Et voilà pour cette nuit pour l'écriture ! Merci à toutes celles qui ont participé et qui ont proposé des mots !

Thème 4 : Pluie

Début : 23h02

Résumé : Ca fait deux semaines que Will est parti, et Hannibal l'attend, assis sur le fauteuil, en regardant la pluie couler le long des vitres.

Note : Cet OS est particulier, parce que c'est la suite d'un OS sur la musique classique que j'ai déjà écrit, Gaspard de la Nuit. Le problème, c'est que ce serait le chapitre 3, parce que j'avais prévu un chapitre 2 à intercaler entre les deux, pour suivre la logique de la chronologie. Mais je l'ai pas encore écrit, ce chapitre 2 ! Du coup voici le chapitre 3, qui de toute façon n'a pas de rapport avec le chapitre 2 qui n'est pas écrit, mais je le publie sur ce recueil parce que sinon ça foire l'ordre de l'autre histoire et je peux pas je peux pas, à la limite je le publierai plus tard sur l'autre histoire, quand j'aurai publié le chapitre 2... ou alors je le retaperai pour qu'il soit plus long... BREF.

A part ça, j'ai écrit cet OS en écoutant, du coup, Gaspard de la nuit, et la version Mizumono Bloodfest de l'Aria des Variations Goldberg de Bach, accompagné du super site "rainymood", (Rain makes everything better), vous devriez aller y faire un tour !

Bonne lecture !

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Hannibal avait généralement horreur de rester inactif, mais ça faisait pourtant déjà une demi-heure qu'il était assis sur le fauteuil, et qu'il regardait en silence la pluie glisser sur les vitres et clapoter sur la terrasse de carrelage brun à l'extérieur. Les nuages noirs passaient sans bruit, et les minutes semblaient prisonnières de cet étrange moment, trop clair pour être déjà la nuit, mais trop sombre pour être encore le jour.

Will lui manquait.

Ça ne faisait que deux semaines qu'il était parti, mais depuis six mois qu'Hannibal était habitué à sa présence constante à ses côtés, "deux semaines" ressemblait à "deux éternités".

Il se leva pour allumer la chaîne, et glissa dans le lecteur le seul CD que Will avait pris avec lui lorsqu'il avait quitté les Etats-Unis – Gaspard de la Nuit. Le morceau lui rappelait Will avec une telle force que c'était comme si sa présence se dissimulait dans les notes coulantes, glissantes, fluides comme l'eau qui ruisselait sur la baie vitrée.

À son contact, Will en avait appris beaucoup plus sur la musique classique, et aimait toutes sortes de morceaux, mais celui-ci était différent – il leur appartenait, à eux seuls. Hannibal le mettait parfois pour réveiller Will en douceur, les matins de pluie, et celui-ci se retournait immanquablement vers lui en souriant lorsqu'il était tiré de son sommeil. Il tendait la main pour lui faire signe d'approcher, et Hannibal se blottissait sous les couvertures, contre son corps chaud. Ils écoutaient les pizzicatos des gouttes sur le velux, et ils s'embrassaient jusqu'à ce que la pluie s'arrête, parfois des matinées, des journées entières.

La pluie n'avait pas toujours été synonyme de confort, pour l'un comme pour l'autre. Elle leur rappelait avec trop d'acuité cette soirée où Will avait débarqué chez lui, complètement trempé, pour découvrir Alana sur le porche, le dos brisé, et Abigail dans la cuisine.

Hannibal avait renié Abigail, avait enjambé Alana, et sous la pluie torrentielle, avait mis son manteau et avait laissé derrière lui sa vie entière, abandonnée sur le sol de sa cuisine avec une profonde entaille dans le ventre. Encore maintenant, quatre ans après, alors qu'il avait de nouveau Will à ses côtés, le souvenir de cette soirée parvenait à lui serrer la gorge.

Mais ce n'était qu'un souvenir, alors que l'absence de Will, en cet instant, était bien réelle.

Il reviendra, se disait Hannibal. Il reviendra.

Il était parti aux États-Unis, sous sa fausse identité, pour essayer de récupérer Winston. L'opération n'était pas sans risques, mais Will y tenait tellement qu'Hannibal avait fini par céder. Il ne lui refusait plus rien, de toute façon. C'était l'inconvénient de sa "compassion" pour lui. Et lorsqu'il avait laissé partir Will, il savait parfaitement qu'il ne le reverrait peut-être plus jamais. Il s'attendait à chaque heure à voir débarquer une armada de policiers à sa porte, trahi une nouvelle fois, et attendait ce moment en buvant un verre de vin dans son fauteuil près de la vitre.

