Disclaimer : Les personnages appartiennent à leur créateurs de chez Marvel Comics, mais plus particulièrement à ceux qui les ont adaptés pour le grand écran, chez Marvel Studio's, qui appartient à Disney, de même que Zootopie et tout le concept qui tourne autour. Les références sont à leur créateurs respectif.

Rating : K+

Note et Blabla : Euh... Je suis désolée ? Non, plus sérieusement, je sais que ça fait une éternité que je n'ai pas posté, beaucoup d'entre vous m'ont demandé de mes nouvelles. Ne vous en faites pas, je vais bien (je crois), et je reprends peu à peu la publication. Mais depuis le mémoire, ah, écrire des fanfictions Marvel est devenu compliqué ! Bref, j'espère que vous arriverez à retourner dans le bain assez rapidement, je vous souhaite une bonne lecture, et une bonne rentrée !


Look how far you've come, you filled your heart with love
Baby, you've done enough, take a deep breath
Don't beat yourself up, don't need to run so fast
Sometimes we come last, but we did our best

« Je vais ouvrir ! Je regarde d'abord ! »

Sarah bondit du canapé. Elle traversa le salon, traina la petite caisse en bois qu'ils laissaient à côté de l'entrée devant la porte, se jucha dessus sur la pointe des pieds et regarda par l'œilleton. La langue entre les dents, elle fronça les sourcils.

« Sarah ? Qui c'est ? »

Carol l'observait par-dessus son épaule, le visage pétri d'inquiétude. Elle avait des cernes et sa voix chevrotait légèrement. Cela faisait une heure qu'elle était là et elle n'avait pas l'air dans son assiette. Sarah ne savait pas de quoi elle parlait avec Sam depuis qu'elle était arrivée, mais ça avait l'air important. La petite haussa les épaules d'un air désolé.

« Je ne sais pas qui c'est. »

Sourcils froncés, Carol se leva, s'approcha de la porte et jeta un coup d'œil à travers le judas.

« Retourne t'asseoir, » intima-t-elle à Sarah qui retourna sur le canapé en sautillant.

Bucky eut l'air au moins aussi surpris que Carol lorsqu'elle lui ouvrit la porte de l'appartement de Sam Wilson. Il était emmitouflé dans une épaisse veste bleue, la main dans la poche, les épaules remontées au plus proche des oreilles. Ils se dévisagèrent de haut en bas, sans comprendre, avant que Carol ne dise, l'étonnement passé :

« Comment t'as eu cette adresse ?

Natasha, révéla Bucky en toute impunité. Je peux entrer ? Je suis congelé. »

Carol plissa les yeux, manifestement suspicieuse, puis se décala. Bucky s'essuya les pieds avant de passer le seuil. Les bruits de la ville frappaient au carreau de la fenêtre, et le bourdonnement de la télé envahissait le salon.

Les yeux de Bucky se baladèrent dans la pièce à vivre, plus grande que ce qu'il aurait cru ; un sol de linoléum qui imitait le parquet, d'un côté, un canapé devant une grande télé en noir et blanc. Deux enfants regardaient leur programme tranquillement, de profil par rapport au nouvel arrivant. Non loin d'eux, collés au mur, un poste de radio et une bibliothèque, avec une table basse et un fauteuil. Au milieu de la pièce, une table ronde entourée de plusieurs chaises, et à l'autre bout, la cuisine ; plan de travail, frigidaire, cuisinière, et une autre table, plus petite, blanche, avec deux autres chaises.

Sam y était installé. Bucky déglutit en le voyant. Il avait les mains croisées sur la table, les épaules voutées, le regard vide, le coin des yeux légèrement rouge. Carol retourna investir la seule chaise libre en face de lui. Bucky resta planté là un moment. Il se sentait à la fois idiot et hors de son élément. L'expression de Sam était manifeste d'incrédulité mais il n'avait pas l'air d'avoir envie de prononcer le moindre mot. Bucky se sentit la gorge sèche quand il balbutia :

« Sam, je… Je suis désolé.

- Désolé pourquoi, soupira Sam. T'as rien fait. Prends une chaise. »

L'information mit un certain temps avant de remonter jusqu'à Bucky, qui sursauta. Il bafouilla quelque chose qui ressemblait à « euh, oui, d'accord », prit une des grandes chaises de la table à manger et la posa entre Sam et Carol, près de la table blanche. L'odeur de l'alcool était bien présente dans ce coin de la pièce.

« Tu veux quelque chose ? » lui demanda Sam par automatisme.

Il n'avait que du café et de la bière à lui proposer – quoique la réserve de bière ait fortement diminué. Bucky pencha pour une simple bière, qu'il alla pêcher dans le frigo lui-même.

« Je suppose que… Que tu es au courant ? demanda enfin Bucky.

- Au courant que le chef Odin m'a encore poignardé dans le dos, siffla Sam, que Rumlow s'est accordé tout le mérite de notre boulot, et qu'il en a profité pour cracher sa m…

- Petites oreilles, chuchota Carol.

- Oui, soupira Sam. Je suis au courant. »

Bucky soupira lourdement. C'était une question idiote, mais il ne savait ni quoi dire, ni quoi faire, en l'occurrence. Il n'arrivait pas à imaginer ce que Sam pouvait ressentir, après tout ce qu'il avait traversé pour se faire une place dans cette ville. D'ordinaire, c'était le moment où Bucky pointait le bout de son nez pour lâcher « je te l'avais dit ». Mais il n'en avait ni l'envie ni la force. Ce qu'il craignait était arrivé et même si Sam s'en était certainement douté, il était évident qu'il accusait mal le coup.

« Qu'est-ce que vous comptez faire, demanda Bucky à mi-voix.

- Qu'est-ce qu'on peut faire, dit Sam. L'enquête est finie, les gosses sont retrouvés, on est mis à pied. Y a plus rien à faire. »

De la main, il écrasa sa cannette de bière et la jeta dans la corbeille entre la table et le plan de travail de la cuisine. Bucky secoua la tête, les yeux fermés, comme si des abeilles bourdonnaient dans sa boite crânienne.

