Once Upon a Time ne m'appartient pas. La série appartient à la ABC.

Bonne lecture !

Emma s'était installée à l'écart, sur un tronc d'arbre mort. Le Granny's importé tout droit de Storybrooke se trouvait à une centaine de mètres. Elle posa l'attrape-rêve qu'elle venait d'achever et en commença un autre. Elle tenta de faire abstraction de ce Rumpelstilskin imaginaire qu'elle voyait arriver du coin de l'œil.

- « Tu pourrais te libérer de la dague, maitriser tes pouvoirs. Tu en aimes la saveur, n'est-ce pas ? Ce bien-être que procure la maitrise et le pouvoir ?

- C'est faux, démentit-elle.

- Tu pourrais tuer Arthur.

- Je ne tuerai pas.

- Tu as tué Cruella pourtant, rappela son démon.

- C'était un accident.

- Tu voulais sa mort, elle voulait tuer ton fils. En quoi est-ce différent aujourd'hui ? On obtient la paix qu'en passant par la guerre.

- Je ne pourrais pas faire ça...

- Tu ne dois pas te sous-estimer. Tu peux tout faire. C'est au monde de se plier à toi, non l'inverse. Merlin te refuse Excalibur car il a peur de ton potentiel, non de tes limites. Tu pourrais devenir plus puissante qu'il ne le sera jamais. »

Emma acheva le cercle qui serait le cœur d'un nouvel attrapeur de rêve. Elle tenta de se concentrer sur cette tâche dont elle maîtrisait à présent toutes les étapes. Ce démon finirait par se taire et disparaître.

« Tes parents ont peur de ta magie... Tu te souviens de la peur dans ses yeux quand tu as voulu prendre ton frère dans tes bras, la réticence qu'il avait à t'approcher quand tu avais explosé le mur ? Tu ne peux pas refuser la magie sous prétexte que certains ne sont pas prêts à la tolérer. »

Elle ne répondit pas et se concentra uniquement sur ce qu'elle était en train de faire, ignorant les pensées que formulait son démon intérieur. Elle en acheva un, puis un autre. Le temps s'écoulait sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte.

Le cœur d'Emma se serra. Elle avait un mauvais pressentiment. Quelque chose de terrible était en train de se produire et elle ne savait pas encore à quel point elle avait raison.

Dans sa tour, Arthur terminait son étrange mixture. Excalibur reposait sur la table, la lame brisée. Bientôt les deux lames viendraient à fusionner pour n'en formée qu'une seule pleine et entière. Arthur empoigna alors Excalibur près à achever la dernière chose qui lui restait à faire.

Emma était assise, à l'écart. Elle profitait du calme environnent et confectionnait inlassablement ces attrape-rêves qui avaient le mérite d'occuper son temps et son esprit. Le regard de pitié que ses proches posaient sur elle était parfois trop lourd à supporter. Ils lui témoignaient cette compassion, celle-là même dont on gratifie les patients en phase terminale. Aussi cette solitude était apaisante, dans une certaine mesure. Le problème étant qu'elle n'était jamais vraiment seule.

« Tu l'as senti n'est-ce pas ? »

Emma ne répondit pas. Elle tenta de réprimer sa réaction première qui eut été de lever les yeux vers ce Rumpelstilskin illusoire. Être ignoré était loin de décourager le Ténébreux de torturer Emma.

- « Pourquoi lui as-tu donné la dague déjà ?, demanda-t-il dans une grimace. A quel moment as-tu pensé que Regina ferait un bon cerbère ?

- Ça me regarde, répondit Emma en feignant l'indifférence.

- Ça nous regarde, corrigea-t-il. Je suis ici pour t'aider.

- C'est pas l'impression que j'ai, rétorqua-t-elle en levant les yeux vers lui.

- Je te préviens juste qu'il ne tardera pas à s'emparer de la dague.

- Qui ? »

Rumpelstilskin s'accorda un sourire, amusé qu'on lui accorde enfin toute l'attention qu'il mérite. Il se tut quelques instants et esquissa quelques pas avec une lenteur toute calculée. Emma réprima un soupir.

- « Qui ?, répéta-t-elle en s'efforçant de paraître aimable.

- Mais Arthur, Dearie. Tu sais mieux que moi, ce qu'il compte en faire...

- Il sait comment s'y prendre ?, demanda-t-elle tandis que son cœur manquait un battement.

- Il serait à présent plus juste de demander dans combien de temps, il va t'appeler pour lui cirer les bottes...

- Mais il...

- Emma, à qui parles-tu ? »

Emma sursauta. Elle essaya de paraître absorbée par sa tâche mais tenter de la duper était vain. Regina s'avança et entra dans son champ de vision.

« Je me parlais à moi-même » mentit l'intéressée.

Regina la regarda quelques instants achever la conception de cet attrape-rêve. Le cordage en son cœur était achevé. Emma attacha quelques plumes ici et là pour lui donner son apparence finale.

- « Hook nous a dit que tu parlais avec... un démon dans ta tête.

- Je ne suis pas folle.

- Ce n'est pas ce que j'avais l'intention de dire, se défendit Regina. Je sais que ce... démon a l'apparence de Rumpelstilskin et, pour avoir côtoyé le vrai, je sais que ce n'est pas un cadeau. »

Elle tenta un vague sourire qui n'éclaira pas plus le visage d'Emma. Cette dernière restait renfermée et arborait un air distant.

« Quand nous aurons Excalibur, tout rentrera dans l'ordre. » tenta-t-elle encore.

Emma serra la mâchoire et baissa les yeux. Elle entreprit de recommencer à finir l'attrape-rêve mais Regina ne se laissait pas duper par une tentative aussi grossière pour se défiler.

- « Je t'aurais crue plus enthousiaste...

- Et si je ne veux pas m'en défaire ?, lança Emma avec affront. Je ne suis pas si mauvaise. Ma magie m'a permis de sauver Robin.

- Et je t'en serais éternellement reconnaissante mais cette noirceur va te ronger et te consumer. Tu dois t'en débarrasser avant.

- Mais j'arrive à la contrôler. Je contrôle mieux mes pouvoirs maintenant qu'avant, quand je n'étais que la Sauveuse. »

Emma posa un peu brutalement l'attrapeur de rêve. Elle se tourna d'un même mouvement vers Regina, la défiant presque d'argumenter encore.

- « C'est une fausse impression. C'est le pouvoir qui finira par te contrôler, crois-moi.

