa tenue ; des pendants dorés, que je reconnais aussitôt – j'étais avec Luffy quand il les a choisies pour elle, en revenant du lycée. Je lui offre mon bras et elle s'y raccroche, pendant que mes yeux cherchent les siens.

Mais ses prunelles bleues sont vides. Reflet des miennes.

. . . . .

Le cuistot pleure.

Il a un sourire énorme, mais il pleure. Sa voix résonne dans l'église silencieuse, et mes mains tiennent celles de Nami et Hancock – ou plutôt, leurs mains me tiennent.
Il y a beaucoup d'élèves de Westlake. La famille de Lu', pas très nombreuse mais bien reconnaissable ; Shanks est là aussi, près de moi. Il soutient Boa comme il le peut. Sa tante Tashigi n'est pas là.

… Luffy me l'a avoué, ça aussi. Entre deux paragraphes, il m'explique avoir préféré assassiner Smoker plutôt que de prendre le risque qu'il lui prenne Ace.
Bordel.
Sa propre famille... jusqu'où est-ce qu'Ace a poussé les règles du jeu...?

Il y a des gens que je n'ai jamais vus, en revanche, et leur allure me fait davantage penser à des fréquentations d'Ace plutôt que celles de Luffy.

Une femme de presque quarante ans, je dirais, qui a le visage fermé, les bras croisés, une cigarette éteinte entre les doigts – geste machinal, je présume. Elle est belle, mais la tristesse qu'elle ressent clairement lui marque les traits. À côté, il y a un mec totalement creepy, métis, aux oreilles percées d'anneaux dorés, plutôt classe dans son costume noir, et qui aurait besoin de dormir au moins dix ans pour rattraper le sommeil qui a l'air de lui manquer atrocement. Son expression est solennelle, mais ses yeux en disent long sur sa peine, comme la femme qui se tient à ses côtes. Ce type doit être en enfer, lui aussi, au vu de son regard. On dirait qu'il a perdu beaucoup en peu de temps.

Un autre type aux cheveux bleus, taillé comme une armoire à glace, un autre plus menu avec un nez de trois kilomètres de long – c'est à se demander comment est-ce qu'il tient droit – et un afro avec une coupe à la Jackson 5. Ils ont tous quelque chose de dérangeant… une part d'ombre, qui émane d'eux. Les places sont vides à leurs côtés, les gens les évitent, apparemment.
Pas étonnant.

La voix de Sanji est assurée, pour quelqu'un qui pleure autant ; il sait être maître de lui-même et c'est pas négligeable, ça rend ça beaucoup plus supportable que les sanglots dans le micro qui se sont succédés.

Il savait pas quoi dire, lui non plus, alors il a préféré nous raconter la première fois qu'il a vu Luffy. Et même moi, je m'en souviens encore.

- … on s'est battus, à notre première rencontre. Il avait fichu le feu… aux trente kilos bouffe que j'avais préparés pour la soirée, en essayant de la réchauffer pour pouvoir s'empiffrer en solo. J'me suis servi du feu pour allumer ma cigarette, et je lui ai annoncé que j'avais deux trucs à lui dire. Le premier, c'était « merci », parce que je cherchais justement de quoi griller ma clope. Luffy m'a dit « Pas d'quoi. Et le deuxième truc ? », et je lui ai rétorqué « Ben, prépare-toi à pleurer ta mère » avant de lui décrocher un coup de pied en pleine poire.

Je sens le sourire de Nami contre mon bras, et Hancock s'essuie le visage ; ça ne retire rien au chagrin qu'on a, mais Luffy n'aurait pas aimé qu'on psalmodie des prières ou d'autres trucs de ce genre. Il aurait voulu qu'on reste nous-même, le repère stable qui lui a manqué ces derniers temps, où tout changeait autour de lui.
Je ne dirai rien à personne. C'est mieux comme ça… je veux que tout le monde garde l'image presque pure qu'ils avaient de Luffy, de ses actes enfantins et de ses petites manies qui le rendaient si détestable et attachant à la fois. Je ne veux pas qu'ils sachent que Luffy était devenu un monstre du placard, lui aussi.

- … tu veux dire un truc, Marimo ?

Oh, l'enfoiré.

