Salut tout le monde !

Voici un petit OS qui me trottait dans la tête hier soir et que j'avais envie d'écrire. Post The Wrath of The Lamb (comment ça, je ne me suis pas remise de cet épisode... Oui, j'avoue.)

Edit: finalement, cet OS s'est transformé en recueil d'OS, où je publierai, je pense, la plupart de mes petits OS Hannibal à venir. Stay tuned !

Résumé : "Will a toujours souhaité la mort d'Hannibal, mais il n'a jamais pris le temps d'imaginer à quoi ressemblerait la vie sans lui. Peut-être parce qu'il n'en est pas capable. Peut-être parce qu'il sait qu'il ne peut pas survivre à Hannibal. Et peut-être qu'il n'en a pas envie non plus."

Bonne lecture !


.oOo.

Les mains d'Hannibal étaient chaudes. Sa peau sentait le sang, la douleur, et le cachemire de son pull gris frottait contre la fine barbe ensanglantée de Will. L'étreinte ne dura pas longtemps, quelques secondes à peine, mais qui devenaient des siècles dans le cerveau électrifié de Will – des siècles, pendant lesquels il eut le temps de se dire qu'il ne pouvait pas vivre avec lui, mais qu'il ne pouvait définitivement pas vivre sans lui.

Tuer Hannibal avait toujours un concept à la fois lointain et proche, comme quelque chose qu'on a longtemps attendu, espéré, redouté, et qui, se retrouvant à portée, nous paraît irréel. À quoi ressemblerait la vie, sans Hannibal ? Sans leurs discussions, leurs jeux de manipulation, leurs courses-poursuites, leurs mutuelles tentatives d'assassinat, leurs mutuels sauvetages ? Il n'arrivait pas à l'imaginer ; il avait été incapable de laisser le Dragon Rouge tuer Hannibal sans intervenir. Il aurait pu, pourtant. Ne pas sortir le pistolet caché dans son pantalon quand Hannibal se vidait de son sang contre le piano. Ne pas se jeter sur Francis pour le poignarder par derrière alors qu'Hannibal était effondré sur le tas de bûches.

Il aurait pu, mais l'idée qu'Hannibal puisse mourir, et surtout, d'une autre main que de la sienne, lui avait paru tellement insupportable qu'il ne s'était même pas posé la question ; il y était allé.

Il ne pouvait pas vivre avec Hannibal, et il ne pouvait pas vivre sans lui.

Autant ne plus vivre du tout.

Hannibal n'avait rien dit, mais la tête appuyée sur sa poitrine, Will pouvait entendre son cœur tambouriner – que ce soit à cause de l'effort physique ou des sentiments qu'il ressentait pour Will, il n'en savait rien. Les deux, probablement.

Dans un monde parallèle, Will n'aurait pas voulu bouger. Il aurait voulu rester comme ça, contre le corps brûlant d'Hannibal, jusqu'à la fin des temps, jusqu'à se fondre dans son corps, jusqu'à ce qu'ils ne soient plus qu'un, ensemble, indissociables, pour l'éternité.

Mais ils n'étaient pas dans un monde parallèle, il y avait Jack, il y avait Alana, il y avait Molly, sa propre femme, qui n'était même pas consciente que la passion qui le brûlait était destinée à un autre. Il y avait Walter, qui était devenu son fils, tout en conservant la distance d'un étranger. Des pièces de puzzle avec lesquelles il avait tenté de combler les vides laissés par Hannibal, et dont les bords ne correspondaient pas.

Le puzzle, en cet instant, était complet. À chaque respiration d'Hannibal, chaque léger mouvement de ses doigts contre la chemise de Will, les pièces s'emboîtaient les unes dans les autres avec une merveilleuse facilité. Will ne s'était jamais senti aussi bien, aussi heureux de sa vie.

Mais il le savait, et Hannibal le savait, et le reste du monde le savait : Will n'était pas fait pour être heureux.

Autant mettre fin au bonheur de lui-même, avant qu'on ne le lui arrache.

Il glissa les bras autour du cou d'Hannibal. Il réalisa qu'il ressentait du soulagement, un soulagement si intense qu'il en aurait presque pleuré, à l'idée que ce serait la fin ; pas juste celle d'Hannibal, mais la sienne aussi – leur fin, à tous les deux. Will avait découvert le sens de sa vie avec Hannibal, il était logique qu'elle s'arrête en même temps que la sienne. Avec un peu de chance, si la mort n'était pas une fin, en mourant dans les bras l'un de l'autre, ils resteraient ensemble pour la prochaine étape, où être un tueur en série cannibale et un empathe instable fasciné par le meurtre n'auraient plus aucune importance. Même dans les flammes de l'enfer, ça n'avait pas d'importance. Tant qu'ils étaient ensemble.

Hannibal lui murmura qu'il l'aimait au moment précis où Will les faisait tomber de la falaise.

La chute fut brutale – autant que Will l'avait imaginée ; mais ce qu'il n'avait pas imaginé, par contre, c'était la température glaciale de l'Atlantique, et la brûlure horrible de ses plaies béantes dans lesquelles entrait l'eau de mer. Sa joue, surtout, et là où Francis l'avait poignardé dans la poitrine – c'était le plus horrible. Si sa respiration n'avait pas été aussi paniquée, aussi erratique, il aurait hurlé à n'en plus finir ; la douleur était tellement atroce qu'il mit un temps à réaliser qu'il était vivant.

Il était vivant.

Toute la chute venait de perdre son sens.

