Extra

Jeune papa

- Si tu veux, on va dans le jardin et on brûle tes fringues.

Stiles tenta maladroitement un sourire, devinant que Scott tentait de le détendre un peu, mais lorsqu'il vit le sérieux et la culpabilité dans le regard de son ami, il comprit que ça n'était pas le cas et détourna les yeux. Un long frisson de dégoût le fit trembler malgré le temps qu'il avait passé sous la douche et il déglutit avant de demander Scott :

- Tu ne diras rien à mon père, d'accord ?

Immédiatement, son ami se braqua, choqué.

- Ouais mais, tenta-t-il maladroitement, Stiles je … enfin merde, quoi, et si ?

Et la panique quitta complètement Stiles, remplaée par une froide détermination. Non pas qu'il parvint à se convaincre que rien ne s'était passé, mais simplement que rien n'en résulterait. Il était trop jeune. Sa transformation était trop récente. Et il s'était nettoyé.

- Putain j'suis désolé, reprit Scott d'une petite voix, couinant presque. J'aurais dû !

- Rien du tout, le coupa Stiles en le regardant enfin dans les yeux. J'étais bourré, j'ai pas réfléchis, et t'es pas ma nounou d'accord ?

- Ton père va me tuer !

- Mon père ne te fera rien, parce qu'il ne saura rien !

- Mais Stiles et si !

Le choc lui coupa le souffle telle une gifle et Stiles sentit une nouvelle vague de panique le faire trembler, mais il la refoula. Sans foute trop tard, car le visage de Scott se tordit de colère lorsqu'il dit :

- Putain je l'ai vu en plus ce connard !

Le visage de Stiles se ferma de nouveau, douloureux, et il détourna le regard. Lui, il ne se souvenait de cet homme que de ses yeux, la texture de sa peau, et l'odeur de son corps. Il frissonna. Pria pour oublier. Pria pour qu'il ne se passe rien. Mais pria qui ? Sa mère.

Sans répondre, il retourna dans la salle de bain et attrapa ses vêtements, jetés en tas sur le sol. L'odeur qu'ils dégageaient lui fit venir un haut-le-cœur qu'il refoula. Scott comprit instantanément ce qu'il voulait faire et, sans dire un mot, se leva et le précéda dans la maison jusqu'au jardin. Dehors, l'air était frais et humide. Jetant les vêtements par terre, Stiles s'éloigna de trois pas et prit une grande inspiration dans l'espoir que l'air de la nuit lui fasse oublier cette odeur de loup.

- Je vais chercher de l'essence, déclara Scott en filant vers le garage accolé à la maison, et dans lequel se trouvait sa moto.

Il en ressortit bien vite avec, dans les mains, un petit bidon presque vide. Il l'ouvrit et vida prestement le contenu sur le tas de nippes avant d'y mettre rapidement le feu. Stiles, silencieux, immobile et crispé, fixant les flammes, les lèvres serrées. Si seulement tout était aussi simple que ça si seulement il lui était possible de mettre ainsi le feu à ses souvenirs, et tout oublier. Ils restèrent de longues minutes à regarder les vêtements flamber, tout en prenant garde à ce que le feu ne s'étende pas.

Et soudain, Stiles eut chaud. Il s'éloigna de deux ou trois pas, pensant que la chaleur des flammes étaient responsables, mais il réalisa très vite que cette brûlure qu'il ressentait venait de son propre corps. Plus précisément de l'intérieur de son ventre. Il hoqueta et la boule qui remonta dans sa gorge vint si brutalement qu'il fut incapable de déglutir et se mit à tousser. Il eut rapidement les larmes aux yeux. Et ça brûlait toujours dans son ventre. Impossible. Ce n'était son imagination. N'est-ce pas ?

- Je vais éteindre ! lança Scott en retournant dans la maison, croyant sans doute la fumée responsable de la crise de toux de son ami.

Il revint avec une bouteille d'eau dont il versa le contenu sur le brasier, qui eut vite fait de s'éteindre. Ne restait des vêtements de Stiles qu'un tas informe et noirci qui dégageait une terrible odeur.

- Je vais jeter tout ça, déclara Scott avec autorité.

Il avait manifestement décidé de prendre le contrôle des opérations et Stiles, qu'une terrible nausée assaillait, le laissa faire bien volontié. Il retourna dans la maison, monta à l'étage et s'engouffra de nouveau dans la salle de bain. Et il vomit douloureusement, se brûlant la gorge avec de la bile. Mais il n'avait pratiquement rien à rendre. Si ce n'est son mal-être.

Le temps que Scott revienne, Stiles était retourné dans la chambre pour s'assoir sur le lit et l'attendre en se triturant nerveusement les mains. La sensation de chaleur dans son ventre avait disparu, mais il en gardait le souvenir.

- Je te prête un pyjama, déclara Scott.

Stiles acquiesça d'un simple signe de tête puis s'en retourna dans la salle de bain une fois que son ami lui eut mis dans les mains un large tee-shirt. Avant que tout ceci n'arrive, avant sa transformation en androgynus, avant tous ces changements, Stiles n'aurait pas hésité à se retrouver en caleçon devant Scott, ou à se changer dans la même pièce que lui. Mais aujourd'hui, il en était hors de question.

Lorsqu'il ressortit, enfouit dans le tee-shirt comme s'il voulait y disparaître, Stiles laissa la place à son ami pour qu'il puisse se laver les dents et lui lança, debout dans la pièce :

- Tu devrais appeler mon père et lui dire que je dors chez toi.

Scott répondit par le silence mais, rien qu'en entendant le bruit qu'il faisait, Stiles devina son hésitation.

- T'auras qu'à inventer une histoire, reprit-il en se grattant nerveusement le crâne. Tu lui diras que … je me suis vomi dessus et j'étais trop bourré pour conduire.

- Ok, acquiesça finalement Scott, la bouche encombrée de sa brosse à dent.

Ils ne dirent rien de plus et se couchèrent tous deux dans le lit de Scott. Un instant, Stiles crut que sa proximité le mettrait mal à l'aise et l'empêcherait de dormir, mais ce fut tout le contraire : l'odeur de son ami, à laquelle il était si habitué, l'aida à se détendre.

Et, là encore contrairement à ce qu'il crut, il ne rêva pas. Cette nuit ne fut qu'un grand vide noir et glacial, dont il se réveilla le lendemain en sueur.

Le lendemain matin fut particulièrement gênant pour Stiles, qui évitant autant que possible de regarder son ami dans les yeux. Que pensait-il de lui maintenant ? Il devait certainement le voir comme un garçon facile, tellement faible qu'il avait été incapable de repousser un assaillant, aussi fort soit-il. Alors, suffoqué par la honte, le jeune androgynus ne dit pas un mot et fut incapable d'avaler quoi que ce soit. C'est en silence qu'il accepta les vêtements propres que Scott lui prêta et ce dernier, rongé par le remord, ne desserra pas non plus les dents.

C'était sa faute. Il savait Stiles fragile depuis sa transformation, et pas seulement mentalement, et il l'avait laissé seul. Seul à une fête étudiant, avec des dizaines de mâles alcoolisés. La colère le submergea si violemment qu'il eut brusquement envie d'attraper Stiles pour le secouer et lui hurler son indignation, lui demander pourquoi il ne se fâchait pas contre lui. Un mot de Stiles, une remontrance de sa part, et Scott était prêt à s'agenouiller à ses pieds pour lui demander pardon. Mais Stiles ne disait rien. Il s'entêtait dans son silence buté et douloureux, et quand il le regardait, Scott ne voyait que de la honte, pas de la colère, et il ne s'en sentait que plus misérable.

Ce fut toute la journée ainsi. Ils échangèrent bien quelques mots anodins mais rien qui concerne ce qu'il s'était passé la veille.

Au détour d'un couloir, dans l'après-midi, Stiles fut attiré par l'éclat d'une chevelure que certains qualifiaient de rousse. Alors que lui racontait à qui voulait bien l'entendre que c'était blond vénitien. Pendue aux lèvres de Jackson, Lydia rayonnait, comme à son habitude, et Stiles la trouva plus belle que jamais. Et son cœur se serra. Quand avait-il eu une chance avec elle ? Jamais. Non pas qu'il ne s'en soit pas douté, il n'était pas naïf à ce point-là, mais le caractère inéluctable de cette affirmation le fit trembler des pieds à la tête. Avant d'être androgynus, il était évident que Lydia ne le remarquerait jamais. Aujourd'hui, transformé, il devenait encore plus invisible qu'avant. Qui était-il maintenant pour elle ? Pour lui ? Pour tous les autres ? Pour Scott ? Un androgynus inconscient et naïf tout juste bon à se faire violer. Il sentit le bref repas de ce midi remonter dans sa gorge alors qu'un vertige lui faisait tourner la tête. Bousculant ses camarades, il courut aux toilettes pour y vomir le contenu de son estomac.

Puis, tremblant des pieds à la tête, il se laissa glisser au sol, s'adossa à la cloison et sentit des larmes brûlantes emplir ses yeux. Et il frappa les murs, le sol, la cuvette, avec ses poings et ses pieds, se mordant les lèvres jusqu'au sang pour ne pas crier.

Il fallait qu'il oublie ce qu'il s'était passé. Qu'il surmonte ça. Il serait plus fort que sa honte et sa colère, plus fort que son dégoût. Que pouvait-il bien arriver maintenant ? Seuls ses souvenirs étaient désormais capables de lui faire du mal, il était inutile qu'il s'inquiète pour quelque chose qui n'arriverait jamais. Jamais.

Reniflant, les jambes tremblantes, Stiles se releva et tira la chasse d'eau.

Lorsqu'il sortit des toilettes, il manqua percuter Scott qui l'attendait dans le couloir, l'expression inquète.

- Ça va ? lui demanda-t-il aussitôt.

Immédiatement, Stiles se braqua et, rajustant la bretelle de son sac sur son épaule, répondit durement en reprenant sa route :

- Ça va ! Arrête de me suivre !

