Les Conjurés III : 1997-1998, la résistance


Résumé :

Suite de la seconde partie (Les Conjurés II). L'horizon s'est considérablement obscurci pour Severus Snape, contraint de fuir après la mort de Dumbledore. Alors que les Mangemorts regroupent leurs forces, la résistance s'organise à l'extérieur et à l'intérieur de Poudlard.


Disclaimer : je ne possède bien entendu aucun droit sur les personnages, les lieux et les situations créés par J. K. Rowling.


Nota bene : Il s'agit de la troisième partie d'une trilogie. Je conseille fortement de lire les deux volets précédents pour comprendre quelle a été l'orientation prise et vous familiariser avec les personnages.

Je m'éloigne de plus en plus de l'intrigue nouée dans Les Reliques de la mort. J'avais déjà pris des (grosses) libertés, mais dans cette troisième partie, les différences seront assez grandes.

Cette dernière partie est plus longue que les deux premières, tout simplement parce qu'elle ne se limite pas au monde de Poudlard. J'espère que vous aurez plaisir à la lire et, si vous avez des remarques, n'hésitez pas à commenter : je réponds toujours.


Chapitre 1

L'apparition l'avait pris complètement par surprise et il s'effondra d'une masse sur l'élégant dallage losangé noir et blanc en poussant un gémissement dont il n'était pas sûr qu'il était provoqué par la nausée qui menaçait de le submerger, ou par la douleur épouvantable qu'il ressentait dans l'épaule, laquelle venait d'entrer de plein fouet en contact avec le sol.

Pendant un bref instant, il se demanda s'il n'allait pas perdre conscience, mais ce bonheur lui fut refusé et il dut faire face à la souffrance et réunir quelques forces pour réussir à soulever le haut de son corps en respirant avec difficulté. Le sol était froid et ses mains étaient poisseuses de sang. Le sien. Severus Snape s'accorda le luxe de prendre quelques secondes pour vérifier son bouclier d'Occlumencie et l'utiliser afin éloigner la douleur, puis leva les yeux derrière le rideau de cheveux noirs emmêlés qui lui retombait sur le front. Il était dans un vestibule qu'il reconnut, même dans son état et dans cette perspective inusitée, pour être celui du manoir des Malefoy. Il y était venu avec suffisamment de régularité depuis ses dix-sept ans pour reconnaître sans hésitation les murs blancs agrémentés de fines moulures, l'escalier à l'élégante rambarde de fer forgé montant vers les étages en longeant la paroi et le dallage noir et blanc d'une propreté irréprochable. Plus maintenant, songea-t-il, presque ennuyé d'avoir souillé cette marque d'apparat des Malefoy.

Luttant pour ne pas montrer sa faiblesse plus que nécessaire, il parvint à s'assoir et finit par rencontrer le regard fixe et apeuré de Drago Malefoy dont il ne savait pas s'il était horrifié de sa blessure ou bien de ce qui s'était passé auparavant. Un peu en arrière, une femme mince, vêtue avec élégance et maquillée avec discrétion sortit avec précipitation de ce qu'il savait être le petit salon. Le bruit des talons claquant sur le sol de pierre s'arrêta lorsque Narcissa Malefoy, prenant en un coup d'œil la mesure de la situation, frappa avec force dans ses mains.

L'espion se mit sur ses pieds en titubant légèrement et s'assura que personne d'autre que Narcissa et son fils n'était à proximité. Pas le moindre signe de Bellatrix. Il savait que les deux sœurs ne s'aimaient guère, mais il préférait être sûr : après tout, la femme de Lucius avait tout de même renoué avec la Mangemorte moins d'un an auparavant pour lui extorquer un Serment inviolable qui l'avait conduit… , justement.

« Berky, conduis Maître Snape dans l'antichambre jaune et occupe-toi de ses blessures. »

L'Elfe s'inclina d'un mouvement énergique du buste et passa respectueusement devant l'homme blessé, tandis qu'une porte s'ouvrait sur la gauche.

« Drago, un repas léger a été servi…

-Je n'ai pas faim, mère, répondit le jeune homme d'une voix lasse.

-Mange quand même, après, tu pourras aller te reposer. »

Sans doute mu par l'habitude et ayant probablement senti que sa mère ne céderait pas, le Slytherin se mit en marche. Le bruit de ses pas résonnant sur la pierre s'estompa, puis disparut complètement, étouffé par les portes qui s'étaient refermées derrière Severus Snape.

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A l'abri dans une petite pièce tapissée de soieries jaunes à légers motifs damassés, derrière des portes et des volets clos, l'espion se laissa aller quelques minutes, profitant d'une relative solitude et intimité avant de devoir reprendre en main le cours des opérations.

