Aloooors... Avec deux mois de retard, voici (enfin, me direz-vous) le dernier chapitre de cette histoire. Un immense merci à ceux et celles qui l'ont suivie jusqu'au bout, qui l'ont mise dans leurs favoris, qui l'ont commentée. Et merci à Kalas, à qui je ne peux pas répondre personnellement, pour ta review.

Epilogue – deux semaines plus tard

- Spock !

Le Vulcain releva brusquement la tête dans un presque sursaut et McCoy fronça les sourcils. Il était rare, pour ne pas dire quasiment impossible, de parvenir à surprendre ainsi le premier officier. Ce dernier se leva, glissant discrètement dans sa poche un objet rectangulaire dans la contemplation duquel il semblait profondément abîmé lorsque le médecin était entré dans la pièce.

L'hôpital central de Yorktown avait fort obligeamment prêté à Bones une pièce pour recevoir ses patients – certains membres de l'Enterprise avaient émis le souhait de continuer à être soignés par lui et il avait accédé à leur requête, presque ému de cette demande inattendue. Il ne pensait pas être spécialement populaire sur le vaisseau, étant donné la manière dont il lui arrivait de rabrouer ses malades – mais il semblait bien, après tout, que tout ce temps passé à leur crier dessus avait porté ses fruits.

Spock, bien sûr, n'avait rien demandé du tout, et se serait probablement très bien passé des visites de contrôle, mais ce n'était pas vraiment comme s'il avait le choix. Surtout après ce qui s'était passé la veille.

- Comment vous sentez-vous ? Laissez-moi deviner : « totalement fonctionnel », c'est ça ? Vous êtes remis de votre petit exploit d'hier ?

Le Vulcain leva un sourcil en signe très clair de désapprobation. (Il y avait une vraie grammaire – voire même une syntaxe – du lever de sourcil, et McCoy, au fil des années, avait perfectionné ses techniques de traduction.)

- Il est parfaitement irrationnel, docteur, que vous me blâmiez pour des faits dont je ne suis nullement responsable.

Il n'a pas tort, se dit le médecin en chef alors que le Vulcain s'installait sur le lit aseptisé. C'était Jim qui avait insisté pour emmener Spock sur Altamid alors que Leonard s'y était farouchement opposé. Un voyage d'une journée dans un vaisseau aussi pourri que le Beagle, tout ça pour aller ramasser des objets probablement inutiles sur la carcasse de l'Enterprise – le premier officier ne serait d'aucune utilité là-bas.

Mais Jim avait insisté : « Enfin, Bones, qu'est-ce qui peut arriver ? Il n'y a plus de danger. Tu ne peux pas empêcher Spock de venir dire au revoir au vaisseau. » – comme si Spock, sentimental comme il l'était (là, McCoy n'avait pu s'empêcher de ricaner), était capable d'illogiquement dire au revoir à un objet. Mais Jim avait insisté et le médecin avait, comme si souvent, stupidement cédé, alors qu'il n'était absolument pas certain que le Vulcain eût tellement envie de retourner sur Altamid.

Mais allez savoir, après tout, ce qui se passait dans son esprit si parfaitement logique.

Lui-même, en tout cas, se serait bien passé de cette corvée (Altamid n'était pas spécialement synonyme de bons souvenirs) s'il n'avait pas eu à fouiller l'infirmerie, ou plutôt ce qu'il en restait, pour essayer de rassembler le maximum de données possibles. Il semblait que l'ordinateur central de Starfleet, piraté par Krall, eût quelques problèmes à retrouver les enregistrements de l'Enterprise. Trouver un PADD en état de marche pouvait donc empêcher la perte de plusieurs années de travail (son cœur se serrait à la pensée de toutes les notes qu'il avait prises sur les membres non-humains, ou, dans le cas de Spock, partiellement humains, du vaisseau)…

Ils s'étaient donc embarqués à bord du Beagle, une quarantaine de personnes en tout, pour récupérer ce qui pouvait être sauvé à bord de la carcasse de l'Enterprise. Au début, tout s'était bien passé.