- Je ne suis pas devenue la Ténébreuse pour le pouvoir, je n'avais pas de mauvaises intentions. J'en ai pas plus maintenant. Je vois pas pourquoi ça changerait, se défendit Emma.

- Si c'est un Rumpelstilskin qui te souffle ces idées et non une licorne arc-en-ciel, c'est pour une bonne raison, argua Regina. Tu vaux mieux que ça. »

Emma se leva, piquée au vif. Ses yeux verts étaient soudain rougis par la colère. Regina voulut reculer d'un pas mais se força à ne pas s'y abaisser.

« Qu'est-ce que je suis ? »

La question était froide, distance, lancée au visage presque comme une énigme narquoise. Regina resta un bref moment sans voix, ne trouvant la réponse à cette question d'une complexité déconcertante. Emma en attendait pourtant une et elle était déterminée à l'entendre.

« Qu'est-ce que je suis ?! » répéta la Ténébreuse d'une voix tremblante de rage.

Regina plissa les yeux d'incompréhension, surprise par cette colère soudaine.

- « Tu es Emma, répondit-elle avec évidence et désarroi.

- Mais qu'est-ce que je suis ?!, ragea-t-elle.

- Tu es la mère d'Henry, tu es Emma, la fille de Charming et Snow-White. Tu es... »

Emma baissa les yeux. Elle fit grincer dents, serra mâchoire. La réponse n'était pas aussi horrible qu'elle avait crainte sans être toutefois aussi plaisante qu'elle avait osé l'espérer. La voix de Regina s'étrangla dans un soupir.

« Regina est toujours aussi inutile, autant la supprimer puisqu'on en a l'occasion. Ça nous sera utile plus tard. »

Emma reconnut sans peine cette voix sifflante et chantante qui roulait les r à outrance. Rumpelstilskin esquissa quelques pas, d'une démarche dansante, se délectant du spectacle. Regina tenta de reprendre son souffle mais l'air n'affluait plus à ses poumons. Emma regarda son bras tendu, serrant une gorge imaginaire. Malgré toute son envie, elle n'arrivait pas à faire plier son corps à sa volonté. Elle n'arrivait pas à stopper cette torture.

- « Arrête, demanda-t-elle dans un souffle.

- Pourquoi ?, rétorqua Rumpelstilskin dans une grimace contrariée. Tu veux qu'elle meure, n'est-ce pas ?

- Non !, s'horrifia Emma.

- Je ne fais que t'aider à te débarrasser des éléments gênants...

- VA T'EN ! SORS DE MA TÊTE ! »

L'ordre était sans appel. L'instant d'après, le démon s'était évaporé, chassé sans vergogne par la Ténébreuse. Emma reprit le contrôle de sa main et mit fin au tourment qu'elle était en train d'infliger contre son gré. Regina prit une profonde inspiration et porta machinalement la main à sa gorge. Elle massa sa peau douloureuse qui ne laissait paraître aucune marque d'étranglement.

« Je suis... Je suis désolée. » souffla faiblement Emma en reculant d'un pas.

Elle mit ses bras le long de son corps. Ses mains disparurent dans les longues manches blanches de son vêtement. Regina, quant à elle, s'avança d'un pas assuré. La Ténébreuse osa jeter un coup d'œil dans sa direction et son regard rencontra l'argent flamboyant de la dague sur laquelle luisait son nom.

- « Si les excuses sont de toi, l'attaque, elle ne l'est pas, déclara Regina d'une voix ferme. Je suis désolée mais je dois avoir une réponse franche : pourquoi tu veux ce pouvoir, quel intérêt ?

- Je te l'ai dit : je me contrôle mieux maintenant.

- Tu parles de avant ou après avoir tenté de m'étrangler ?

- Regina, c'est..., tenta Emma.

- Pourquoi tu veux garder ce pouvoir ?, exigea-t-elle de savoir. Réponds.

- Je suis puissante. Je peux tout faire. Je peux vaincre n'importe qui. Plus personne ne pourra faire du mal à ma famille. Je ne suis pas assez en étant juste moi.

- Comment ça ''pas assez'' ?, répéta Regina. Tu es venue à Storybrooke, tu as cru en la magie, tu as détruit le diamant, tu a rétabli l'Histoire, tu as absorbé les ténèbres... Pourquoi tu ne serais pas assez ?

- Je ne suis pas assez parce que je ne peux pas changer le destin. »

Les réponses lui étaient arrachées et elle commençait à nourrir une certaine rancœur envers Regina pour utiliser la dague ainsi. Pourtant elle n'arrivait plus à déterminer si cette colère était bel et bien la sienne où si elle lui était insufflée dans son cœur par la dague.

- « Maintenant, ça suffit, coupa Emma du bout des lèvres. Donne-moi la dague.

- Pour laisser Rumple te souffler tes actes ? Certainement pas. Tu peux sauver ta famille même en étant ''juste Emma''. La dague t'empêche de mentir alors réponds franchement, je veux connaître toute la vérité. » ordonna-t-elle.

Emma se pinça les lèvres mais sa bouche forma tous les mots qu'elle espérait taire.

- « Tu fais partie de ma famille.

- Et alors ?

- Je n'ai pas pu battre Zelena, je n'ai pas pu arrêter Perceval parce que Hook m'en a empêchée mais cela ne se reproduira plus. Maintenant, je pourrais tout surmonter. »

Soudainement, les paroles de la Ténébreuse ne semblaient plus faire sens aux oreilles de la brune. Elle abaissa la lame, cessant de la brandir avec autorité.

« Qu'est-ce que tu dis ? »

Emma leva brièvement les yeux au ciel, priant, espérant encore que ses mots ne la trahiraient pas. Regina avait toujours la dague en main, aussi sa question bien qu'innocente exigeait une réponse. Emma ne pouvait pas fuir.

- « Je peux être plus forte que Robin ne le sera jamais. J'ai absorbé les ténèbres alors qu'il n'a rien pu faire.

- Tu..., commença Regina sans parvenir à formuler sa pensée.

- Malgré le pouvoir de la dague, je ne pourrais jamais changer le destin qui vous unit. Je ne serai jamais assez, continua Emma malgré elle.

- Emma, Regina, Merlin est introuvable. »

Emma se détendit, reconnaissante de voir sa mère arriver et mettre fin à cet interrogatoire forcé. David emboîtait le pas de son épouse.

- « Il n'a pas dit où il allait, poursuivit Snow.

- Il doit être parti chercher Excalibur, supposa David.

- Ou alors il est parti s'entretenir avec Arthur. Nous ne connaissons pas Merlin, nous ne pouvons pas lui faire confiance » rappela Regina.