Mais quinze jours s'étaient écoulés, aucun représentant de l'ordre n'avait encore sonné à sa porte, et Hannibal attendait. Will ne lui avait pas donné de nouvelles – trop dangereux.

Le monde d'Hannibal semblait comme figé, coincé entre deux battements de temps, quand Will n'en faisait pas partie. Il avait pourtant essayé, pendant quelques mois, après l'avoir laissé sur le sol de sa cuisine, et ça n'avait pas fonctionné. Il attendrait le retour de Will, et si Will ne revenait pas, il irait le chercher. Malgré les risques.

Hannibal fit coulisser la vitre – l'air frais vint caresser son front, et le clapotement des gouttes s'amplifia alors que le tonnerre grondait au loin. Derrière lui, Gaspard De La Nuit résonnait toujours, et Hannibal regardait la terrasse sans la voir, les pensées perdues sur les matins tranquilles passés avec Will.

Puis, au loin dans la rue déserte, une portière de voiture claqua, et un chien aboya, et Hannibal releva la tête aussitôt, l'esprit à l'affût, tout l'engourdissement du vin s'évaporant de sa tête. Sans réfléchir, il avança sur la terrasse, sa chemise blanches à fines lignes grises instantanément trempée, et descendit les trois marches qui menaient à l'allée et au portillon, qui grinça quand il le fit pivoter.

Un taxi passa devant lui, manquant de peu de l'éclabousser en roulant dans une flaque, mais Hannibal n'y fit pas attention, les yeux rivés quelques mètres plus loin, sur la silhouette aux boucles alourdies par les gouttes, un chien à un pied, et une valise à l'autre.

Il ne courut pas – pas parce que ça n'aurait pas été gracieux, pas digne de lui – simplement, parce que ses pieds semblaient fixés au sol, et qu'il n'aurait pas pu les décoller pour tous les meurtres du monde.

Ce ne fut que lorsque Will bougea qu'il retrouva à son tour le contrôle de ses mouvements, et il s'avança vers lui, avec l'impression de revivre à l'envers cette soirée tragique, où il allait vers Will au lieu de le laisser derrière lui, où la joie qu'il ressentait était inversement proportionnelle à la souffrance qui lui avait alourdi le cœur ce soir-là.

Will s'arrêta juste devant lui, et ne lui sourit pas ; ils s'observèrent un instant, comme émerveillés de se trouver à nouveau l'un en face de l'autre, les gouttes de pluie dévalant les traits anguleux de leurs visages, et Hannibal se pencha pour l'embrasser au moment exact où Will s'avançait vers lui.

Ils devaient donner un spectacle assez singulier, trempés de pluie, les lèvres soudées, les mains d'Hannibal sur les joues de Will, et celles de Will agrippant l'arrière de sa chemise ; mais il n'y avait personne dans cette rue déserte, où il avait établi leur domicile au n°15 bis, et même s'il y avait eu un public de quinze mille personnes, ça n'aurait pas eu d'importance.

- Tu m'as manqué, murmura Will lorsqu'ils furent forcés de reprendre leur respiration. Tu m'as horriblement manqué.

Hannibal ne répondit rien, parce qu'il savait que Will n'avait pas besoin de mots pour comprendre exactement ce qu'il ressentait, et parce qu'il était trop occupé à goûter la pluie sur les courbes de ses lèvres – mais lorsque Winston se mit à aboyer, Hannibal et Will se rappelèrent de son existence, et l'entraînèrent vers leur petite maison.

En d'autres circonstances, Hannibal aurait détesté voir le chien mouiller son parquet et s'ébrouer sur ses meubles, mais lorsqu'ils entrèrent dans le salon, Ondine tournait toujours en boucle, et Will lui adressa un grand sourire, et rien d'autre n'avait d'importance.

- Je te manquais tant que ça ?

- Oui.

C'était un mensonge – c'était encore plus que "ça", encore plus que Gaspard de la Nuit, c'était la torture par le néant ; et de toute évidence, Will dut le lire dans son regard, car il posa sa main sur la joue d'Hannibal avec sérieux, l'air de dire "je sais", sans qu'un seul mot ne soit prononcé. C'était ce qu'Hannibal avait toujours préféré, cette faculté qu'avait Will à le comprendre, même au plus fort de la colère et de la haine – a fortiori, au plus fort de l'amour.

Puis la main glissa, et Will lui sourit.

- Je suis de retour.

Ils passèrent la nuit pelotonnés l'un contre lui sous la couverture, avec Ondine qui tournait en boucle dans la pièce d'à côté, et le bruit de la pluie sur les velux de leur chambre.

Fin : 0h35

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Et voilà mes bouchons ! Merci d'avoir lu ! A bientôt pour de prochains OS !