Je me lève et nos places s'échangent – mon bras frôle le sien au passage et je sens qu'il est tendu comme un arc, nerveux et paralysé par la peine. Tout comme moi.
Si j'avais été plus attentif à la peine de Luffy, aux tourments qui se cachaient en lui, j'aurais peut-être pu faire quelque chose. Et la souffrance que je ressens n'est pas comparable à ce que j'ai déjà pu ressentir dans ma vie ; qu'est-ce que ça veut dire ? que je tenais plus à Luffy que je ne le pensais ? que j'étais réellement amoureux de lui ?

Je ne dors plus. Je n'ai presque rien avalé, si ce n'est du saké. Ça fait des jours que ça dure, et j'ai l'impression que ma douleur n'aura jamais de fin.

Je m'en veux tellement, chaque heure qui passe me pétrit un peu plus de remords et de regrets. Alors quoi… ?

Je n'ai jamais été amoureux, c'est peut-être pour ça que je ne me suis pas rendu compte de mes sentiments pour lui. Mais ça ne sert à rien de m'apitoyer sur mon sort, rien ne me ramènera Luffy.
Rien.

Je grimpe sur l'estrade et je mâchonne ma lèvre en réfléchissant à ce que je vais dire. Mais à quoi bon se faire des nœuds au cerveau, hein… ?

- J'me suis creusé la tête toute la nuit pour… essayer de trouver un truc un tant soit peu intelligent à dire, murmuré-je. Vous avez tous trouvé la solution, en nous racontant la manière dont Luffy a fait fléchir la courbe de votre vie, alors je vais suivre la file. Avant lui… j'avais rien. Enfin… pas d'ami. Il a vu en moi quelque chose qui lui a plu, et il a décidé que j'serais son pote, point barre. J'avais pas voix au chapitre, sur ce coup-là, mais c'était très bien comme ça. J'aurais tellement de trucs à dire sur lui que ça me prendrait des jours, et ça servirait à rien, mais je peux vous dire la dernière chose que j'ai lue de lui.

J'inspire, et ma gorge se serre.
Je me sens idiot.

- … j'ai aimé Luffy comme un frère que la vie ne m'a jamais donné. Et pour ça, je le remercie.

. . . . .

Monkey D. Luffy

05.05.1995 – 31.08.2014.

« Peut-on être innocent, lorsqu'on aime un coupable ? »
Savinien Cyrano de Bergerac.

C'est l'épithète gravé sur la tombe de Luffy.

Rien d'autre.
De toute manière, la date parle d'elle-même.
Quelqu'un parti trop jeune, qui n'aura eu aucun recul sur sa faible durée de vie.

Personne ne sait qu'Ace est là et c'est très bien ainsi. Et puis… qui va se soucier de lui, maintenant… ? je suis encore soufflé par le geste de la mère de Luffy. Rien ne l'obligeait à faire ça. Elle avait toutes les raisons du monde de détester celui qui lui avait pris son fils, celui qui avait causé sa mort, celui qui lui avait volé tout ce qu'il lui restait. Moi aussi, je l'ai haï. Pour avoir été celui que Luffy avait choisi. Pour ne pas être quelqu'un de bien et pour l'avoir entraîné là-dedans. Pour ne pas l'avoir protégé comme il l'aurait dû.

Mais ce que je pense n'a aucune importance. Luffy est mort et rien ne le ramènera. Il l'a fait parce qu'il le voulait, parce que c'était sa conviction, son envie, son désir. Ace ne lui a jamais demandé de faire ça ; il l'avait même prévenu qu'il préfèrerait mourir plutôt que de retourner en prison, ou de finir sur une chaise électrique. Trop déshonorant.

Luffy a agi en conséquence ; il ne se voyait pas passer sa vie sans Ace, et il a choisi.

Le vent est glacial et je remonte le col de ma veste en frissonnant, mais je n'ai pas envie de partir. Pas encore.
Être là m'apaise et me rend amer à la fois. J'espère sincèrement que Lu' est heureux là où il est, peu importe l'endroit. Que ses souffrances ont enfin pris fin.

Je dépose des dahlias sous la plaque de marbre posée sur la sépulture. Un poème sur la piraterie. C'est Nami qui l'a déposée là, parce qu'elle savait que Luffy aimait bien ces trucs-là, et tout ce qui s'y rapportait, et qu'il pouvait passer des heures à écouter Shanks lui narrer ces histoires.
Il y a une photographie, à côté de son nom.
Ce portrait, je le reconnais entre mille ; il a été pris à Disneyland, lors d'une sortie qu'on avait faite, quand on était ados. Luffy rit aux éclats, les cheveux au vent, sur une attraction qui descend à toute allure. C'est Sanji qui a immortalisé l'instant.
Il est… terriblement vivant, sur ce cliché. La photo représente exactement tout ce qu'a été Luffy.