L'Elfe lui avait proposé de s'assoir sur une fragile chaise de bois sculpté, avec une politesse exquise tout juste gâchée par une syntaxe grammaticale à faire hurler un enfant de trois ans. La blessure était profonde et douloureuse et il avait apparemment perdu beaucoup de sang. Il n'avait pas cherché à masquer son inconfort quand l'Elfe avait délicatement ôté sa veste et sa chemise. Ses habits étaient fichus, mais il avait insisté pour les réparer assez grossièrement en attendant de pouvoir se changer. Il était en effet hors de question qu'il se laisse affubler de vêtements appartenant à Lucius. Le sang disparaissait sur le tissu noir mais l'étoffe grattait et craquait après avoir été hâtivement séchée. Les Malefoy disposaient d'un petit assortiment de potions et remèdes et Snape avait contrôlé la pommade que l'Elfe avait été quérir après avoir nettoyé les plaies, soulagé de constater que ses hôtes se fournissaient dans une officine sérieuse et digne de confiance. Bien sûr, il faudrait qu'il traite au plus tôt tout cela avec de l'essence de Dictame : la pommade ne permettait qu'une cicatrisation superficielle, lente, et n'empêcherait pas les cicatrices. Seule la Dictame permettait une guérison rapide et une atténuation des séquelles. Non qu'il fut particulièrement fier de son apparence… mais il était inutile de souffrir le martyre et de commencer à ressembler à Greyback après une virée dans les bois.

Snape acheva maladroitement de boutonner le col de sa veste, mais décida de ne pas passer son manteau et commença à réfléchir sur ce qu'il importait de faire comprendre à Narcissa et surtout, sur le meilleur moyen de lui faire entendre la situation et son rôle dans ce qui risquait de se passer dans les heures à venir. L'espion se leva rapidement de sa chaise, se dirigea vers une grande baie vitrée, fixant son reflet dans les vitres obscurcies par les volets tirés, et attendit, les bras croisés, attentif à donner de lui l'image que tous connaissaient : celle d'un homme imperturbable et sûr de lui.

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« Maîtresse Malefoy.

-Laisse-nous, Berky. »

L'Elfe s'inclina profondément avant de disparaître avec un très léger « pop ! ». Même les Elfes des Malefoy semblaient avoir un sens inné de l'élégance… Severus Snape ne bougea pas, mais préféra observer quelques instants le reflet un peu brouillé de son hôtesse. Il était difficile d'en juger avec une femme dont l'éducation l'avait entrainée dès son plus jeune âge à donner une fausse image de courtoisie et d'affabilité en toutes circonstances. Narcissa Black avait toujours été le vivant contraste de sa sœur : froide et posée quand Bellatrix était hyperactive et incapable de maîtriser ses sautes d'humeur. Le masque n'avait pourtant glissé qu'une seule fois au cours d'une vingtaine d'années de fréquentation, quand elle était venue implorer son aide pour sauver son fils. Snape connaissait les convictions de Lucius Malefoy et son opportunisme, mais il était beaucoup moins certain de la loyauté de son épouse. Ce qu'il savait en revanche, c'est qu'une mère plaçait toujours la vie de ses enfants au-dessus de tout et, femme de Mangemort ou pas, Narcissa Malefoy n'échappait pas à la règle.

Snape se retourna et inclina la tête avec respect.

« Merci, Narcissa.

-Je t'en prie Severus. Tes blessures sont-elles…

-C'était douloureux, mais pas grave. Comment va Drago ? » demanda le Maître des Potions en coupant court à l'examen de son état de santé et orientant ainsi la conversation sur le sujet qui importait avant tout à la femme en face de lui et qui constituait aussi son seul moyen de pression.

Narcissa Malefoy joignit les mains et serra ses doigts en faisant jouer chaque articulation.

« Il est dans le petit salon. Il ne m'a rien dit pour l'instant… Elle reprit après avoir humecté ses lèvres : je voulais juste savoir comment tu allais, avant… »

Mais tu aurais très bien pu le demander à un Elfe, réfléchit Snape, les yeux mi-clos, examinant le visage de son interlocutrice et enregistrant les moindres petits signes qui trahissaient son inquiétude et son malaise. L'homme en noir croisa les bras et se mordit l'intérieur de la bouche quand ses plaies se tendirent et frottèrent le tissu de ses vêtements.