Mais ensuite…

- Je maintiens que c'était une mauvaise idée, maugréa Bones en se passant les mains sous l'eau. La prochaine fois, j'espère que j'aurai mon mot à dire et surtout, j'espère que cette fois, le capitaine m'écoutera.

- Ni le capitaine ni moi-même ne pouvions deviner…

- Deviner que vous étiez allergique à ces fleurs ? Non, en effet. Je vous avoue que ce n'est pas ce à quoi je m'attendais non plus.

Les fleurs volantes les avaient tous pris par surprise. En fait, elles étaient plutôt belles, translucides, flottant paresseusement le long des courants d'air, comme de petites méduses volantes. Ce n'est que lorsque le médecin lui-même avait commencé à pleurer et à éternuer sans pouvoir s'arrêter qu'il avait compris que quelque chose n'allait pas. Visiblement, le pollen d'Altamid était bien plus virulent qu'ailleurs, à en juger par les crises qu'il avait déclenchées chez tous les membres de l'équipage, à l'exception incompréhensible du capitaine, qui était pourtant allergique à 99% de tout ce qui existait dans l'univers. Chez tous les membres de l'équipage, y compris chez Spock, qui, en bon Vulcain, n'avait jamais réagi à aucun allergène – et qui, normalement, aurait dû se trouver dans l'impossibilité anatomique d'éternuer.

Mais, comme d'habitude, Spock ne faisait jamais rien comme tout le monde. Et une contraction involontaire du diaphragme à trois centimètres d'une blessure potentiellement mortelle à peine cicatrisée était rien moins que bienvenue. Alors, une cinquantaine de contractions plutôt violentes (les éternuements vulcains étaient… impressionnants), dans un laps de temps relativement limité (un quart d'heure, le temps que McCoy lui concocte un petit antihistaminique de son cru), avait évidemment manqué rouvrir la récente cicatrice. Bien que Spock n'en eût évidemment rien dit, le tout avait dû être très douloureux.

Mais enfin, il avait raison, rien de tout ça n'était vraiment de sa faute.

- Enlevez votre veste et votre t-shirt, que je regarde votre blessure d'un peu plus près.

Le premier officier obéit sans un mot, légèrement crispé, comme à chaque examen médical. McCoy retira avec précautions le pansement et inspecta minutieusement la cicatrice avant d'appliquer sa main sur le ventre du patient, qui se tendit immédiatement.

- Ça fait mal ? demanda le médecin en suspendant son geste.

- Négatif.

Une autre idée légèrement dérangeante lui vint à l'esprit.

- Dites-moi, vous n'êtes pas chatouilleux, au moins ? J'avoue que vous avoir vu rire une fois m'a suffi pour une vie entière.

Le regard offensé que lui envoya le premier officier valait à lui seul tout un poème.

- Je prends ça pour un non.

Il palpa l'abdomen, soulagé de retrouver sous ses doigts la froideur vulcaine de la peau, revenue à sa température parfaitement normale et totalement inhumaine de 32,8°C.

- Pas de malaise depuis hier ? Vertiges, nausées, troubles de la respiration ?

- Négatif.

- Vous avez eu de la chance de vous en tirer si bien, commenta Leonard en jetant un coup d'œil au moniteur situé au-dessus du lit. Vous pouvez vous rhabiller. Rendez-vous dans deux semaines pour un bilan de santé complet. Et essayez de manger un peu plus. Je sais que quand on a eu le ventre recousu à plusieurs reprises, ce n'est pas une perspective très engageante, mais vous avez perdu quand même pas mal de poids et…

Il s'arrêta net devant le sourcil à nouveau levé, cette fois plus moqueur qu'agacé.

- D'accord, d'accord, je me tais, grommela Bones avec l'impression légèrement gênante de se comporter comme une mère poule. Autre chose à me dire ? ajouta-t-il presque distraitement, certain que le Vulcain, comme d'habitude, quitterait l'infirmerie – l'hôpital, se reprit McCoy – le plus vite possible.