« Sam, soupira Carol.

- Quoi, Carol, la coupa Sam. J'ai pas envie de remettre ce sujet sur la table. J'ai plus envie de me lever tous les matins, d'aller dans ce rencard à salauds pour me faire marcher dessus, et faire semblant de garder le sourire pour ne pas inquiéter les enfants. Ce service à jamais voulu de nous. C'est pas notre place ici. On aurait dû le comprendre depuis longtemps.

- Qu'est-ce que tu comptes faire alors ? rétorqua Bucky. Tout quitter ? Te dégoter un malheureux boulot de serveur qui ne tardera pas à ne pas être suffisant ? Repartir de New-Louis et retourner à une vie de misère ?

- Au moins, ailleurs, on te fait clairement comprendre les choses, argua Sam. Ici, on te fait croire que tu peux faire quelque chose, et résultat ? Vous l'avez tous vu. »

Il se leva, prit une nouvelle canette de bière dans le frigo qu'il décapsula sans attendre. Carol souffla par le nez. Bucky pouvait voir qu'elle était partagée. Elle était désolée, et dépitée, elle aussi, mais elle conservait une certaine hargne. Ses muscles étaient tendus, là où Sam était voûté comme si Atlas lui était tombé sur le dos. Bucky se leva en faisant grincer sa chaise. Il ferma le frigo, et passa sa main dans le dos de Sam.

« Est-ce que tu te souviens de ce que je t'ai dit, avant de prendre le tramway ? » demanda-t-Bucky à voix basse.

Ce qu'il craignait avait fini par arriver.

Sam lui jeta un regard pitoyable. Il avait l'air d'avoir pris des années. Parce qu'il avait compris comment ça serait, dans des années. Il en serait toujours au même point, toujours dans cet appartement mal insonorisé – on entendait les frères Summers se disputer à tue-tête, et la machine de Claire Temple tourner –, toujours avec ce travail où ses collègues et supérieurs feraient tout pour l'emmener au trente-sixième dessous. Bucky lui fit lever le menton, délicatement, sans le forcer.

« Qu'est-ce que tu veux que je fasses, Barnes, articula enfin Sam, la voix brisée. Ils ont gagnés.

- Gagné ? répéta Bucky. Ce n'est pas une compétition.

- L'enquête est terminée, intervint Carol, un coude sur la table, une main sur le genou. Quelque part, il n'a pas tort. Tout ce qu'on peut faire maintenant, c'est passer à autre chose, faire comme si rien n'avait eu lieu et…

- Et espérer qu'un jour, le chef Odin devienne aimable et nous fasse entrer dans ses bonnes grâces, grinça Sam. Autant changer de boulot.

- Je déteste être celui qui doit vous dire ça, amorça Bucky, mais l'enquête n'est pas finie. Ils ont retrouvé les gosses de riche, pas ceux qui les avaient enlevés.

- On nous a fait comprendre que ce n'était pas de notre ressort, argumenta Sam.

- Alors vous allez laisser ça comme ça ? dit Bucky.

- Qu'est-ce que tu crois, » éclata Sam.

Il avait levé la voix si brusquement que Bucky comme Carol sursautèrent. Gidéon et Sarah, arrachés à leur contemplation de l'écran télévisé noir et blanc, passèrent leurs petites têtes par-dessus le canapé et contemplèrent leur aîné sans comprendre. Carol leur fit signe que tout allait bien et leur dit de retourner à leur occupation. Sam se reprit en expirant longuement. Il se pinça l'arête du nez.

« Je sais ce que tu essayes de faire Barnes. Et j'apprécie, sincèrement. Mais là, tu vois, (il posa sa main sur son cœur) je suis fatigué. Fatigué de devoir me dépatouiller, et essayer de me battre pour recevoir encore moins que ce que j'avais à la base. C'est pas rentable, Barnes. Ça va finir par me bouffer.

- Mais tu… » repris Bucky.

Sam leva la main pour l'intimer au silence.

« Aujourd'hui. Juste aujourd'hui, laisse-moi boire et pleurer sur mon sort. »

Bucky plissa les lèvres. Il fit un mouvement maladroit dans la direction de Sam, mais celui-ci le contourna et retourna s'asseoir en face de Carol. Elle lui adressa un faible sourire et lui tapota le dos de la main, encore. Bucky réfléchit, la main enfoncé dans la poche de son pantalon.

« Boire ? dit-il. Allez, pourquoi pas. Carol, si je ne m'abuse, Jessica t'as laissé de quoi la contacter.

- C'est quoi ce plan, soupira Carol, les sourcils bas.

- Je ne fais que proposer une sortie, demain. Il y a un coin très sympa où on peut se soûler et râler jusqu'à pas d'heure. Carol ramène les copines, et moi, je propose à Clint de nous offrir la tournée. Qu'est-ce que tu en penses ? »

Sam leva les yeux au ciel.

« Ça va dépendre de si je trouve quelqu'un pour me garder Gidéon et Sarah. Tu es prévenu.

- Entendu, » répondit Bucky avec un semblant de sourire.


Le léger grincement de la porte arracha Tony Stark à sa léthargie. Il ne dormait pas vraiment, de toute façon. Son esprit était embrumé par tout ce qu'on lui avait filé à l'hôpital, pour apaiser la douleur et l'aider – le forcer – à prendre du repos. Il l'avait aucune idée de l'heure qu'il était ni du jour, et à peu de choses près, si on lui demandait son nom, il était sûr d'avoir quelques secondes de battement. Les yeux lourds, la vue encore un peu floue, Tony ouvrit les yeux, et tourna lentement la tête. Son corps avait l'air de s'être transformé en plomb. Son regard passa lentement sur la chambre d'hôpital, aussi vide, blanche et aseptisée que l'imposait sa condition, avant qu'il ne croise le regard de Steve Rogers, qui se tenait dans l'entrebâillement de la porte. Celui-ci l'observait avec timidité. Tony sourit légèrement.