Ses doigts passaient nerveusement sur le pommeau sinueux de la dague. Les propos d'Emma étaient obscurs et ce qu'elle pensait entrevoir la laissait indécise. Elle écoutait les propos des Charming mais elle ne pouvait s'empêcher de réciter les paroles d'Emma comme si celle l'éclairerait davantage.

- « Merlin est un bon sorcier, avança Snow.

- C'est en partie à cause de lui que nous avons dû nous battre contre l'Auteur, lança Regina.

- Il essaye d'aider Emma, avança David. Lui seul le peut.

- Emma a besoin de sa famille, pas d'un prétentieux qui a pris racine.

- Vous devriez rentrer au Granny's, intervint Emma d'une voix claire. Je suis sûre que Merlin est parti chercher quelque chose qui pourrait nous aider. C'est le plus grand sorcier qui ait jamais existé, il doit bien avoir trouvé quelque chose... Je dois parler de la dague avec Regina. »

Snow offrit un sourire qui se voulait rassurant. Elle posa sa main sur la bras de sa fille dans une caresse qu'elle espérait rassurante et maternelle. Cependant, cette pitié glaça la Ténébreuse qui se força à répondre avec tout autant de tendresse. Son père lui adressa un sourire plus confiant. Elle ne pouvait que s'en sortir, elle était la Sauveuse. Ce rappel lui tordit l'estomac mais elle n'en laissa rien paraître. Les Charmings s'éloignèrent. Emma les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils s'éloignent suffisamment pour qu'ils n'entendent rien de cette conversation.

« Emma, concernant ce que tu as dit, tu... »

Un halo doré enveloppa Regina dont le corps se figea. La fin de sa phrase ne franchit ses lèvres et le fil de ses pensées se décousit. Emma termina l'attrape-rêve d'un geste et en serra la dernière cordelette avant de la trancher d'un geste sec et maitrisé.

« Je suis désolée Regina, tu ne dois rien garder de cette conversation. », s'excusa-t-elle néanmoins.

La Ténébreuse fit glisser l'attrape-rêve le long des cheveux bruns de Regina. Dans ses cordages sinueux et asymétriques, l'attrape-rêve captura plus qu'un onirisme éphémère, il emprisonna le souvenir d'un lourd secret. La mémoire fut volée, scellée au cœur.

Emma recula d'un pas et reprit sa place.

- « Je vois que tu commences à comprendre notre manière de fonctionner, tu apprends vite, la félicita Rumpelstilskin en applaudissant trois fois avec entrain.

- Je fais ça uniquement pour éviter des désagréments, plaida-t-elle.

- Ce ne serait pas arrivé si tu ne lui avais pas donné la dague. Tu peux aussi la reprendre... la remplacer par une fausse. Elle ne verrait même pas la différence, lui suggéra-t-il.

- Je la lui ai donnée. Je lui fais confiance, argua Emma.

- Pourquoi lui effacer la mémoire dans ce cas ?

- Pour qu'elle ne s'inquiète pas. Elle sera plus heureuse ainsi. »

Emma prit une profonde inspiration pour se calmer. Elle ne devait pas accorder d'importance à cette ténébreuse chimère. Elle libéra Regina de son emprise.

- « Je crois qu'on devrait rejoindre mes parents au Granny's. Merlin devrait revenir nous dire ce qu'il en est d'Arthur, fit Emma comme si elle venait de terminer une tirade. Il doit bien y avoir un moyen de se séparer de ces ténèbres sans que j'ai à rendre l'âme.

- ...Oui », répondit Regina sans grande conviction.

La brune fronça les sourcils, ne pouvant s'empêcher de penser que quelque chose manquait. La dague était toujours dans sa main... Elle regarda Emma avec une légère et légitime suspicion. Emma feignit l'indifférence avec habilité.

Arthur faisait les cent pas. Le bruit de ses pas raisonnait sur le carrelage, martelant ses pensées. Un homme le suivait du regard l'air grave. Arthur s'arrêta soudainement et se tourna vers cet homme qu'il avait longtemps admiré et respecté.

- « J'ai besoin de cette dague, conclut-il.

- Tu n'as pas besoin de la dague pour etre un grand homme, jugea bon de lui rappeler l'homme. Quand je vois ce que tu es devenu, je doute que tu en sois digne.

- J'en suis digne !, s'insurgea Arthur en brandissant Excalibur comme s'il s'agissait d'une preuve irréfutable. Je suis né pour réaliser cette prophétie. »

Merlin ne répondit pas immédiatement. Il sonda son élève du regard, cherchant à éprouver la véracité de ses paroles. Il soupira discrètement. Douter était la porte ouverte aux fautes.

- « Si tu complètes Excalibur tu devras en assumer le fardeau.

- Je suis près depuis que tu m'as fait part de la prophétie. » assura Arthur.

Merlin s'approcha et comme un père le fait pour rassurer son fils, il posa une main protectrice sur l'épaule du roi. Les broderies sombres de sa tunique noire luisaient sous la lueur tremblotante de l'âtre de la cheminée.

- « Tu n'auras pas la dague si facilement, le prévint Merlin. Cette Ténébreuse est déjà puissante de nature. Il lui arrive même de dompter parfois cette noirceur qui enivre son cœur.

- Qu'est ce que je dois faire pour m'en emparer ?, demanda-il avec avidité.

- Tu dois t'en prendre à la faiblesse que nous avons tous. Ce sera difficile mais nous devons sauver le plus grand nombre de cette menace. C'est pour le bien de tous. », souffla l'enchanteur, presque à regret.

Arthur acquiesça. Une fois chose faite, il pourra scinder le mal et irradier les ténèbres de sa lumière. Un grand devoir exige de grands sacrifices et il était plus que prêt à en payer le prix. Le roi Arthur sera connu pour avoir dispersé les ténèbres, il marquera le temps, l'Histoire, l'humanité. Le roi Arthur deviendra le plus grand chevalier, le roi le plus noble qui eut jamais existé.

Emma achevait un autre capteur de rêve. Ce dernier était d'une circonférence moindre et le cordage anarchique laissait transparaitre une certaine hargne.

Elle avait eu une discussion houleuse avec ses parents. Elle avait explosé, crié, accusé mais personne n'avait comprit le motif de sa souffrance. Elle avait levé la main, menaçant de les punir mais elle s'était ravisée. Merlin l'avait assommée avec ses paroles bienpensantes, bienveillantes. Ces discours suintant de compassion et de gentillesse l'irritaient. Ses parents avaient bien tenté de la retenir mais elle s'était obstinée à la solitude. Tout était plus calme ainsi, moins douloureux, moins opprimant. Elle avait silencieusement remercié Regina de n'avoir usé de la dague pour la contraindre à rester.