Un peu plus de deux semaines s'écoulèrent ainsi, et plus les jours passaient, plus Scott s'inquiétait pour son ami. Bien qu'il s'évertuât à le lui montrer le moins possible.

Il lui arrivait, de plus en plus souvent, de surprendre Stiles les yeux dans le vide, en train de mâchonner son stylo ou bien de se ronger les ongles, le regard vague, battant une mesure inaudible de stress et d'inquiétude avec l'un de ses deux pieds, ou les deux. Sans compter qu'il était bien moins attentif en cours et répondait parfois agressivement à certains professeurs. Il était sur la défensive. Et ça, pour une femelle ou, comme son meilleur ami, pour un androgynus, cela signifiait simplement que son instinct cherchait à le protéger. Mais le protéger de quoi ? Qu'arrivait-il à Stiles ?

Lorsque Scott eut cette terrible intuition que son ami d'enfance, son presque frère, était en train de changer, il paniqua si vite et si fort qu'il en fit une crise d'asthme. Ce qui ne lui était plus arrivé depuis plusieurs semaines. Et si ce fichu loup ?!

Un instant, il tenta de trouver une solution pour pouvoir en parler à Stiles sans que ce dernier ne se braque, car, pour sa part, il était inconcevable de rester dans l'ignorance et le déni. Ils devaient savoir. Ils devaient découvrir si ce loup avait … s'il avait … ! Scott était incapable de le formuler, même en pensée. Mais à qui en parler, si Stiles se renfermait toujours plus dans sa coquille ?

Après presque deux autres semaines à réfléchir et se torturer ainsi, Scott n'eut d'autres choix que d'en parler à sa mère. Il rentra donc rapidement ce soir-là après les cours, afin d'être certain de la croiser avant qu'elle ne parte pour l'hôpital et il la trouva dans le vestibule en train d'enfiler ses chaussures.

- Ah ! lança-t-il un brin essoufflé. Maman !

- Tiens, tu rentres tôt aujourd'hui, lui sourit Mélissa en se redressant.

- Maman …

- J'ai mis ton repas dans le frigo, tu n'auras qu'à le faire réchauffer.

- … jusqu'à quel âge on a besoin …

- Mais tu le mets dans une assiette s'il te plait !

- … d'être accompagné de ses parents pour un avortement ?

- Ne mets pas cette boîte en plastique dans le micro-onde, tu sais que ! Quoi ?!

Le feu aux joues, Scott ne se souvenait pas d'avoir un jour été aussi gêné face à sa mère. Ou alors si, lorsque, l'année dernière, elle avait exigé qu'il lui parle d'Allison avant de se lancer dans un monologue ayant pour très gênant sujet : le sexe.

- Qu'est-ce que tu as dit ? lui demanda-t-elle avec cette expression bien à elle qui signifiait clairement qu'elle exigeait une réponse, mais que sa coopération ne lui épargnerait pas une douloureuse punition.

- Je, bégaya-t-il, j'ai …

Tout à coup, il réalisa à quel point c'était une mauvaise idée.

- C'est pas vrai ! éructa Mélissa. Tu as mis Allison enceinte !

- Maman ! s'offusqua Scott, les yeux exorbités.

- Combien de fois je t'ai dit pour les préservatifs ?! Combien de fois je t'ai dit de venir me demander si tu n'avais pas assez d'argent !

- Maman je ne suis plus avec Allison, rappelles-toi ! C'est Stiles !

Mélissa McCall se figea, la bouche grande ouverte. Cette réaction ne lui ressemblait tellement pas que son fils crut un instant qu'elle allait faire une crise d'apoplexie, là, dans le vestibule, à l'endroit où ils rangeaient les chaussures et les manteaux, et tomberait sur le paillasson poussiéreux et crotté de boue.

- Tu as mis Stiles enceint, souffla brusquement sa mère, le prenant complètement au dépourvu.

Au tour de Scott d'en rester muet d'effarement.

- Hein ?! rétorqua-t-il finalement. Quoi mais ?! Mais pas du tout ! Maman c'est mon frère, on ne ferait jamais ça !

- Tu m'as fait peur, idiot ! s'écria Mélissa avant de sourire de soulagement puis de le pointer du doigt. Mais tu sais, ça ne veut rien dire, à ton âge j'avais une amie, on était comme des sœurs toutes les deux, et ça ne nous a pas empêché de !

- Maman quelle horreur ! Je ne veux absolument pas parler de ça avec toi !

- Tant mieux mon chéri, parce que je ne savais vraiment pas comment j'allais te parler de ça. Allez, fais tes devoirs, et ne te couche pas trop tard.

Sur ces mots, elle déposa un baiser sur le front de son fils et sortit de la maison. Estomaqué, Scott ne chercha pas à la retenir. En même temps, il se voyait mal courir derrière sa mère en lui criant d'attendre, qu'elle avait mal compris, que Stiles avait été sexuellement agressé par un adulte et qu'ils avaient besoin de son aide. La porte se rouvrit brutalement, passa à quelques centimètres de son visage, et les yeux de sa mère se braquèrent dans les siens, alarmés.

- Oh mon Dieu, déclara Mélissa McCall avec une note de panique dans la voix. Stiles est enceint.

Scott ne parvint qu'à pauvrement acquiescer d'un signe de tête, avant de sentir, avec horreur, des larmes lui monter aux yeux. Depuis un mois que c'était arrivé, il n'avait pas craqué. Il avait veillé sur Stiles du coin de l'œil, il s'était interrogé, il s'en était terriblement voulu, mais rien n'avait transparu. Et là, face à sa mère, lorsqu'il sentit le soulagement vouter ses épauler, ce soulagement dû à l'idée que quelqu'un de plus compétent allait partager avec lui cette terrible responsabilité, il pleura.

Immédiatement, il sentit les bras doux, chauds et protecteurs de sa mère l'envelopper et il nicha son visage contre elle.

- C'est ma faute, déclara-t-il alors que ses larmes redoublaient. J'aurais pas dû le laisser seul, je l'ai laissé et …

- Ta faute ?! répliqua immédiatement Mélissa. Il me semble que Stiles est assez grand pour savoir ce qu'il fait.

- Non, il n'a pas eu le choix maman, cet homme … ce mâle il … il était … trop fort …

Mélissa ne répondit pas alors que la vérité faisait doucement jours dans son esprit. Et elle comprit tout ce que son fils souffrait, ce qu'il avait retenu dans son cœur.

- Je crois que tu as des choses à me dire Scott, dit-elle à son garçon avec douceur. On va s'assoir, et tu vas me raconter.

Elle ferma la porte derrière elle et emmena Scott dans le salon.

Quatre jours s'écoulèrent encore avant que Scott ne parvienne, à grand renfort de ruse et d'audace, à trainer Stiles chez lui. En fait, il se servit lâchement du prétexte du binôme de chimie qu'il formait pour un exposé pour le professeur Harris, qui avait la réputation d'un dragon croisé d'un pitbull et n'hésitait pas à punir à la moindre incartade. Stiles n'eut donc d'autre choix que d'accepter de le suivre même si, à voir la façon dont il fronçait les sourcils et trainait les pieds, il aurait préféré être ailleurs.

- Avec un peu de chance on aura vite fini, déclara Scott en ouvrant la porte de chez lui en se forçant à sourire.

Stiles ne lui répondit pas et le suivit à l'intérieur. Dès que Scott eut refermé derrière lui, Mélissa vint à leur rencontre depuis le salon avec un sourire rassurant aux lèvres. Un sourire de mère décidée à rassurer un enfant.

- Bonjour Stiles, dit-elle avec douceur.

- Bonjour, répondit le jeune homme en fronçant les sourcils, surpris.

Scott lui avait pourtant dit qu'ils seraient seuls et pourraient ainsi travailler tranquillement.

- J'aimerais te parler si tu veux bien, reprit la mère de son ami. Tu viens t'assoir ?

Immédiatement, Stiles devint blanc comme un linge et sentit une colère froide le submerger des pieds à la tête. Il se tourna vers Scott qui préférait regarder le sol d'un air penaud plutôt que d'affronter son regard. Un rien l'énervait en ce moment, il l'avait bien senti, et il se détestait quand il était comme ça, ce qui ne faisait que l'énerver davantage mais la réalité, c'est qu'il avait peur. Peur du changement qu'il sentait s'opérer en lui. Son corps était toujours le même, mais son instinct était plus affuté.

- Tu lui en as parlé ?! lança-t-il à Scott qui releva les yeux, un air de chien malheureux sur le visage.

- Stiles, s'il te plait, tenta Mélissa avec douceur.

- Pourquoi t'en as parlé ?! hurla encore Stiles en direction de son ami.

Mélissa posa, avec douceur, une main sur son bras afin qu'il se détourne de Scott et la regarde, mais ce simple contact fit venir une brusque panique dans l'esprit effrayé du garçon qui fit un bon en arrière et heurta, derrière lui, la porte fermée.

- Me touchez pas ! s'écria-t-il sans vraiment le vouloir. Laissez-moi …

- Stiles, tenta encore Mélissa. Calmes-toi. Oui, Scott m'a dit ce qu'il s'était passé, mais tu ne dois pas !

Sans attendre, Stiles ouvrit la porte avec violence et se rua à l'extérieur. Immédiatement, Scott et sa mère s'élancèrent pour tenter de le rattraper, mais la peur et l'angoisse donnèrent des ailes à l'androgynus qui, sans regarder, se lança sur la route pour tenter de leur échapper.

Un coup de klaxon lui vrilla les tympans et il se figea tel un lapin prit dans le faisceau des phares. Un cri s'éleva alors qu'il regardait venir droit vers lui un pick-up massif qui dérapait sur l'asphalte mouillé de la route tandis qu'il freinait. Il recula, effrayé, leva les bras puis s'emmêla les pieds et tomba en arrière. Il se ramassa douloureusement sur les fesses et ferma les yeux en attendant un choc terrible qui ne vint pas.