« Tiens, bonjour vous.

- Tony, dit doucement Steve. Est-ce que tu te souviens de moi ?

- Mais bien sûr. Enfin, je crois. Steve, c'est ça ?

- Oui. Je peux entrer ?

- Bien sûr. Et ne fais pas cette tête-là, je te taquine. Bien sûr que je me souviens de toi. »

Steve entra sur la pointe des pieds et referma doucement la porte derrière lui. Tony décela chez lui une légère anxiété, ce qui lui fit lever un sourcil.

« Comment tu es entré ? On a interdit l'accès même à Pepper et Rhodey, et les vautours sont encore bloqués dehors. Tu es journaliste ? »

Les joues de Steve s'enflammèrent.

« Je ne fais que dessiner des comics dans un journal, avoua-t-il. C'est une infirmière qui m'a aidé. »

Tony rit doucement. Il fit un geste discret vers une des deux chaises qui trainaient dans la chambre. Steve en prit une, et l'approcha du lit avant de s'assoir dessus. Il soupira longuement en regardant Tony.

« Je suis désolé si ma venue est… impromptue ou, malvenue.

- Oh, impromptue c'est sûr, ricana Tony. Malvenue, jamais. Ça me fait du bien de revoir une tête sympathique. Pour l'instant, il n'y a que la police qui est venue me voir. Une fois hier, et une fois ce matin. Ils ont un abonnement je crois. »

Steve regarda ailleurs. Ses mains maigres s'accrochaient au rebord de la chaise si fort qu'il en avait les jointures jaunes. Il doutait fortement du fait qu'aller voir quelqu'un avec qui il avait longuement discuté, vaguement flirté – et il devait l'avouer, un peu plus – pendant un soir, était une bonne idée, même si Tony lui avait certifié qu'ils se reverraient. Steve avait toujours tendance à un peu s'emballer. Il avait quelque peu déchanté en voyant que la section de l'hôpital qui gardait les « héritiers rescapés » était fermée au public, mais une infirmière lui avait fait signe, et lui avait demandé un léger service. Service qui impliquait de se rendre dans la chambre de Tony Stark.

« Je me suis inquiété, avoua-t-il.

- Comme tu peux le constater, dit Tony, un peu faiblard mais n'ayant perdu en rien son flegme naturel, y a vraiment pas de quoi. »

Seul un faible rire échappa à Steve, qui remonta les manches de sa chemise trop grande.

« J'avoue que, quand t'as pas rappelé, j'ai cru que…

- Que je t'avais posé un lapin ? Oh, tu as bien raison de le croire, je l'ai déjà fait. »

Steve pâlit légèrement, les lèvres soumises à un spasme. Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais secoua la tête, forçant le tout à retourner au fond de son estomac.

« Je… Ce n'est pas le moment, soupira-t-il. Est-ce que ça va ?

- La nourriture n'est pas spécialement bonne, concéda Tony, et le lit, moyennement confortable, mais je suppose que fils du maire ou non, je n'ai pas le droit à quelques extras. J'ai été hors du monde pendant longtemps ?

- Un petit moment, concéda Steve, qui déglutit. Plusieurs jours. Pardon si ma question est mal placée… Est-ce que tu te souviens de quelque chose ? »

Tony leva un sourcil. Steve lui lâcha une grimace un peu désolée.

« Pas vraiment, avoua-t-il. J'allais… Je rentrais chez moi, et puis… Et puis c'est arrivé, je suppose. J'ai déjà dit ce que je sais à la police.

- Alors, dit Steve, incertain, c'est toi qui a laissé entendre que tu aurais été enlevé par un groupe radical ? »

Tony, qui se frottait le front du dos de la main, fit la moue et tourna la tête vers Steve, le visage tordu par une grimace incrédule.

« Pardon ?

- Désolé, répéta Steve. C'est … C'est le bruit qui cours. Apparemment ceux qui vous ont enlevé étaient un groupe motivé par la race, qui entretiendrait une haine contre les blancs, ou un groupe religieux anti-catholique, enfin… »

Cette fois, Tony pouffa, ce qui étonna encore Steve. Il fronça les sourcils.

« C'est le baratin qu'a essayé de me servir la police, dit Tony en recouvrant son sérieux. C'est pour ça que j'ai pas trop voulu leur en parler. Je les trouve bizarre. »

Steve plissa les lèvres. Tony ne connaissait pas beaucoup Steve, ou alors pas très bien, mais il savait que cette expression voulait dire, « ah, toi aussi ». Il afficha à son tour un air circonspect.

« C'est pour ça que tu es venu me voir ?

- Un peu, avoua Steve. Mais je voulais aussi m'assurer que tu allais bien. »

Les lèvres de Tony allèrent creuser la commissure de ses lèvres un bref instant, avant qu'il ne redevienne sérieux.

« Approche, » souffla-t-il.

Steve rapprocha la chaise du lit. Tony se redressa sur les coudes, puis sur son séant, en lâchant quelques grognements.

« J'ai pas voulu en parler aux flics, concéda Tony. Ou plutôt, j'ai essayé. Mais quand je l'ai fait, y en a un qui a été particulièrement insistant, qui disait que j'avais oublié, que je ne m'y retrouvais pas et que j'étais probablement en train de divaguer. Un drôle de nom, Rummy, Rumly…

- Rumlow ?

- Oui, dit Tony en claquant des doigts, même s'il doutait que cette intervention change sa vie.

- Qu'est-ce que tu leur as dit ?

- La vérité : le fait que nous ayons été kidnappés n'a rien à voir avec le fait que nous soyons blancs, ou même riches. Nos ravisseurs ne voulaient pas de rançon – ou en tout cas, pas une rançon monétaire. Ils voulaient des informations. Les Dix Anneaux – parce que c'était eux – trempent dans le trafic d'armes, et ils sont opposés à beaucoup de grosses têtes de la ville à cause de… projets, un peu étranges.