Les yeux verts de Narcissa eurent une petite lueur d'inquiétude, mais elle se força à dénouer ses mains avant que ses ongles n'aient réussi à percer la peau. Elle aurait préféré s'assoir et prétendre qu'il ne s'agissait que d'une conversation courtoise, mais Snape n'avait pas l'air disposé à se diriger vers le sofa. Malgré ses talons et ses quatre ans de plus, elle avait l'impression de se trouver dans la position inconfortable d'un enfant devant son professeur.

Elle n'avait pratiquement jamais parlé seul à seul avec Snape. Quand il était arrivé à Poudlard, elle avait à plusieurs reprises été prise de pitié pour l'enfant laid et à l'évidence malaimé, mais à chaque fois qu'elle avait pensé lui venir en aide, le garçon avait prouvé sa soif de vengeance et s'était un peu plus renfermé sur lui-même, et elle n'avait jamais mis ses bonnes résolutions en pratique, d'autant que Lucius avait vite compris l'intelligence du Slytherin et se l'était attaché, lui ouvrant les portes d'un petit cercle de Sang-purs aux intérêts peu recommandables. C'était toujours Lucius qui recevait Snape. Elle se contentait de faire bonne figure et bon accueil tandis que son mari menait, ou plus exactement suivait la conversation. Plus jeune, Sang-mêlé, pauvre et sans appui, c'était tout de même Snape qui menait le jeu. Lucius n'avait jamais été de taille à rivaliser avec le Maître des Potions, malgré les illusions qu'il entretenait encore. Narcissa, elle, n'avait pas d'illusions.

« Drago a tué Dumbledore ? »

La voix de la femme en face de lui n'était qu'un murmure, mais il parvenait quand même à y percevoir le doute. La belle Narcissa était-elle soulagée que son fils ne soit pas un assassin ? Pas encore, du moins…

« Drago a permis aux Mangemorts de pénétrer dans Poudlard et j'ai tué Dumbledore. »

Narcissa Malefoy soupira. Ah. Soulagée, donc. Les Malefoys n'aimaient pas se salir les mains. Les manières de Lucius avaient dû finir par déteindre sur sa femme…

« Mer… »

Le mot mourut sur ses lèvres avant qu'elle eut pu l'articuler complètement. Le visage de Snape avait beau être aussi inexpressif que d'habitude, il y avait comme une lueur dangereuse dans ses yeux et Narcissa ferma brusquement la bouche, luttant pour ne pas replier ses bras devant sa poitrine. Snape était de son côté, mais elle ne voulait pas montrer sa peur.

Snape serra la mâchoire et pinça encore un peu plus ses lèvres exsangues. Cette grande bourgeoise vêtue et maquillée comme pour assister à une tea-party, tellement sûre de sa beauté et de son argent avait voulu le remercier d'avoir assassiné le plus grand sorcier de son époque et de s'être sali les mains à la place de son trouillard de fils ? L'espion avait soudain envie de l'étrangler de ses mains, de sentir les os craquer. Il les haïssait tous : Mangemorts, Dumbledore et son Ordre du Phoenix, collègues, élèves… Snape, une fois n'était pas coutume, détourna les yeux et fixa un point du mur, sur la gauche.

« Il y a eu des témoins et il faut impérativement que nous mettions en place une stratégie pour répondre aux questions que ne manquera pas de nous poser le Seigneur des Ténèbres. »

Snape nota du coin de l'œil que son interlocutrice avait avalé un peu nerveusement sa salive. Bien, pensa-t-il avec mépris, il lui serait plus facile d'amener une femme effrayée à suivre ses ordres sans discuter. Il reprit :

« Quand je suis arrivé, Drago tenait plus ou moins en joue Dumbledore et contrait ses efforts pour le manipuler. Bellatrix mourrait d'envie de tenter un Avada Kedavra, mais je ne lui en ai pas donné le temps. Le serment a été rempli, Narcissa », siffla-t-il.

Narcissa Malefoy inclina la tête vers le sol.

« J'accepte tes arguments et je te délie de toute obligation à l'égard de ma famille », murmura la femme sans lever les yeux, quelques petites mèches de cheveux blonds vaporeux échappés de son chignon, encadrant son visage.

Snape inclina la tête à son tour. Narcissa Malefoy avait au moins tenu sa parole, c'était déjà une petite consolation, au sein de la misère noire dans laquelle il était plongé.

« Personne ne doit jamais savoir que nous avons passé ce serment. Bellatrix est impliquée et elle tiendra sa langue, tant qu'elle ne sentira pas le besoin de te nuire ou de nuire à son neveu. Veille donc à ne pas risquer sa colère.

-Bellatrix et moi n'avons pas pour habitude de nous voir très souvent, déclara avec une certaine sécheresse Narcissa.