Des bruits de pas lui indiquèrent que quelqu'un approchait et il rouvrit les paupières. Le pare-chocs titanesque du pick-up ne se trouvait qu'à quelques centimètres de ses jambes et semblait le regarder droit dans les yeux. Malgré lui, il poussa un soupir de soulagement, mais dès qu'il tenta de reprendre sa respiration il sentit son souffle se bloquer dans sa gorge et sa poitrine devenir subitement minuscule.

Mélissa fut très vite sur lui et s'accroupit à sa hauteur.

- Tu vas bien ? lui demanda-t-elle, non sans une certaine note de panique dans la voix.

Stiles tenta bien de lui répondre, de lui demander si elle n'en avait pas d'autres des questions idiotes dans ce genre-là, mais sa voix semblait avoir tout bonnement disparue, bloquée dans sa gorge. Et, lentement, les bords de sa vision commencèrent à s'obscurcir alors qu'il tentait, de plus en plus vite, de respirer.

- Oh mon dieu ! lança une voix qu'il ne connaissait pas. Je suis désolée, il est arrivé très vite ! Il va bien ?

- Oui ça va, répondit Mélissa en forçant Stiles à se remettre debout. Merci, et excusez-nous.

- Mais !

Des milliers de petits points noirs commencèrent à flouer sa vision et il était pratiquement aveugle lorsqu'il sentit qu'on le forçait à s'assoir.

Quelques minutes plus tard, installé sur le canapé du salon de son ami, Stiles, un sachet de papier à la main, reprenait son souffle, les larmes aux yeux.

- Ce n'est rien, tenta Mélissa avec douceur pour le rassurer. Une petite crise de panique. Ça va mieux ?

- J'en sais rien, grommela Stiles en réponse.

Scott les rejoignit et déposa devant son meilleur ami, sur la table basse, un verre d'eau puis il resta debout, à la fois mal à l'aise et inquiet.

- Stiles, reprit Mélissa. Scott m'a parlé de ce qu'il t'est arrivé. Est-ce que tu es sûr …

Comprenant qu'elle serait la question, Stiles se sentit de nouveau mal et, prit d'une violente nausée, se pencha en avant en gémissant, les bras croisés au niveau du ventre. Mélissa lui caressa le dos en lui murmurant des mots rassurants, alors que Scott, de plus en plus inquiet, dansait d'un pied sur l'autre.

Oui, il était sûr que cet homme n'avait pas utilisé de préservatif. Oui, il était sûr de ce qu'il se passait peut-être en ce moment en lui, bien qu'il ait tenté de rejeter cette idée. De l'ignorer. Parce que, lâchement, il avait pensé, dans sa détresse, qu'en réfutant cette possibilité, il ne se passerait rien. Et pourtant.

Il fondit en larme.

Mélissa, comme si elle s'était retenue jusque-là, le prit dans ses bras et le serra fort. Elle lui parla, lui expliqua ce qu'il convenait de faire à présent, et Stiles l'écouta en acquiesçant parfois, tout en gardant le silence. Jusqu'à ce qu'il l'entende dire :

- Il faudra que ton père …

- Non ! se récria-t-il alors en se redressant. Pas mon père ! Pas mon père !

- Calmes-toi Stiles, et écoutes-moi !

Mais le garçon continua jusqu'à ce que la mère de Scott attrape son visage dans ses mains et lui dise, en le regardant au fond des yeux :

- Tu es mineur Stiles ! Et si … si tu es enceint, tu devras être accompagné d'un parent en clinique … pour …

Fondant encore en larme, Stiles sentit quelque chose céder en lui. Il avait retenu toute sa peur, toute son angoisse pendant des jours, et voilà que quelqu'un venait vers lui en lui disant qu'il allait l'aider, le guider. Quelqu'un qui savait quoi faire.

Comme Scott avant lui, il s'en sentit soulagé malgré lui.

- Avant d'en parler à ton père, faisons un test, reprit Mélissa d'une voix calme et basse. Ensuite, on verra.

Apparemment, Scott et sa mère avaient tout prévu, car dès que Stiles acquiesça, Mélissa le mena à l'étage et le laissa seul dans la salle de bain. Et en tenant ce petit objet entre ses mains, en urinant dessus, Stiles se sentit plus mal que jamais. Car quelque chose se contracta dans son ventre. Le genre de contraction douloureuse qui l'avait malmené durant sa transformation, cette transformation dont il n'avait pas voulu. Ce n'était plus son corps. Il avait l'impression d'être totalement étranger à lui-même.

Le test s'avéra positif. Mélissa, qui avait guetté le résultat pour lui, le lui annonça avec autant de douceur et d'empathie que possible, mais Stiles se décomposa littéralement sous ses yeux. Il devint brutalement très blanc, puis la rougeur de la colère colora ses joues d'un seul coup et elle craignit qu'il ne fasse de nouveau un malaise, mais le garçon se contenta de regarder fixement le mur en tremblant. Il avait envie de s'ouvrir le ventre pour en extraire ce que ce mâle y avait laissé.

Mélissa appela le Shérif immédiatement. Stiles l'entendit faire, mais ne réagit pas. Ne tenta pas de l'empêcher. Il était loin. Il était hors de ce corps dégoutant qui n'était plus le sien.

Son père fut rapidement sur place, surpris, et écouta ce que Mélissa avait à lui dire. Son visage se décomposa, la colère très vite remplacée par l'inquiétude, puis il vint vers son fils pour le prendre dans ses bras et le serrer très fort.

Stiles n'eut aucune réaction.

Lorsque son père lui posa la question, Stiles manqua s'étrangler d'indignation.

- L'avortement c'est quelque chose de … sérieux, fiston, tenta le Shérif avec autant de douceur que possible – et un peu gêné aussi. C'est une décision qu'il ne faut pas prendre à la légère, tu sais … tu es vraiment sûr ?

- Quoi ?! s'offusqua Stiles, indigné.

- Stiles, dit Mélissa à son tour. Psychologiquement, tu risques d'être …

- Parce que vous croyez que je veux garder … ça ! Dans mon ventre ?!

Mélissa et le Shérif gardèrent le silence et s'entreregardèrent.

- Non, avoua la mère de Scott.

- Si ta mère avait écouté sa famille, déclara son père avec gravité, elle aurait avorté et tu ne serais pas là. (ndla : rappelez-vous, à ce moment-là de l'histoire, le Shérif s'en tient à la version de la rencontre entre lui et sa défunte épouse dans une bibliothèque, il n'a jamais raconté la vérité à son fils (vérité qui apparait au chapitre 13 de la fic ))

- Sauf que maman ne s'est pas fait violée, merde ! explosa Stiles, les larmes aux yeux.

Les deux adultes ne trouvèrent rien à répondre.

- Tu as raison, reprit finalement Mélissa, alors que le Shérif baissait les yeux, un peu honteux sans doute. Mais l'avortement en Californie est régulé, tu dois d'abord voir un médecin qui s'assurera que tu ne cours aucun risque en cas d'interruption de grossesse, puis un psychologue. Ensuite on posera un rendez-vous.

Les jambes battant la mesure de son stress, Stiles écoutait en se triturant les mains, fixant ses chaussures.

- Ne t'inquiète pas, reprit Mélissa. Le délai légal est de douze semaines, tu as donc tout à fait le temps. Et je m'occuperais de tout, tu n'as pas à t'en faire. D'accord ?

Stiles se contenta d'acquiescer silencieusement.

Etrangement, durant les jours qui suivirent, Stiles devint plus serein. Peu importe ce qui grandissait en lui, il n'en entendrait bientôt plus parler peu importe que son père le surveille toujours du coin de l'œil ou n'ait pas osé lui parler depuis cet entretien chez Mélissa, de peur sans doute de dire une bêtise, car à présent il n'y avait plus de secret entre eux peu importe que Scott ait cafté à sa mère, maintenant il était clair qu'il avait fait ça parce qu'il s'inquiétait pour lui.

Contrairement à ce que suggéra son père, Stiles continua d'aller en cours malgré ses rendez-vous. Il refusait que sa vie change pour quelque chose qui disparaitrait bientôt.

Une dizaine de jours suffirent pour qu'il soit vu par un médecin qui, avec un sourire rassurant, lui signa une autorisation lui permettant l'avortement. Il était jeune et en bonne santé et ne mettait donc pas sa vie en danger. Malgré la gentillesse de cet homme, Stiles en ressentit une certaine indignation. Selon la loi, les femmes semblaient pouvoir disposer de leur corps comme elles l'entendaient, mais elles devaient tout de même en obtenir une autorisation ? C'était ça, la liberté de la femme au vingt-et-unième siècle ?

La psychologue qu'il vit peu après s'avéra bien plus froide. Elle l'écouta lui avouer qu'il avait été violé sans qu'une seule once d'émotion transparaisse sur son visage. Au fil de son récit, elle se contenta de griffonner sur son carnet puis de le regarder droit dans les yeux en attendant qu'il continue. Submergé par une brusque colère, Stiles n'avait pu s'empêcher de lui balancer brusquement :

- Vous voulez que je vous dise quoi d'autre ? Que je me sens sale et que je veux à tout prix me débarrasser de ce que j'ai dans le ventre ?! Que je me sentirais peut-être sale comme ça toute ma vie ?!

- Vous semblez en colère, lui avait platement répliqué la femme figée en face de lui.

Stiles avait explosé, lui hurlant au visage tout ce qu'il aurait aimé balancé à ce loup dont il ne se rappelait que l'odeur et la puissance.

Suite à ce premier entretien, sa psychologue l'avait jugé trop instable pour un avortement et avait préféré reporter l'opération tant qu'elle ne se serait pas fait une seconde opinion.

Indigné, Stiles en était resté plein d'amertume et de rage durant la semaine qui avait suivi. Puis ils s'étaient revus. Là, son médecin lui avait semblé moins glacé.

- Vous comprenez manifestement que cette décision changera votre vie, lui avait-elle dit.