- Je ne comprends pas, admit Steve.

- Steve, nos parents ne sont pas seulement les gens les plus riches de la ville. Ce sont aussi des scientifiques très réputés, qui nous ont donné une éducation.

- Je ne vois pas où tu veux en venir, dit Steve qui eut l'impression de se répéter, en plus d'être un peu idiot.

- Les Dix Anneaux ne voulaient pas notre argent, ils voulaient nos cerveaux, insista Tony, ou, à forciori, ceux de nos parents. Je ne sais pas ce qu'ils voulaient en faire, mais ils voulaient engranger de la connaissance technologique. Qu'on leur transmette des secrets de famille. Et je ne peux pas te garantir que personne n'a cédé. »


Steve sortit de l'hôpital environ trente minutes plus tard. Bucky l'attendait dehors, dans la rue bruyante, un peu éloignée du fatras sonore entre les voitures, les passants et crieurs vendeurs de journaux. Les journalistes n'avaient de cesse d'aller et de venir, et Steve dut se frayer un chemin à l'extérieur, puis sur le trottoir. Il rejoignit son ami adossé à un mur. Bucky lui adressa un petit signe mais Steve lui répondit par un regard culpabilisant.

« Natasha m'a dit qu'elle t'avais fait entrer dans l'hôpital, annonça-t-il.

- C'est toi qui lui a dit que je serais là, rétorqua Steve.

- Mais c'est elle qui m'a prévenue que tu ne pourrais pas rentrer, objecta Bucky. Comment elle a fait ?

- L'infirmière, soupira Steve. Claire Temple. Elle disait que Natasha l'envoyait, et qu'en échange d'une entrée, je devrais interroger Tony.

- Fais pas comme si t'avais pas envie de le revoir, rétorqua Bucky avec nonchalance.

- Tu ne te rends pas compte à quel point c'était bizarre ! Je le connais à peine, j'ai été le seul à pouvoir rentrer, et j'ai dû lui extorquer des informations sur son enlèvement ! Merci beaucoup, oui, maintenant il va croire que je me suis servi de lui.

- Steve, commença Bucky.

- Non, c'est bon, qu'importe, le coupa Steve qui passait devant lui. Où est-ce qu'on va ? »

Bucky lui emboîta le pas :

« D'abord la maison, puis direction La Flèche. Tout le monde a besoin de se noyer un peu dans l'alcool. »


Bercée par la contrebasse et le piano, la Flèche était bondée quand Sam et Carol y arrivèrent en début de soirée. Les tables étaient prises, on se départageait les chaises, certains dansaient sur la piste libre devant l'orchestre, les derniers s'entassaient au bar, derrière lequel Clint, America et Kate couraient dans tous les sens. Ils secouaient les shakers, distribuaient les glaçons, servaient les verres et les faisaient glisser sur le comptoir, tout en échangeant des potins, des ragots, en écoutant les désespérés et en riant avec les dragueurs.

Carol portait une belle robe bleue, et avait coiffé ses cheveux en arrière. Elle avait laissé ses affaires plus praticables dans la voiture ; l'objectif principal de cette soirée était de se détendre. Chose qu'elle se fit un plaisir de rappeler à Sam, qu'elle avait à son bras.

« Essaye de t'amuser quand même un peu ce soir, soupira-t-elle.

- Je vais essayer, répondit Sam.

- C'est notre avant-dernier jour de mise à pied, insista Carol. Tu regretteras ce moment quand tu reverras la moustache du Chef Odin. »

Elle le traîna jusqu'au bar, où ils purent se faire une petite place, mais ne purent se dégoter de tabouret. America Chavez les aperçut et leur adressa un de ces sourires bravaches dont elle avait la spécialité.

« Salut vous deux, s'exclama-t-elle. Alors, comment ça va ?

- La forme, éluda Carol. Deux whisky s'il te plait. Avec glaçon pour moi.

- Double sans glaçon pour moi, » dit Sam, les coudes sur le bar, les mains sur les joues.

America le gratifia d'une grimace à la fois compréhensive et dégoûtée.

« Donc, ça va mal, » conclut-elle.

Elle alla chercher de quoi les servir sans se poser les questions America était une amie fidèle, mais allergique aux pleurnicheries. Même si, telle qu'elle connaissait ces deux oiseaux, ils devaient avoir une bonne raison pour être aussi dépitées. Mais le but d'un bar était de faire oublier – à défaut de faire disparaître – les problèmes, pas de creuser dedans. Pas avec elle en tout cas.

Au moment où les deux verres glissaient en chuchotant vers leurs deux futurs propriétaires, Bucky et Steve entrèrent. Le seul effort qu'ils avaient fait avait été de mettre une chemise à sa taille pour Steve, et de s'attacher les cheveux pour Bucky. Carol leur fit signe, et ils les rejoignirent. Steve demanda un jack et Bucky un fond de vodka. Sur la scène, le petit orchestre continuait de répandre sa musique de fond, avec une mention spéciale pour le saxophoniste qui faisait tout pour adoucir les mœurs.

« Jessica et Misty ne sont pas encore là, s'étonna Bucky.

- Comme tu peux le constater, ricana Carol.

- T'es déjà soûle toi, répondit Bucky sur le même ton. Eh, Clint. »

Il leva la main. Clint le rejoignit, verre et chiffon en main. Il leur offrit à tous un sourire chaleureux. Steve nota le pansement sur son nez. Dans quoi avait-il eu le temps de se fourrer, là était toute la question, et connaissant Clint, il n'était pas sûr de vouloir la réponse. La dernière fois qu'il avait posé la question, Clint était tombé de sa fenêtre et avait atterrit dans une poubelle. Sans compter l'anecdote sur le sauvetage de son chien.