Mais Spock resta planté là, à côté du lit, parfaitement droit, parfaitement rigide, parfaitement Vulcain, avec pourtant cette lueur au fond des yeux, que le médecin avait appris à identifier comme étant humaine, et qui apparaissait lorsque le premier officier se préparait à une discussion qu'il estimait émotionnelle.

Aïe. Cela n'augurait rien de bon.

- Docteur, j'aimerais discuter avec vous d'un point précis.

Bones leva les yeux au ciel et soupira exagérément, sachant que ce rituel bien rôdé mettrait Spock plus à l'aise.

- Si je ne peux pas y échapper… marmonna-t-il.

- Docteur, vous êtes-vous demandé pour quelle raison j'ai insisté pour vous emmener avec moi à bord de la navette ennemie, juste avant l'attaque de Yorktown ?

- Il me semble que vous n'étiez pas au mieux de votre forme à ce moment, répondit McCoy, incapable de voir où le Vulcain voulait en venir. Jim ne vous aurait jamais laissé vous téléporter à bord de ce machin si je n'étais pas allé avec vous.

- Vous n'avez pas trouvé étrange que je n'aie aucune considération pour les confidences que vous m'aviez faites seize heures auparavant ?

Léonard se sentit brusquement rougir. Bien sûr qu'il avait trouvé ça étrange – et même plus qu'étrange, carrément déplacé et même un peu salaud de la part du Vulcain. Mais ça, Spock le savait déjà, étant donné les insultes dont Bones l'avait abreuvé, juste avant d'être projeté dans le vaisseau ennemi. Après ça, il n'avait plus eu le loisir d'y réfléchir, parce qu'il était trop occupé à essayer de piloter cette foutue navette sans les tuer tous les deux et sans paniquer. Par la suite, lorsqu'il avait pu y repenser calmement, il en avait conclu que Spock avait tout simplement oublié ce qu'ils s'étaient dit sur Altamid, y compris la conversation qu'ils avaient eu sur les désavantages de la claustrophobie sur un vaisseau spatial. Après tout, le premier officier était en train de se vider de son sang, c'était une bonne raison pour se montrer un peu distrait. En fait, McCoy était plutôt reconnaissant de cette amnésie partielle.

Mais c'était sans compter sur la mémoire eidétique vulcaine qui, apparemment, fonctionnait à plein régime tout le temps (sauf en cas de fièvre élevée, mais les Vulcains n'étaient pas supposés subir de variations de température).

Bones n'avait aucunement l'intention, cependant, de reparler de tout cela. Évoquer un sujet si douloureusement personnel une fois avait déjà été compliqué et difficile.

Face au silence buté de son interlocuteur, Spock reprit la parole.

- Je ne l'aurais pas fait si je n'avais pas été absolument certain que vous étiez capable de nous piloter admirablement. (McCoy ne put retenir un ricanement.) Mais je voulais aussi…

Il s'interrompit, comme embarrassé. (Comme s'il était possible que Spock soit embarrassé ! se dit le médecin.)

- Je voulais essayer de mieux vous comprendre, conclut-il.

- Vous voulez dire, dit lentement Leonard, que vous avez profité d'être à l'intérieur de ma tête pour vous servir de moi comme… cobaye ?

Il n'avait pas spécialement l'intention de s'énerver, mais les mots de Spock avaient quelque chose d'insultant.

- Non, vous vous méprenez. Je voulais vous offrir quelque chose – quelque chose de dérisoire en comparaison avec tout ce que vous avez fait pour moi, mais...

- Je ne comprends rien, coupa brusquement le médecin. Vous avez été dans mon esprit pendant tout ce vol, non ? Vous avez bien ressenti ce que j'ai ressenti ? En quoi puis-je prendre ça pour un cadeau ?

La colère menaçait à présent de le submerger. S'il savait à quel point l'idée de monter dans ce cercueil volant le paniquait, pourquoi diable l'avoir emmené avec lui ? Pourquoi lui reparler de tout cela maintenant ?