Encore une fois, je remarque une amaryllis posée sur le côté.

Intrigué, je la prends et la fais tourner entre mes doigts, avant de balayer le cimetière du regard.
Elle n'était pas là il y a une heure, quand je suis venu avec Nami, avant de revenir après l'avoir raccompagnée. C'est pas la première fois que j'en vois une sur la tombe, mais celle-là est fraîchement coupée. Je balaye le cimetière d'un coup d'œil circulaire.

Mon regard accroche une silhouette, au bout de l'allée.

Un mec.

Grand, mais très menu. Il est vêtu vraiment chaudement, comme s'il craignait le froid. Je remarque tout de suite la lunette à oxygène dans son nez, et la boîte du système respiratoire portable qu'il tient dans ses bras croisés sur sa poitrine.

Ses cheveux blonds sont longs, attachés en catogan, et ses yeux bruns me contemplent à travers quelques mèches qui balayent son visage, sous le vent glacial.
Des yeux que j'ai déjà vus auparavant.

Je fronce les sourcils et il se contente d'un sourire mince, avant de tourner les talons et de rejoindre l'entrée du cimetière. Qui c'est, ce type… ?
C'est lui dépose les amaryllis ?
Je sais même pas qui c'est. Je suis sûr que Luffy le connait pas. Pas assez pour…

Je relève la tête, mais il n'est déjà plus là.

Ces yeux.
À qui est-ce qu'ils appartiennent… ?

Il finira bien par se montrer un jour.
Je sais être patient.

Je range l'amaryllis au milieu des dahlias pour qu'elle ne s'envole pas, et je me redresse en attardant mon regard sur l'image de Luffy, avant de tourner les talons.

J'ai des regrets de ne pas lui avoir dit plus souvent que je l'aimais, que je tenais à lui.
J'ai des remords de ne pas l'avoir protégé du tournant que sa vie a pris.

Je vais devoir vivre avec ça,
et ça sera le prix à payer pour ne pas avoir été là pour rattraper Luffy
quand il est tombé dans le vide.

- À plus tard, Lu'.

. . . . .

.
POV Sabo :

« Ace s'assure que l'oxygénateur libère le bon débit d'air, arrange le tuyau sur les crochets fixés au mur derrière moi et va vérifier que la fenêtre est bien fermée – le moindre courant d'air me flingue les poumons.

- Merci, grand-frère.

- Pas d'quoi. Bonne nuit, Sabo.

- 'Nuit.

Il coupe ma lumière et s'éloigne vers la porte ; un dernier regard, un sourire, et le battant se referme.
J'attends.
J'entends les shunts d'air froid dans mon nez, le bruit des machines, le tap-tap de l'horloge.
Il fait trop noir, dans ma chambre.

"Où est l'épaule sur laquelle j'me reposais… ?
La présence chaude que mon corps aimait serrer?"

Les minutes passent.
Une demi-heure.
Tout le monde doit dormir. Ace a cours, demain – je suis trop faible pour aller à l'école, cette semaine, ça devra attendre lundi prochain d'après le médecin. Maman ne s'y oppose pas, mais moi… je ne veux pas rester là, tout seul. Ace m'a promis qu'il rentrerait vite pour qu'on puisse jouer après, il veut m'emmener près de la rivière, Papa a fini d'installer la remorque à l'arrière de mon vélo, pour que j'puisse emmener mon respirateur.

La porte du placard est mal fermée ; j'imagine déjà tout et n'importe quoi, je sens mon corps se couvrir d'une sueur moite.

- Ace, couiné-je.

Une branche frappe contre la vitre, je sursaute et je me terre dans mon oreiller ; ma respiration s'accélère, le monitoring monte en flèche.
J'ai le cœur qui cogne tellement fort que j'ai l'impression qu'il va lâcher.
Il y a des monstres partout. Ils sont tous là, ils attendent pour venir me chercher quand il fait nuit.
J'étouffe.

"Où est passée la voix qui répondait à mes questions… ?
L'autre moitié de moi sans qui j'perdais la raison…"

- Ace… ! sangloté-je dans mon masque.

