Disclaimer : Kaamelott est la propriété d'Alexandre Astier.

Silentio

Arthur, roi de Bretagne, détestait pas mal de chose : la fête de l'hiver de Tintagel, l'incompétence de ses chevaliers, les repas avec sa belle-famille...

Mais si il y avait bien une chose dont il avait une sainte horreur, c'était les exécutions. Il avait bien essayé d'abolir la peine de mort dans son royaume, de la remplacer par d'autres condamnations. Personne – ou presque – n'avait adhéré à ses idées, alors il avait dû renoncer.

En attendant qu'on le suive dans ses principes, il se débrouillait pour condamner à mort le moins souvent possible.

Néanmoins parfois le coupable était allé trop loin pour être défendu et la moindre clémence à son égard c'était risquer un soulèvement populaire.

Il soupira et descendit au cachot, sa torche projetant une lumière orangée dans la cage d'escalier.

Trois personnes étaient déjà à l'attendre : le père Blaise, Léodagan, roi de Carmélide, et le bourreau.

Le premier était là pour réciter des prières, le deuxième parce qu'il avait une fascination morbide pour les exécutions (Arthur ne voyait pas d'autres explications au fait que son beau-père était présent à toutes les mises à mort), et le troisième car il fallait bien que quelqu'un se salisse les mains.

-Vous voilà enfin, déclara Léodagan d'une voix bourrue.

Et Arthur dut se forcer à ne pas répondre, déclencher les hostilités n'aurait fait que retarder l'exécution, et il voulait en être débarrassé le plus vite possible. Au lieu de répondre il s'approcha de la cellule et ne put s'empêcher de regarder à l'intérieur.

Dans le fond se trouvait une vieille femme, son visage marqué par le temps était en parti caché par un enchevêtrement de cheveux gris et un long manteau – maintes fois recousus – rendait son corps plus petit qu'il ne l'était déjà.

La bouche édentée s'ouvrit et une langue passa sur les lèvres sèches et craquelées.

-Donc le roi en personne est là pour voir mourir la pauvre petite vieille que je suis, j'en suis flattée.

Le souverain du royaume de Logres fit signe au bourreau qui attendait ses ordres d'approcher et repensa aux événements qui l'avait conduit à devoir recourir à ses services pour s'occuper d'une femme âgée qui faisait la moitié de sa taille.

Arthur scruta l'orée des bois, persuadé d'avoir vu une ombre s'y mouvoir. Il fit un signe discret à Léodagan qui l'accompagnait et ils se séparèrent pour prendre la-dite ombre en tenaille. Les deux hommes fondirent en même temps sur la silhouette repérée, l'épée à la main.

Se rendant compte que la-dite silhouette n'était qu'un manteau accroché à une branche et secoué par le vent, ils pillèrent net pour éviter une bousculade qui aurait pu être dramatique.

Le roi de Carmélide tendit le bras pour se saisir du vêtement qu'un énième bourrasque venait d'agiter.

-Celui là non plus on le retrouvera pas, du moins pas vivant, prédit-il avec pessimisme.

Arthur, lui, voulait encore y croire, il voulait poursuivre les recherches, il leur restait peut-être une chance de retrouver le gamin, le quatrième qui disparaissait depuis le début de l'hiver.

-Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ?

-Il a sans doute été dévoré par les loups, comme les trois autres.

-Les loups ?

-Vous ne les avez pas entendu hurler ?

Oh que si, et la Reine aussi, elle ne l'avait pas lâché de la nuit, son bras en portait encore les marques.

-Continuons à chercher encore un peu, décida-t-il en usant de son ton du roi pour couper court à toute discussion.

Mais c'était plus facile à dire qu'à faire, la nuit était presque entièrement tombée et un tapis de neige à moitié fondue freinait leur progression. Il ne se passa d'ailleurs pas cinq minutes avant que Léodagan ne se mettent à râler.

-Si on reste dehors avec un temps pareil c'est nos cadavres qu'ils vont devoir chercher.

Le roi de Logres savait bien que son beau-père avait raison, ce dernier était sanguinaire et sadique, pas idiot. Mais renoncer le rendait malade, renoncer c'était aller à l'encontre de ses principes.

-Arrêtons les recherches pour ce soir, je veux qu'une battue soit organisée demain dès l'aube.

Et sur ces paroles les deux hommes rebroussèrent chemin, direction le château.

Toutefois, le temps se détériora à une telle vitesse qu'ils furent contraints de chercher un abri où se réfugier en attendant qu'une accalmie les autorise à reprendre la route.

Ils aperçurent une petite masure isolée, si ils ne s'arrêtaient pas là, ils risquaient de ne pas trouver de planque potentielle avant un moment.

-Allons-y décida Arthur.

La perspective de se mettre à l'abri ne devait pas les rendre imprudents, alors ils prirent le temps de de faire le tour de la minuscule bâtisse avant de se présenter à la porte. Arthur y frappa deux coups, les lieux ayant l'air déserts il poussa prudemment la porte et fit signe à Léodagan de le suivre.