- Oui, avait simplement répondu Stiles, mal à l'aise, étonné d'entendre une légère amélioration dans le ton de cette femme d'apparence si rigide. Mais je ne peux pas … je … j'arrive pas à me souvenir de la façon dont … ça s'est passé. Ni … ce qu'il m'a fait. Mais … je ne veux pas … de cet enfant. Je ne pourrais pas l'aimer.

- Avez-vous pensé à l'adoption ?

- Mettre un enfant au monde pour qu'il ignore tout de ses origines, se pose toute sa vie des questions, ou alors découvre un jour qu'il est issu d'un viol ?

La psychologue ne répondit pas, les mains croisées sur les genoux, ses yeux dans les siens. Son carnet était resté sur la petite table ronde à côté de sa chaise.

- Non, déclara finalement Stiles. Je ne veux pas y repenser dans vingt ans … c'est égoïste mais … je ne veux pas de cette responsabilité.

- Vous êtes quelqu'un d'intelligent, déclara son médecin sans douceur mais sans brusquerie non plus. Vous semblez y avoir réfléchi à ce que je vois.

Stiles ne répondit rien, surpris. Après le précédent entretien, il en était arrivé à la conclusion que cette femme faisait partie de celles et ceux qui apparentaient l'avortement à un acte malfaisant et que, si elle le traitait si froidement, c'était par désaccord avec son choix. Mais il réalisait, à présent, qu'il n'en était rien. Elle s'était simplement créée une carapace, une coquille solide où elle se réfugiait pour se protéger de la détresse qu'elle voyait tous les jours, et des horreurs qu'elle entendait. Elle était professionnelle. Si elle lui avait refusé son aval précédemment, c'était simplement parce qu'elle était consciencieuse.

- Il est de mon devoir, reprit-elle au moment où il se faisait ces réflexions, de vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'un parasite, mais de l'étincelle de la vie. J'aimerais être sûre et certaine que vous en ayez bien conscience.

Un bref éclat de quelque chose passa dans ses yeux sombre. Stiles fronça les sourcils, puis se redressa légèrement.

- Ça vous est arrivé n'est-ce pas ? demanda-t-il doucement. Vous avez avorté ?

La psychologue resta de marbre, mais répondit néanmoins :

- Je n'ai pas le droit de vous faire part de mon expérience personnelle, au risque d'influence votre choix, mais … oui. Je ne le regrette pas aujourd'hui, car j'ai eu trois enfants ensuite, mais … j'y repense, encore. Souvent. Un acte pareil, on ne l'oublie pas. C'est quelque chose qui fait partie de nous, pour … ma foi, le reste de notre vie je pense.

- Je n'ai pas voulu de cette transformation, reprit Stiles avec un soupir, je n'ai pas voulu être androgynus. Et je n'ai pas voulu … ça. Je sais que je ne l'oublierai jamais. Mais, comme je l'ai dit, je ne peux pas prendre la responsabilité …

- Oui.

Sur ce simple consentement, elle se leva, sortit une feuille d'un classeur, griffonna dessus, puis la lui tendit.

- C'est une décision que vous avez prise, et je la comprends, dit-elle, toute rigueur retrouvée. Et malgré ce que vous avez vécu, je pense que vous avez les épaules. Mais, si cela ne vous ennuie pas, j'aimerais qu'on se revoie une fois l'opération terminée. D'accord ?

Stiles regarda le papier qu'elle venait de lui donner et sur lequel figurait sa signature, attestant par là de son droit à disposer de son propre corps. Puis il la regarda, elle, qui le fixait, attendant simplement, calme et rigoureuse. Et il acquiesça. Parce qu'il savait qu'elle avait raison. Il en aurait peut-être besoin.

La clinique dans laquelle Mélissa lui obtint un rendez-vous ne pouvait le recevoir que dix jours plus tard. Avec tous ces délais et le deuxième tête-à-tête avec la psychologue, presqu'un mois s'était écoulé depuis les révélations de Scott à sa mère.

Stiles en était à près de deux mois de grossesse, et les nausées commençaient à le malmener. Son odeur changeait également, de même que sa relation avec les autres thérianthropes, en particulier les Canidés. Et surtout les mâles. Il les voyait comme une menace. Ou, du moins, son instinct les voyait comme telle. Une menace pour l'enfant qui grandissait en lui, et il les évitait un maximum, allant parfois jusqu'à s'isoler. Se rendre au lycée était de plus en plus difficile, d'autant qu'il y avait un risque que certains identifient son odeur comme celle d'une femelle en gestation. Certains de ses professeurs le regardaient déjà de façon étrange.

Un matin, alors qu'il était penché au-dessus de la cuvette des toilettes, mit K.O par la simple odeur du café de son père, ce dernier parvint à le convaincre de ne plus se rendre en cours jusqu'à l'opération. Stiles lui-même convint que c'était la meilleure solution. S'il avait repoussé l'échéance jusqu'à maintenant, c'était pour éviter de se retrouver seul chez lui, à tourner en rond et ruminer. Mais il n'avait plus le choix.

Alors, pour passer le temps et éviter le silence, il laissait la télévision allumée toute la journée, sur les programmes de téléfilms sentimentaux ou les séries policières. Pour se moquer de la bêtise du romantisme, et du manque de jugeote de ces flics en carton.

Et puis, un jour, alors qu'il engloutissait un énorme pot de glace au caramel, chocolat et noix de macadamia après avoir vomis durant vingt minutes, il sentit quelque chose. Là, dans le creux de son ventre. Comme un pétillement. Comme de minuscules bulles qui auraient brusquement éclatées là où se trouvait quelque chose dont il ne voulait pas.

Ce fut tellement soudain qu'il en avala sa glace de travers et toussa jusqu'à en devenir rouge comme une écrevisse, puis se figea, les yeux larmoyants, fixant le vide, sondant par l'esprit la profondeur de son cœur. Est-ce qu'il avait vraiment senti … avait-il véritablement pu sentir bouger …

Il ne sentit plus rien de la journée et passa les heures qui suivirent à l'affut de la moindre sensation. Son père prit soin de rentrer tôt, afin de ne pas le laisser seul trop longtemps, mais Stiles ne le regardait pas, ne l'écoutait qu'à peine et répondait par monosyllabe. Et la sensation revint, tard le soir, alors qu'il se trouvait dans la salle de bain en train de se brosser les dents, prêt à aller se coucher. Un frétillement, sous le nombril. La colère le submergea, comme souvent ces temps-ci, et il s'agrippa au bord du lavabo en se regardant dans le miroir, prêt à frapper, hurler. Mais il ne le fit pas. Les bras tremblants, il prit de grandes inspirations, lentes et profondes, pour se calmer. Il ne voulait pas inquiéter son père, qui encaissait beaucoup et ne lui faisait jamais la moindre remontrance. Il était là, à ses côtés, il le soutenait en silence, avec force.

Pourtant, il aurait pu s'énerver, lui crier qu'il avait été inconscient, qu'on ne buvait pas tant à son âge, qu'on ne buvait pas jusqu'à se faire sexuellement agressé par un inconnu, aussi fort soit-il. Evidemment, pour ne pas avoir l'air de se chercher des excuses, Stiles n'avait dit à personne que le mâle de cette nuit-là était un loup. Et puis, de toute façon, qu'est-ce que ça aurait changer ?

Sa colère devint une haine froide, comme chaque fois qu'il repensait à cet homme. Mais son visage lui échappait et, petit à petit, son odeur aussi. Etait-ce vraiment lui l'inconscient ? La faute n'en revenait-elle pas à cet adulte qui l'avait brutalisé ?

Soupirant encore, Stiles ferma les yeux, enfin calmé, et envoya valser toutes ces questions. Peu importe. Tout serait bientôt fini.

Mais il le sentit, encore et encore, de plus en plus. La vie, en lui, se manifestait enfin, et il endurait ça avec de plus en plus de difficulté. Mais si, d'abord, cette sensation le dégoûta affreusement, elle eut tôt fait de lui faire très peur.

Car, ce qu'il sentait bouger était un être vivant. De quelques centimètres, certes, mais vivant tout de même. Et lui, il allait le tuer ? Parce que, comme il l'avait dit à la psychologue, il était trop lâche et refusait de prendre la responsabilité de lui donner la vie ?

Le doute commença à l'assaillir, et quelque chose en lui se révoltait de plus en plus. Cet instinct. Ce fichu instinct animal, propre aux thérianthropes, et, pire, l'instinct maternel qu'avait toute femelle et tout androgynus. Il était manipulé par ses propres émotions.

Le matin-même de son opération, qui avait lieu très tôt, son père, inquiet de ne pas le voir levé alors qu'ils devaient se rendre ensemble à la clinique dans une heure à peine, monta dans sa chambre. Et il trouva Stiles en larme, assit sur son lit, la tête dans les mains. Très inquiet, le Shérif vint s'assoir à ses côtés et prit le risque de le prendre dans ses bras. Cette fois, son fils le laissa faire et vint même nicher son visage sur son épaule, dans le creux de son cou.

- Fiston, chuchota le Shérif, ne sachant quoi dire d'autre.

- Je ne sais pas si je pourrais, gémit Stiles contre lui.

- Je suis là, calmes-toi. On va y aller tous les deux, ça se passera bien.

Ce père, dépassé par les événements, pensait que la peur de son fils était concentrée sur l'opération en elle-même, et non sur l'acte. Car un avortement, chez un androgynus, ne se déroulait pas de la même façon que pour une femme : pour retirer le fœtus, le médecin allait devoir l'ouvrir sous anesthésie locale.

Mais Stiles, tout contre lui, eut un signe de dénégation de la tête, qui le surprit.

- Je ne peux pas, papa, déclara-t-il en reniflant. C'est pas que j'ai peur c'est … que je ne peux pas.

Le Shérif en resta soufflé de surprise avant de se mettre à paniquer, ignorant totalement quoi faire et comment réagir. Evidemment, il appela Mélissa McCall.