La porte se rouvre, la veilleuse se rallume et le visage fatigué de mon frère s'éclaire ; ses cheveux ébouriffés, ses yeux noirs encore dilatés, son air ensommeillé… tout ça me rassure. Il me retire mon masque, le tuyau qui me fait respirer et l'air me manque aussitôt.
Ses mains prennent mon visage et ses yeux se plongent dans les miens, alors que la douleur de la suffocation m'étreint la poitrine.

- Sab', calme-toi.

- … !

"Quand le jour me réveille et qu'il m'offre encore ses plus beaux éclats,
Le vide est le même : tu n'es plus là."

Je me cramponne à lui ; ma vision est floue, mais je saisis encore son expression inquiète mais pleine de fermeté à la fois.

Quand je fais des crises, les médecins se contentent de m'envoyer d'énièmes aérosols ; ça soigne le mal, mais pour un temps seulement. Mon frère déteste ça, il dit que ça endort la maladie, sans plus. Alors, « Aux grands maux les grandes remèdes », comme dirait mon père… Ace m'oblige à reprendre le dessus. À vaincre cette partie de moi qui meurt chaque jour un peu plus.

- Chuuuut… là, c'est fini. Tout va bien… tout va bien… répète-t-il en caressant mes cheveux trempés de sueur.

Il embrasse mon front, et quelque chose se débloque enfin ; j'inspire à pleins poumons et Ace jette les couvertures loin de moi pour me faire de l'air, avant de me rallonger dans mes oreillers. J'ai horriblement froid, mais je sais que c'est la fièvre, au vu de la tête qu'il fait en touchant mon cou et mon front de la paume de sa main.
Il se lève et sort, juste un instant – j'entends le robinet de la salle de bain, le couloir s'éteint et Ace vient poser un linge froid sur mon front ; je ferme les yeux à cette sensation si agréable et insupportable à la fois, partagé entre le soulagement d'avoir des pensées plus lucides et l'horreur d'ajouter une sensation de froid en plus.

Des mains déboutonnent mon pyjama, en écartent les pans et palpent mon torse nu ; pas de dureté, je suppose, Ace ne bronche pas. Le tiroir de ma table de chevet s'ouvre, se ferme, un pot se dévisse ; une pommade à la menthe, qu'Ace fait chauffer entre ses mains avant de commencer à me masser la poitrine.
La pression de ses doigts me fait tousser, encore et encore. Pression qui se diffuse dans chaque recoin de moi, qui me monte à la tête, j'ai l'impression que tout mon corps va céder. C'est horrible, mais ça me fait un bien fou, parce que j'ai la sensation que mon sang circule, que mes organes fonctionnent, que tous mes muscles s'oxygènent. Une marche forcée de mon corps qui s'use avec les années.

Ace persévère, ses mains courent sur ma peau, en alternant massage ferme et caresses légères là où il sait que la douleur est insoutenable ; il ne s'arrête pas, jusqu'à ce que le mucus qui me remplit les poumons ne finisse par sortir, dans la bassine que je garde tout le temps près de moi.

Je respire par à-coup – prendre de trop grandes inspirations me fait mal et aggrave mon cas, j'ai appris à respirer doucement avec le temps – pendant qu'Ace me masse toujours ; ça me fait beaucoup plus de bien qu'avec le kiné, je pense que c'est dans la tête. Papa dit que c'est le fait qu'Ace me le fasse qui me donne cette impression. Il se trompe pas, j'crois.
Je rouvre les yeux, Ace me regarde ; je lui souris le plus que je peux, mais le résultat doit être faiblard, je le sens aux muscles de mon visage. Il se redresse, tend le bras et caresse ma joue de son pouce, avec une expression qui n'appartient qu'à lui. Indéchiffrable. Il y a quelque chose de tout doux en lui, même si les gens pensent l'inverse. Mais lui et moi on est faits pareils, et je sais qu'Ace m'aime comme je l'aime.

- … ça va mieux… ?

- Mmn.

Un coup d'œil au réveil m'effare ; j'ai poireauté dans le noir avec mes idées idiotes plus longtemps que j'le pensais, il est 2 heures du matin. Ace va être claqué, il doit se lever à 6 heures… !

- J'suis désolé, il est super tard, je-

Son index se pose sur ma bouche dans un geste équivoque ; il se penche, son nez frôle le mien et il pose un baiser sur ma joue, alors que sa main se perd dans mes cheveux.
Son regard est infiniment doux quand il se redresse pour me contempler.

- T'as pas à être désolé, j'te l'ai d'jà dit mille fois.