« Salut tout le monde, se réjouit Clint. Alors, vous êtes au courant pour l'incid… »

Derrière son verre, Carol lui fit signe de couper court – ou alors, elle menaçait de le décapiter, difficile de savoir – et Bucky secoua négativement la tête. Clint fronça les sourcils, peu sûr de comprendre, avant de croiser le regard de chiot battu de Sam. Steve faisait déjà une tête de six pieds de longs avant même qu'il aborde le sujet. Clint ne put qu'avoir un rire nerveux.

« Bien sûr que vous êtes au courant, suis-je bête, dit-il entre ses dents.

- Un jour, lâcha enfin Sam en levant son index. Il leur aura fallu un jour pour se laisser gagner par la psychose. »

Personne ne répliqua, pour la simple et bonne raison qu'il était dans le vrai.

Depuis le matin, on dénombrait au moins trois « incidents » curieux dans trois coins différents de New-Louis.

Dans un supermarché de quartier, plusieurs personnes s'étaient frittées au point que le tout avait failli virer à la bagarre générale. Une dame, manifestement ivre, s'était mise à insulter des clients spécifiques, les accusant d'envahir le pays et de réduire l'économie. La sécurité avait fini par la mettre à la porte mais son venin avait eu le temps de contaminer les sangs les moins résistants. Certains s'étaient mis à dire qu'elle avait raison et que le pays se porterait mieux sans « certaines branches » de la population, et naturellement, les autres s'étaient défendus. Le désaccord général s'était soldé par une fermeture anticipée du supermarché.

Dans un quartier plus huppé, non loin du centre-ville, un petit groupe de braves ménagères et leurs époux avait manifesté devant la maison d'une famille afro-américaine en leur faisant comprendre qu'ils n'avaient pas besoin de « criminels » et de « délinquant » chez eux.

Plus proche de la périphérie de ville, un groupe cagoulé avait jeté des bouteilles d'alcool sur la devanture d'une boucherie musulmane.

Et tout avait été consigné dans le journal du soir. En y repensant, Sam finit son verre d'une traite et noya son visage dans ses mains. Clint afficha une grimace bien similaire à celle d'America quelques instants plus tôt. La grimace de l'ami qui ne sait absolument pas quoi dire et ne peut faire qu'acte de présence pour tenter de consoler l'autre parti.

« Allez, dit-il. Ça va certainement finir par décanter. Essayez de vous détendre.

- Tout le monde me dit ça, dit Sam avec un sourire en coin et un rire amer. Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis pas détendu ?

- Simple intuition de barman, rétorqua Clint.

- Clint, Clint ! s'écria une voix masculine. Il faut que je monte, Wanda n'est pas prête, et je ne retrouve pas mes partitions. »

Steve, Carol, Sam et Bucky se penchèrent. Pietro, le pianiste aux cheveux argentés, passait derrière le bar, et tout en débitant à toute vitesse, il fouillait le bar et jetait des coups d'œil suspects aux bouteilles, comme s'il espérait voir les fameuses partitions émerger d'une bouteille de rhum.

« Depuis quand tu utilises des partitions, s'étrangla Clint.

- J'utilise toujours des partitions, rétorqua Pietro.

- Et tu demandes à Clint où est-ce qu'elles sont, se moqua Kate qui revenait dans leur giron, plusieurs verres vides en main. Tu les as pas déjà placées derrière le piano ? »

Tous purent voir la réalisation sur le visage de Pietro au moment où ça lui revenait. Il leva les sourcils et inspira, soudainement idiot, et baragouina quelque chose comme « ah oui, c'est vrai ».

« Eh bien j'y vais alors. A tout à l'heure. »

Pietro posa sa main sur l'avant-bras de Clint, et fit un bref mouvement pour l'attirer à lui. Ils échangèrent un fugace baiser, avant que Pietro ne parte aussi rapidement qu'il était venu. Clint, planté sur place, les yeux ronds, se mordit la lèvre inférieure, et jeta un coup d'œil à la fois embarrassé et terrorisé au quatuor derrière le bar.

« Je peux tout expliquer, tenta-t-il.

- Ne dis rien, l'interrompit Bucky, tu vas gâcher la magie.

- Non sérieusement, insista Clint, laissez-moi une sex… Une sec…

- Voilà, magie gâchée, » soupira Bucky en abattant sa main sur le bar.

Carol partit dans un éclat de rire et posa sa tête sur l'épaule de Sam, qui ne put s'empêcher de rire à son tour. Steve pouffa sans dignité.

« On va se contenter de dire, félicitations, tu as enfin sauté le pas, ajouta-t-il.

- Et comment, surenchérit Kate qui sembla apparaître derrière Clint. Et combien on vous parie que les partitions n'étaient qu'un prétexte pour passer te voir ? »

Clint lui dit de se taire et aux ricanements de Kate firent écho les rires des trois autres. Il la chassa avec son chiffon, comme une mouche un peu trop zélée. Sur scène, il y eut un silence, et le piano lança le rythme après une petite introduction légère. Pietro fit un léger signe et la contrebasse prit le relais.

« Steve, dit enfin Bucky, tu me dois une tournée.

- Celle d'après, répliqua sèchement Steve, le nez dans son verre, oublie pas que tu m'en dois une aussi.

- Vous avez parié là-dessus, soupira Clint en se massant une tempe.

- N'importe quelle personne avec un minimum de sens des affaires parierait là-dessus, susurra Bucky.

- Quel dommage, dit Sam, d'humeur taquine également. Moi qui pensais que j'aurais encore droit à une boisson gratuite. »

Cette fois, ce fut le rire d'America, qui faisait couler de l'eau chaude dans le lavabo à côté d'eux, qui retentit. Clint grogna. Il détestait ses employées parfois. Il tenta de se concentrer sur Sam, mais ne put que bafouiller.

« Alors, vous, vous avez remarqué que…

- Intuition de flic, » répondit Sam en lui faisant un clin d'œil.

