Cette histoire est ma réponse à un prompt de frost-iron. Elle est très courte - juste deux chapitres - et je dirais que, malgré quelques extraits un peu chauds et certains éléments de langage, la fic est plus fluff/humor que smut. Le rating M est plus là pour le langage que pour les situations. ;)

Le prompt : Loki est serveur (parce qu'on n'a jamais vu ça avant *lève les yeux au ciel*) et s'ennuie constamment au boulot, alors il écoute Literotica sur son ipod. Il trouve la plupart des histoires complètement stupides mais ne peut s'empêcher d'écouter quand un certain T.E. Stark en est le narrateur. Un beau jour, Tony rentre dans le café et Loki reconnaît instantanément sa voix.

Disclaimer : seule l'histoire m'appartient, les personnages restent la propriété de Marvel.

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...Il soupirait pour annoncer sa venue puis le suçait, lentement, longuement, en faisant force bruits pour que Pablito, qui ne pouvait pas le voir, entende et sache, sache pourquoi le troisième pris entre eux deux défaillait de plaisir...[1]

Loki soupira et appuya sur la touche pause de son ipod. Son service allait bientôt commencer. De plus, à force de l'écouter, il n'était pas loin de connaître par cœur ce passage. Il se demandait ce qui pouvait bien l'attirer à ce point dans cette histoire d'une jeune femme fascinée par l'amour charnel entre hommes. Il aurait dû sourire de ce déluge de clichés, un petit sourire indulgent pour la vision fantasmée du corps masculin, mais il ne pouvait s'empêcher d'écouter, encore et encore. S'il voulait se montrer honnête - et il le pouvait, parfois - il savait parfaitement pourquoi il aimait tant cette histoire. Pas vraiment à cause de l'intrigue. Pas vraiment à cause des situations décrites. Pas non plus à cause du style. Ce qui le transportait quand il allumait son ipod, c'était une voix. Celle du narrateur. Un certain T.E. Stark.

Il se rappelait avec amusement comment il avait découvert T.E. Stark. Quand il avait réussi le concours d'entrée à Juilliard, il avait naïvement cru que sa famille serait ravie et fière de lui. C'était sans compter sur son père. Chez les Vargson, on vouait un culte à la loi. Pas toujours pour la respecter. Plutôt pour la contourner ou, plus exactement, pour exploiter ses failles et ses zones de flou. Odin, arrière-petit-fils du fondateur et associé du cabinet Vargson, White & Pursglove, avait décidé pour son fils qu'il ferait son droit avant de le rejoindre au sein de l'entreprise familiale. Que Loki puisse envisager un autre avenir ne lui avait même pas effleuré l'esprit. Forcément, quand Loki lui avait annoncé son intention de devenir comédien, la réaction de Vargson père avait été pour le moins... explosive. Loki pensait pourtant s'être montré habile diplomate en lui parlant d'abord de son admission dans cette prestigieuse école, soulignant le fait que moins de 6% des postulants étaient finalement reçus, mais cela n'avait guère impressionné le vieil homme. Il avait alors tenté de faire vibrer la corde sensible, en lui parlant de son amour pour la scène et les grands auteurs mais, là encore, son père s'était contenté de lui adresser un regard incompréhensif et vaguement ennuyé. Les Vargson n'étaient pas des saltimbanques, sacrebleu ! Ils avaient un vrai métier, des relations, de l'argent, du pouvoir. Ils suscitaient l'admiration et l'envie. Et Loki voulait gâcher tout ça pour une simple lubie ? Mais que se passait-il donc dans cette tête d'oiseau ? Ta mère a été trop permissive et t'a passé trop de caprices. Mais c'est fini, Loki. Tu n'es plus un enfant, grandis un peu ! Prends exemple sur ton frère qui me rejoindra bientôt au sein du cabinet. Loki avait alors oublié ses bonnes résolutions et perdu son sang froid. Il avait rappelé à son père que Thor n'aurait peut-être pas validé ses semestres si Odin Vargson n'était pas un si grand bienfaiteur de l'université et que lui n'avait aucune envie de passer sa vie à boucler des dossiers de fusions-acquisitions et faire des courbettes à des clients ayant plus d'argent que de morale. Ou d'intelligence.

Odin avait alors fulminé et lui avait adressé un ultimatum. Ou il arrêtait là ses élucubrations ou il lui coupait les vivres.