Il me laisse pas le temps d'argumenter et prend des gants en latex avant de les enfiler ; je dois le croire, point. Il ne doute pas de moi, je n'ai pas à douter de lui. Je m'en fous de tous ces psys qui disent qu'il est différent, c'est mon grand-frère et le reste, ça compte pas. Ils disent qu'il est malade, qu'il est méchant, qu'il n'apporte que la violence et la cruauté. C'est pas vrai. Pas avec moi. Sinon, il prendrait pas soin de moi comme il le fait, je le sais, je le sens.
Il y a du bon en lui.

Ace passe le tube dans le lubrifiant et j'ouvre la bouche, pendant qu'il enfonce doucement le tuyau dans ma gorge ; je déglutis comme je peux en grimaçant et ses doigts me massent la trachée, pendant que la descente se fait jusqu'au point qui me sera le moins inconfortable ; il vient poser le masque, et le respirateur prend le relai.

Aussitôt, l'air frais me soulage, et Ace prend son temps pour les derniers réglages et d'autres ajustements ; il retire ses gants, les jette dans la poubelle à côté et replace mes draps sur mon corps frigorifié à l'intérieur, brûlant à l'extérieur.
La douleur s'estompe ; elle est toujours là, elle ne s'en va jamais vraiment, mais j'ai l'habitude. Elle est presque devenue une vieille amie. La preuve que mon corps lutte.

Ace se détourne des appareils pour aller tirer un coussin et un plaid du placard ; il va fermer la porte, grimpe sur mon lit et éteint la veilleuse, en nous plongeant dans l'obscurité. Je le sens se blottir sur le côté, contre moi, nicher son nez dans mon cou et poser un bras sur l'oreiller, derrière ma tête – il pourrait me prendre dans ses bras mais c'est trop délicat pour moi, avec mes branchements. Il entortille mes cheveux entre ses doigts, et le silence s'installe.

De sa main libre, il caresse mon torse, doucement, et je ferme à nouveau les yeux ; je sens son cœur battre contre le mien, une pulsation très calme, loin de la mienne qui joue toujours contre le chrono qu'est ma vie.

- … hé, Ace.

- Mmn.

- … tu m'aimes… ?

- Ouais.

- Alors t'es pas un psychopathe ?

Il pouffe de rire, je ricane comme un crétin à mon tour et nos corps se rapprochent et s'entremêlent autant qu'on le peut.
Il embrasse ma nuque, continue ses caresses.
C'est ce que son psy lui a dit. Il est trop con. Maman veut qu'il aille en voir un autre. Ace a des sentiments, j'le sais, il m'aime, il s'occupe de moi. Il reste avec moi que j'fais des cauchemars, il me chouchoute presque.

- Nan. Loin d'là.

- T'es amoureux de Kaya ?

- J'ai pas le temps d'être amoureux. Faut que je m'occupe de toi, blondinet.

- Tch. T'es trop con.

- C'est toi qu'j'aime, marmonne Ace en frottant son nez contre mon cou. Ça m'suffit, j'verrai plus tard pour une copine.

- Mouais.

J'entrelace mes doigts aux siens.
J'ai pas envie qu'on nous sépare.
Je sais bien qu'Ace pourra pas rester ici toute sa vie, et je veux pas être un boulet.
Je veux qu'il ait une chance de continuer loin d'ici, qu'il ait plus à se soucier de son p'tit frère trop malade pour vivre là.
Mais au fond de moi, je sais bien que je pense pas ça du tout : je le veux juste pour moi. Je veux qu'il reste, je veux sentir son odeur, ses mains, sa peau, ses baisers. Je veux le regarder s'attacher les cheveux le matin devant le miroir et galérer pour les faire tous tenir, l'observer pendant qu'il apprend juste pour moi une recette de cuisine avec Maman, le voir grimper au cerisier dans la cour pour me ramener des cerises avant que les oiseaux aient les meilleurs, au printemps ; je veux entendre sa voix me chuchoter qu'il m'aime. J'ferais tout pour ça.

- Dors. L'est tard.

- Ouais. Re-bonne nuit, Ace.

- Re-bonne nuit, Sab'.

