Je ne désobéirai plus aux ordres des adultes.
Cho serra le poing sur son bureau, grinçant des dents en sentant la douleur chauffer alors que les mots se gravaient dans sa peau.
Elle entendait, tout autour d'elle, ses amis soupirer, souffler et jurer à voix basse, les plumes crissant sur les parchemins leur infligeant autant de douleur que la sienne lui faisait ressentir. Cho n'avait pas osé lever les yeux depuis le début de la retenue, de peur de voir de l'accusation dans les yeux de Fred, de Katie, de Harry.
Parce qu'elle avait l'impression que tout ça était de sa faute. Qu'elle seule méritait cette punition infernale. Harry et Hermione lui avaient assuré qu'elle n'avait pas à s'en vouloir ; après tout, comment aurait-elle pu deviner que Marietta les trahirait tous comme ça ? Mais Cho culpabilisait toujours, car c'était elle qui avait été la cause – indirecte, certes, mais la cause quand même – de ce qui leur arrivait en ce moment.
Une petite toux aiguë reconnaissable entre mille se fit entendre à l'avant de la Grande Salle, tirant la jeune Serdaigle de ses pensées et lui faisant lever les yeux de son parchemin, où brunissaient déjà les derniers mots écrits.
Elle plissa les yeux. Si elle était la cause indirecte, c'était celle qui les regardait en ce moment avec un sourire mielleux, ses grosses mains croisées devant sa poitrine, qui en était la cause directe.
Un frisson de dégoût parcourut l'échine de Cho.
Je ne désobéirai plus aux ordres des adultes.
Luna tirait la langue en écrivant, se concentrant sur les mots qu'elle couchait sur le parchemin plutôt que sur ceux qui se couchaient sur le dos de sa main.
« Les ordres des adultes ». Quels adultes ? Ceux qui les malmenaient, leur cachaient la vérité, les traitaient perpétuellement comme des enfants idiots ? C'était vraiment à ceux-là qu'il fallait obéir ?
Des fois, elle croyait que tout le monde autour d'elle avait été infesté par des Joncheruines. Les adultes, particulièrement ; les Joncheruines n'aimaient pas les esprits des enfants, trop ouverts pour eux. Mais ceux des adultes, plus ils étaient fermés, mieux c'était. Et ces temps-ci, des esprits fermés chez les adultes, il y en avait légion. Il ne devait pas y avoir un seul Joncheruine sans toit à des lieues à la ronde.
Une toux haut perchée attira l'attention de Luna vers l'avant de la Grande Salle. Elle croisa le regard triomphal de la professeure, et le sourire qu'arborait déjà cette dernière s'élargit. La jeune fille n'y réagit pas et baissa à nouveau les yeux vers son parchemin, ses longs cheveux blonds tombant comme une voile contre sa joue.
Si c'était des adultes comme elle qu'il fallait écouter et à qui il fallait obéir, Luna prédisait un avenir très sombre.
Elle sentit un frisson de crainte la traverser.
Je ne désobéirai plus aux ordres des adultes.
Michael aplatit sa main avec force sur la table, tentant en vain de trouver une position qui lui serait moins douloureuse.
Surpris par le claquement sec et soudain, plusieurs étudiants sursautèrent et se tournèrent vers le jeune homme. Celui-ci leur envoya un sourire – une grimace – et ils eurent tôt fait de retourner à leur propre copie. Plus vite ils s'y mettaient, plus vite ils auraient terminé, n'est-ce pas ?
Tous sauf un. Michael n'eut qu'à chercher quelques secondes avant de rencontrer le regard noisette de Ginny, assise dans la rangée à sa droite, sa main ensanglantée crispée à côté d'elle. Mais il ne voyait aucune douleur dans les yeux de sa copine, aucune peur ; que du courage et de la défiance.
Quand Ginny lui avait parlé de l'AD, il n'avait pas été enthousiaste. Il avait assisté à la rencontre à Pré-au-Lard sans croire la moitié de ce que leur disait Harry, avait signé la feuille d'inscription que pour lui faire plaisir, s'était rendu à la première rencontre secrète en traînant les pieds.
Mais en six mois, son avis avait changé du tout au tout. Il croyait Harry maintenant, et lui était infiniment reconnaissant de leur apprendre tout ce qu'il savait. Car la guerre approchait ; de ça, Michael n'en avait plus aucun doute.
De l'avant de la Grande Salle, une toux aiguë se fit entendre, et Ginny fit aussitôt volte-face. Michael lança un regard plein de haine à celle qui le toisait, un sourire doucereux sur les lèvres et ses mains potelées croisées devant elle.
Quand la guerre arriverait, il aurait à se battre contre des gens comme ça. Et ça serait avec plaisir.
Un frisson d'anticipation lui fit trembler les mains.
Je ne désobéirai plus aux ordres des adultes.
Dolores Ombrage lut pour la énième fois de la matinée la phrase qu'elle avait inscrite avec soin au tableau derrière elle, celle que les enfants recopiaient en ce moment même, et se frotta les mains avec satisfaction.
Oui, car tous ceux qu'elle avait sous les yeux n'étaient que des petits chenapans qui ne savaient pas ce qui était bon pour eux. Apprendre à se battre, croire que Vous-Savez-Qui était de retour, et puis quoi encore ? Visiblement, toutes les retenues que Potter avait eues avec elle n'avaient servi à rien : il avait réussi à corrompre des dizaines d'autres élèves.
Ce n'était rien, se disait Dolores. Elle avait repéré le problème, était en train de le tuer dans l'œuf. Jamais ils n'oublieraient cette punition, jamais plus ils n'ignoreraient la leçon. Les adultes en savaient toujours plus que les enfants. Leur désobéir ne pouvait qu'avoir des retombées négatives, il fallait qu'ils l'apprennent avant que les conséquences ne soient trop graves.
Fudge serait fier d'elle.
Avec un petit sourire, les mains croisées sur sa poitrine, elle laissa son regard vagabonder sur toutes ces jeunes têtes penchées sur leurs parchemins.
Ici, la plume de la petite Asiatique ne bougeait plus.
Là, la blonde avait le regard perdu dans le vague.
Plus loin, la rousse ne faisait même plus face à son bureau.
Dolores toussa discrètement quelques fois pour rétablir l'ordre. Plusieurs élèves levèrent vers elle des yeux remplis de défi, de dégoût, de haine. Et de douleur, aussi.
Le frisson de plaisir qui la parcourut ne fit qu'élargir son sourire.