- J'ai ressenti vos sentiments à ce moment. Je ne m'attendais pas à…

- Spock, soyez gentil, gardez vos commentaires pour vous, murmura le médecin, mâchoires et poings crispés, prêt à sauter la gorge de son interlocuteur. Ce que je ressens ne vous regarde pas et c'est uniquement par erreur que vous vous êtes retrouvé dans mon esprit.

- J'ai constaté, reprit le Vulcain sans daigner esquisser un geste d'excuse, à quel point vous étiez capable de prendre sur vous. Je vous avoue que j'ai ressenti alors beaucoup d'admiration à votre endroit. Je ne suis pas certain qu'en de pareilles circonstances, je sois capable de piloter une navette.

Bones, qui s'apprêtait à hurler, s'arrêta net dans son élan, totalement paralysé par l'idée que Spock puisse l'admirer. L'idée était en elle-même assez risible. D'ailleurs, il ne put s'empêcher de rire, colère oubliée.

- Je vous remercie pour le compliment, ça me touche beaucoup. Je crois d'ailleurs que je devrais vous demander de le répéter afin que je puisse l'enregistrer. Comme ça, quand vous serez redevenu vous-même, je pourrai me repasser la bande avec nostalgie.

- Docteur, vous ne comprenez pas où je veux en venir.

- Non, Spock, je ne comprends rien du tout.

Comptez sur un Vulcain pour rendre quelque chose de potentiellement simple parfaitement embrouillé.

- Je voulais vous proposer de vous… libérer, du moins partiellement, de votre phobie. C'est ce que j'entendais par vous offrir quelque chose.

Bones resta un instant stupéfait. Il regarda son patient, bouche bée, se demandant si le premier officier n'avait pas soudainement appris le concept de blague et s'il n'était pas en train de le tester sur un cobaye un peu trop crédule…

C'est Spock, lui répondit la partie rationnelle de son esprit. La notion de blague lui est parfaitement inconnue.

- Vous me proposez de… de trifouiller mon cerveau pour soigner ma claustrophobie ? demanda-t-il, incertain de la façon dont il pouvait reformuler les propos de son interlocuteur.

Le Vulcain acquiesça, sans relever l'expression familière et inexacte.

- Bien sûr, je comprendrais tout à fait que vous ne souhaitiez pas que je pénètre de nouveau dans votre esprit…

- Vous voulez dire que vous avez le pouvoir de changer les gens, leur état d'humeur, leurs sentiments ? demanda Bones, interdit. Vous savez que c'est légèrement flippant, quand même.

- Mon pouvoir est limité, mais dans ce cas précis, je pourrais… aider, oui. C'est à vous de décider.

Le médecin en chef hocha la tête, s'interdisant de trop espérer.

- Spock, je crois que vous n'imaginez pas à quel point ce… cette… faiblesse est handicapante. Je veux dire, ce que vous avez ressenti dans mon esprit sur la navette ennemie, je… je le ressens chaque jour sur l'Enterprise. … Chaque jour, je dois lutter contre. Alors, si vous pouvez… aider, comme vous dites, même un peu, vous avez évidemment ma bénédiction !

Le Vulcain fronça les sourcils.

- Vous m'avez dit que sur l'Enterprise, vous ne ressentiez pas ce problème.

- C'est relatif, soupira McCoy. Je vous l'ai dit, tant que je peux trouver de quoi m'occuper, tout va bien, mais dès que je suis seul, que mon cerveau part en roue libre et commence à penser aux murs du vaisseau et au fait que derrière, il n'y a rien que le vide…

Il frissonna et prit une profonde aspiration. Même ici, alors qu'il pouvait voir le ciel et qu'il se savait libre de partir, il ressentait physiquement cette sensation d'enfermement…

Les doigts de Spock se posèrent légèrement contre sa joue et le médecin tressaillit. Le contact n'était pas désagréable, léger, très léger, et presque familier. Rassurant, en tout cas. Il se détendit et se laissa guider par l'esprit du Vulcain, qui effleurait ses pensées de façon presque délicate.

Il n'aurait su dire combien de temps ils restèrent ainsi, figés dans cette étrange position, ni ce qu'il éprouva exactement pendant tout ce temps. La seule métaphore capable d'exprimer ce qu'il ressentit lorsqu'il ouvrit enfin les yeux demeurait celle du nœud – comme si quelque chose s'était dénoué en lui, brusquement.