Je voudrais l'embrasser, mais le tuyau me fait chier. Je peux parler, un peu, mais pour les bisous, c'est compliqué. Alors j'en profite quand je l'ai pas.
Le baiser, ça sera pour demain matin, au réveil.
Je me colle dos à lui, ses bras m'enlacent et on se recroqueville sous la couverture, pour une autre de mes nuits. »

"Dans le monde de mes sommeils, je respire
Mais je sais que je ne vis pas…
Plus rien n'est pareil
Quand tu n'es plus là."

J'ouvre les yeux et je contemple la tombe, où seule se trouve l'image de cet adolescent qui a maintenu mon frère hors de l'eau.

Le respirateur fait toujours son œuvre.
Mais ce sont d'autres mains qui s'occupent de le rebrancher quand un geste de trop pendant la nuit l'arrache de mes bronches.
D'autres mains qui me massent, qui refont ces mêmes gestes qui me maintiennent en vie depuis 10 ans maintenant.

Mais les seules mains qui pouvaient me faire respirer sans tout ça… je ne les sentirai plus.

Ça fait longtemps qu'il ne me reste plus rien d'Ace, mais le dernier lien qui nous unissait – son existence qui assurait la mienne – a disparu.
J'aurais aimé lui parler. Le revoir, lui dire que je n'étais pas parti loin de lui. Pas si loin. Qu'il n'était pas tout seul, en fait.
Mon psy m'a dit que c'était une très mauvaise idée.
Que ça risquait de le tuer, si ça ne le rendait pas définitivement fou.

J'ai des regrets de ne pas avoir pu lui rendre ce que lui m'a donné – une vie.
J'ai des remords de ne pas l'avoir protégé du tournant que sa vie a pris, après la mort de nos parents.

Je vais devoir vivre avec ça,
et ça sera le prix à payer pour ne pas avoir été là pour rattraper Ace
quand il est tombé dans le vide.

- À plus tard, grand-frère.


MorceauDeSucre : Ouais, presque, hein… c'est la fin de beaucoup de choses, mais c'est peut-être mieux comme ça au final… pour eux comme pour le monde.

Luka Ryga : *voit des gens se faire bousculer dans la file d'attente* ouh, ça castagne dur là-bas… hé bien, une sacrée lectrice, tu n'as pas failli on dirait ! je suis contente que tu te soies accrochée jusqu'au bout ! et merci à Nakami pour la pub (brownies pour toi, cookies pour elle !) pour le travail, c'était long mais j'y suis arrivée, finalement… même si j'ai juste profané OP, pour le coup !
Le scénario « Ace-assassine-Luffy » faisait partie des fins plausibles, mais… hé bien, dans un sens, Ace a réussi, même indirectement. Bien vu, Ace et Lu' seront sûrement en paix, moins torturés par cette vie, car au final, elle ne leur apportait qu'un plaisir éphémère, un peu comme une drogue, et ils devaient toujours augmenter les doses…pour Zoro en 2ème Ace, on m'a déjà fait par de ça, et j'avoue que c'était pas mal du tout comme idée ! j'aurais aimé le faire T_T mais bon, c'aurait été de trop pour Luffy, sérieux. Teach c'était plus facile de lui faire porter le chapeau, mouhaha. La fin de fiction en référence au titre, c'est ma manie x) chacun a son fétiche, fufu. Ouais, l'audace… c'a coûté cher, j'y reviendrai en bilan de fin de fiction… ahem. Merci beaucoup d'avoir été si assidue, à bientôt peut-être !

Hiken no Galaad : Galaad, c'est très joli u_u très Chevalier de la Table Ronde, mais très joli ! et si nous nous ressemblons, je te présente juste mes condoléances… nous avons tous un côté Pile et un côté Face en nous, le tout est de savoir à quel point ils sont exacerbés. La bipolarité est une maladie qui fait chier le monde, mais on vit très bien avec. Mais c'est pas glorieux.
Noté pour tes théories, j'espère que l'épilogue t'a convenu… ! quant à savoir pourquoi je les ai tués… hé bien, c'est juste pour montrer que parfois, la vie te réserve des cadeaux empoisonnés.
Pour la maladie je gère la fougère, ça va se faire tout seul, mais merci ! à la prochaine !

Morgane : Yo ! oui, tu pourras criser, mais seulement si tu es près d'une grosse banque… ;) je suis désolée pour tes larmes (vous allez toutes me détester, même inconsciemment, ahem…), mais en même temps, c'était l'émotion que je voulais déclencher/faire passer, si c'a réussi, c'est aussi un point de gagné… mais c'est cher payé. Ne te fais pas de mal en relisant la fiction trop souvent, surtout… ! la retranscription des sentiments était un exercice compliqué, mais je suis contente de voir que c'a été à peu près bien fait :) à bientôt peut-être !