L'opération fut reportée, et Stiles demanda à retourner voir cette psychologue qui l'avait d'abord si violemment énervé. Et finalement, il décida de renoncer à l'avortement, à la grande surprise de tous ceux qui étaient dans la confidence.

Son père, de son côté, retroussa ses manches, bien décidé à rester fort auprès de son fils durant les mois qui s'annonçaient.

Pour Stiles, qui dégageait à présent une odeur caractéristique de femelle enceinte, il n'était plus question d'aller au lycée. Mélissa ne cessa pas de le soutenir, jusqu'à l'accompagner elle-même au service gynécologique de l'hôpital, et Scott lui-même rendait visite à son meilleur ami tous les jours, même si cela signifiait se retrouver en première ligne face à ses sautes d'humeur. Et elles furent nombreuses, et violentes.

Stiles supporta très mal cette grossesse. Les nausées étaient terribles et durèrent longtemps, jusqu'au milieu de son second trimestre. Chaque fois qu'il sentait l'enfant bouger, soit il entrait dans une colère terrible, soit il devenait complètement apathique et sombre. Son père, inquiet pour lui, en arrivait, dans ces moment-là, à préférer ses crises de colère à ce silence inquiétant. Sans parler de ses fréquents vertiges et de sa faiblesse car Stiles, qui brûlait rapidement les graisses et son énergie depuis tout petit, ne parvenait pas à prendre suffisamment de force pour lui et le bébé qu'il portait, et paraissait maigre et fatigué.

Scott n'en finissait plus de s'inquiéter pour son ami. Et Stiles, au fil des mois, finit par porter toute cette rage qu'il ressentait pour le père de l'enfant, vers l'enfant lui-même. D'accord, il prenait la responsabilité de lui donner la vie, mais il n'était pas forcé de l'aimer, si ?

Il craqua une fois de plus, une nuit, dans son lit. Malmené par les mouvements du bébé, qui devenait plus fort, il était incapable de dormir. De jour comme de nuit. Torturé de fatigue, il se redressa, le corps brûlant et tremblant, et cria :

- Mais arrête ! Arrête bordel, arrête !

Il le cria si fort qu'il en eut mal à la gorge. Presque immédiatement, la lumière du couloir s'alluma et les pas de son père se firent entendre. Puis il entra dans sa chambre. Stiles ne lui adressa qu'un coup d'œil rageur.

- Quoi ?! lui balança-t-il, venimeux. J'arrive pas à dormir !

Le Shérif, fatigué lui aussi, soupira et s'appuya à la porte, puis lui répondit, hésitant :

- Assieds-toi dans ton lit, et lit un livre.

Stiles eut un rire amer et le fusilla du regard.

- C'est ça, grommela-t-il. Je vais lire !

Son père ne répondit pas, le regarda quelques secondes, puis s'en retourna dans sa chambre après avoir compris qu'il ne pouvait rien faire de plus. Stiles, gêné par son ventre et un mal de tête affreux, pleura en silence.

- Saleté, grogna-t-il sans oser regarder la proéminence sous son tee-shirt.

Il avait très vite regretté de n'avoir pas eu le courage d'avorter. Ce petit être qui grandissait dans son ventre, il le haïssait, et il ne s'en voulait même pas. La culpabilité, il la ressentait face à son père, quand il se montrait violent et désagréable avec lui. Il se sentait toujours mal, après. Comme maintenant.

Plusieurs semaines plus tard, Stiles en était à la moitié de son huitième mois de grossesse lorsque, alors que la matinée était bien avancée, son père le rejoignit dans le salon où le jeune androgynus, installé sur le canapé, regardait par la fenêtre, immobile et silencieux, pâle dans la maigre luminosité de ce mois de mars.

- Fiston ? appela le Shérif. Je vais à San Diego. Pour le procès.

Stiles ne répondit que d'un faible bruit de gorge, sans bouger.

- Mélissa, continua son père, est à l'hôpital pour la journée, mais Scott te rejoint dès que les cours sont terminés.

Stiles se contenta de cligner des yeux.

- Fiston ? appela encore le Shérif, inquiet.

Enfin, son fils tourna vers lui son visage pâle et ses yeux fatigués. Le cœur du Shérif se serra. Malgré son ventre gros et rond, Stiles était maigre sous ses vêtements.

- Ça va aller ? lui demanda-t-il, sans que ça ne provoque rien chez le jeune homme. Il est peut-être préférable que je reste avec toi, tu ne m'as pas l'air bien.

- Non, ça va, répondit enfin Stiles en se frottant les yeux. J'ai mal dormi. Et j'ai mal au dos. Ça va aller, tu peux y aller. Et si jamais, j'appellerais Mélissa, t'inquiète pas.

Le Shérif resta là quelques instants, à regarder son fils, avant de finalement lui sourire timidement et le laisser seul.

Stiles, une fois son père parti, regarda dehors à nouveau. Certes, il avait très mal dormi, mais il se sentait également particulièrement engourdi aujourd'hui. L'enfant n'avait eu de cesse de remuer et remuer encore, comme s'il cherchait une position plus confortable.

Et puis, quelques heures plus tard, Stiles comprit, en ressentant les premières contractions, qu'il s'était en réalité retourné, prêt à venir au monde.

Les doigts tremblants, le cœur battant à tout rompre et le ventre incroyablement dur, il appela Mélissa McCall qui, immédiatement, lui annonça qu'elle envoyait une ambulance le chercher avant de lui donner des instructions :

- Ecoute bien, Stiles. Contrairement aux femmes, tu ne peux pas évacuer les eaux, les choses vont donc devoir aller très vite, et les urgentistes vont venir chez toi accompagnés d'un chirurgien. Ils vont te faire une échographie, et s'ils voient que l'enfant est en danger, ou risque de se faire empoisonner, ils t'opèreront sur place, d'accord ?

- Oui, d'accord, répondit Stiles d'une voix tremblante.

Oui, bien sûr. S'il avait été une femme, il aurait perdu les eaux, mais il ne l'était pas, et son enfant était donc, en ce moment, en train de barboter dans un liquide qu'il ne pouvait pas évacuer. Au risque de se noyer ?

La panique se fit plus forte, et il se mit à trembler. Sûrement pas, il n'avait pas enduré tout ça pour que son enfant meurt !

- Si tu as mal, n'hésite pas à te lever et à marcher, continua Mélissa d'une voix calme. D'accord ? Mais, si tu as des vertiges, n'insiste pas et assieds-toi.

- Ok, répondit Stiles en se levant.

Ses jambes tremblaient affreusement et une nouvelle contraction le fit siffler de douleur.

- Ton père est déjà parti ? lui demanda l'infirmière.

- Oui, ce matin.

- Alors je vais rester au téléphone avec toi jusqu'à ce que l'ambulance arrive, d'accord ?

- D'accord. Mélissa ?

- Oui ?

- Comment ça va se passer si … enfin, si il … si … l'enfant … nait ici ?

- Comment ça ?

- Je … j'ai dit que je ne voulais pas …

Stiles sentit une bouffée de honte lui chauffer les joues, sans qu'il comprenne vraiment pourquoi, alors que son ventre se contractait encore, et il reprit :

- Que je ne voulais aucun contact avec …

- Le plus important pour l'instant c'est que ça se passe bien pour vous deux, d'accord ? le coupa Mélissa, non sans une certaine brusquerie.

- Oui mais !

- Stiles, c'est dangereux autant pour lui que pour toi ! Tu n'es pas dans une très bonne forme pour un accouchement, alors quoi que te disent les médecins et le chirurgien, tu les laisses faire, d'accord ?

Le jeune homme serra les dents et acquiesça, même si son interlocutrice ne pouvait le voir. Il avait honte ! Tellement honte de sa couardise !

L'ambulance ne mit pas dix minutes à arriver, et toutes les personnes qui en descendirent, quatre hommes et deux femmes, furent très gentilles avec lui, mais aussi et surtout autoritaires. Stiles se laissa manipuler, mais ne put retenir une certaine crispation lorsque l'un des médecins posa sur son ventre gonflé et contracté, la sonde de l'échographe, et il détourna les yeux, les dents serrées et les yeux emperlés de larmes.

Chaque échographie avait été pour lui une torture, un instant terriblement gênant entre lui et son corps, dans lequel il avait chaque fois eu l'impression de n'être pas à sa place. Pas une seule fois il n'avait regardé l'écran de l'échographe, il n'avait jamais posé aucune question, jamais rien voulu savoir. N'avait rien gardé de ces instants-là.

- Relevons-le, décréta finalement le médecin en rangeant son matériel. L'enfant n'a pas totalement la tête en bas, il ne risque pas grand-chose je pense tant que tu restes debout, d'accord ?

Stiles acquiesça et se redressa, les jambes flageolantes. Il voyait double. Lorsqu'il monta dans l'ambulance et s'assit sur un siège bas, se laissant sangler sans protester, il réalisa qu'il n'avait pas appelé son père.

Moins de trente minutes plus tard, il entendait les cris de son bébé. L'anesthésie l'engourdissait complètement, et le drap tendu sur sa poitrine l'empêchait de voir les détails de l'opération, et donc d'apercevoir l'enfant.

Mais, immédiatement, dès qu'il l'entendit, il sentit son corps se tendre, son instinct chercher. Son petit pleurait, et il n'était pas près de lui.

- Tout va bien, lui dit l'infirmière à ses côtés. Tout s'est bien passé.

Elle se retourna et lança à la cantonade :

- Sandrine n'est pas là ?

- Arrêt maladie, lui répondit-on depuis le fond de la salle.

- C'est elle qui devait prendre ce cas en charge non ?

- Aucune idée !

L'infirmière soupira, puis revint à Stiles et lui sourit.

- Tout va bien, répéta-t-elle.

Stiles sentit les larmes inonder ses yeux puis se mordit la lèvre inférieure. Car il avait été à deux doigts de réclamer.

Réclamer cet enfant qu'il avait détesté pendant des mois.

