Note : Bonjour à tous !
Voici le dernier chapitre d'Un invincible été, fic écrite avec ma partner in crime, mon Cortex préféré, la coauteur dont tout le monde rêve SomeCoolName pour l'anniversaire de la géniallissime Clélia Kerlais.

Ecrire à deux est toujours une magnifique aventure et je suis ravie que cette histoire vous ait plu. Un immens celles et ceux qui ont pris le temps de laisser une review (ou deux) : vos commentaires sont importants, on ne le répètera jamais assez. Ils permettent aux auteurs de trouver la motivation de publier, de continuer à écrire et à partager ces heures de plaisir et de travail derrière un clavier. Les plus timides ou les plus pressés, n'hésitez pas ! Vous aimeriez tellement que, dans la situation inverse, votre histoire soit commentée.

Une bonne lecture !


Leith est le quartier d'Edinburgh qu'Harry a toujours préféré. C'est pour cela que, lorsqu'il a démissionné de Kingsman et qu'il a dû chercher un nouveau pied à terre, il n'a pas hésité à renouer avec la capitale écossaise et avec ce quartier où il a passé ses jeunes années. Il avait trouvé un appartement dans une maison traditionnelle écossaise de deux étages sur Baltic Street et y passait tout son temps, lorsqu'il n'était pas à Aigas House.

Ainsi, en ce mois de décembre, alors que la ville se pare de ses plus atours en prévision des fêtes de fin d'année, Harry profite de la fraîcheur hivernale et de l'air marin qui s'engouffre dans les ruelles étroites. Il sort juste de la librairie où il a trouvé un nouveau livre et se dirige vers The Shore, son café préféré, afin de boire un thé au milieu des chaudes boiseries et d'écouter le pianiste sélectionné par le patron de l'établissement.

C'est une journée comme une autre, de celles qui se succèdent depuis la fin du mois d'août dont la monotonie permet à Harry de ne pas sombrer.

Car s'il s'arrête, s'il se met à penser à un certain jeune homme et il finit inévitablement par être envahi par des souvenirs qui commencent à s'étioler, par des sensations enfouies qui ne ressurgissent que lorsque son inconscient prend le dessus. Quand il rêve, il voit Eggsy, sa beauté incandescente et il sent son corps s'arquer sous son toucher, il sent son odeur l'enivrer. Et il est envahi de remords plus que de regrets.

Alors, il fait fuir ces souvenirs le plus vite possible et continue sa journée, comme un automate. Il passe devant la vitrine grise et entre dans la grande salle. Il salue discrètement le serveur puis va s'installer à la table la plus à gauche, celle contre les lambris et la tapisserie aux arabesques brunes qui donne sur l'extérieur. Au-dessus de lui, un tableau naturaliste avec différentes espèces de champignons. Il commande son thé ainsi que des scones aux fruits rouges et entame son ouvrage. Il se laisse emporter par les mots d'E.M. Forster et de son Avec vue sur l'Arno. Le mois de décembre lui a donné envie de relire des classiques offrant des histoires d'amour inhabituelles et surprenantes. Des choses que la vie ne lui a pas permises.

Le monde extérieur n'existe plus, pas comme s'il s'y était réellement intéressé ces derniers temps, et il ne se rend donc pas compte que quelqu'un est en face de lui et le regarde fixement.


Lorsque Merlin lui a donné cette mission à Edinburgh, Eggsy s'est dit que c'était peut-être le moment de faire quelque chose. Il a donc cherché l'adresse d'Harry dans les dossiers classés, a enfourché sa moto et a rejoint la ville sans perdre de temps. Il a ensuite livré les dossiers et s'est retrouvé comme un con à ne pas savoir quoi faire.

Et si Harry le virait comme ce matin là ? Et s'il lui claquait la porte au nez en lui rappelant qu'il lui avait menti pendant des jours ? Lorsqu'il avait pris sa moto et qu'il s'était éloigné de la maison qu'il s'était défoncé à réparer les quelques jours qu'il avait vécu là-bas, il l'avait immédiatement regretté. Mais la promesse d'Harry de lui mettre une balle entre les deux yeux l'avait tout aussi vite refroidi. Il était rentré sur Londres, s'était fait gueuler dessus par sa mère pour ne pas avoir donné de nouvelles, par Merlin pour avoir emmerdé Harry et par Roxy, sa partenaire, de ne pas l'avoir prévenue. Reprendre sa vie avait été encore plus difficile, chaque chose lui rappelant Harry.

Quand il l'a vu dans la vitrine de ce café, toujours en train de lire, il n'a plus hésité. Il est entré, remettant en place son costume à rayures, enlevant ses lunettes puis s'est assis face à Harry.

Et il est là, attendant que son ancien amant le remarque. Il ne craint rien ici, Harry ne fera jamais une scène dans un lieu aussi bondé. Il se racle la gorge, sans succès. Putain, il est toujours aussi canon mais toujours aussi absorbé par ses foutus bouquins. Il se redresse sur sa chaise, pose ses coudes sur la table et baisse le livre par la tranche. Harry porte sa main à sa taille. Ancien réflexe. L'air totalement surpris qu'il a, les yeux papillonnant, tire à Eggsy un sourire insolent. Son premier depuis août.