Loki avait choisi l'élucubration. Et un confort plus spartiate. La vie à New York était chère. Malgré son enfance choyée, il n'en avait jamais douté. Mais cela ne rendait pas la réalité moins difficile à affronter. Même s'il ne s'autorisait que peu d'extras, les cours, le loyer et la nourriture représentaient un budget conséquent. Sa mère l'aidait bien un peu, en cachette d'Odin, mais cela ne suffisait pas. Il s'estimait heureux d'avoir trouvé un emploi dans un café qui faisait aussi salon de thé à Manhattan, pas trop loin du Lincoln Center. La propriétaire de l'établissement, Phyllis Agnesi, une matrone à l'œil malicieux, l'avait engagé malgré son manque d'expérience, estimant « qu'un joli cul comme le sien devrait inciter les clients à revenir ». Un peu déstabilisé par cette remarque, Loki s'était pourtant rapidement adapté à son nouvel univers. Après tout, se disait-il, c'est comme un nouveau rôle.

Évidemment, il avait excellé dans le rôle. Comme dans tout ce qu'il faisait. Les clientes du salon de thé l'adoraient pour son sourire et ses excellentes manières - éducation oblige -, les jeunes cadres qui venaient chercher un latte ou un macchiato avant d'embaucher le dévoraient des yeux avant de roucouler quand il posait sur elles - ou sur eux - son regard vert. Loki Vargson était rapidement devenu la nouvelle attraction des Délices de Phyllis. Si la propriétaire des lieux ne s'était pas trop fatiguée pour baptiser son établissement, elle ne s'était pas trompée sur Loki. Que ce soit à cause du vert de ses yeux ou de son joli cul, l'endroit, depuis que Loki y officiait, connaissait une fréquentation inédite. Phyllis était ravie, Loki aussi. Les clients n'hésitaient pas à lui laisser de jolis pourboires et, entre ce qu'il gagnait chez Phyllis et ce qu'arrivait à lui faire discrètement parvenir Frigg, il redoutait moins d'avoir à rentrer chez Odin, la tête basse.

Il y avait quand même une chose qui l'ennuyait un peu : l'ennui. Quand le rush du matin était passé mais que son service n'était pas encore terminé, Loki, une fois le nettoyage et le rangement effectués, se morfondait en attendant l'heure où il pourrait regagner son appartement et ses chers auteurs. Pour tromper son ennui, il s'était mis à flâner sur le net, et avait découvert, par hasard, bien sûr, des sites aussi divers que Literotica ou FanFiction. D'abord intrigué par l'idée que quelqu'un, quelque part, puisse écrire des textes érotiques, voire franchement pornographiques, avant de les mettre gratuitement en ligne, il s'était vite retrouvé à en lire plusieurs à la suite. Il devait bien convenir qu'on était loin de Shakespeare ou de Tchekhov, et que la plupart des textes proposés étaient terriblement stupides, mais il ne pouvait s'empêcher d'y revenir. Discrètement. Il se serait senti moins embarrassé si on l'avait surpris à regarder le pire du cinéma gonzo.

D'accord, c'était souvent mal écrit. Rempli de clichés. Idéalisé. Mais... Après avoir lu quelques scènes écrites par des hommes, il s'était vite orienté vers le slash, écrit par des femmes pour des femmes. Peut-être que les hommes savent trop - et pour cause - comment cela se passe, et que la description de l'acte devenait donc vite chirurgicale. Peut-être. Lui préférait les lemons - joli mot, se disait-il - écrits par des femmes. C'était assez naïf, très romancé, mais c'était cette naïveté même qui amusait et touchait Loki. Je veux ta bouche sur ma queue, tout de suite. Franchement ! Quel homme sortirait ce genre de phrase à son amant ? Il faisait tout pour sembler détaché, il voulait tellement se poser en maître de la situation, mais les pupilles dilatées et les pommettes colorées ne laissaient aucun doute. Ah oui ! N'oublions pas les pupilles dilatées, sourit Loki. Autrement, c'est sûr, le gars n'est pas excité. Ou alors, c'est un junkie, va savoir. Chérie, tu ne t'es pas demandé si ton personnage n'était pas juste un pauvre toxico en manque ? Heureusement, celle-ci nous évite le sexe turgescent et la veine bleue qui palpite, c'est déjà ça.

Entre sourire amusé et regard bienveillant, Loki passait donc le temps à lire du smut. Quand il avait particulièrement aimé, il laissait un petit commentaire pour remercier l'auteur. Il était un garçon bien élevé, après tout. Quand quelqu'un rentrait dans l'établissement, il délaissait ses petites histoires et le servait, avant d'y revenir dès que le client était parti.

Il avait par la suite découvert une nouvelle possibilité : la podfic ! Preuve vivante du génie créatif humain. Télécharger et appuyer sur un bouton pour entendre des propos salaces débités d'une voix suave, la modernité avait du bon.

