«Le dernier ennemi qui sera détruit, c'est la mort »

- 1er épître aux Corinthiens 15 v.26

Repris par J.K Rowling dans Harry Potter et les reliques de la mort


Relecture et correction : katoru87

Notes : Ceci est donc un crossover. L'univers d'Hunger Games dans lequel évoluent les personnages de Torchwood. Notez qu'aucun personnage n'est inventé ici. Ils proviennent tous d'un des deux univers. Lorsqu'un nom ne vous dit rien, cherchez-le sur google, ça vous rappellera des souvenirs !

Il est fortement conseillé d'avoir lu les trois tomes d'Hunger Games. Au minimum d'avoir vu les deux films, sinon bonjour les spoilers. Pour ce qui est de Torchwood, c'est carrément mieux si vous avez vu la série mais je pense que l'histoire est compréhensible sans. Aucun spoiler sur Torchwood.

Bonne lecture !


PARTIE 1


Publiée le 16 septembre 2014

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La plupart des gens méprisaient Toshiko Sato. C'était un constat que Gray avait fait depuis longtemps. Cette jeune femme était un bien étrange personnage : timide à l'excès, elle était complètement incapable de se conformer aux us et convenances strictes du Capitole qui exigeaient de l'exubérance en toute occasion. Cela lui valait le mépris généralisé de ses pairs et une position hiérarchique bien en-dessous de ses capacités. Pourtant, elle était absolument brillante. Il suffisait de réussir à passer la barrière de sa réserve et de discuter avec elle pour s'en rendre compte.

Sauf que la quasi-totalité des gens ne prenait pas la peine de discuter avec Toshiko. Gray, si. Fidèle à la ligne de conduite stricte qu'il s'était fixé depuis son arrivée dans cette jungle, 5 ans plus tôt, Gray ne négligeait personne. Jamais. Et ce n'était pas par bonté d'âme. Bien au contraire, c'était par peur. Gray avait peur. Tout le temps. A plusieurs reprises, il lui avait semblé que la douce Toshiko l'avait perçu. Mais ce n'était pas grave parce qu'elle était de son côté. Tout le monde la croyait complètement à côté de la plaque, alors qu'elle était peut-être la seule ici à avoir été assez sensible pour percevoir ce que Gray cachait soigneusement sous la surface.

Enfin, c'était ainsi que Gray interprétait son comportement. Parce que malgré tout, avec la jeune femme c'était toujours un peu difficile d'être sûr.

En ce matin-là, le matin de cet horrible jour qui revenait chaque année, de ce jour où le malaise poursuivait Gray avec tellement de force qu'il avait l'impression de passer la journée à se retenir de vomir, Toshiko lui avait finalement prouvé combien elle le comprenait. Et ce par le biais d'un simple papier, plié en quatre, que Gray avait trouvé sur son bureau en arrivant.

« J'ai trouvé cette phrase dans les archives, écrivait-elle. D'après ce que j'en sais, elle est d'un penseur très ancien. Je me suis dis que nul ne pourrait la comprendre mieux que toi :

"On a deux vies. La deuxième commence le jour où on se rend compte qu'on en a qu'une."

T.S. »

L'estomac de Gray s'était serré plus encore. Sa gorge s'était nouée. Aujourd'hui, c'était le jour maudit de la Moisson. Il y avait 7 ans de cela, par une journée exactement similaire à celle-ci, sa deuxième vie avait commencé. Et alors qu'au cours de la journée, tout le monde allait lui taper dans le dos en claironnant : « Joyeux Hunger Games ! », Gray serrerait les dents, comme d'habitude, mais aurait au moins la consolation de savoir qu'ici, au Capitole, il n'était pas totalement seul.

D'ici une heure où deux, la Moisson aurait lieu dans le district 10. Celui dans lequel il était né et où résidait toujours son frère, Jack.

Lorsque la presse parlait des frères Harkness, ils étaient toujours décrits comme le symbole même de la chaleureuse entente fraternelle. Mais les journalistes étaient en deçà, bien en deçà de la réalité. La vérité, c'était que tout ce que faisait Gray, il le faisait pour Jack. Sa vie entière était orientée vers un but, soigneusement caché mais jamais perdu de vue : protéger Jack. Il était venu au Capitole pour Jack, s'y était tissé un étroit réseau de relations pour Jack, y restait uniquement pour Jack.