Il se sentait légèrement instable et se laissa guider jusqu'à une chaise.

- Respirez profondément. Comment vous sentez-vous ?

- Profondément détendu – ce qui n'est pas si fréquent quand vous êtes dans les parages, plaisanta le médecin. Je ne sais pas si ça va marcher, mais… merci. Pour tout.

- Il n'est nul besoin… commença Spock de sa voix neutre et froide, mais Bones l'interrompit.

- … De remercier celui qui accomplit une action logique, je sais. Mais merci quand même. Au cas où ça marche, je vous préviens, je vous embauche comme assistant. Vous n'imaginez pas le nombre de phobies que j'ai à traiter à l'infirmerie.

Il avait dit ça à moitié pour plaisanter, mais si vraiment le Vulcain était capable de guérir certains troubles mentaux, il reconsidérerait sérieusement la question. Spock secoua la tête en signe de dénégation.

- Ce que je viens de faire, il me serait impossible de le faire sur qui que ce soit d'autre, à l'exception du capitaine, du lieutenant Uhura et – peut-être – de M. Chekov. Peut-être.

- Pourquoi ça ?

- Parce que, je vous l'ai dit, un lien mental – pas une fusion mentale, mais un lien, qui permet d'influer sur l'esprit de l'autre – implique une totale confiance de part et d'autre.

McCoy resta bouche bée, sans savoir quoi dire. Il ne s'attendait pas à cela. Spock incurva très légèrement les lèvres et salua le praticien.

- Si j'avais su qu'il suffisait de dire quoi que ce soit de vaguement sentimental pour vous faire taire, docteur, il y a longtemps que j'aurais utilisé cette technique. Je vous souhaite une bonne journée.

- Dites, s'écria Bones en s'éclaircissant la gorge (il ne pouvait pas laisser Spock partir comme ça, pas après ce qu'il venait de faire et de dire), vous avez vu Nyota hier soir lorsque nous sommes rentrés ? Elle s'est fait du souci pour vous sur le Beagle.

La seule nouvelle vaguement positive de toute cette histoire avait été la réaction de Nyota lorsqu'elle s'était rendu compte de la gravité d'une situation plutôt comique à l'origine. Depuis qu'elle avait rendu visite à son ex-petit ami à l'hôpital deux semaines auparavant, elle l'avait par la suite prudemment évité, McCoy le savait car, contrairement à ce qui se disait, il savait écouter les gens qui venaient le voir. Bref, la relation entre le premier officier et la jeune femme semblait mal barrée (et le médecin, tout en se demandant ce qu'il pourrait faire pour remédier à la situation, se demandait en même temps ce qu'il pouvait en avoir à faire, des histoires sentimentales des autres – il avait déjà assez de soucis à se faire avec sa propre solitude), mais l'inquiétude de Nyota à l'égard du Vulcain était plutôt bon signe.

Spock, qui s'apprêtait à quitter les lieux, se figea, se retourna lentement et fixa son regard sur le médecin, mais ne dit rien.

- Je sais que ça ne me regarde pas, mais… vous avez pris une décision ?

Il ne pouvait pas ne pas poser la question. Depuis quinze jours qu'ils avaient vaincu l'armée d'abeilles de Krall, Spock n'avait pas évoqué son départ, mais n'avait pas non plus expressément déclaré qu'il resterait.

- Il me semble au contraire que cela vous regarde, docteur, répondit lentement le Vulcain. Après tout, vous devez prévoir le champagne à… sabler au cas où je parte.

Le ton sur laquelle était prononcée cette dernière phrase dérangea McCoy.

- C'était ironique, vous avez bien compris ça, non ?

Un signe de tête affirmatif fut la seule réponse. Le Vulcain, les yeux fixés sur le médecin, semblait le scanner, évaluant ce qu'il pouvait ou non lui dire. Généralement, ce genre d'analyse se terminait par un mutisme prononcé, le premier officier ayant décidé que son interlocuteur n'était pas digne de confiance.