- Vous allez être dans les vapes un petit moment, reprit l'infirmière à ses côtés, mais l'anesthésie devrait se dissiper d'ici une ou deux heures. En attendant, on referme. Comment vous vous sentez ?

Les cris du bébé cessèrent et Stiles entendit le bruit d'une porte qui se ferme. Il ouvrit la bouche, prêt à répondre qu'il se sentait bien mais, au lieu de ça, il s'entendit dire :

- Où il est ?

- Ne vous inquiétez pas, répondit aussitôt l'infirmière en lui souriant pauvrement. Il a quitté la pièce.

Stiles dut, encore une fois, se mordre la lèvre pour ne pas répondre, ne rien demander.

Une heure plus tard, il était dans sa chambre, encore un peu vaseux. Comme promis, l'anesthésie prenait doucement fin, et son ventre se rappelait à lui, douloureux. Le poids de son enfant n'était plus là. Il se sentait étrangement et désagréablement vide, et cette sensation le gênait. Il avait espéré ressentir du soulagement, une libération. Mais ce déchirement ? Non, certainement pas.

Il était tellement nerveux qu'il en était incapable de fermer les yeux, et pourtant il était si fatigué. Il aurait préféré dormir. Pour ne plus entendre ce que voulait son corps, ce qu'il réclamait.

La porte s'ouvrit et il sursauta puis tourna la tête, qui lui parut incroyablement lourde. Une femme entra, très jeune, poussant un couffin de verre dans lequel se trouvait un petit paquet de linges bleus. Stiles retint son souffle, et l'odeur du nourrisson le frappa de plein fouet, si violemment que sa poitrine se serra et ses bras se mirent à trembler.

- Voilà le petit ange, déclara la jeune infirmière avec un grand sourire heureux. Dès qu'il a été propre, on ne l'a plus entendu, un véritable amour.

Elle le sortit délicatement du couffin. Le petit paquet ne poussa pas un cri, ne fit pas un geste, mais Stiles se raidit. Elle n'allait quand même pas ?!

- Non, tenta-t-il d'une voix pâteuse. Atten … ! Je !

Il tenta de reculer, de s'éloigner, comme si c'était possible, mais derrière lui il n'y avait que les coussins et un mur. L'infirmière lui mit le petit paquet dans les bras et Stiles les referma instinctivement, de façon à ce que l'enfant ne tombe pas. S'il avait continué à refuser, peut-être que cette jeune femme, tout à son ignorance de la situation, aurait insisté jusqu'à provoquer un incident.

L'odeur du petit explosa à ses narines et il eut un hoquet, incapable de décrocher son regard des deux yeux minuscules qui le fixait, grands ouverts, larmoyants, et d'un bleu océan profond, presque trop sombre.

Stiles ouvrit encore la bouche mais resta sans voix. Sur la tête du bébé, une masse incroyable de boucles noires il avait le front large, de grands yeux, des pommettes hautes et rondes mais un petit nez retroussé. Comme le sien. Et des grains de beauté déjà visibles en nombre important sur son visage rond, comme lui. Une bouffée de fierté l'envahit si brusquement qu'il se sentit suffoquer. Il avait transmis ça. Lui. A cet enfant. Non : à son enfant.

L'émotion monta jusqu'à envahir ses yeux et il retint ses larmes de justesse. Puis, l'un des petits poings de l'enfant se referma sur la blouse blanche qu'il portait, et un cri hésitant, comme un couinement de chiot, sortit de la bouche du bébé, jaillit de sa poitrine minuscule. Cette fois, il ne put retenir cette émotion qui l'emplissait complètement, jusqu'à le noyer, et il sentit une larme brûlante dévaler sa joue droite. Quelque chose céda en lui. Dans son corps, dans son esprit. Il sentit ses épaules tomber, son ventre se relâcher ses jambes cessèrent de trembler et il soupira longuement, profondément, jusqu'à faire sortir quelque chose de lui. Et il n'eut plus de colère. Plus d'amertume. Plus aucune peur. Parce que cette petite chose qu'il avait dans les bras, cette petite chose fragile qui s'agrippait à lui, il l'avait créé. Tout seul. Il avait besoin de lui. Son fils avait besoin de lui, de sa chaleur et de sa protection.

Ravagé de honte mais d'un bonheur timide qu'il ne pensait pas ressentir, il pleura et resserra ses bras autour du bébé.

Un médecin entra alors dans la chambre et la jeune infirmière, souriante, se tourna vers lui.

- Idiote, lui balança son supérieur.

Le sourire de la jeune femme s'effaça instantanément et elle papillonna des yeux, interdite. Le médecin, agacé, la bouscula un peu brusquement et s'avança vers Stiles.

- Je suis désolé, déclara-t-il, la sage-femme en chef, chargée des naissances sous X, n'est pas là aujourd'hui, et cette jeune … personne ! N'était pas au courant.

Il tendit les bras, prêt à se saisir de l'enfant. Immédiatement, Stiles se raidit et un grondement sourd naquit de sa poitrine. Son bébé l'entendit, évidemment, et sursauta puis son visage se tordit et il hoqueta avant de se mettre doucement à pleurer, apeuré.

Le médecin se figea, n'osant plus un geste. Il lui était déjà arrivé de se faire mordre par une jeune mère maitrisant mal son instinct protecteur, et c'était une expérience désagréable.

- Non, déclara finalement Stiles derrière ses larmes. Non, je … pardon mais je …

Quelqu'un d'autre entra dans la chambre, alors que Stiles ignorait quoi dire, comme s'expliquer. Il leva les yeux et soupira de soulagement avant de se remettre à pleurer. Son père, encore en tenu de Shérif, le fixa, puis regarda le petit paquet couinant qu'il tenait, et ouvrit la bouche de stupeur, jusqu'à ce que ses lèvres forment un « o » parfait.

- Je suis désolé papa, gémit Stiles en resserrant ses bras sur son enfant. Je ne peux pas … je ne veux pas leur laisser …

Le Shérif regarda le médecin, qui regarda le Shérif puis l'infirmière. Puis il s'avança vers son fils.

- Fiston, dit-il prudemment. Je ne sais pas si …

- Papa, gémit encore Stiles en levant vers lui des yeux troublés, inondés de larmes. Je ne peux pas … je ne peux pas …

L'enfant, troublé, poussa un nouveau couinement et son poing minuscule s'agrippa plus fort à la blouse. Le Shérif sentit, malgré son étonnement et sa peur, le soulagement décrisper ses épaules. Il sourit. Caressa les cheveux de son fils.

- Je comprends fiston, dit-il d'une voix sûre et forte. Ça ira.

- J'aimerais être sûr, déclara alors le médecin un peu brusquement. Vous le gardez finalement ?

Le mépris et l'agacement dans sa voix n'échappèrent pas au Shérif qui darda sur lui un regard autoritaire.

- Oui, répondit Stiles dans un souffle, tout en recommençant à fixer le bébé au creux de ses bras.

- Ecoutez, reprit le médecin avec un soupir agacé. J'ai déjà vu ça, des jeunes … parents, incapables de prendre la bonne décision, mais votre fils !

- A fait son choix, le coupa le Shérif. Je ne vois pas où est le problème.

- Je peux demander un suivi psychologique, vous savez ?!

- Faites.

Les deux hommes se fixèrent puis, finalement, le médecin se détourna en soupirant et bouscula l'infirmière pour la forcer à sortir.

Le Shérif baissa ensuite la tête pour voir son fils passer, délicatement, un doigt sur la joue de l'enfant, qui avait cessé de couiner et le fixait simplement de ses grands yeux sombres, silencieux.

- Il a peut-être raison papa, lui chuchota Stiles. Je ne sais pas … je ne comprends pas pourquoi …

- Il n'y a rien à comprendre, déclara le Shérif avec un grand sourire. Je sais l'effet que ça fait de tenir son enfant dans ses bras et … moi non plus je n'ai pas compris pourquoi je t'ai aimé tout de suite, inconditionnellement, et pourtant je l'ai fait. Ne cherche pas la petite bête.

Stiles sourit doucement, puis renifla. Il avait cessé de pleurer mais ses joues pâles étaient toujours humides. Soudain, comme pour l'imiter, le petit sourit lui aussi, dévoilant ses gencives nues.

- Regarde-le, souffla Stiles d'une voix tremblante. Je l'ai haï bêtement, et lui il ne m'en veut même pas, il me sourit.

- Il a l'air aussi naïf que toi, déclara le Shérif, amusé.

Stiles pouffa de rire. Ce fut rapide, léger, mais il rit. Son père ferma les yeux et éprouva un soulagement au-delà de tout ce qui était possible. Presque neuf mois qu'il n'avait pas vu son fils sourire.

- On y arrivera ? lui demanda Stiles en levant la tête vers lui.

- Mais oui, lui sourit son père pour le rassurer. On y arrive pour deux, on peut y arriver pour trois ! Ne t'occupe pas de ça pour l'instant. L'important, c'est de lui trouver un prénom, non ?

- Oui … choisis, toi.

- Moi ? Pourquoi ? C'est ton bébé.

- Papa, t'as été là pour moi, et moi je …

Le Shérif, un peu gêné, caressa l'épaule de son fils en souriant.

- Je t'aime papa, déclara simplement Stiles.

- D'accord, sourit son père. Laisse-moi réfléchir. En attendant, je vais appeler Mélissa. Elle pourra peut-être nous aider à dresser une liste de tout ce dont on va avoir besoin en priorité à la maison pour un nouveau-né.

Stiles acquiesça silencieusement et le regarda sortir de la chambre. Lorsqu'il fut seul, un grand silence l'enveloppa, et il regarda de nouveau son enfant. Les paupières de ce dernier tombaient, doucement. Son visage était si parfait, si rond, et ses doigts étaient si petits ! Curieux, Stiles souleva la couverture bleue qui enveloppait le bébé et découvrit son corps minuscule habillé d'un body jaune. Il attrapa l'un de ses pieds, le tâta pour vérifier qu'il avait bien cinq orteils, puis fit de même avec l'autre pied. Agacé d'être ainsi manipulé alors qu'il ne voulait que s'endormir, vaincu par la fatigue de la naissance, l'enfant couina de mécontentement et l'une de ses jambes tressauta. Stiles sourit et l'enveloppa dans la couverture en s'excusant. Il pourrait l'examiner tout à loisir plus tard, lorsqu'il serait chez lui.

