Dark Paradise

I

Everytime I close my eyes

Note de l'auteur : Me voilà de retour, avec une fanfiction Hannibal qui fera quelques chapitres. Je ne sais pas encore combien, mais je connais déjà la fin, donc rassurez-vous, j'irai au bout. Cette histoire me trotte dans la tête depuis quelques jours. J'ai commencé à en rêver la nuit, donc il était vraiment temps que je la couche sur une page Word. Vous vous en doutez sûrement, mais j'écris en écoutant la chanson Dark Paradise. Pour moi, les paroles correspondent tellement à Will.

Bonne lecture et donnez-moi votre avis.


J'ouvris les yeux dans l'obscurité. Un coup d'œil au réveil m'apprit qu'il était trois heures du matin. Je soupirai et fixai le plafond. Le sommeil ne reviendra pas. À mes côtés, Molly dormait à poings fermés. Sa respiration calme et régulière résonnait dans la pièce silencieuse. Dehors, les bruits de la nuit étaient étouffés par la fenêtre fermée. Je rejetai le drap et la couverture, couvert de sueur malgré le froid mordant de l'hiver, et sortis de la chambre à pas de loup, sans prendre la peine d'enfiler un t-shirt. J'arpentai le couloir, pieds nus, évitai les lattes de parquets grinçantes, sans avoir besoin de lumière et entrai dans la cuisine où plusieurs couinements m'accueillirent. Une truffe humide se frotta contre ma paume, une queue touffue fouetta mon mollet nu.

« Chut. » Sifflai-je doucement, pour calmer les chiens.

Je me penchai au-dessus de l'évier, ouvris le robinet d'eau froide et mis mes mains en coupe sous le jet glacé, avant d'asperger mon visage en sueur. Puis, je relevai la tête, appuyé sur le rebord en inox, mes yeux se perdirent dans la nuit noire, à travers la fenêtre. Machinalement, je me saisis d'un verre à l'aveugle et le remplis, avant de me désaltérer. Cela faisait une éternité que je n'avais pas rêvé de Florence. Mais, malgré toutes les protections que je pensais avoir mises en place, revoir Hannibal n'était pas sans conséquence. Je n'avais pas changé. J'étais juste… Endormi. Par la douceur, la compréhension et la patience de Molly. Lentement, mais sûrement, elle m'avait remis sur pied. Sauf qu'il n'y avait rien à réparer. Je n'étais pas brisé, non. Ni fragile. Juste hanté par l'âme de la seule personne qui me comprenait réellement. Celle qui m'avait montré un autre chemin, une autre manière de voir le monde, qui m'avait réconcilié avec ma part d'obscurité. Jusqu'à la rupture. Jusqu'à ce que je sois trop effrayé par la passion dévorante, par la folie qui nous liait, par ce besoin de se dévorer l'un l'autre, pour ne faire qu'un. Puis, il avait renoncé à ce qui lui tenait le plus à cœur, pour moi. Sa liberté. Pour que je sache toujours où le trouver. Et pendant trois ans, il avait attendu, alors que je m'efforçais de vivre comme s'il n'avait jamais existé. Mais, mon répit prenait fin ici.

Molly se remettait encore de ses blessures. Nous avions pu, néanmoins, rentrer chez nous. À la maison. Cette maison où je ne me sentais soudainement plus chez moi. Quelque chose s'était brisé entre elle et moi. C'est à peine si elle m'adressait la parole depuis qu'elle était sortie de l'hôpital. Je savais qu'elle regrettait de m'avoir poussé à aller voir Hannibal, qu'elle n'avait pas mesuré à quel point j'en reviendrais différent. Mais, le mal était fait, à présent, et nous allions devoir faire avec. Puis, il y avait Walter. Walter qui était capable de s'affaler devant un match de baseball, après m'avoir froidement conseillé de tuer un homme. Après m'avoir rappelé ce passé que je tentais d'oublier depuis que j'avais rencontré sa mère. Le garçon restait silencieux, parfois durant des heures, collé à Molly plus que jamais. J'avais l'impression de ne plus avoir ma place dans leur duo. Je ne savais pas comment nous allions surmonter ça. Sans compter que le Dragon courait toujours. Mais, il était hors de question que je m'éloigne de nouveau, pour le moment. Que Jack se démerde. Il trouverait bien un autre appât à accrocher à sa ligne.