Bones hésitait donc à congédier son patient, certain qu'il ne lui dirait rien de plus, lorsque Spock tira de sa poche la petite boîte plate et argentée qu'il regardait intensément dans la salle d'attente et la tendit à McCoy sans un mot. Le médecin la prit, surpris.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Il s'agit d'une partie des biens que j'ai hérités de l'ambassadeur Spock.

Bones fronça les sourcils et chercha sur le visage du premier officier un signe lui indiquant ce qu'il pensait – mais depuis qu'il était redevenu lui-même, Spock ne laissait plus rien paraître de ses émotions.

- Oh. Je… je ne sais pas si…

- Si je vous la montre, c'est que j'ai décidé de le faire, répondit le Vulcain avec une douceur inhabituelle. Je voudrais vraiment que vous voyiez cela.

Le médecin fit glisser le couvercle de la petite boîte, qui s'ouvrit avec un léger clic tandis qu'une douce lumière venait éclairer l'image qui se tenait à présent sous ses yeux.

Il sursauta et avala péniblement sa salive. Il ne savait pas à quoi il aurait pu s'attendre s'il s'était attendu à quelque chose – mais, en tout cas, pas à ça. Incapable de trouver les mots pour exprimer ce qu'il ressentait, il se contenta de secouer la tête, sans parvenir à détourner le regard de l'image, et plus précisément de l'homme qui ne pouvait être que lui – et, en même temps, ne l'était pas. Plus âgé que lui, des rides autour des yeux, les cheveux grisonnants – et cependant, tout en lui semblait familier, de même que chez les autres silhouettes groupées autour d'un capitaine beaucoup moins gamin que celui qu'il connaissait, un homme auquel leur Jim commençait à ressembler.

Le vieux Spock avait décidément fait à son alter ego un beau cadeau bien empoisonné. Comment, après cela, pourrait-il quitter Starfleet et suivre la voie de la logique ? Le message était évident et ne laissait pas le choix au jeune Vulcain.

- Il y avait aussi une lettre, plus explicite encore, ajouta doucement Spock, de ce ton que McCoy ne lui avait entendu que sur Altamid.

Il regardait à présent par la fenêtre, et Leonard, en relevant la tête, ne put voir que son dos, et ses mains étroitement serrées l'une contre l'autre dans sa posture habituelle, peut-être plus fermement crispées que d'habitude.

- Je ne peux m'empêcher de me demander ce qui, dans cette ligne temporelle qui est la nôtre, m'a amené ici, à ce point si dissemblable de celui de… l'autre Spock au même moment. Pourquoi suis-je sans cesse en proie au doute alors qu'il a, de son côté, toujours eu la certitude de la voie droite ? Il semble penser que les choses sont tout aussi aisées pour moi alors que… ce n'est pas le cas.

- Je suppose qu'il ne vous encourage pas à aller faire des tas de petits bébés vulcains ? demanda McCoy assez bêtement (que pouvait-il répondre à cela ? voir son double sur une photo lui causait déjà un trouble indistinct mais terriblement puissant, il ne pouvait qu'imaginer ce qu'on ressentait lorsqu'on l'avait rencontré – et perdu).

Spock se retourna.

- Vous supposez correctement. J'aimerais votre avis sur la question, docteur.

McCoy ricana, referma la petite boîte après un dernier regard à la photo, et la rendit au premier officier.

- Vous le connaissez très bien, mon avis, mais d'accord, je vais jouer le jeu. Vous savez ce que la logique me dicterait, si j'étais à votre place ? (Les sourcils du Vulcain allèrent tous deux se perdre sous sa frange noire – signe d'incrédulité totale cette fois.) Oui, des fois, je suis capable de logique, vous allez voir. A votre place, je ne me soucierais pas de l'espèce vulcaine. Ils sont huit mille, je sais que ce n'est pas beaucoup, mais ils se débrouilleront. Mais vous, Spock, vous êtes tout seul. Le seul représentant de votre espèce, le seul être à moitié humain et à moitié Vulcain de toute la galaxie. Que vos descendants soient aux trois quarts humains ou aux trois quarts Vulcains, quelle importance ?