Il se contenta de le regarder, tout simplement, en attendant que son père revienne. Le bébé finit par s'endormir, la bouche entrouverte, son petit poing toujours agrippé à lui. Stiles ne le quittait pas des yeux, il en était incapable.

Et où était toute cette colère qu'il avait ressentie durant des mois ? Sa peur, sa honte ? Envolés. Gommés, effacés, soufflés par le regard et le sourire de cette petite créature, remplacés par l'amour d'un père pour son fils.

- Merci, murmura-t-il au petit être qui dormait dans la chaleur de ses bras.

Son père revint quelques minutes plus tard, et dit :

- Bah oui des couches, évidemment !

- Chut ! répliqua aussitôt Stiles. Il dort.

- Pardon. Tu ne veux pas le remettre dans le couffin ?

- Non, ça va.

- Tu dois être fatigué.

- Ça va. Papa ?

- Mmh ?

- Sincèrement, comment on va faire ?

- Comme on a toujours fait : en se débrouillant.

Stiles sourit. Ses yeux piquaient de fatigue et son corps s'engourdissait à rester dans la même position, sans oublier la douleur qui pulsait doucement dans son ventre, mais il se sentait bien. Incroyablement serein. Une sérénité qu'il n'avait jamais ressentie.

- Wyatt, déclara soudainement son père avec un grand sourire.

- Quoi ? répliqua Stiles, surpris.

- Wyatt Wingfoot, dans les Quatre Fantastiques. J'ai toujours adoré ce personnage.

- T'es pas sérieux là ?

- Si pourquoi ?

- Papa …

- Quoi, t'as dit que je pouvais choisir !

Stiles sourit, vaincu.

- Ok, va pour Wyatt, soupira-t-il, mais je choisi son second prénom !

- Comme tu veux, rétorqua son père, amusé.

- Je vote pour Noah. Comme son papi.

Le Shérif sourit à son tour, ému, et se pencha sur son petit-fils pour caresser le bout de son petit nez. Le bébé ouvrit la bouche mais n'émit pas un son, et une petite truffe noire et humide apparut au milieu de son visage.

- Bienvenue, Wyatt Noah Stilinski, lui dit son grand-père.

Réveillé au beau milieu de la nuit, Stiles se redressa, la tête lourde, et sortit de son lit. Les pleurs du petit Wyatt lui vrillaient les tympans.

Il s'approcha du berceau et le visage rouge et crispé de son fils lui apparut malgré l'obscurité. Immédiatement, le jeune papa sentit une pointe de stress faire battre son cœur plus vite. La porte s'ouvrit derrière lui et son père entra en se frottant les yeux.

- Qu'est-ce qu'il a ? lui demanda immédiatement Stiles, un peu dépassé par les événements.

Presqu'une semaine qu'ils vivaient à trois, et le souriant et silencieux Wyatt s'était transformé en démon hurlant qui ne cessait de crier et pleurer à la moindre contrariété, et la plupart du temps, son père ne comprenait pas pourquoi. Heureusement que papi était là.

- Soit il est sale, soit il a faim, déclara ce dernier en sortant le petit du berceau.

- Et il braille si fort pour ça ?! répliqua vivement Stiles.

Le Shérif sourit et le taquina en disant :

- Tu braillais plus fort que ça, fiston !

Stiles bougonna, mauvais joueur, et regarda son père renifler la couche du nourrisson.

- Rien, décréta le Shérif. Donc, il a faim.

Ils descendirent ensemble dans la cuisine préparer un biberon et Stiles, encore en apprentissage, suivit du regard les gestes de son père. Après trois ou quatre tentatives de réhabilitation, les choses étaient revenues plutôt rapidement pour le Shérif, grâce à la présence de Mélissa McCall.

- Donne, déclara Stiles en tendant les bras, lorsqu'il vit son père en difficulté avec le biberon.

Il le vissa lui-même, et c'est à ce moment-là que le téléphone du Shérif sonna.

- Mince ! lança celui-ci. Il y avait une opération cette nuit, ils ont peut-être besoin de mon aide.

- Vas-y, je m'en occupe, déclara Stiles.

Il prit le petit et son père retourna à l'étage. Dès que Wyatt sentit la tétine du biberon lui emplir la bouche, il cessa de pleurer et se mit à téter avidement en regardant son père. Celui-ci soupira puis leva la tête au plafond, s'étira les cervicales, et bâilla. Bien sûr, il savait que ce serait difficile, mais il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir un peu chaque fois qu'il voyait son père bâiller ou courir d'un endroit à un autre.

De son côté, il était bien décidé à suivre sa scolarité, même depuis chez lui, mais il y avait des contraintes. Wyatt demandait une attention de tous les instants, et Stiles lui-même avait de fréquents rendez-vous chez le gynécologue et le psychologue. Heureusement que Mélissa, ou même Scott, n'hésitaient pas à jouer les nounous.

Scott. Qui n'avait pas approuvé. Scott, qui avait eu peur de voir ce bébé dans la vie de son meilleur ami. Et pourtant, il était toujours là, attentif, protecteur. Et il souriait à Wyatt, il agitait son doudou devant son nez pour l'amuser, il le prenait même dans ses bras si besoin.

Stiles sourit et regarda son fils qui se remplissait la panse avec bonheur. Ce petit être qui avait si facilement fait disparaître la colère de son cœur. De nouveau, il le détailla.

- T'as les cheveux très noirs, dit-il au nourrisson avec un sourire. Et les yeux qui tirent sur le vert. C'est pas de moi, tout ça.

Le petit le regarda dans les yeux, écoutant sa voix. Stiles s'installa dans le canapé, et dit :

- C'est ton autre papa, ça.

Et l'image fut là. Le souvenir. Le visage de ce mâle, de cet homme, tel qu'il l'avait vu dans la chambre chez Lydia. Les sourcils froncés, Stiles fouilla sa mémoire. Oui, c'était lui. Il s'en souvenait maintenant.

Et, étrangement, il ne ressentait plus pour lui aucune colère. Une légère vague d'amertume, peut-être. Peu importe. Cet homme, il ne le reverrait sans doute jamais.

Une odeur très forte brouilla sa mémoire et Stiles grimaça avant de gémir en riant. A moins qu'il ne se trompe, son fils venait de faire ses besoins. Son père revint dans le salon à ce moment-là et fronça le nez.

- A que voilà un bon gros caca au lactose ! déclara-t-il avec énergie.

Un peu gêné, Stiles éclata de rire.

Ils laissèrent le biberon dans la cuisine et remontèrent jusque dans la salle de bain où trônait une vielle table à langer, donnée généreusement par Mélissa, et ayant apparemment servie à changer Scott. Au moment où Stiles déposait Wyatt dessus, le téléphone du Shérif sonna de nouveau.

- Je reviens, déclara celui-ci en partant dare-dare vers sa chambre.

Stiles hésita un bref instant. Il n'avait jamais changé son fils tout seul. Jusqu'à présent, son père avait réussi à se faire remplacer au commissariat, ne se déplaçant que s'il y avait des soucis, et Mélissa était là quand ce n'était pas lui. Mais là, il n'y avait que lui.

Prenant une grande inspiration – par la bouche, car l'air était vite devenu irrespirable – Stiles s'approcha du bébé qui le regardait venir gravement, immobile et calme sur sa table à langer. Mais, dès que son père posa ses mains sur lui, il poussa un cri de joie perçant et battit des jambes, tout joyeux. Stiles sursauta et fit un bon en arrière.

- Ah ! s'écria-t-il, le cœur battant la chamade. Tu m'as foutu la trouille de ma vie !

Un rire lui fit tourner la tête et il vit son père, appuyé à la porte, qui riait, moqueur. Stiles poussa un grand soupir, la main sur la poitrine.

- C'est pas drôle ! se plaignit-il.

- C'est qu'un petit chiot, déclara le Shérif en s'approchant. Pas un dragon, il ne va pas te rôtir sur place.

- Je vais le faire.

Le Shérif s'éloigna, un léger sourire aux lèvres, et regarda son fils faire une deuxième tentative. Stiles allait mieux, bien mieux. Il avait déjà repris des couleurs et souriait bien plus souvent. Au début, il avait été très surpris de ce changement chez son fils, mais Mélissa avait su le rassurer en lui disant que les bébés, parfois, avaient d'incroyables pouvoir curateurs. Evidemment, Stiles ne redeviendrait jamais celui qu'il était avant, impossible et il lui arrivait encore parfois de regarder dans le vide, l'expression assombrie. Mais les choses ne pourraient qu'aller mieux, maintenant.

Tout sourire, Wyatt gigota un peu mais se laissa manipuler sans protester par son père. Sitôt la couche partie, il se sentit manifestement plus libre car un jet d'urine vola dans les airs jusqu'au tee-shirt de Stiles qui glapit, indigné, amusé et surpris à la fois.

Encore une fois, le Shérif rit.

- Je m'en doutais ! déclara-t-il. T'adorais faire ça toi aussi !

- Génial, il m'a fait pipi dessus, hoqueta Stiles en tentant d'éloigner son tee-shirt mouillé de sa peau. Ah ! Pis ça, ça pue !

Il tenait la couche pleine à bout de bras, comme s'il craignait de la voir exploser.

- Va falloir t'y habituer, déclara le Shérif avec philosophie. T'as pas fini d'en changer des couches.

- Viens on la lance sur le volet du voisin, déclara Stiles en lui faisant un clin d'œil.

- A Halloween peut-être. Change-le vite avant qu'il n'ait froid.