Je regardai calmement le soleil se lever, sans réellement sentir le froid qui pourtant hérissait ma peau nue de chair de poule, perdu entre mes pensées qui tournaient en boucle et les réminiscences de mon cauchemar. Puis, alors que Molly et Walter dormaient encore, je m'habillai en silence et décidai de partir faire un tour avec les chiens.

Quand je revins, frigorifié, mais l'esprit un peu plus clair, les lumières étaient allumées. Les chiens s'agglutinèrent devant la porte, et alors que je montais les marches du porche au pas de course pour me réchauffer, je m'étonnai de ne pas voir Molly l'ouvrir pour les laisser entrer. Je me frayai un chemin, en distribuant quelques caresses au passage et m'engouffrai dans l'entrée en peinant à garder mon équilibre quand ils me bousculèrent pour se précipiter à l'intérieur. Quand ils se dispersèrent, je manquai de trébucher sur une valise posée au sol, près du portemanteau, et me rétablis de justesse, avant de lever mes yeux sur le salon. Molly m'y attendait, avec Walter, assise en silence sur le canapé. Je n'osai pas comprendre.

« Qu'est-ce que tu fais ? » M'entendis-je demander d'une voix blanche, avant d'avoir pu m'en empêcher.

« Nous partons. J'ai appelé ma sœur, elle nous hébergera le temps que je trouve autre chose. » M'annonça-t-elle froidement.

« Quoi ? Pourquoi ? »

« Mon chéri, va terminer tes bagages dans ta chambre, s'il te plaît. » Dit-elle à son fils.

Il ne protesta pas, se leva et passa devant moi sans un regard.

« Tu m'expliques ? » La relançai-je, quand nous nous retrouvâmes seuls.

Elle sembla chercher ses mots, quelques secondes, et je m'efforçai de rester calme, sans m'asseoir, cependant.

« Tu sais que tu parles dans ton sommeil ? »

« Pardon ? »

« Quand nous nous sommes connus, tu parlais toutes les nuits. Mais, je savais que tu avais vécu des choses difficiles et donc, je ne m'en formalisais pas. Puis, tes cauchemars se sont faits plus rares, jusqu'à disparaître. J'ai pensé que nous pourrions laisser tout ça derrière nous et construire quelque chose. Et ça a marché. Pendant trois ans. Trois années où j'ai fini par accepter que je ne saurais certainement jamais tout de toi, qu'il y aurait toujours une part de toi qui m'échapperait, qui me serait cachée. Mais, tu avais bien droit à ton jardin secret et ce côté mystérieux n'était pas dénué de charme. Puis, Jack Crawford est venu. Et, Dieu sait comme je le regrette, je t'ai poussé à reprendre ton ancien boulot, à lui rendre ce service, parce que je pensais avant tout à ces pauvres familles. J'ai pensé que ça aurait pu être nous. Jusqu'à ce qu'à ce que ça se produise réellement. »

« Je suis désolé pour ça. Je n'imaginais pas… Si j'avais su… »

« Ce qui est fait, ne peut pas être défait, Will. » Me coupa-t-elle. « Je ne t'en voulais pas à toi, mais à lui. » Et je sus qu'elle ne parlait pas du Dragon. « Tu nous as ramenés à la maison et insisté pour rester loin de l'enquête, pour ne plus nous laisser seuls. Mais… »

« Mes cauchemars sont revenus. » Compris-je.

Elle hocha la tête, au bord des larmes.

« La plupart du temps, je ne comprends même pas ce que tu dis. Mais, quand tu murmures son nom au milieu de la nuit, de cette voix suppliante… C'est comme s'il te hantait… »

« Qu'est-ce que tu as fait ? » Soufflai-je, en devinant qu'elle ne me quittait sûrement pas à cause de quelques rêves, sur lesquels je n'avais aucun contrôle.