Harry n'y croit pas. Il doit avoir une hallucination ou quelqu'un a drogué son thé, c'est la seule solution possible. Il examine le jeune homme. Malgré son costume taillé sur-mesure qui lui donne une carrure et une aura de puissance (et des frissons dans tous les corps), l'attitude d'Eggsy est toujours celle du jeune homme qui s'est introduit dans sa vie en août.

Le plus vieux se redresse, retrouvant ses esprits. Il ne veut rien laisser paraître ni son esprit tourmenté par la proximité soudaine avec son ancien amant, ni son corps qui le pousse vers l'autre homme. Dans ce cas-là, la meilleure des défenses reste l'attaque.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »

« Une mission de routine. J'étais dans le coin et j'avais envie d'un verre de scotch. »

« Et le hasard a fait que tu choisisses justement mon café habituel ? »

« Le hasard fait souvent bien les choses. »

Eggsy se redresse, mal à l'aise, ancre son regard dans celui de l'homme qu'il veut reconquérir. Il se mordille la lèvre. Il n'a plus rien à perdre. Harry n'est pas encourageant, il ne l'a jamais été. Le serveur arrive avec un verre de whisky. Il le remercie d'un signe de tête et porte à ses lèvres le verre. L'alcool lui donne le courage, ou la bêtise, de continuer.

« Comment ça va, à Aigas House ? »

« Quand je suis parti, la maison était encore debout. »

« T'as fini par t'en occuper ? »

« Non. Elle est dans le même état qu'au moment où tu es parti. Je n'ai rien touché. »

Eggsy a un petit sourire désolé. Il joue avec son verre.

« Et toi, comment tu vas ? »

« Pourquoi ces questions, Eggsy ? » murmure Harry fixant quelque chose dans le dos du plus jeune. Tout pour éviter les yeux bleus.

« J'sais pas, on se retrouve comme ça, cinq mois après... J'ai envie de savoir comment tu vas. Tu me manques, Harry. », enchaine Eggsy.

L'ancien espion a un rire qui sonne faux. Il boit une gorgée de son thé froid.

« Je te manque ? Tu oublies vite, Eggsy. Dois-je te rappeler que ton père est mort par ma faute ? Aujourd'hui, ça ne fait rien mais demain… Demain, ça nous sautera à la gorge et ça nous détruira. »

« Mon père est mort parce qu'une grenade a pété. Parce que vous étiez en mission à cause d'une histoire de pétrole. Parce que des putains de politiciens ont pas pu se mettre d'accord autrement. On peut remonter très loin comme ça, Harry. Mon père savait ce qu'il faisait. Il était un Kingsman. », Eggsy hausse une épaule. « Ça ne change rien. Pour nous, ça ne change rien. »

« C'est ce que tout le monde dit dans ce genre de situation. Ce n'est pas ta faute, c'est le boulot. Sauf que j'étais son supérieur. » Harry se tait avant de reprendre, à voix basse à nouveau. « Et puis, je me souviens clairement t'avoir entendu dire que tu ne voulais rien de stable. Je n'ai plus l'âge pour les relations sans lendemain. »

C'est un éclat de rire gêné qui fait relever les yeux d'Harry. Eggsy se gratte la nuque, stressé. Il donne l'impression de jouer son avenir dans cette conversation.

« Bien sûr, tu le sais c'est impossible d'être en couple quand tu bosses chez Kingsman. Va expliquer ça à ton mec 'Je pense rentrer tard, enfin, si je rentre hein, vu que je pars au Guatemala sauver la fillette kidnappée d'un prince Saoudien. M'attends pas pour manger !'... Avec toi... c'est pas pareil. »

Et c'est une révélation pour l'ancien Kingsman alors que l'autre homme le fixe de ses yeux bleus azurs : à lui aussi, il lui a manqué. C'est une vérité qui fait mal mais à laquelle on ne peut échapper. Cet homme qui lui a menti, qui l'a trompé et dont il est responsable des malheurs, lui a manqué. Les trois jours qu'ils ont passés ensemble à Aigas House ont été les plus heureux de toute son existence. C'est maintenant qu'il a le jeune homme sous les yeux, armé de son impertinence, qu'il s'en rend compte.

Il s'appuie contre le dossier de la chaise et croise les bras tout en détaillant et appréciant la physionomie d'Eggsy. Et Harry trouve enfin la réponse à la question qu'il s'était posé ce matin d'août : Eggsy est le plus beau dans son costume de Kingsman. Il respire la confiance en lui, la force et la sensualité. Il laisse échapper un petit sourire.

« Tu rentres quand à Londres ? »

« J'avais envie de me prendre quelques jours à Edinburgh pour visiter un peu, mais il me faudrait un guide... »

Eggsy se retient difficilement de sourire, continuant de jouer avec son verre.

« Tu crois que Merlin serait d'accord de tes donner des vacances ? La ville est grande. Quelques jours ne suffiront pas »

« Ouais. Ouais je crois que je peux arranger ça. »

Eggsy sourit, semble hésiter puis se penche au-dessus de la table, laissant traîner sa cravate contre le bois, et embrasse Harry. Délicatement, ses lèvres caressent d'une manière aérienne celles de l'autre homme. Lorsqu'il se recule, Harry a les yeux fermés et la respiration hachée. Son cœur bat fort dans sa poitrine. Il se sent vivant. Il se sent invincible.