Certes, la survie n'était pas encore garantie, mais à cette hauteur, avec les rochers qui tapissaient le fond, il aurait cru que l'impact serait suffisant pour le tuer.

Les tuer.

Hannibal.

Où était Hannibal ?

Ils étaient tombé ensemble, serrés l'un contre l'autre. C'était Hannibal qui était en dessous – c'était lui qui avait subi tout le poids de la chute, de plein fouet.

Oh, mon dieu.

-H... Hannibal ?

Sa voix gargouilla, étouffée par l'eau salée qui s'infiltrait dans sa bouche et dans sa gorge. L'impact les avait séparés, mais en ouvrant difficilement les yeux, Will le découvrit non loin, son corps balancé par les vagues, les yeux fermés.

- Hannibal !

L'eau semblait animée d'une vie propre, tentant par tous les moyens de l'amener par le fond, mais Will rassembla les dernières petites gouttes d'énergie dont il disposait pour nager vers Hannibal, capable d'ignorer la brûlure atroce de ses blessures chaque fois qu'il faisait un mouvement, mais incapable, en revanche, d'ignorer la peur glaciale qui lui serrait le ventre, qui s'infiltrait dans son cœur.

Hannibal ne bougeait pas – il n'avait pas rouvert les yeux. Il était peut-être évanoui – il était peut-être mort. C'était impossible à déterminer, et Will sentait avec impuissance la panique se frayer un chemin dans tout son corps, traverser ses veines et irriguer ses terminaisons nerveuses.

- Hannibal !

Il repéra une petite grotte marine, non loin d'eux, presque au pied de là où ils avaient chuté, et décida qu'il ne pouvait pas rester là, flottant dans l'eau, à attendre de se noyer, sans savoir si Hannibal était mort ou vivant.

Rassemblant ses dernières forces, il attrapa le bras d'Hannibal, et nagea péniblement vers la grotte, où un banc de sable les attendait.

Hisser Hannibal sur le banc de sable fut probablement l'expérience la plus épuisante de sa vie, et pourtant, Dieu savait que Will avait connu des expériences épuisantes. Mais lorsqu'il fut enfin allongé sur le sable, sans risque de se laisser entraîner par les vagues qui leur léchaient les pieds, Will tomba à genoux à ses côtés.

- Hannibal !

Sa peau était chaude, encore. Il avait presque un sourire sur les lèvres, mais aucun souffle ne s'en échappait. Les doigts de Will tremblaient tellement qu'il dut s'y reprendre à deux fois avant de poser son index et son majeur dans le creux du cou d'Hannibal – qui était, et resta, terriblement silencieux.

- Oh mon dieu, balbutia Will.

C'était ce qu'il avait voulu, lui rappela une voix dans sa tête. Hannibal mort – c'était ce qu'il avait toujours voulu.

Non, répondit aussitôt une autre voix, dans une autre zone de conscience. Il l'avait souhaité, parce que c'était la meilleure chose pour tout le monde, mais ce qu'il voulait, ce qu'il désirait réellement, c'était mourir avec lui.

Pas vivre sans lui. Il en était incapable.

Une douleur atroce, plus terrible que les coups de poignards de Francis gorgés d'eau salée, plus terrible que toutes les blessures réunies que Will avait subies au long de sa vie, se fraya un chemin dans son cœur, et déchira sa gorge dans un sanglot.

Hannibal était mort.

Pour quelque chose qu'il avait tenté de provoquer si souvent, il n'aurait jamais cru que l'idée lui serait aussi insupportable. C'était plus que douloureux – c'était son cœur, qu'Hannibal lui avait arraché avec ses deux mains sanglantes, et qu'il avait enfoui dans son propre corps, avant de le quitter pour une destination inconnue. C'était son cœur, et Will avait un trou béant dans la poitrine, palpitant aux extrémités, un trou si énorme qu'il aurait pu y passer son bras sans toucher les bords, et les larmes qui coulaient sur la plaie de sa joue étaient encore plus brûlantes, encore plus douloureuses que l'eau gorgée de sel de l'océan.

Il eut beau appuyer de nouveau la tête sur sa poitrine, comme dix minutes auparavant, cette fois-ci, il n'entendit plus le cœur d'Hannibal tambouriner, et un nouveau sanglot manqua de l'étrangler – un monde où le cœur d'Hannibal ne battait plus dans sa poitrine n'avait plus aucun sens.

Il ne voulait pas vivre sans lui – il ne pouvait pas vivre sans lui. Ce n'était pas le plan. Ils devaient mourir ensemble, tous les deux, quitter ce monde ensemble, et partir ensemble ailleurs, peut-être ; et si ce n'était pas le cas, au moins, ils seraient morts en même temps.

Will n'était pas censé rester. Il n'était pas censé rester.

Hannibal !

Dans un monde parallèle, Will se serait levé, aurait tenté de s'en sortir, aurait essayé de joindre Jack, et Alana, pour les prévenir qu'Hannibal était mort, aurait retrouvé Molly et Walter, aurait oublié les mots d'amour murmurés par Hannibal alors qu'ils tombaient, aurait repris sa vie d'avant, tant bien que mal.

Dans ce monde, Will garda la tête posée sur la poitrine d'Hannibal, ses larmes se noyant dans le cachemire déjà trempé d'eau et de sel, leurs jambes entrelacées, la brise marine caressant l'intérieur de son corps à travers le trou béant dans sa poitrine, et ferma les yeux, attendant que ses blessures, ou le froid, ou la marée montante, ou la faim, finissent enfin par le ramener aux côtés d'Hannibal. Pour de bon, cette fois.

I love you too.