Tresor : Oui, c'est fini :| le mal-être qui colle à la peau, c'était prévisible, surtout quand on s'attache beaucoup à Lu' et Ace de cette manière… navrée. Comme tu dis, ils ont pu dire au revoir à tout le monde, c'est pas plus mal, et il y avait un côté romantique, façon emo-core en quelque sorte, mais bien présent même dans la cabine. Pour les chapitres, oui, c'était calculé, je leur donne pas de noms au hasard ;) (je ne sis plus si on en avait parlé, j'ai pas pu tout relire niveau reviews, désolée…) La lettre de luffy à sa mère est une référence directe à l'OS Disparaître dont la fiction est adaptée !
Les pensées de Smoker ? je les ai jamais imaginées, celles-là… ! c'était bien le cadet de mes soucis, j'étais plus angoissée pour Luffy x) et à savoir comment j'allais tourner tout ça !
Une prochaine fiction en cours, on verra pour la publication :) peut-être à bientôt alors, et merci pour ton soutien !

LaPatateMasque : Aw, j'ai même pas réussi à t'arracher une larme ! j'suis déçue. [Menteuse] non, bon, OK, je suis contente que tu aies résisté aux sirènes de la tristesse ^^ merci beaucoup, c'est super sympa ! je verrai quand se fera la publication de la prochaine fiction… ! peut-être à bientôt, alors… !

CornichonMagic : Oh, au moins tout ça… ? j'en suis très flattée ^^ *ondule comme Chopper* ravie que le fond et la forme t'aient convenu ! merci, et à une prochaine fois, qui sait ?

. . . . .


C'est sur cet épisode doux-amer que je vous laisse. "Rendez-Vous En Enfer" aura duré de longs, longs mois (11, exactement... bordel, presque 1 an) entre votre stress, le mien, des moments de doute et d'autres plus paisibles...
De la même manière que les vies d'Ace et Luffy se scindaient en deux facettes, je vous présente un bilan en deux parties. Je commence par le côté Pile…

Il se passe beaucoup de choses en onze mois, mais je tiens à remercier celles qui se trouvent dans le container de Los Angeles depuis le tout début de cette fiction, qui n'ont rien lâché malgré les hauts et les bas dans la vie d'Ace et Luffy.

Vous avez été tellement nombreuses à me suivre, m'encourager, me donner envie de continuer alors que tous les ingrédients n'étaient pourtant pas réunis à la base... je ne peux que vous remercier, mais aucun remerciement ne sera à la hauteur de vos mots. Je vais tenter de lister un maximum de monde, mais ce n'est pas parce que je ne vous cite pas que vous ne comptez pas à mes yeux, c'est simplement que j'ai tant de noms, de répliques, de rires et de commentaires fous dans la tête que c'est juste le bazar, et relire plus de 830 reviews une à une... c'est juste impossible dans un laps de temps si court.

Alors, liste non exhaustive, mais je tiens à mettre un genou à terre pour Mana Y., ma décortiqueuse d'Or (faut que je trouve un truc plus badass que l'or, puisque t'as level up… je trouverai), Flllora, qui m'a aidée à plaider la cause d'Ace et Lu' dans notre tribunal yaoiste, Aure-mi et ses deadline dégueulasses, Osmose-sama et ses pavés périodiques/gargantuesques, ChibichibiLuna et sa review réglée comme du papier à musique et presque chronométrable, fufu, MorceauDeSucre malgré la distance, Lufna et son ange gardien toujours là pour la ramener sur Terre, curieusement… Reikaproust toujours là pour alterner compliments/claques, choses qui plaisent à mon côté masochiste, Alivia13 et sa hâte d'avoir la suite peu importe la teneur des chapitres, qu'elle analyse avec brio, Kather et ses nombreux « Waouh » héhé… TheBlackSpirit, qui ne se décourage pas malgré le décalage horaire, Eltayass D. Nakami et son rocher inondé de cookies (excellents, soit-dit en passant), Rinkachirikitateku qui prend les J-xx avec de grandes claques, Sabrina qui s'est créée un compte pile dans les temps, et toutes les autres, que je remercie et félicite pour avoir tenu contre vents et marées… et contre le théorème Harlémien ! x)