Son ouvrage était répétitif mais elle agrémentait sa nouvelle création de coquillage ou de feuilles plus colorées. Elle fit glisser un index en suivant le cordage sommaire qui se tissait au sein du cercle. Son estomac se tordit encore.

« C'est Emma ou la Ténébreuse qui a peur ? », demanda Rumpelsilskin.

Emma roula des yeux et étouffa un soupir.

- « Tu ne pars donc jamais ?

- Pas tant que tu n'auras pas pleinement accepté la noirceur et le pouvoir... Et ce n'est pas cette activité enfantine et manuelle qui va m'empêcher de te rendre visite.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Depuis quand es-tu occupée à ça ? »

Emma serra dans sa main le capteur de rêve que le démon de ses pensées pointait ostensiblement du doigt. Le fait est qu'elle ne savait pas. De plus, elle n'avait pas de montre à portée de main pour l'éclairer. Elle chercha le soleil. Ce dernier était bas et touchait la cime des arbres.

- « Tu ne trouves pas que ta famille s'est absentée depuis bien longtemps ? Je ne dis pas que Merlin est une mauvaise compagnie pour le thé mais le temps commence à être long...

- Qu'est-ce que tu insinues ?, lança-t-elle brusquement en se levant. Merlin ne ferait rien contre ma famille.

- Le même Merlin qui doute de tes capacités, le même enchanteur médiocre qui s'autoproclame le plus puissant du monde alors que nous seuls sommes détendeur de ce pouvoir, siffla le démon entre ses dents.

- Il est du côté des héros, évoqua Emma avec raison.

- Parce qu'aucun héros n'a versé de sang ? » railla le Ténébreux du passé.

Emma se mit à douter. Son cœur commença à tambouriner dans sa poitrine, la pressant à réagir. L'inquiétude l'étourdit presque.

« Tu es le plus redoutable des Ténébreux. Merlin ne peut que craindre ton potentiel. C'est à toi de lui montrer ses limites avant qu'il ne les franchisse. », répéta Rumple avec insistance et persuasion.

Emma ne l'écouta plus et se concentra. Si elle n'avait aucun objet qui puisse la mener à sa famille... mais elle savait qu'une chose la guiderait avec une attention toute particulière. Son tourment imaginaire lui sourit, fier de la voir assimiler, utiliser son environnement à ses propres fins. Emma tendit l'oreille. Elle fit abstraction des bruits de la forêt, du clapotis de l'eau, de la brise, des feuilles et des animaux. Alors elle entendit les voix murmurer, chanter tout bas, l'appeler dans un susurrement irrésistible. Son chemin était tout tracé.

Merlin apposa deux doigts sur le front d'Henry qui vacilla. Son corps s'effondra et chut aux côtés de celui de Snow. Le cœur de Regina manqua un battement. Elle était désemparée et impuissante. Merlin les immobilisait sans grande difficultés grâce à sa magie.

Arthur fit tourner Excalibur dans sa main dans une expression de sa nervosité. Il esquissa quelques pas avant de retourner à son emplacement initial. Sa quête prendrait fin aujourd'hui après de longues années d'effort.

- « Qu'est-ce que vous lui avez fait ?!, hurla Regina en regardant tour à tour Henry et Merlin.

- Je me demande si tout ceci est nécessaire, fit Arthur songeur.

- Ça l'est, assura Merlin avec calme en ignorant Regina et ses vaines menaces.

- Répondez-moi !, vociféra Regina. Qu'est-ce que vous leur avez fait ?! »

La brune regardait son fils mais elle avait beau l'observer, elle ne voyait plus sa poitrine se soulever au fil de sa respiration. Une pensée funeste faisait son chemin dans son esprit mais elle la repoussait avec acharnement. Snow était étendue à ses côtés, à terre, figée dans la mort. Charming était terrassé par le chagrin qui le laissait sans voix.

Les murs de Camelot seraient leurs tombeaux.

La porte de bois grinça. Ses gonds fondirent et la porte se coucha au sol. Emma la passa, comme on enjambe un cadavre. Son visage était fermé. Pourtant l'horreur passa dans ses yeux quand ils se posèrent sur le corps inerte de son fils qui gisait sur le sol froid.

« Il a tué Henry ! » cria Regina.

Emma ne le voyait pas respirer. Son cœur se fissura et la douleur du chagrin la submergea. Elle observa le corps de sa mère, tout aussi immobile. Arthur brandit Excalibur et se plaça avec prudence devant la Ténébreuse.

« Tu vas réunir Excalibur et la dague, ordonna Arthur. Tu vas nous obéir si tu veux conserver ce qui te reste de ta famille. »

Emma resta immobile. Elle n'hésitait pas, elle prêtait juste un peu d'attention à ce Rumpelsilskin imaginaire qui se mouvait dans la pièce, indifférent aux yeux de tous.

- « De mon temps, personne ne se serait ainsi attaqué au Ténébreux. Tu devrais lui donner une leçon. Le transformer en escargot et l'écraser par exemple..., suggéra-t-il avec délice.

- Non, souffla Emma.

- Tu ne comptes tout de même pas leur obéir ?, demanda-y-il dans une grimace dégoûtée.

- Je ne suis pas stupide. J'ai une autre idée. »

Arthur fronça les sourcils et chercha du regard à qui elle pouvait bien s'adresser. L'inquiétude lui fit légèrement baisser la pointe brisée d'Excalibur. Emma décrivit un geste rapide du poignet. Arthur étouffa un cri de douleur et fut projeté quelques mètres plus loin. Excalibur disparut de sa main dans un nuage grisâtre. La Ténébreuse réapparut, brandissant l'épée légendaire dont le flanc de la lame effleurait le cou de Merlin. Emma le défia du regard. Elle pressa l'épée contre son cou, menaçant de lui trancher la gorge au moindre mouvement. Elle lui arracha sa dague des mains. Elle se détendit, assurée à présent d'avoir la main mise sur ses agissements.

« Je devine que les pièces sont redistribuées. », dit-elle avec une once de sournoiserie.

Son regard vert passa par-dessus l'épaule de Merlin et croisa le regard de Regina.

« Libère-la », ordonna-t-elle platement.