-Nous resterons là jusqu'à ce que la tempête se calme.

-Bien chef, répondit Léodagan avec un ton railleur que le roi de Bretagne préféra ignorer.

Malgré une apparence de prime abord misérable, la maison appartenait à quelqu'un de plutôt aisé comme pouvait en attester la présence de plusieurs pièces.

Les deux restèrent sur leur garde, les lieux étaient plutôt bien entretenus, signe que la maison devait être habitée et ses occupants pouvaient revenir d'un instant à l'autre.

Léodagan renifla et tira l'un des tabourets vers lui, il avait la possibilité de s'asseoir alors il n'allait pas s'en priver, et puis si ils devaient passer la nuit là, autant s'installer convenablement/

-Ne vous mettez pas trop à votre aise quand même.

-Je ne fais que m'asseoir, c'est interdit nul part que je sache.

-Je vous rappelle que cette maison appartient à quelqu'un.

-Et alors ? C'est pas comme si j'allais la faire tomber en ruine juste en posant mes fesses sur ce fichu tabouret.

Mais quel casse-pied celui-là, pensa le roi de Carmélide au sujet de son gendre, en temps normal c'était un mou et voilà que sans raison il avait un accès d'autorité mal placé.

Le gendre en question était occupé à surveiller par la fenêtre les flocons qui tombaient sur le sol gelé.

-Allez jeter un œil dans l'autre pièce, ordonna-t-il a son chevalier.

-Vous me faites tout un foin juste parce que je m'assois sur un tabouret et maintenant vous voulez que je fouille, rétorqua Léodagan, 's'avez qu'à y aller vous même.

Parfois Arthur Pendragon rêvait que ses hommes lui obéissaient sans discuter ses ordres, mais hélas ce n'était pas le cas et il fut obligé de hausser le ton.

-Je vous dis d'aller voir, alors vous y aller et c'est marre !

Léodagan était prêt à parier sa demeure en Carmélide que si Arthur n'y allait pas lui-même c'était parce que la pièce était plongée dans la pénombre et que le noir lui foutait les jetons.

Il se leva en prenant soin de balancer violemment le tabouret sous la table et en ronchonnant.

-C'est bon, c'est bon, j'y vais.

Léodagan ouvrit la porte et descendit les escaliers qui menaient à la cave. Il était persuadé de n'y trouver rien d'autre que des vivres et du bois et les premiers sacs en toiles qu'il ouvrit lui donnèrent raison, des graines, des graines et encore des graines.

Il ouvrit un pot en terre cuite, il contenait une poudre blanche, probablement du sel pour conserver la viande. Il y plongea un doigt et le porta à sa bouche.

Beurk ! C'était sans doute le sel le plus dégueulasse qu'il n'avait jamais goûté, il doutait même que ce soit du sel, mais qu'est-ce que cela pouvait être d'autre ?

Il continua son investigation, fouillant d'autres sacs et d'autres pots. Il ouvrit un sac supplémentaire et le laissa retomber aussitôt.

-Vous devriez venir voir ça !

La voix d'Arthur – étouffée par la porte qui s'était refermée -parvint jusqu'à ses oreilles.

-Je monte la garde je vous signale, j'ai pas que ça à faire de quitter mon poste.

-Non vraiment, vous devriez venir voir.

-Je vous dit que je monte la garde, si on se fait coincer tous les deux dans la cave on aura du mal à se défendre.

-Je crois que j'ai retrouvée les gamins ou du moins ce qu'il en reste.

Léodagan posa avec dégoût les yeux sur le sac qui contenait des restes humains et se racla la gorge avant de cracher sur le sol, il pouvait encore sentir la poudre blanche de tout à l'heure collée sur ses dents.

Le ton impatient de Léodagan tira le roi de Bretagne hors de sa rêverie, il cligna des yeux et s'éloigna des barreaux.

-Bon on va pas rester là cent-sept ans, j'ai pas que ça à faire.

Oui, il avait sans doute quelques serviteurs à terroriser, quelques catapultes – dont il faudra annuler l'achat en catastrophe – à commander.

Arthur se tourna vers le bourreau, un énergumène de presque deux mètres de haut et taillé comme une armoire en chêne massif.

-Tout est prêt ?

-Dans la salle prévue pour ça, nous attendions plus que vous sire.

Arthur assista à tout ce qui suivi en étant à moitié déconnecté de la réalité, le transport de la captive vers la pièce où sa vie devait s'achever, le rappel que la lutte contre la sorcellerie était l'une des missions de la table ronde, la récitation d'un prière par le père Blaise...

Ce fut seulement quand il entendit son nom prononcé par une voix chevrotante qu'il se rappela où il était.

Il accepta d'écouter les dernières revendications de la vieille femme qu'il n'avait pas pu laisser vivre, malgré son instinct qui lui disait de ne pas s'approcher d'avantage.