Merci aussi à d'autres qui sont sûrement restées dans le container, mais dans un petit coin, invisible à mes yeux alors que la fiction avançait…
Laylou-miimi, La Vague Folle, Anna-chan17, Yunigaimon, Red-Mia, Hikaru Chesire, Mademoiselle Bubulle, louehftobrien (anciennement May), Pifouyou76, Jude Lust, Ciel et d'autres encore… j'espère quand même que la fiction vous aura plu :)

Merci également aux dernières arrivées, le container était extensible, thanks God… Merci à mesdemoiselles Renhika et CrazyKitty et leurs tentatives infructueuses pour entrer dans mon bunker, une Vavalulu qui doit aimer Luffy vu le "Lu" de son nom, une Evercloud qui joue des mots avec une maestria que je lui envie, une Muwnder qui sait se faire discrète pour mieux exploser, un LamaDuFutur qui vient de loin, et pas seulement du futur, Freak-Writter et son ébahissement tordant sur les lemons de la fiction…

Je n'oublie pas les guests qui sont passé(e)s par là, en prenant le temps de laisser une trace de leur passage, parfois sans savoir si elles allaient obtenir une réponse ou non… je pense à xLawffy, Morgane, Tresor, LaPatateMasque (y'a pas, ton pseudo me rend hystéro à chaque fois), Nana, acexluffy...

Et puis, tout particulièrement [Ils s'en doutaient] (La ferme, laisse ma prévisibilité tranquille !), j'embrasse très fort ma grande Pyrolouve :) toujours là pour me quicher la tête, en live maintenant, pour couiner de façon dingue dans le téléphone entre deux crises de rires, ou reproches bien sentis... merci pour m'avoir tenu la tête hors de l'eau de nombreuses fois, ma belle.

Merci aussi à mon assistant chef de cœur, celui qui a le loisir de me supporter toute la journée, et qui savait la fin bien avant vous, hahaha [Rire sadique… ?] (La base) Vous pouvez le détester, fufu.

Merci, merci 1.000 fois ! je l'ai déjà dit dans une vie antérieure, mais vous êtes mon One Piece, tous et toutes. Chacun a le sien, je pense :)

. . . . .

Bien, on part pour le côté Face.

J'ai perdu énormément de monde au cours de cette fiction. J'ai reçu plus de 400 PM négatifs, non amicaux et à peine cordiaux, à propos des thèmes abordés et de leur absurdité, de la violence de l'histoire, où l'on me conseillait vivement de partir de là sans pourrir davantage le fandom One Piece avec mes insanités religieuses et immorales. Étant une chieuse par nature, je suis restée, vous me connaissez. Trop facile de partir, quitte à me faire virer, autant que ça soit par les amerlocks en mode Admin-Tout-Puissant plutôt que par des pisseuses à peine en âge de se servir d'un œuf vibrant… *tousse et pousse Flllora du coude* Bref, ceci mis à part, je sais bien que, sans être insoutenable (ça n'engage que ma propre sensibilité, dont le niveau approche celui des pâquerettes), cette fiction a pu heurter celle de mes lectrices/lecteurs, et j'en suis désolée. J'espère que celles et ceux qui ont cessé de suivre cette fiction ont trouvé mieux ailleurs… ! :)

L'humanité est vicieuse, peut-être irrécupérable, je ne sais pas, mais il y a du beau en chacun de nous. Comme il y en avait en Luffy, comme dans Ace, peu importe leurs travers.

RVEE vous a montré (ou confirmé, pour beaucoup aussi) que la vie n'était ni noire, ni blanche, qu'elle possédait des tas de nuances [Fifty Sh-/batte/] humpf. Je disais donc : qu'elle possédait des tas de nuances et qu'il fallait prendre le temps de toutes les observer, pour mieux en comprendre les subtilités. C'a été un long combat, mais j'ai l'impression d'être tout de même arrivée à ce que je voulais faire, arrivée au bout du tunnel.

. . . . .

Si on a tous des rêves, le mien serait de pouvoir rencontrer chacun d'entre vous. Je ne le peux pas, alors je partage un peu de ma vie avec vous, et vous me le rendez bien. Merci d'avoir pris le temps d'être là.

Je tire ma révérence, je vous dis à bientôt pour une fiction, peut-être (elle sera annoncée sur mon profil quelques temps avant sa sortie, à checker pour les plus courageux !), et je vous remercie encore pour avoir lu cette histoire...

Mille Baci !

Harlem, votre dévouée.*