Merlin déglutit. L'instant qui suivit, Regina fut de nouveau apte à se mouvoir. Sa première réaction fut de se précipiter vers Henry. Cependant, avant qu'elle ne puisse l'atteindre, Emma lui ordonna de s'arrêter.

« Tu viens avec nous. » l'informa la Ténébreuse.

Un serpent de fumée grisâtre s'enroula autour d'eux avant de se dissiper dans l'air et de ne laisser qu'un vide derrière lui. La Ténébreuse s'était évaporé en emmenant Merlin et Regina dans ses noirs desseins.

Tous trois réapparurent une tour plus éloignée, moins spacieuse. Au vu de son état, elle ne devait guère plus être utilisée. Il s'en dégageait une odeur poussiéreuse et une obscurité peu accommodante.

« Qu'est-ce que tu leur réserves ? » demanda Rumpelsilskin avec une curiosité palpable.

Emma l'ignora, savant que sa réponse était également attendue de Merlin et de Regina. D'un mouvement du poignet des liens apparurent et s'attachèrent autour des poignets et des chevilles de Merlin. Les cordes luisirent un bref instant avant de reprendre leur apparence terne et banale. Pourtant, Merlin ne pourrait plus user de sa magie.

- « Tu ne peux pas faire ça, déclara Merlin avec bienveillance. Il a encore du bon en toi.

- La même bonté que tu as ? » rétorqua Emma avec désinvolture.

La Ténébreuse se tourna vers Regina. Cette dernière fut surprise d'y découvrir l'indifférence d'une folie meurtrière. Son impassibilité cachait une colère froide que nul ne pourrait arrêter.

- « Henry, il est..., commença Regina.

- En parlant de ça... »

Emma fit apparaître un petit attrape-rêve entre ses doigts. Elle le passa nonchalamment sur la tête de Merlin pour qu'il capture dans ses filets les derniers souvenirs qu'elle voulait visualiser.

Le cercle se mit à luire des couleurs de l'or. La lumière gagna le cordage et forma finalement un voile dans lequel Merlin dévoilait ses derniers souvenirs. On y voyait l'enchanteur converser avec Arthur, livrer son plan. Le Merlin de l'attrape-rêve mentionna qu'il faudrait simuler la mort de certains proches pour pousser la Ténébreuse dans ses derniers retranchements. Emma fronça les sourcils, de colère et le voile se brisa. Ceci ne faisait que confirmer son pressentiment. L'attrape-rêve fondit et fana dans ses mains pour ne devenir que poussière. Les larmes naissantes de Regina laissèrent place à un soulagement légitime. Emma se tourna de nouveau vers l'enchanteur, presque triomphante.

« Ma mère et mon père partagent le même cœur. Tuer l'un revient à tuer l'autre. Mon père ne pouvait pas être vivant si ma mère était morte. C'était grossier. » conclut-elle.

Regina s'avança d'un pas, avec prudence et réserve. Si Emma avait choisi cette tour et capturé Merlin, elle devait avoir quelque chose derrière la tête.

- « Qu'est-ce que tu comptes faire ?, demanda-t-elle.

- Prépare la potion du Sort Noir.

- Je ne peux pas faire ça.

- Je peux te l'ordonner mais je te le demande, insista la Ténébreuse.

- Emma, stop. Tu ne peux pas faire ça. »

Emma se tourna brusquement. Regina étouffa un grognement de douleur. La main de la Ténébreuse extirpa de sa poitrine, le cœur pourpre et rougeoyant qui était le sien. Emma croisa son regard.

« Je suis désolée, Regina, mais je dois le faire. Si je dois t'y forcer alors je le ferai... Prépare la potion du Sort Noir. », répéta-t-elle.

Elle souffla son ordre directement à son cœur. Si le visage de la brune traduisit sa déception elle dut se plier à l'ordre qui lui était donné. Elle fouilla parmi les étagères poussiéreuses, les flacons aux étiquettes effacées par le temps et commença.

- « Tu dois te séparer de la chose la plus importante à tes yeux pour réaliser ce sort, rappela Merlin le cœur battant.

- Je sais. » murmura la Ténébreuse.

Regina commençait à verser le contenu d'une petite fiole dans un grand chaudron de cuivre. Un léger soupir de fumée s'en échappa. La réponse d'Emma lui glaça le sang : elle ne songeait pas à tuer Henry, n'est-ce pas ? Son cœur tressaillit d'angoisse et d'horreur.

- « Si tu fais ça, il n'y a pas de retour en arrière possible, ajouta Merlin dans l'espoir vain de la raisonner.

- Regina en est revenue, répliqua Emma avec calme. Le chemin n'est pas facile mais il est possible.

- Tu perdras beaucoup sur cette route.

- J'y gagnerai sans doute bien plus, s'obstina la Ténébreuse. Maintenant silence, je n'ai plus besoin de tes conseils. »

Les lèvres de Merlin se soudèrent et le condamnèrent à se taire. Emma posa les yeux sur sa main dont les doigts se refermait doucement autour du cœur de Regina. Elle veillait à ne pas le comprimer, à ne pas la faire souffrir plus que nécessaire. Le démon de son esprit tournait autour du chaudron, suivant la préparation d'un œil expert. La potion changeait parfois de couleur et si un nuage opaque s'élevait parfois par intermittence, il ne s'en dégageait aucune odeur.

Le temps parut inexorablement long mais Regina versa le dernier ingrédient fondamental à l'exécution de la préparation. Elle ferma les yeux, cherchant à se soustraire un bref instant à l'acte horrible qu'allait commettre Emma.

- « Tu ne peux pas tuer Henry, la mit en garde Regina. Je pourrais tout te pardonner mais ça, jamais. Toi-même tu ne pourrais jamais en revenir.

- Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'Henry, murmura Emma.

- Même si cela me fait plaisir de ne plus le voir tourner autour, tu ne peux pas sacrifier Hook, poursuivit Regina.

- Il y a quelqu'un que j'aime actuellement plus qu'eux et ça... rien de tout cela n'aurait été possible si je n'étais pas devenue la Ténébreuse. »

Les yeux d'Emma était rougis, non pas par les larmes et la tristesse mais par cette folie qui commençait à la consumer de l'intérieur. Rumpelstilskin trépignait d'impatience, et explosait parfois d'un ricanement jouissif et incontrôlable. Quand ce serait fait, sa famille serait saine et sauve et ils seraient tous à la maison.