« Je voulais le voir. Lui parler. Comprendre. »

Une onde de panique me secoua de la tête aux pieds, et j'allais l'interrompre, quand elle reprit.

« Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas eu le droit de le rencontrer. Le docteur Bloom y a veillé. » Un soupir de soulagement m'échappa. « Puis, elle m'a raconté. »

« Raconté quoi ? » Demandai-je, pris d'un mauvais pressentiment.

« Tout. » Dit-elle, en laissant échapper une larme. « Tout ce que tu ne m'as jamais dit. Toutes ces choses que tu m'as cachées ou que tu as déformées, pour te positionner en victime… Elle m'a dit que tu étais comme lui. »

« Ce n'est pas… Tout à fait vrai. » Soupirai-je, en me laissant tomber lourdement sur un vieux fauteuil, avant de prendre mon visage entre mes mains.

« Qu'est-ce que tu entends par là ? »

« Je… C'est compliqué à expliquer. »

« Eh bien, tu vas tout de même essayer. Parce que Walter m'a parlé de cet article qu'il a lu sur toi. Maintenant… Il pense que tu devrais tuer ce malade qui court toujours. Il a douze ans, Will, bon sang ! »

« Je ne suis pas responsable de ce qu'il fait sur internet ! Je ne contrôle ni mes cauchemars, ni ce que fait ton fils quand je suis à des centaines de kilomètres d'ici, Molly ! Ce n'est pas moi qui ai rédigé cet article ! J'aimerais comprendre pourquoi tu as soudainement décidé de partir ! » M'écriai-je, en me levant.

« Parce que j'ai l'impression de ne plus te connaître ! En fait, je doute même de t'avoir connu un jour ! Et je ne peux plus vivre avec toi en me demandant sans arrêt s'il te manipulait tant que ça, finalement, ou si, au contraire, tu étais plus que conscient de ce que tu faisais, quand tu as tué cet homme, quand tu l'as prévenu que le FBI venait l'arrêter, quand tu passais tes journées dans sa maison déserte, plongé dans tes souvenirs. Tu as traversé l'Atlantique sur un bateau de pêche, pour le retrouver, nom de Dieu ! » S'emporta-t-elle, en s'éjectant du canapé, pour me faire face.

La rage brillait dans son regard, ses mains tremblaient, sa respiration était erratique.

« Ce n'est pas… C'est compliqué. » Bafouillai-je, en me répétant. « Il a développé une obsession malsaine pour moi. Il m'a persuadé que j'étais comme lui, s'est ancré si profondément dans mon esprit, que quand il s'est enfui sans moi, il me… Manquait. » Tentai-je d'expliquer. « J'y suis allé pour le tuer, Molly. Parce que j'avais l'impression que tant qu'il vivrait quelque part, je ne serais jamais en paix. Mais, rien ne s'est passé comme prévu. Il m'a fallu des mois, pour retrouver sa trace. J'ai appris des choses sur lui dont je n'avais pas idée. Des choses qui changeaient la donne. J'ai compris comment il était devenu ce qu'il est. Je lui ai pardonné… »

« Comment as-tu pu… Après tout ce qu'il t'a fait… »

« J'ai pris conscience que je lui avais brisé le cœur. Il avait agi ainsi parce qu'il était blessé… »

« Non mais tu t'entends ! » Me coupa-t-elle de nouveau. « Les gens normaux ne font pas ça quand ils sont blessés ! Les gens normaux ne tuent pas les gens par plaisir ! »

« Il ne tue pas par plaisir, Molly. Tu ne le comprends pas. »

Elle me regarda, choquée.