Clint déglutit difficilement. Sam et Carol se tapèrent dans la main.

« Allez, dit Clint en posant deux verres à cocktail sur le comptoir, je vous en offre une. Vous aussi Carol.

- Et nous on crève, dit Bucky.

- Vous avez parié, » répliqua Clint.

Ce sur quoi il disparut au niveau des boissons, en même temps que d'autres clients le hélaient. Kate continuait de papillonner en même temps qu'America faisait la plonge.

« Croqueur de diamants, souffla Carol à Sam.

- Buveur de cocktail, » préféra-t-il répondre.

Elle ne put que ricaner et lui donner un léger coup de coude. Ils firent trinquer leurs verres vides. Manifestement l'alcool commençait à faire effet.

« You shout it out, entendit-on au niveau de la scène.
But I can't hear a word you say
I'm talking loud, not saying much

- Hey, fit Carol après un sifflement impressionné. Je savais pas que Pietro chantait aussi.

- Il évite, répondit Clint qui revenait avec son shaker, mais puisque Wanda prend du retard, il a pas le choix.

- You shot me down, but I won't fall, I am titanium…»

La plupart des clients, attablés ou debout, s'étaient tournés en direction de la petite scène, pris par la mélodie, dodelinaient de la tête ou tapaient du pied en rythme sur le sol. Pietro n'avait pas la prestance presque mystique de Wanda, il était vrai, mais il dégageait une légèreté, quelque chose qui évoquait un souffle d'air frais. Derrière le piano, il dirigeait la contrebasse et la batterie avec désinvolture, comme si c'était instinctif.

« Je crois qu'une table se libère, dit Carol à l'intention de Sam, je vais la squatter. »

Sam lui répondit par un léger signe de tête et Carol s'en alla avec son verre de cocktail tout neuf. Sam continua de se laisser porter par la musique, claquant des doigts de temps à autre. Du coin de l'œil, il vit Bucky murmurer quelque chose à Steve et s'en aller vers les toilettes hommes. A la dérobée, Sam observa la silhouette malingre de Steve, qui faisait rouler son jack au fond de son verre. Il lui tapota l'épaule. Steve sursauta, comme s'il avait oublié sa présence.

« Comment va Tony ? D'après Jessica, vous avez quand même pu entrer. »

Tony Stark, comme tous les otages, était encore à l'hôpital, et interdit de visite de surcroît. L'hôpital accusait soit des blessures trop graves, soit un traumatisme trop important pour laisser entrer qui que ce soit en contact avec eux. Tout ce que pouvaient faire les journalistes, c'était d'attendre devant l'hôpital que quelque chose se passe.

Steve eut un sourire, légèrement désappointé.

« Il va bien. Ça … ça m'a fait du bien de le revoir. »

Il resta pensif quelques instants, avant d'avoir un rire tout aussi désenchanté.

« Désolé, dit-il. Je sais de quoi j'ai l'air d'un idiot qui s'accroche trop vite.

Ce n'est pas moi qui l'ai dit, dit Sam d'un ton léger, en se tournant vers le bar. Plus sérieusement, je ne vais pas te juger. »

Steve secoua la tête et finit son verre, qu'il reposa sur le comptoir. Il leva la main en direction de Kate, qui opina.

« Avec les femmes, c'était pareil, confessa Steve. Il suffit que l'une d'elle me sourit et me plaise pour que je lui offre la lune. Tony n'a pas fait exception à la règle. Il… Il m'a tout de suite plu, avec ses sarcasmes et sa fausse arrogance.

- Sa fausse arrogance ?, » répéta Sam.

Steve croisa les bras sur le comptoir et posa sa tête dessus.

« Tony a l'air très suffisant, expliqua-t-il. Mais je pense que c'est une simple façade. Il renferme beaucoup. Il n'en a peut-être pas conscience mais, ça se voit. Ou alors, il était trop soûl pour bien faire semblant, » ajouta-t-il avec un semblant de rire.

Kate lui apporta un nouveau verre de jack. Sam se demanda où allait tout cet alcool dans ce corps si maigre, mais Steve avait l'air de tenir la route. Du peu qu'il savait sur lui, Sam se dit qu'il devrait tout de même veiller à ce que la crevette n'engage aucun combat. Il n'avait pas envie d'être exclu de La Flèche pour mauvaise conduite.

« On a parlé un moment, ce fameux soir, avant qu'il disparaisse, soupira Steve. Et il m'a embrassé. Je crois que moi aussi, j'étais trop soûl. Mais j'ai cru m'envoler. »

Il en avait les yeux brillants. Puis il secoua la tête et se pinça l'arête du nez.

« Steve, » fit Sam.

Une exclamation ravie traversa la salle quand Wanda Maximoff parut sur scène, dans une grande robe de mousseline rouge, couverte de bijoux aussi noirs que ses gants, fardée, et coiffée d'un voile écarlate. Elle fit un vague signe vers l'arrière, et Pietro lança l'orchestre.

« Je vous l'avais dit, c'est idiot, se referma Steve. Avoir la tête qui tourne pour une seule personne, qu'on connaît à peine. »

Sam allait répliquer quand un mouvement dans le coin de l'œil le fit taire. Bucky revenait des sanitaires. Il se grattait l'arrière de la tête, l'air soit fatigué, soit ennuyé. Un sourire spasmodique passa sur les lèvres de Sam.

« Pas de soucis, soupira-t-il à l'intention de Steve. Crois-moi, je comprends. »

Sur scène, Wanda fit courir sa main le long du manche du micro :

« You know how to read my mind
I'm lost and it's you I found…
»

Bucky reprit sa place près du bar, et tendit la main vers Steve, qui lui céda le fond de son jack après un hoquet.

« De quoi vous parliez, demanda-t-il avec un sourire mutin.

- De ton odeur infecte, répliqua Sam, les coudes sur le bar.

- Je suis sûr que tu apprécies, rétorqua Bucky.