Parmi toutes ces voix, l'une d'elles l'avait vraiment émoustillé.

T.E. Stark.

Il avait écouté tout ce qu'il avait pu trouver de lui sur Literotica et sur Ao3, FanFiction étant réfractaire à cette révolution auditive. Quand il avait appris que ledit Stark prêtait également sa voix à des livres audio, il avait pris sur son budget serré pour se les procurer. Depuis, T.E. Stark l'accompagnait partout de sa voix chaude et troublante. Chaude et troublante ? Attention, Loki, les clichés fanfictionnesques vont finir par déteindre sur ta manière de t'exprimer.

Il haussa les épaules intérieurement avant de se reprendre et d'afficher son sourire le plus professionnel quand un nouveau client passa la porte.

« Bienvenue aux Délices de Phyllis, fit-il d'une voix raisonnablement enjouée.

— Merci, répondit l'homme avec un sourire ironique à la mention du nom de l'établissement. Un macchiato glacé et un muffin noisette chocolat, s'il vous plaît. À emporter. »

Loki le regarda, effaré. Un silence gêné s'installa.

« Euh... Il y a un problème ? Vous ne faites pas de macchiato ? Ou vous n'avez plus de muffins ? Pas grave, je prendrais un roll vanille fruits rouges. Ou ce que vous avez, je ne suis pas difficile. Ça va, jeune homme ? On dirait que vous venez de voir un fantôme. »

Pas loin. Une voix désincarnée qui s'incarne subitement, est-ce un fantôme ? Ou un mirage ? Loki observa plus attentivement son client. Pas très grand mais bien proportionné. Il avait quoi ? Trois ou quatre ans de plus que lui ? Brun, bronzé, des yeux marron pétillants de malice, des lèvres pleines... pas mal. Bien, même. Non, canon. Ce mec était à tomber et il le savait. Son assurance confinait à l'arrogance et aurait dû agacer Loki. Mais sa voix l'avait déjà séduit, au cours de ces nombreuses heures passées à l'écouter sur son ipod. T.E. Stark. Il en aurait mis sa main à couper. Ici, en face de lui, lui commandant un café. À emporter. Il va bientôt repartir et peut-être ne jamais revenir. Que faire ? Monsieur Stark, je suis un de vos plus grands fans... Débile. Ce n'est ni Robert de Niro, ni Robert Downey Jr, ce gars lit juste des histoires cochonnes ! Et, si ça se trouve, ce n'est pas lui. Si. Loki connaissait trop bien cette voix, il n'y avait aucun doute possible. Secoue-toi, Loki, trouve quelque chose !

« Désolé, Monsieur, je vous avais mal entendu. Un macchiato glacé et un muffin noisette chocolat, je vous prépare cela tout de suite, réussit-il finalement à dire avec son sourire le plus éblouissant. Je vous en prie, asseyez-vous pendant que je vais vous chercher votre muffin, la dernière fournée est encore dans l'arrière boutique. »

Plantant là The Voice, il se hâta vers l'arrière-boutique où il attrapa son sac et en sortit prestement la jaquette du livre audio qu'il écoutait. Dans la foulée, il prit un stylo et, de sa plus belle plume, écrivit sur la jaquette, « Une petite dédicace, M. Stark ? Je suis sûr que votre écriture est aussi plaisante que votre voix. » Cela ne lui vaudrait pas le grand prix d'éloquence mais il fallait bien qu'il improvise. Il se dépêcha de placer le mot dans le sac en papier contenant déjà le muffin et referma le tout. Revenu dans la boutique, il sourit au brun et entreprit de lui préparer son café qu'il lui tendit ensuite, accompagné du muffin et du mot.

« Voilà, Monsieur, un macchiato glacé et un muffin noisette chocolat. Je vous souhaite une bonne journée », fit-il avec un grand sourire, tout en se demandant s'il n'était pas en train de faire une monumentale connerie. Et s'il s'était trompé ? Non. Et si son client venait se plaindre auprès de la propriétaire ? De quoi se plaindrait-il ? Que tu lui aies demandé une dédicace ? La belle affaire ! Au pire, tu pourras toujours dire que tu t'es trompé. Mais qu'il a vraiment une voix à se pâmer. De toute façon, c'est trop tard, il a sa commande en main, maintenant. Et s'il jetait le sac sans voir le papier ?

« Merci, fit l'homme en réglant. Bonne journée à vous également. » Un dernier sourire éblouissant et il quittait la boutique. Merde.

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[1] Extrait du roman les Vies de Loulou d'Almudena Grandes.