« Apparemment, je ne te comprends pas non plus. Mais, éclaire-moi, je t'en prie. Pourquoi le fait-il, dans ce cas ? »

« Pour toutes sortes de raisons. Il est curieux de la nature humaine, ne supporte pas l'impolitesse. Il le fait parfois par nécessité de survie, quand une personne le démasque ou en sait un peu trop sur lui. Il n'est pas sadique. Il ne torture pas. La peur gâte la viande, ce n'est pas son but. »

« Stop. » M'arrêta-t-elle, visiblement dégoûté. « Tu parles de lui comme si sa manière d'être était acceptable. »

« Parce qu'elle l'est, à mes yeux. » Murmurai-je, en repensant à mes entretiens avec le docteur Du Maurier. Elle aussi avait compris certaines choses, sur lui et sur moi. « Il est vrai. Il dit toujours la vérité, à sa façon. Il est honnête, en acceptant complètement sa nature. C'est certainement discutable, condamnable, difficile à appréhender, mais c'est acceptable. Parce qu'il est tout à fait sain d'esprit et parfaitement logique. »

« Il a envoyé un tueur en série pour nous éliminer, Will ! Où est la logique là-dedans ? Pourquoi ferait-il ça ? »

« Pour revendiquer ses droits sur moi ! » Criai-je, sans le vouloir.

Cette conversation prenait une tournure qui ne me plaisait absolument pas.

« Alors… Elle avait raison. » Chuchota-t-elle, après quelques secondes, d'une voix blanche.

« Qui ? » Demandai-je, même si je connaissais la réponse.

« Le docteur Bloom. Je ne voulais pas la croire, mais elle avait raison, quand elle m'a dit qu'il était… Amoureux de toi. »

Je soupirai, en fermant les yeux. Parce que je devinai aisément la question qui allait suivre. Malgré tout, ses mots me blessèrent.

« Tu l'aimes aussi ? »

« Ne dis pas n'importe quoi ! Je t'aime, toi ! » Répondis-je, en la saisissant par les épaules.

Mais, elle se dégagea sèchement.

« Tu comptes aussi lui pardonner ce qu'il nous a fait ? »

« Si c'était le cas, je ne serais pas là. Je serais resté à Baltimore. »

« Mais, tu ne nies pas ses sentiments pour toi. »

« Il ne m'aime pas… Pas au sens où tu l'entends. Il veut simplement… Être la personne la plus importante dans ma vie. Il s'est rendu pour rester près de moi et je l'ai ignoré durant trois ans. Puis, il a trouvé une opportunité d'attirer de nouveau mon attention. Quand il a appris que j'étais marié, il l'a mal pris, parce que ça voulait dire qu'il n'avait plus aucun pouvoir sur moi, que je l'avais oublié. Il a fait ça, pour m'isoler et que j'ai de nouveau besoin de lui. Quand il a vu qu'il avait échoué, il m'a avoué qu'il était derrière tout ça, pour voir ce qui allait se passer. C'est ce qu'il fait, Molly. Il provoque des événements et attend de voir le résultat. »

Elle m'observa, bouche bée, durant de longues secondes. Puis, elle leva les mains, en signe de reddition. Elle abandonnait toute idée de saisir ce que j'essayais, en vain, d'exprimer.

« J'ai besoin de temps pour réfléchir. » Prétendit-elle.

Mais, je pus voir une telle détermination dans ses yeux, que je compris qu'elle ne reviendrait pas. Qu'elle disait ça pour m'épargner et que je la laisse partir sans trop la retenir. Alors, je hochai simplement la tête, la gorge nouée, et elle appela Walter, chargea les valises dans sa voiture et disparut au bout de la route, sans que j'aie bougé d'un iota du milieu du salon.

Une éternité après que le bruit du moteur se soit estompé au loin, une première larme me surprit. Elle chatouilla mon cou, après avoir dévalé ma joue dans une totale indifférence. Puis, une deuxième la rejoignit et je ne les comptai plus. Mes genoux me lâchèrent et je m'effondrai sur le tapis, avant de m'y rouler en boule, mes bras serrés autour de mes jambes. Les chiens se précipitèrent sur moi, m'entourèrent en couinant, léchèrent mes joues, se couchèrent en cercle autour de mon corps gelé et secoué de sanglots. Et j'enfouis mon visage dans les poils hirsutes, respirai leur odeur familière pour tenter d'y trouver le repos, les laissai me bercer jusqu'à ce que je m'endorme d'épuisement.