Stiles acquiesça et reprit sa tâche. Venir à bout de la couche propre lui prit plusieurs minutes et, une fois son petit changé, nettoyé et au sec, il le prit dans ses bras de façon à lui faire faire son rot, et déclara :

- Bientôt faudra un brevet pour utiliser ces trucs ! C'est conçu par des ingénieurs ou quoi ?!

Dans ses bras, Wyatt éructa un petit hoquet repu et bâilla. C'était le signal.

Ils retournèrent se coucher. Le Shérif n'oublia pas de jeter la couche pleine dans la poubelle à l'extérieur. Ils s'endormirent tous rapidement.

Deux heures plus tard, rebelote : Wyatt hurla à plein poumon, indigné de se sentir si mouillé alors que sa couche était si chaude l'instant d'avant.

Evidemment, le Shérif dut reprendre le travail, et Stiles se retrouva bientôt seul avec son enfant. S'il en ressentit un léger stress au début, il prit finalement la chose plutôt sereinement. Peut-être trop sereinement, d'ailleurs. Il ne put s'empêcher de s'en ouvrir à sa psychologue, qui le rassura bien vite en lui disant qu'une dépression post-natale s'apparentait plutôt à des pleurs, des crises de panique, et des envies irrépressibles de fuir loin. Puis elle lui dit, simplement, sans sourire mais sans se moquer non plus, qu'il s'était simplement découvert un très grand instinct maternel, et qu'il ne fallait en avoir ni peur ni honte.

Un jour, il n'eut d'autres choix que de demander l'aide de Scott, car il avait un rendez-vous de contrôle chez son gynécologue, l'un des derniers, et ne pouvait emmener Wyatt, car la poussette avait perdu une roue. Scott se sacrifia donc, et dut rester plus d'une heure seul avec le nourrisson.

Lorsqu'il entra chez son meilleur ami il était drogué de sucre et de café et tremblait un peu.

- Je suis de retour très vite, le rassura Stiles en se hâtant d'enfiler son blouson. Il fait sa sieste là, donc tout ce que t'as à faire, c'est le surveiller. Il a mangé il y a une heure et je l'ai changé tout de suite après, alors il ne devrait rien réclamer.

- Euh … d'accord, acquiesça Scott avant de déglutir et demander : et s'il réclame quand même, qu'est-ce que je fais ?

- T'improvise. Mais t'inquiète pas, je reviens très vite.

Et Stiles partit. Scott se retrouva donc seul avec un bébé de quelques mois, de plus en plus nerveux à l'idée de faire une gaffe.

Il passa les premières minutes à faire des allers-retours entre le berceau silencieux et la fenêtre qui donnait sur la rue, en se triturant les mains.

Lorsque sa mère lui avait annoncé que Stiles sortait tout juste de l'hôpital et qu'il avait décidé de garder l'enfant, Scott avait eu très peur, et n'avait pas approuvé. D'autant que Stiles, lorsqu'il put enfin lui demander, fut incapable de lui expliquer pourquoi il avait si brutalement changé d'avis. Il avait bien vu l'état de son meilleur ami durant cette grossesse difficile, et n'avait pas envie de le voir dépérir plus que ça, mais ça ne se produisit pas. Au contraire, Stiles revivait totalement.

Plusieurs minutes s'écoulèrent ainsi, puis, inquiet, Scott se pencha davantage sur le berceau, scrutant le visage endormi du bébé immobile. Très immobile. Trop immobile. La panique emballa son cœur et il se dépêcha d'appeler Stiles qui, évidemment, étant dans une clinique, avait éteint son téléphone. Alors il lui laissa un message, d'à peu près cette teneur :

- Merde Stiles je ne sais pas quoi faire là, le petit est complètement immobile, je ne sais même pas s'il respire ! Ecoute, je ne veux pas avoir l'air de baliser, mais il n'y a pas longtemps j'ai lu un article hyper flippant sur la mort subite du nourrisson, comme quoi il s'arrêtait de respirer, comme ça, et là je crois qu'il ne respire plus ! Je fais quoi ?!

Un bip lui répondit, signe que le répondeur avait coupé la communication. Scott gémit, se passa une main nerveuse dans les cheveux, puis fit un tour sur lui-même en fixant son téléphone, comme s'il avait la réponse, avant de revenir vers le berceau pour s'y pencher à nouveau, la main gauche devant la bouche. Il n'osait même plus respirer. Et Wyatt qui ne bougeait plus !

Complètement en panique, il appela sa mère.

Lorsqu'il sortit du cabinet, exactement cinquante-deux minutes plus tard, Stiles vit qu'il avait reçu deux messages. Le premier était de Scott. Et lorsqu'il l'écouta, il s'élança en vitesse dans la rue, paniqué, avant d'écouter le second message qui, lui, était de Mélissa, qui lui disait ceci :

- Bonjour Stiles. Ne t'inquiète pas, tout va bien. Je suis avec Scott, et Wyatt dort comme un petit ange. Mon fils n'est qu'un idiot qui lit trop de connerie sur Internet ! Ne t'en fais pas, tout va très bien.

Soupirant, Stiles s'arrêta de courir et maudit Scott de toutes ses forces. Lorsqu'il entra chez lui, son meilleur ami l'accueillit avec un sourire désolé.

- T'es pas dingue ?! lui balança Stiles, qui ne put s'empêcher de sourire face à l'air de chien battu de Scott. J'ai failli faire une crise cardiaque !

- Et moi alors ! rétorqua Scott en gémissant. J'ai failli m'évanouir de peur ! Il était là, dans son berceau, complètement immobile !

- Il dormait, Scott, déclara Mélissa en se levant du canapé, portant dans ses bras un Wyatt somnolant. Il aurait besoin d'être changé.

Stiles soupira en souriant et prit les choses en main. Scott, pour sa part, gagna la cuisine pour se servir une bonne rasade de coca-cola. Mélissa suivit le jeune papa jusque dans la salle de bain à l'étage, et resta à ses côtés.

- Tout va bien pour toi ? lui demanda-t-elle doucement.

- Très bien, répondit Stiles en sortant une couche propre du paquet en utilisant sa main droite, tout en gardant sa main gauche sur la poitrine de son fils. C'était le dernier rendez-vous. On ne voit même plus la cicatrice.

Mélissa sourit puis le regarda changer le petit avec dextérité. Quatre mois seulement, et il semblait avoir fait ça toute sa vie. Wyatt, une fois propre, gazouilla de contentement et attrapa l'un de ses pieds pour le porter à sa bouche. C'était l'été, il faisait chaud, et le petit était rarement vêtu, son père se contentant de le laisser ramper au sol avec sa couche.

- Stiles, déclara-t-elle subitement, tu te souviens de ce que tu m'as dit quand tu n'as plus voulu avorter ?

Stiles la regarda, surpris qu'elle aborde ce sujet ici et maintenant, puis eut un léger sourire amer et répondit :

- Oui.

- Tu m'as dit l'avoir senti bouger, reprit Mélissa avec un doux sourire.

- Mmh.

- Stiles, tu n'étais qu'à huit semaines de grossesse à ce moment-là.

Sans répondre, le jeune papa prit son fils dans ses bras et leva les yeux pour la regarder.

- Les premiers mouvements se font sentir aux alentours de la vingtième semaine, reprit la mère de Scott avec douceur. Il est impossible que tu l'ais senti si tôt.

- Non, souffla Stiles avec un signe de tête. Non, je l'ai senti.

- Stiles, le fœtus est trop petit à ce moment du développement pour toucher les parois utérines. Tu n'as pas pu le sentir. Je suis désolée je … j'aurais peut-être dû te le dire à ce moment-là mais …

Stiles sourit et lui demanda calmement :

- Pourquoi vous ne l'avez pas fait ?

- Je ne sais pas, sourit Mélissa à son tour. J'ai peut-être … vu un petit espoir.

Wyatt poussa un cri content et gigota de tous ses membres, les yeux verts pétillants.

Près de trois ans plus tard …

Stiles soupira, s'installa à la table du salon, et fit glisser vers lui le dossier sensible sur lequel il travaillait en ce moment. Dans la maison, c'était le calme absolu. Wyatt avait enfin accepté d'aller se coucher après presque une demi-heure de négociation. Depuis que ce petit avait appris à parler, c'était un vrai politicien ! Et faire sa sieste n'était plus une priorité pour lui, maintenant qu'il devenait un grand.

Posant son téléphone sur la table à côté de lui, juste à côté du baby-phone, Stiles se plongea dans le dossier.

Pour en sortir vingt minutes plus tard lorsque son téléphone vibra. Voyant qu'il s'agissait de Scott, il décrocha.

- Hey ! lança-t-il avec entrain. Quoi de neuf ?

- Salut ! répondit immédiatement Scott. Je suis de retour dans le coin !

- Sans déconner, c'est vrai ?

- Ouais, on a quelques jours de vacance avant le début des partiels. Ça te dit qu'on se voit demain ? Kira sera là.

- Aucun problème !

- Génial. A quinze heures au parc ? J'amène un fringue, pour Wyatt.

- Super. A quinze heures ! Il sera content de vous voir tous les deux, et encore plus de ne pas être obligé de faire sa sieste !

Scott rit et ils raccrochèrent. Son meilleur ami étant partit pour l'université, ils avaient moins d'occasions de se voir, mais Scott s'arrangeait toujours pour revenir à Beacon Hills, toujours accompagné de sa fiancée.

Ravi, Stiles se remit au travail, souriant déjà en imaginant la bouille de son fils s'illuminer de joie lorsqu'il lui dirait qu'il verrait son tonton Scott demain au parc.

Evidemment, il ne se doutait pas que cette simple sortie allait bouleverser sa vie.


Désolée de vous avoir sorti quelque chose d'aussi sombre, mais j'avais vraiment besoin de raconter cette partie de l'histoire :)

Ce coup-ci, c'est la fin, et bien la fin !

... quoique, j'suis pas sûre à 100%.

Des bizz :P