-Préviens Drago qu'il doit se méfier d'elle à tout prix. Pour l'instant toutefois, il importe surtout qu'il retrouve son assurance et qu'il mente avec conviction. Interrogé, il n'aura qu'à m'accuser d'avoir agi trop tôt. Il faut qu'il soit convainquant, Narcissa, mais qu'il n'en fasse pas trop : il ne s'agirait pas qu'on le prenne au mot et qu'on lui confie une autre mission du même genre…

-Très bien.

-Quels que soient ses sentiments, quoi qu'il ressente, qu'il ait l'impression d'être brave ou lâche, il faut qu'il soit crédible. Il est un Mangemort. A partir de cette heure, je ne peux plus rien pour lui. »

Narcissa accusa le coup, puis releva la tête et tenta de croiser le regard de l'homme en noir qui n'interrompit pourtant pas sa contemplation des murs de la pièce.

« Quand crois-tu qu'il sera convoqué ?

-Très vite. »

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Narcissa referma doucement la grande porte à double battant derrière elle et avança avec lenteur vers la table, le bruit de ses talons étouffé par le tapis moelleux orné de bouquets de fleurs épanouies. Les candélabres étaient allumés et deux chandeliers éclairaient le plateau de la table de bois, peinte en gris pâle, comme le reste des boiseries de la pièce ovale et son haut plafond plat.

Son fils n'avait apparemment pas bougé, ni touché à la nourriture déposée devant lui. Les coudes posés sur la table, sa bouche cachée par ses doigts entrelacés, le jeune homme paraissait examiner le verre de cristal posé à quelques centimètres de son assiette de porcelaine. Malgré les efforts qu'il déployait pour copier les manières, le langage et le style de son père, Drago ressemblait surtout à sa mère. La femme observa avec un sourire les traits délicats, le nez fin, un peu petit pour un homme, ses cheveux, qui avaient la nuance de ceux de Lucius, mais le lustre et la finesse des siens. Peu de gens s'en souvenaient, car il y avait après tout vingt ans qu'elle avait épousé l'héritier des Malefoy, mais la blondeur de Narcissa était artificielle. Un choix aux multiples raisons, futiles comme le désir de choisir une couleur seyant mieux à son teint, plus profondes comme la volonté de devenir complètement une Malefoy et de ne plus rien partager avec sa sœur effrayante et dépravée.

Drago ne paraissait pas avoir été blessé, mais elle demanderait tout de même à Berky de contrôler son état. La mère et le fils n'avaient pas échangé grand-chose depuis près d'un an. Drago avait idolâtré son père et s'était joint aux Mangemorts dans un moment d'exaltation, par désir de vengeance. Inutile de chercher à le sonder à ce sujet, il n'y avait qu'à le regarder pour savoir qu'il regrettait ce choix. Narcissa, impuissante, n'avait pu que constater l'amaigrissement de son fils lorsqu'il était revenu à Pâques, son air fatigué et déprimé, et surtout ce silence inquiétant. Au début, le jeune homme n'avait pas souhaité lui parler, laissant pleinement paraître qu'il estimait que sa mère, en tant que femme et n'appartenant pas aux Mangemorts, n'avait pas à être mêlée à ses agissements. Narcissa avait supporté sans rien dire cette petite humiliation, mais elle avait agi de son côté, recourant à la seule personne capable de sauver son fils. La colère de son fils en découvrant l'existence de ce serment avait été terrible mais, petit à petit, son silence avait pris une autre qualité : celle de la peur. C'est ce silence-là qui effrayait encore Narcissa Malefoy.

« Je ne l'ai pas tué. »

La femme se rapprocha et posa doucement ses mains sur les épaules du jeune homme.

« J-je n'ai pas pu…

-Je sais, Drago. »

Drago Malefoy baissa la tête et crispa ses poings sur ses couverts. Il essaya de se maîtriser et de prendre la parole, mais les larmes commencèrent à couler et il ne put que renifler. Sa mère prit une chaise et s'assit à ses côtés, un bras lui entourant les épaules.

« Chut… Allez, Drago… Chut… »

La veille encore, le jeune homme aurait violemment repoussé toute tentative d'aide de sa mère, mais à présent, à l'abri des murs qui l'avaient vu grandir, sans témoins, il se laissa aller et posa sa tête sur la poitrine de sa mère sans chercher à dissimuler ses sanglots.

Narcissa se contenta de bercer légèrement son fils et de lui caresser les cheveux. Pouvait-on éprouver du bonheur à serrer quelqu'un dans ses bras dans des circonstances pareilles ? À quand remontait la dernière fois où Drago s'était laissé câliner comme un petit enfant ?