- Seigneur, » soupira Sam en détournant le regard.

Steve roula des yeux, et donna un léger coup de coude à Sam :

« Au fait, l'infirmière qui m'a fait rentrer. C'était bien votre voisine ?

- Claire Temple, oui, approuva Sam en hochant positivement la tête. Je l'ai vu chez Natasha. La question que je me poses c'est pourquoi elles vous ont fait rentrer. »

« Boo you take me i your arms
You know me hey you know me,
You got telepathy
»

« Intéressante cette femme, d'ailleurs, se dit Sam en songeant à Natasha. T'as de drôles de fréquentations, Barnes. »

Bucky abandonna son verre sur le comptoir.

« Elles se font appeler les Veuves Noires, répondit Bucky après avoir abandonné son verre sur le comptoir. Un ancien réseau d'espionnage russe. Depuis Dottie, elles s'en sont émancipées, et ont investi New-Louis. Pourquoi cette ville, j'en sais rien par contre. Collaborer avec elle fait de toi un flic pourri, Pigeon.

- Dit-il, » se contenta de répondre Sam.

« I know you and you know me,
We got telepathy
»

Steve vit Carol qui leur faisait signe avec un bras. Une dame aux cheveux aux étranges reflets verts l'invitait à danser et manifestement, elle n'avait pas envie de refuser. Steve se dévoua pour aller prendre sa place à table. Sam alla le rejoindre, mais Bucky posa sa main sur son bras, et préféra dire qu'ils arrivaient. Steve se contenta de lever un sourcil mais il comprit aisément, et s'en alla. Quand il arriva à table, Carol abandonna le fond de son cocktail et se leva pour offrir son bras à la ravissante inconnue. Bucky demanda quatre verres à America, qu'il ramènerait à table.

« Tu te sens mieux, fit-il à l'intention de Sam.

- Un peu, admit Sam. Merci d'avoir proposé ça, Buck.

- Pardon, dit Bucky après un rire à la fois léger et embarrassé. Tu peux répéter ? Je suis pas sûr d'avoir attendu.

- Ça te tuerait de rester sérieux deux minutes, grogna Sam.

- Ça va, pouffa Bucky, avant, effectivement, de recouvrer son sérieux. Je pense pas qu'une soirée va régler tous ces problèmes mais… ça fait plaisir de te revoir sourire. »

La commissure des lèvres de Sam se creusa légèrement, mais il ne semblait pas avoir assez de force pour transformer l'essai et répondre par un vrai sourire.

« And I know when to take a hint
And I know when you're feelin bad
Make you feel you can feel like a man, feel like a man
»

« Et si ça marchait pas, Buck ? Si j'échouais pour de bon et que je n'arrivais plus jamais à sourire ? Tu laisserais tomber ?

- J'essaierais encore, dit Bucky. Et si ça ne marche pas, eh bien… je serais là quand même. »

« Boo you keep me safe from harm
Oh, you take me in your arms,
Cause you know me yeah you know me
You've got telepathy
»

Savoir que ça allait arriver noua un nœud étrange dans le ventre de Sam. Il savait que Bucky allait l'embrasser – et plus important encore, il en avait envie. Il eut le temps de voir son visage s'approcher avant de fermer les yeux, et d'attendre, pendant cette fatale seconde. Le baiser vint à la fois trop tôt et trop tard, et il eut un goût d'irréel, avant de prendre corps. Et il crut s'envoler. Quand Bucky s'éloigna de lui, il souriait, et vraiment. Ils se contemplèrent avec cet habituel air idiot qui fait suite à un baiser, avant de détourner le regard.

Bucky pâlit :

« Voilà Natasha, » dit-il.

Il ne s'était pas attendu à la voir. Même si, au fond, c'était logique. Il était évident qu'elle leur demanderait des comptes, surtout depuis que Claire avait aidé Steve à entrer dans l'hôpital pour voir Tony.

La grande porte de la Flèche s'était ouverte sur Misty et Jessica, talonnées par Natasha, couverte de fourrure blanche jusqu'aux chevilles. Elle entra, resplendissante, comme on entrait dans un palais ou une réception où l'on était l'invité d'honneur, avec prestance, le menton haut. Les yeux cachés derrière des lunettes de soleil, elle parcourut rapidement le bar du regard, et son regard s'attarda sur la scène.

Les lumières colorées cascadaient sur la peau d'ambre de la chanteuse. Sa voix s'échappait de sa gorge comme le carillon d'une cathédrale. Bras écartés, elle prenait tant de place sur scène, avec ces bijoux qui renvoyaient des étoiles, qu'elle en éclipsait tous les musiciens. Et quand elle poussa la note, ce fut comme si elle envahissait la salle, l'emplissait de sa présence noire et écarlate.

Natasha en retira ses lunettes de soleil.

« I know you and you know me…
We got telepathy

- Natasha, commença Jessica, ils s…

- Silence, » la coupa Natasha.

Jessica dut attendre la fin de la chanson pour la guider à la table ou les attendaient Steve, Carol, Sam et Bucky. Quand Natasha s'installa, Jessica complimentait la toilette de Carol et accompagnait le tout d'un baise-main d'une galanterie qui augmenta la rougeur des joues de Carol.

« Natasha, dit Sam avec respect et surprise. On... ne s'attendait pas à vous voir ici.

- Je sais. Je pourrais être outrée de ne pas avoir été invitée alors que Jessica et Misty l'ont été, mais au moins, nous pourrons parler affaire. Je dirais même, nous devons parler affaire. »

Misty s'installa en ricanant. Elle avait un cure dent entre les incisives. Jessica se dirigea vers le bar, et revint. Natasha attendit que ses deux camarades soient assises avant de prendre place à son tour.

« Bien. Entrons directement dans le vif du sujet. C'est nous qui avons appelé pour la Rue Walters. »

Peu importe à quel point tous étaient euphoriques ou ivres avant qu'elle n'arrive, cette simple phrase réussit à leur rendre leur sobriété et leur lucidité. Natasha lâcha un grognement dégoûté.