Regina sortit de sa voiture qu'elle avait brutalement arrêté devant l'imposante maison de la Ténébreuse. Elle marcha d'un pas décidé, remonta l'allée et gravit les quelques marches qui menaient au perron. Elle en avait plus qu'assez qu'Emma apparaisse et se défile à sa guise. Tout cela devait cesser.

« Emma ! Ouvre cette porte ou je l'ouvrirai moi-même ! »

Seul le silence lui répondit. Emma devait être absente ou alors elle faisait la sourde oreille. Ceci énerva Regina plus que de raison. Excédée, elle fit naître une boule de feu dans sa paume et la lança sans vergogne contre la porte de la maison. La boule de feu s'écrasa contre la porte et s'évapora dans un nuage de brume. Il était peu sensé d'avoir songé qu'Emma aurait laissé sa maison sans protection.

Elle préféra changer d'approche et tenta de pénétrer dans la maison par la porte-arrière. Si elle ne pouvait pas entrer par la grande porte, elle pouvait toujours passer par derrière ou même espérer entrer par une fenêtre.

Elle s'apprêtait à monter le petit escalier qui menait à la porte-arrière quand quelque chose attira son attention. Dans la cour arrière, il y avait cette petite maison, ce petit abri de jardin étonnement scellé par un cadenas quelque peu imposant pour le trésor anodin qu'il était sensé conserver. Regina revint sur ses pas. Elle apposa prudemment un doigt sur le cadenas de métal noir. Ne recevant aucune décharge magique, elle fit un léger geste du poignet pour le déverrouiller sans avoir à souffrir de la recherche fastidieuse de la clef. Le mécanisme cliqueta et la porte s'ouvrit légèrement. Regina poussa la porte et se fraya un passage à l'intérieur.

Cela avait tout d'un atelier. Au centre de la pièce unique, il y avait un bureau sur lequel était disposé les divers éléments servant à la réalisation des attrape-rêves. Il y en avait un, à moitié achevé sur le plan de travail. Quelques plumes, cordes et coquillages traînaient sur le bureau.

La lumière filtrait uniquement par les petits carreaux des vitres de la double porte par laquelle Regina était entrée. Les attrapeurs de rêve pendaient par centaines du plafond, pareils à une constellation atypique.

Elle fit quelques pas dans la pièce, observant la diversité de ces attrape-rêves. Emma avait dû passer des heures, des jours à les confectionner. Mais quels étaient leurs utilités ?

Regina se hissa sur la pointe des pieds et décrocha celui qui était le plus à sa portée. Elle le ramena devant ses yeux et le détailla avec attention, les sourcils froncés. Elle décrivit un léger arc de cercle avec son autre main. Un voile doré se tissa alors au cœur de l'attrape-rêve qui livra le souvenir qu'il renfermait. A sa surprise, son sort réveilla les souvenirs dans les autres attrape-rêves de la pièce. La pièce sombre s'éclairait sous les souvenirs. L'écho de ces murmures du passé bourdonna dans l'air. Regina fit abstraction des autres et se concentra sur celui qui était dans sa main.

On y voyait Emma affublée d'un long manteau noir, accoudée nonchalamment contre la rambarde du port. Sa peau était déjà diaphane, ses cheveux déjà d'un blanc décoloré. Ses lèvres fines et tombantes étaient teintées d'un rouge carmin. Regina s'y voyait aux côtés d'Henry, arguer avec une assurance presque insolente qu'elle endosserait le rôle de la Sauveuse. Les paroles de la Ténébreuse raisonnaient avec fatalisme. Elles blessèrent encore Regina lorsqu'elles parvinrent à ses oreilles :

« Je sais que tu n'as pas ça en toi... C'est dommage qu'il n'y ait pas de Sauveuse dans cette ville. »

Regina s'éloignait alors avec Henry, laissant Emma seule derrière eux. Pourtant ces paroles blessantes semblaient emprunt d'une toute autre finalité dans ce souvenir qui n'était pas le sien. Ces paroles lancées comme une certitude acerbe raisonnaient comme un défi, un défi que Regina devrait relever. Le souvenir s'évanouit, s'éteignant sur le visage sans expression de la Ténébreuse qui semblait contrariée ou triste de les voir partir.

Regina leva la tête et contempla les autres attrape-rêve qui continuaient de faire défiler la mémoire qu'ils conservaient dans leurs cordages. On y voyait Emma, à son arrivée à Storybrooke, converser amicalement avec Mary Margaret. On assistait à un moment privilégié entre une femme qui se découvrait mère et un petit garçon qui espérait être enfin aimé de celle qui l'avait abandonné. Henry saupoudrait sa tasse de chocolat chaud de cannelle avant de tendre le flacon à Emma qui en saupoudrait tout aussi généreusement sa tasse. Dans un autre souvenir, Emma enlaçait Graham et l'embrassait avec passion, s'autorisant enfin à laisser tomber un mur. Dans un souvenir plus ancien, on voyait Emma, plus jeune et insouciante, fuir dans la coccinelle jaune qu'elle conserverait bien des années, aux côtés de Neal.

Henry frappait à la porte de l'appartement de New-York et révélait à cette inconnue qu'il était son fils...

Regina arrachait le cœur d'Henry de la poitrine de Peter Pan...

Emma étreignait ses parents contre son cœur...

Emma embrassait Hook...

Emma contentait ses larmes tandis que Regina s'engageait à lui offrir les souvenirs d'une vie heureuse...

Tout autant de souvenirs aux cours des dernières années qui avaient forgé ce qu'était Emma Swan et ce qu'elle était devenue. Cependant, Regina avait beau chercher, elle ne trouvait pas celui qui lui confierait comment Emma avait sombré et pour quelle raison.

Les souvenirs se jouaient, s'entrechoquaient à présent les uns les autres. On y voyait Henry, Hook, Snow et David mais aussi Auguste, Zelena murmurer dans une cacophonie dérangeante :

« Tu es la Sauveuse. Tu peux le faire parce que tu es la Sauveuse. »

Les voix se déformaient, les mots fondaient dans une lourdeur insoutenable, répétant inlassablement le statut que portait initialement Emma Swan. Regina s'entendit elle-même dire ces mots, dans un souvenir lointain que la Ténébreuse avait soigneusement conservé conjointement à d'autres. Les souvenirs furent aspirés dans les cordes et le silence revint, aussi soudain qu'apaisant. La porte claqua et le métal fit vibrer l'air.

« Je devine que fouiller est devenu une seconde nature. Je ne pensais pas que tu oserais venir jusqu'ici. » murmura la Ténébreuse.