Alors que son frère se morfondait et luttait contre la dépression au Dix et que Gray n'avait qu'une envie : celle de le rejoindre, il restait au Capitole et assurait les arrières de Jack. Sa brillante carrière de chercheur, la pléthore d'amis qu'il s'était fait ici, l'admiration de ses pairs pour son intelligence et son aisance l'indifféraient totalement. La seule chose qui comptait était Jack.

Comment la quasi-totalité de ses relations pouvaient-elles ignorer cet état de fait ? Oh, ce n'était pas bien difficile. Au Capitole, l'individualisme, pour ne pas dire l'égoïsme, était poussé à l'extrême. On n'avait pas d'amis, juste des relations. On n'avait pas d'amoureux, juste des amants. On n'avait de famille que si elle pouvait s'avérer utile. Pour les habitants du Capitole, tout ce qui ne touchait pas à la satisfaction immédiate de l'ambition ou des plaisirs strictement personnels était totalement vain. Cet endroit était comme une immense fourmilière faite de gens creux, arrivistes et narcissiques.

Gray étant né dans le District 10, il n'était pas destiné à vivre parmi eux. Sauf qu'il y avait exactement sept ans de cela, alors qu'il n'était encore qu'un jeune adolescent, son nom avait été tiré au sort parmi des centaines d'autres, faisant de lui un tribut pour les soixantième Hunger Games.

Et cette chère Toshiko avait raison, bien sûr. En cet instant-même, pendant ces secondes qui avaient suivi le « Gray Harkness ! » raisonnant dans le silence comme une sentence, le jeune garçon qu'il était avait pris conscience avec une acuité intense et douloureuse de l'imminence de sa mort.

On dit de beaucoup d'enfants qu'ils sont intelligents, souvent pour faire plaisir à leurs parents, comme s'ils étaient pour quelque chose dans cette heureuse réunion de chromosomes. Mais Gray était l'un de ces rares enfants à propos de qui il s'agissait de la vérité. Il était extrêmement intelligent. Il n'en tirait aucune fierté. C'était un état de fait, voilà tout. Il possédait une clarté d'esprit, une clairvoyance, une capacité à faire les connexions les plus complexes qui faisaient très probablement de lui l'être le plus intelligent de son district.

Pourtant dans le district 10, spécialisé dans l'élevage du bétail, un tel cerveau n'était pas un don du ciel. C'était plutôt une malédiction. On n'avait pas besoin que vous soyiez brillant dans le Dix. Même être malin était déjà trop. On préférait que les habitants soient comme le bétail dont ils avaient la charge : bêtes et disciplinés. Gray faisaient un peu peur à ses camarades. Il en savait trop. Ses enseignants ne le portaient pas aux nues. Cet enfant avait plutôt le don de les complexer. Ses parents étaient peut-être les seuls à ne s'être rendu compte de rien. Notables dans le district, proches du maire, ils passaient la quasi-totalité de leur temps à jouer les mondains. Certes, il s'agissait de mondanités à l'échelle d'un district de bordure… Mais quand même.

Gray n'avait donc au monde que son frère. Jack et lui étaient inséparables et se vouaient une affection sans borne. Déjà à cette époque, Gray aurait fait n'importe quoi pour Jack. Absolument n'importe quoi.

L'intelligence de Gray, Jack l'avait remarquée, bien sûr. Il l'encourageait à la cultiver, persuadé qu'ensemble ils pourraient faire de grandes choses.

Et en cet instant maudit, Gray n'avait même pas eu le temps de se dire qu'il n'y aurait jamais de « ensemble » finalement. Il avait juste eu le temps de penser « je vais mourir », ce qu'il avait déjà accepté comme un fait irrémédiable. Son nom avait été prononcé depuis moins d'une seconde, il ne s'était même pas encore avancé vers l'estrade mais à ses yeux il était déjà mort. Pourtant avant même que ses petits camarades ne se mettent à le pousser pour sortir du rang, une voix forte et décidée s'était élevée derrière lui :

- Je suis volontaire !