« Je n'ai pas pu le tuer, reprit le jeune homme au bout de plusieurs minutes en essuyant son nez sur mouchoir fripé qu'il tira de la poche de sa veste : le pire, c'est que je me sens… soulagé. Il eut un soupir et frissonna avant de tourner les yeux vers sa mère : maman ?

-Je comprends, Narcissa prit la main droite de son fils et la serra de toutes ses forces avant de poursuivre : ta mission a été accomplie, c'est l'essentiel. »

Drago secoua la tête :

« Il y avait du monde… Bellatrix n'arrêtait pas de me dire de le tuer, m-mais j-je ne pouvais pas ! J-je ne suis qu'un lâche !

-Ne dis jamais ça ! gronda Narcissa, avant de murmurer au creux de l'oreille du jeune homme : personne d'autre ne le saura, mais je suis heureuse que mon fils ne soit pas un assassin. »

Drago tourna la tête pour regarder sa mère dans les yeux, réalisant peut-être pour la première fois que le silence perpétuel de Narcissa Malefoy sur les activités et les fréquentations de son mari n'avait pas toujours été approbateur. Il finit par clore les paupières, sentant soudain la fatigue s'emparer de lui.

« Drago, écoute-moi, je t'en prie. »

L'adolescent rouvrit les yeux avec lenteur et regarda le visage de sa mère qui arborait une expression grave.

« Tout est affaire d'interprétation. Tu étais curieux d'entendre jusqu'au bout les arguments de Dumbledore. Snape est intervenu avec précipitation, c'est évident. Drago fronça les sourcils et ouvrit la bouche, mais Narcissa ne le laissa pas parler et déclara avec aplomb : c'est grâce à toi que cette mission a pu s'accomplir. Snape a cru bien faire, mais il est habitué à faire cavalier seul…

-Il y avait des combats, plus bas… des Aurors, je crois…

-Il fallait agir vite et Snape a pris la décision de tuer lui-même Dumbledore », appuya Narcissa sans quitter son fils des yeux.

Drago baissa la tête et lissa des doigts la nappe, traçant des motifs géométriques avec ses ongles. Il finit par reprendre la parole après avoir avalé sa salive :

« Snape… J'étais persuadé… Il l'a tué sans hésitation… Dumbledore le suppliait, maman… »

Narcissa serra de nouveau l'un des poignets de son fils et prit une profonde inspiration.

« Il a fait ce qui devait être fait.

-Je ne pourrais jamais être comme lui. Il chuchota : je regrette d'avoir…

-Tu n'as rien à te reprocher, Drago. La mission que t'a confiée le Seigneur des Ténèbres a été menée à bien, répéta sa mère.

-Que va-t-il se passer, maintenant ? » demanda l'adolescent d'une voix mal assurée où perçait la peur.

Narcissa garda son calme et fixa les yeux gris-bleus de son fils, si semblables à ceux de Lucius.

« Nous attendrons. Tu as ta version des faits. Pour l'instant, j'aimerais que tu ailles un temps chez ton cousin, Theodore : il ne te refusera pas l'hospitalité. N'oublies pas non plus que tu as ta licence d'apparition, tes examens à préparer…

-Je ne peux pas retourner à Poudlard ! s'exclama Drago, les yeux exorbités.

-Et pourquoi pas ? Tu n'as pas tué Dumbledore.

-J'ai quitté Poudlard avec… avec… Drago ne parvint pas à nommer ses complices : je vais être exclu !

-Et par qui ? Poudlard n'a plus de directeur. Il ne sert à rien d'imaginer la suite des évènements tant que la situation ne s'est pas décantée, mais en l'absence de ton père tu es sous ma responsabilité, majorité ou pas, et j'estime que l'héritier des Malefoy doit achever ses études. Même le Seigneur des Ténèbres comprend la nécessité de se conformer aux anciennes traditions. »

Drago regarda sa mère avec ce qui semblait être une lueur d'espoir au fond de ses yeux et lui serra la main en retour. Il renifla légèrement et se leva avec lenteur, comme s'il avait peur que ses jambes n'arrivent pas à soutenir son poids. Son regard se porta sur la table et son assiette à laquelle il n'avait pas touché et il se contenta de secouer la tête, répondant à la question non formulée de sa mère. Il avait besoin de s'allonger, de fermer les yeux et de repenser calmement à tout ce qui s'était passé. Ces derniers mois il avait eu l'impression que Poudlard était sa prison et il avait suffi de quelques heures pour qu'il n'aspire plus qu'à y retourner s'y calfeutrer pour ne jamais en ressortir.