Elle marcha d'un pas lent, arrivant doucement dans le champ de vision de Regina. Ses talons noirs claquaient lugubrement sur le sol. Ses vêtements noirs et écailleux épousaient son corps comme une seconde peau. Ses cheveux, toujours retenus dans ce chignon serré, découvrait sa mâchoire serrée. Ses traits étaient tendus.

« Pourquoi as-tu tous ces souvenirs ? »

Emma ouvrit la bouche comme si elle s'apprêtait à lui répondre mais scella ses lèvres, se muant dans le silence.

- « Si tu ne nous dis rien, nous ne pourrons pas t'aider.

- Je n'ai pas besoin d'aide, répliqua Emma avec froideur.

- Dans ce cas, explique-moi ce que tu as en tête.

- Tu ne pourrais pas comprendre.

- Prends le temps de m'expliquer. » lança Regina quelque peu sèchement.

La brune croisa les bras. Dans cette pièce froide, le blazer rouge qu'elle portait était le seule note de couleur. Elle lança un regard encourageant à Emma qui hésita avant de dévoiler des informations qu'elle estimait peu cruciales :

- « J'ai enfermé mes souvenirs dans les attrapeurs de rêve pour ne pas oublier qui j'étais.

- Pourquoi tu oublierais ? Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- J'ai déjà été loin pour tout mener à bien.

- Tu as lancé le Sort Noir, n'est-ce pas ? », interrogea Regina.

Leur brusque retour de Camelot et leur subite perte de mémoire ne pouvait résulter que de cela. Pourtant, personne n'était mort, du moins pas à sa connaissance...

- « Qui a lancé le Sort Noir ?, répéta-t-elle. Ça ne peut pas être toi... Henry, ta famille est vivante.

- C'est moi qui ait lancé le sort, confia la Ténébreuse dans un fin sourire.

- Qui as-tu tué pour ça ?, demanda Regina la gorge nouée.

- Je crois que le mieux est encore de te le montrer. »

La Ténébreuse décrocha un attrape-rêve dont l'apparence était plus singulière. En effet, son cordage était plus ouvragé, plus serré, plus esthétique aussi. L'attention qu'elle avait mis à le faire semblait toute particulière comme si le souvenir était plus lourd à contenir. Des doigts de la Ténébreuse, un halo doré en surgit et enveloppa l'objet qui rejoua cette scène que Regina avait oublié.

« Il y a quelqu'un que j'aime actuellement plus qu'eux et ça... rien de tout cela n'aurait été possible si je n'étais pas devenue la Ténébreuse. » déclara Emma.

Elle tenait toujours le cœur de Regina dans sa main. Merlin était ligoté et condamné au silence. La Ténébreuse s'avança vers Regina, se rapprochant aussi dangereusement du chaudron dans lequel mijotait la mixture malfaisante. Regina ne put s'empêcher d'y jeter un regard inquiet.

« Il n'y a que d'un cœur dont j'ai besoin. » confia Emma en penchant légèrement la tête sur le côté.

Sa tenue nacrée et ses boucles blondes lui donnaient un air angélique. Ses paroles n'en restaient pas moins inquiétantes. Emma baissa les yeux brièvement sur l'organe battant entre ses doigts. Puis, soudain, elle tendit sa main qui plongea dans la poitrine de Regina pour remettre son cœur à sa juste place. Emma se recula, laissant le temps à Regina de reprendre son souffle. La brune posa sa main sur sa poitrine et sentit son cœur inquiet battre la chamade, menaçant de sortir de nouveau de sa poitrine.

- « De qui... de qui..., balbutia Regina.

- Il a plusieurs moyens de tuer et de mourir. »

Emma s'approcha de Merlin. Les pans de sa robe de nacre voletait doucement derrière elle. Elle était semblable à l'ange de la mort. Elle arracha le cœur de l'enchanteur sans sourciller. L'organe était tiraillé entre un blanc éclatant et une noirceur opaque. Merlin avait les yeux écarquillés par la peur. Emma fit volte-face et plaça son poing fermé autour du cœur de l'enchanteur au-dessus du chaudron fumant.

- « Mais.. Merlin n'est pas...

- A présent, la personne qui compte le plus à mes yeux... c'est moi-même. » lança la Ténébreuse.

Emma pinça les lèvres et sous le regard admiratif de son propre démon, elle serra sa poigne. Merlin se tordit brièvement de douleur avant de s'effondrer. La poussière tomba de la paume d'Emma et se mêla à la potion.

Regina resta sans voix devant cette scène qu'elle ne parvenait à qualifier. Le chaudron gronda et un nuage noir s'en éleva. Il gagna la pièce qu'il plongea dans les ténèbres. Avant qu'il ne cache Emma à ses yeux, Regina put assister à sa dernière transformation. Sa peau devint d'un blanc diaphane et cadavérique. Ses cheveux dorés perdirent de leur éclat pour mourir dans une blancheur immaculée. Ses yeux verts perdirent de leur humanité et se cachèrent derrière le masque du mal. Regina voulut lui dire quelque chose mais c'était déjà trop tard : Emma s'était fondue dans l'essence des ténèbres. Elle était la Ténébreuse à présent.

Les souvenirs s'effaçaient. Excalibur retournait à son destin premier et s'enclavait de nouveau de la pierre et Camelot et ses habitant fusionnaient avec Storybrooke, selon le désir de la nouvelle Ténébreuse.

Emma reposa l'attrape-rêve qui avait rejoué ce moment crucial et douloureux. Elle n'en éprouvait pourtant aucun remord.

- « Tu as tué Merlin ?, s'épouvanta le brune.

- Je devais le faire. Il nous menaçait.

- Tu ne devais pas en arriver à de telles extrémités. Tu n'es pas comme ça.

- Ça, tu ne le sais pas, répliqua la Ténébreuse avec force. J'ai absorbé la noirceur de Merlin. Je vous ai sauvés... encore, toujours.

- Ça n'explique toujours pas ces mystères que tu nous fais, pointa Regina. Pourquoi garder Excalibur ?

- Cette épée me contrôle. Je la garde pour ne pas devenir le serviteur de n'importe qui. »

Emma raccrocha l'attrape-rêve auprès de ses confrères. Ce dernier tournoya doucement. Regina s'approcha de la Ténébreuse, sans la craindre.

- « Comment ça ''n'importe qui'' ? A qui as-tu donné la dague ? A Hook ?

- Je te l'ai confiée, murmura Emma non sans une once de satisfaction en découvrant l'incrédulité de Regina. Tu me l'as demandée et j'ai sauvé Robin de la mort. Je t'ai aidée et tu as donné la dague à Merlin ! Tu lui as laissé une chance de me contrôler et de me tuer !