Le premier officier ouvrit la bouche, la referma, l'ouvrit de nouveau.

- On dirait que je vous en ai bouché un coin, non ? sourit Bones.

- L'expression ne me semble pas très heureuse, docteur.

- Attendez, j'ai encore un peu de logique en rab – servie avec un peu de sarcasmes, vous me connaissez, enchaîna McCoy, qui se délectait. Comme vous avez, contre toute attente, trouvé la seule femme, vulcaine ou humaine, capable de vous supporter plus d'un quart d'heure dans toute la galaxie, je vous conseille d'aller vous rabibocher avec elle très rapidement, sinon vous risquez de vous retrouver tout seul.

- Comment savez-vous que Nyota est la seule…

Ah, Spock, toujours si littéral.

- Franchement, l'interrompit le médecin, qui serait assez fou pour vouloir passer sa vie avec vous ? Vous en avez trouvé une, ne la lâchez pas ! OK, c'était sarcastique, mais je pense vraiment que vous allez… très bien ensemble. Quand vous n'êtes pas un parfait abruti, évidemment. Nyota est trop intelligente pour nous autres pauvres mortels. Il lui fallait quelqu'un comme vous.

Le premier officier inclina légèrement la tête d'un air méfiant.

- Non, profitez-en, cette fois-ci, pas d'ironie, je vous assure.

- Dans ce cas… commença Spock.

Il s'arrêta brusquement. Le médecin en chef lui lança un regard interrogateur.

- Dans ce cas, j'aimerais vous demander un conseil.

Bones resta un instant bouche bée. Oui, il aurait vraiment dû enregistrer la conversation, et il s'apprêtait à le faire remarquer lorsqu'il remarqua à quel point le Vulcain avait l'air mal à l'aise – ce qui, chez Spock, se traduisait par d'infimes variations du regard et une posture un peu plus raide qu'à l'ordinaire, invisibles pour tout autre que lui, Nyota ou le capitaine – et se demanda dans quel domaine il pouvait bien lui venir en aide. Il leva un sourcil inquisiteur. (Pas de raison, après tout, que le Vulcain en ait le monopole.)

- Vous m'avez suggéré de me rapprocher du lieutenant Uhura tout à l'heure, mais j'ignore comment m'y prendre.

Bones faillit éclater de rire, mais se retint au dernier moment. Son supérieur Vulcain lui demandait des conseils pour récupérer son ex – domaine dans lequel, d'ailleurs, il n'excellait pas vraiment, à en juger par ses expériences passées, toutes plus lamentables les unes que les autres.

- Spock, je suis médecin, pas conseiller matrimonial…

Il fit une pause et sourit.

- … Mais pour vous, et pour vous seul, je veux bien faire un effort.

Sans les reviews, je ne serais jamais allée jusqu'au bout de cette histoire, donc, vraiment, MERCI à ceux et celles qui ont pris la peine de commenter. J'ai plusieurs projets Star Trek, d'abord des traductions pour le fandom original (la première devrait arriver bientôt), et deux fics personnelles pour le reboot. Si vous avez une préférence (je vais les écrire toutes les deux mais je ne sais pas par laquelle commencer), n'hésitez pas à me le dire : il y aura une histoire d'aventure située peu de temps après le premier film (j'aimerais essayer de varier les points de vue et de donner une place importante à chacun des personnages, même si l'histoire principale se passera entre Spock, McCoy et Kirk - que j'apprends à apprécier au fur et à mesure que je regarde TOS) et une sickfic centrée sur Spock (sans blague ?), avec beaucoup moins d'intrigue et beaucoup plus de H/C. Dans tous les cas, j'aime bien placer Spock en situation de vulnérabilité, vous l'aurez compris. J'envisage également d'écrire quelque chose sur la relation Spock / Nyota (que j'aime bien, malgré ses nombreux détracteurs), mais je ne sais pas encore quelle forme ça prendra. A très bientôt, dans tous les cas. Live long and prosper.