Tout le corps de Gray s'était alors figé de terreur, puis il s'était retourné pour voir son frère, le visage fermé, la tête haute, s'avancer d'un pas résolu vers l'estrade. Plus tard, en visionnant les images de la scène, Gray s'apercevrait que tout le monde avait regardé Jack passer avec le même air d'ébahissement complet. Et pour cause, en soixante ans, il avait été le tout premier volontaire du district 10. Mais en cet instant, l'enfant qu'était encore Gray regardait le seul élément stable de sa vie, la seule source d'amour et d'affection qu'il avait jamais connue, s'avancer vers la mort à sa place. Et au lieu de commander à ses yeux de pleurer, son satané cerveau s'était mis à calculer des probabilités. Pendant que Bridget Spears, la sinistre hôtesse du district 10, demandait à Jack son nom et son âge, Gray avait arrêté un chiffre : 20%. C'était le pourcentage de chance qu'il avait donné à son frère de revenir en vie.

Une sueur froide s'était écoulée dans son dos et ses mains s'étaient mises à trembler. Il sentait l'hystérie commencer à monter en lui. Jack… Jack… Pitié, non ! Pourtant, pour un regard extérieur, il était resté parfaitement calme et maître de lui. Il luttait contre les images horrifiques de précédents jeux qui tentaient de s'imposer à lui lorsque Spears avait à nouveau prononcé son nom. Elle était apparemment parvenue à faire la connexion entre eux et à comprendre les raisons du soudain volontariat de Jack. Gray avait donc été invité à venir les rejoindre. Maintenant.

Ses camarades s'étaient finalement mis à le pousser vers l'espace vide entre les rangées de filles et de garçons alignés devant l'estrade. Titubant, Gray avait remonté l'allée et était monté par le côté gauche de l'estrade où se tenaient Jack, Bridget Spears et Carys Fletcher, la jeune fille dont le nom avait été tiré au sort juste avant celui de Gray.

Dès qu'il avait pu, Gray avait ancré son regard à celui de Jack. Pas un mot n'avait été prononcé entre les deux frères mais leurs yeux avaient parlé pour eux. Calmement – alors qu'il n'avait qu'une envie, celle de courir se jeter dans ses bras – Gray avait rejoint Jack qui l'avait entouré d'une étreinte fraternelle. Plus rien au monde n'existait alors pour le jeune garçon que les bras rassurants de son grand frère qu'il ne reverrait sûrement plus jamais.

Bien trop vite, leurs parents les avaient rejoints et leur mère les avaient noyés sous son habituel flot de jacassements inutiles, faits d'un mélange de plaintes et de conseils ridicules. Personne n'en écoutait un traître mot. Leur père essayait de couvrir la voix de crécelle de sa femme pour dire à son fils de s'efforcer de leur faire honneur. Et Gray et Jack les ignoraient totalement, continuant simplement de se regarder.

La seule phrase que Jack avait prononcée avant d'être poussé dans le train qui l'emmenait vers la cruauté du Capitole, était évidemment pour son petit frère :

- Je suis désolé.

Leur mère en était restée bouche-bée, ce qui était en soit un exploit. Mais bien sûr, Gray, lui, avait compris. Il savait que juste après le tirage, alors que lui-même s'était laissé emplir de la certitude de sa mort imminente, Jack avait, en quelques secondes, pris une décision. Qu'est-ce qui était pire ? Être envoyé dans une arène avec 23 de ses semblables pour une lutte à mort ou REGARDER la personne que vous aimez le plus au monde y être jetée ? Jack avait choisi. Et agit en conséquence. Ne laissant que la seconde alternative – la pire donc, à ses yeux – à Gray.

- Gagne, lui avait simplement répondu celui-ci.

Jack avait souri et hoché la tête. Ça aurait pu être la dernière fois que Gray le voyait en chair et en os. Mais Dieu merci, parfois, et contre toute probabilité, le sort vous est vraiment favorable.


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Merci à tous ceux qui ont pris ou prendrons le temps de me lire. On se retrouve dans la traditionnelle discussion post-review pour ceux qui veulent :) !