- Je n'aurais jamais donné la dague, se défendit-elle faiblement.

- Qu'importe, lança Emma avec désinvolture, maintenant c'est fini, vous serez tous bientôt punis et je serais libre. »

Regina fronça les sourcils. Ce n'était pas la première fois qu'Emma mentionnait cette punition vengeresse. Sachant pertinemment qu'elle lui poserait la question, la Ténébreuse prit les devant et dévoila sa réponse :

- « Je vais détruire la lumière. Quand j'aurais réussi, il n'y aura plus de héros.

- Si tu fais ça, le mal va prospérer et il n'y aura plus aucune chance de te sauver.

- Tu te trompes, avança Emma posément. Il n'y a pas de héros sans méchant. La réciproque est aussi vraie. Il n'y aura plus ce bien et ce mal exacerbés dont relatent les contes. Je ne serais...

- … Plus la Sauveuse » compléta Regina qui réalisait alors.

Le visage de la Ténébreuse s'éclaira alors, enthousiasmée à cette seule idée.

- « Tu vas t'attaquer à un fondement de notre monde, la mit en garde Regina.. Zelena a cherché à faire la même chose et elle a échoué. Il doit y avoir un autre moyen. Tu n'es pas comme Rumpelstilskin, tu peux changer.

- Je ne veux pas changer. Je vais changer le monde pour qu'il corresponde à ce que j'attends. »

Emma se redressa et toisa Regina avec un air hautain qu'on ne lui connaissait pas.

- « Je viens d'un monde où les héros, les méchants et les fins heureuses n'existent pas. Storybrooke ne sera plus une exception.

- Mais tu as Hook, évoqua Regina. Si j'ai échoué à Camelot, je te demande de m'en excuser. Je ne peux peut-être pas t'aider mais Hook peut te sauver; c'est lui ta fin heureuse. »

Emma arracha un attrape-rêve avec rage. Ce dernier était petit, fabriqué avec soin. Il était pourvu de petites pierres ambrées dans les cordages. Les plumes étaient lisses et sobre comme le cuir qui habillait l'armature de l'objet. Un éclair traversa le cordage et Emma tendit son bras, pointant la scène ostensiblement sous les yeux de Regina.

Dans l'attrape-rêve, on y découvrait une Ténébreuse étonnement souriante dans les rues de Storybrooke qui posait sa tête sur l'épaule de Regina. Le plus surprenant était que cette dernière ne s'en étonnait pas et qu'au contraire, la Regina de l'attrape-rêve posait doucement sa joue contre la chevelure immaculée de la Ténébreuse. C'était mièvre, innocent et pourtant sincère. Ce n'était jamais arrivé et cela ne se produirait sans doute jamais.

- « C'est...

- Irréaliste, trancha Emma d'une voix sans appel sans lui laisser assez de temps pour terminer sa phrase. Je le sais. »

L'objet entre ses doigts n'avait jamais aussi bien porté son nom. Il faisait étalage d'un espoir secret, emprisonnait d'un doux mirage qui ne se concrétise que dans les songes. Celle qui était condamnée à ne plus jamais rêver, à n'avoir aucun moyen d'échapper à cette sombre réalité avait chéri un rêve éveillé au cœur de cette toile qu'elle avait réalisée.

- « Hook est ta fin heureuse, répéta-t-elle. Tout comme Robin est la mienne. C'est écrit.

- C'est à toi que j'ai demandé de me sauver, pas à Hook, rappela la Ténébreuse à voix basse. Je n'ai plus besoin d'être sauvée désormais, je ne suis pas malade, cracha-t-elle avec dédain. Je t'ai fait confiance et tu m'as déçue plus que les autres. »

Emma fusilla un court instant le démon de son esprit qui avait pris la liberté d'investir la pièce et d'écouter cette conversation privée. Rumpelstislkin l'observait, veillant à ce que son successeur ne lui fasse pas défaut.

« Je t'épargne le chemin du retour, déclara Emma. Si tu n'es pas assez futée pour remarquer les détails, tant pis pour toi. J'en suis navrée, vraiment. Je suis plus forte, n'en doute pas. »

Une gueule de fumée referma ses mâchoires autour de Regina qui disparut alors, hors de sa vue. Emma était de nouveau seule avec elle-même. Elle croisa le regard de son démon, s'attendant à ce qu'il la gratifie d'une remarque cinglante. Ce démon avait tout du Ténébreux qu'elle avait pu croiser durant son voyage dans le passé : ces vêtements écailleux, cette peau dure, étincelante et lisse comme l'épiderme d'un reptile, ses ongles longs pareils à des serres. Emma se consolait, se forçant à se remémorer qu'elle n'était pas comme lui. Sa peau n'était pas si dépourvue d'humanité. Il n'était pas de la meilleure compagnie mais elle se rassurait à présent de toujours le voir. Il était la preuve indéniable qu'elle n'avait pas complètement accepté ce pouvoir putride qui pourrissait son âme. Pourtant, elle se dégoûtait de songer que cette once d'humanité et de raison qui lui restait encore découlait directement de sa nature de Sauveuse.

« Regarder en arrière t'empêchera toujours d'avancer, lança le démon avec compassion. Le passé n'est que souffrance et torture. L'avenir regorge d'espoir et de grands projets pour toi. Tu nous feras honneur.

Tu as sans doute raison. », se résigna-t-elle.

La Ténébreuse baissa la tête pour détourner le regard. Elle ferma les yeux à regret. Les attrape-rêves s'enflammèrent et churent au sol comme des étoiles filantes. Leurs cadavres fumants s'étouffèrent dans des braises rougeoyantes. Le cœur de la Ténébreuse battit d'excitation teintée d'angoisse. Elle devait s'enfoncer encore davantage pour mener ses projets à terme et pour cela, elle devait complètement effacer toute trace de la Sauveuse dans ses souvenirs mais aussi dans son cœur.

« Me voilà donc devenue héroïne hors-la-loi. » murmura-t-elle à sa propre intention.

Elle matérialisa Excalibur dans sa paume, complète et entière. Elle la mania avec légèreté, la lame sifflant doucement, scindant l'air.

L'ironie du sort la fit sourire. Il était d'un triste amusement de songer que si sa situation était similaire à la sienne, elle ne serait jamais à la hauteur de Robin.

Notes :

L'idée de cet OS vient suite au 5x05.

Certains éléments se sont rajoutés suite au 5x08.