-A force de vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas, vous allez vous brûler, chuchota-t-elle.

-Est-ce une menace ?

-Un avertissement, ça serait dommage que vous perdiez quelque chose auquel vous tenez.

Arthur ne répondit rien, préférant donner le feu vert au bourreau. Il voulait vraiment en finir une bonne fois pour toute.

La vieille sorcière fut traîné jusqu'à la potence qu'on avait dressé là pour l'occasion, et une corde fut passée autour de son cou. Après quelques secondes qui semblèrent durer des heures, le bourreau renversa l'escabeau sur lequel la condamnée avait dû monter. Il y eu un craquement sinistre et le corps continua à se balancer au bout du cordage dans un mouvement macabre.

Léodagan fut le premier à réagir.

-Bon je vais faire cramer tout ça, demander à ce qu'on éparpille les cendres, puis aller manger un morceau.

-Comment pouvez-vous penser à manger après ça ? interrogea un père Blaise blême.

Arthur se demanda si lors des exécutions le père Blaise priait pour l'âme du condamné ou pour les leurs.

La journée qui suivit s'écoula comme toutes les autres avec ses engueulades, ses déceptions, ses absurdités, et le roi préféra se retirer dans sa chambre pour passer une soirée au calme.

Constatant qu'il était en train de s'affaisser dans son lit, Arthur se redressa brusquement, faisant ainsi sursauter Guenièvre qui était occupé à essayer de lire par dessus son épaule.

Bien fait pour elle, elle n'avait pas à lire par dessus son épaule.

Se dire qu'il n'était pas de mauvaises humeur serait revenu à se mentir à lui-même, il avait d'une humeur de dogue toute la journée.

Pourtant à en croire Guenièvre, l'idée de partir à la guerre le rendait d'humeur joyeuse, alors pourquoi était-il toujours énervé les jours d'exécutions ? Dans les deux cas, la conclusion était la même, il était responsable de la mort d'autrui...A moins que ce ne soit la menace qui le mettait dans cet état. Mais dans ce cas, qu'était-ce les autres fois ?

Arthur lança un regard agacé à son épouse.

-Vous allez arrêtez ça.

Elle le regarda d'un air mi-indigné mi interloquée.

-Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

-Vous regardez par dessus mon épaule, je déteste quand vous faites ça.

-Oh allez, de quoi ça parle ? Je peux peut-être aider ? demanda-t-elle avec un enthousiasme de petite fille.

Arthur laissa échapper un soupir.

-Il s'agit du plan militaire pour la prochaine bataille, ce sont des informations entièrement confidentielles, ça ne vous regarde pas.

-Je suis la reine quand même, je n'ai aucune raison de nuire au royaume, rétorqua Guenièvre en faisant la moue.

-Qu'est-ce que j'en sais moi, vous avez peut-être l'intention de tout laisser tomber et de partir vivre dans les bois ou de rejoindre le camp ennemi...Et puis de toute façon vous n'y comprendriez rien.

Arthur enfonça son bonnet de nuit sur ses oreilles, signe que la conversation était terminée, et se replongea dans son document, mais il n'arrivait pas à se concentrer dessus, son esprit volait dans tous les sens, virevoltait d'une pensée à l'autre.

Malgré tout, ça ne l'empêcha pas d'ignorer le pauvre hère venu frappé à sa porte en faisant semblant d'être plongé dans ses papiers.

Guenièvre le secoua timidement.

-Ça toque.

-Hein que...quoi ? feignit-il d'être surpris.

-C'est pour vous.

-Comment vous le savez ? Vous êtes devin maintenant ?

-C'est toujours pour vous.

-Vous avez dit vouloir m'aider, alors allez ouvrir.

-Parfois j'ai vraiment l'impression que vous me prenez pour une idiote.

Mais elle se leva tout de même et la porte s'ouvrit sur un Karadoc catastrophé.

-Sire ! C'est Perceval, il s'est effondré !

Arthur bondit sur ses pieds, puis se dit qu'il aurait du faire preuve d'un peu plus de retenu, mais bon c'était trop tard.

-Effondré ? Comment ça ?

-On était à la taverne et on s'apprêtait à partir quand il a perdu connaissance.

-Ah, il s'est évanouit vous voulez dire.

Karadoc fixa son roi sans répondre.

-Si, c'est ce que voulez dire, assura le-dit roi, bon il est où votre compère maintenant ?

-Perceval ? Bah à la taverne.

Arthur ne put s'empêcher de faire les gros yeux à son chevalier.

-De quoi ! Vous l'avez laissé là-bas ? Tout seul ?

-J'ai essayé de le porter mais il était trop lourd, se défendit Karadoc, Sire, il faut que vous m'aidiez à le ramener ici !


Pour une première histoire sur un nouveau fandom, j'aurais peut-être du commencer avec quelque chose de plus gentillet...