« Et c'est pour ça que je voulais vous voir. Je vous aie contacté pour que vous les sauviez et que vous révélerez l'affaire au grand jour mais ; je me retrouve avec une tête de gland à l'écran qui me débite des insanités. Raison pour laquelle j'ai demandé à Claire de vous faire rentrer dans l'hôpital. Il me fallait quelqu'un en qui Tony aurait plus confiance qu'une simple infirmière, mais aucune de mes filles n'avait de bonnes raisons d'être là. Et puis, comme ça, vous m'êtes redevables. (Elle croisa les mains) J'espère que vous profitez de votre soirée. »

Kate vint les servir. Elle distribua trois vodkas aux nouvelles arrivantes, mais Steve, Sam, Carol et Bucky hochèrent négativement la tête ; ils avaient bien assez bus. Natasha soupira.

« Je vais vous expliquer. Un peu mieux. Nous surveillons les activités des Dix Anneaux depuis un moment. Nous pouvons dire que ce sont nos ennemis, ou nos concurrents, si vous êtes droits comme la Justice. Leurs activités se répandent en ville, et ils sont dangereux. J'avais déjà des soupçons quant à leur implication dans cette disparition de gosses de riches. Cela fait un moment que j'essaye de leur mettre la main dessus, mais vous vous doutez bien qu'à cause de mon statut, je ne peux pas me tourner vers la police. Raison pour laquelle je vous ai appelé vous... »

Son doigt, ganté de cuir noir, passa lentement sur la table, en décrivant une courbe. Un murmure s'échappa du bois en même temps que sur scène, l'orchestre changeait de registre.

« Angel smiles, is what you've said
You promised me heaven then put me through hell
Chains of love, got hard on me
When passions are prisons you can't break free...»

« Mais j'ai de nouvelles informations, ajouta Natasha, ses yeux de chats cachés derrière ses longs cils, alors que son doigt continuait ses tracés invisibles sur la table. Apparemment, certains membres des Dix Anneaux font partie de la police. »

Elle abattit sa paume sur la table de bois, dans un claquement sec. Sam et Carol étaient redevenus autrement sérieux, alors que Bucky et Steve avaient la tête de ceux qui ne comprenaient pas ce qu'ils faisaient là.

« Ça explique pourquoi l'enquête traine des pieds, » concéda Carol.

Sam se contenta de pencher la tête sur le côté pour approuver. Misty finit son verre, détachée de la conversation, et Jessica opina.

« Ce n'était pas à ça que je m'attendais quand je vous ai invité ici, » dit Carol à l'intention de Jessica.

Sa robe témoignait pour elle.

« Natasha voulait vous voir, argumenta Jessica, qui gardait un masque de froideur. Il fallait que l'on vous explique, pour les Dix Anneaux. On ne pourra pas les coincer sans vous.

- On nous a retiré de l'enquête, contra Sam, avant de nous donner des congés forcés. Ce n'est plus de notre ressort maintenant. Et même si des membres des Dix Anneaux sont planqués dans la police, comment savoir à qui se fier dans ce cas.

- A personne pour l'instant, dit Misty. On va partir du principe que tout le monde dans la police fait partie des Dix Anneaux jusqu'à ce que cette affaire soit tirée au clair ; vous ne pouvez pas vous en remettre à eux. »

Natasha les écoutait d'une oreille distraite. Ses doigts gantés pianotaient sur la table, à côté de son verre de vodka qu'elle n'avait pas encore touché. Elle faisait la moue, le regard dirigé vers la scène comme si elle voulait la foudroyer.

« Qui est cette fille, dit Natasha.

- Wanda Maximoff, répondit calmement Bucky comme s'il s'agissait d'une information banale. Elle chante souvent ici.

- Hein hein, répliqua simplement Natasha avec un sourire en coin. Jessica, appelle moi Maria s'il-te-plaît. »

Jessica hocha la tête avant de quitter la table. Natasha s'intéressa à nouveau à ses interlocuteurs, mais son expression était tout sauf amène.

« Je pense que cet enlèvement va au-delà d'un acte de délinquants qui veulent de l'argent… dit-elle enfin. Ou retourner les gens les uns contre les autres, pour ce que ça vaut. Les Dix Anneaux veulent plus que ça. Steve ? Claire ne t'as pas fait entrer pour rien.

- Tony a parlé de cerveaux, lâcha Steve de but en blanc. Il disait qu'ils voulaient des cerveaux. »

Il en avait un peu parlé à Carol, Sam et Bucky en amont, même si aucun d'eux ne savait maintenant quoi faire de ces informations – à part bien entendu, que l'enlèvement en masse n'avait rien à avoir avec une affaire de conflits entre les populations, ou d'argent. Natasha hocha la tête, pensive.

« New-Louis est une ville bâtie et basée sur la science, dit-elle calmement. Tous ses pères fondateurs et les plus grandes fortunes de la ville sont initialement des scientifiques qui étaient déjà au-dessus du lot dans le pays. Les Dix Anneaux ont pu enlever ces enfants comme moyens de pressions, ou pour leur annexer des informations. Ces enfants doivent avoir de l'éducation. Même si cette seconde option est peu probable.

- Pourquoi, fit Bucky d'une voix grave qui lui donna un air un peu bête sur le coup.

- C'est peut-être une déformation professionnelle milli moi, mais je ne compterais pas sur les enfants des cerveaux que je veux ravir pour faire ce que je veux. Ce sont des données aléatoires. Tony Stark par exemple, pourrait faire ce qu'on lui demande. Mais les autres ? Non, ils devaient servir de moyens de pression. »

Il ne se sentit pas de contredire. Bucky leva les épaules et soupira longuement. Sam était plongé dans une intense réflexion, les mains croisées devant le nez. Carol, les bras croisés, laissa sa bouche se tordre dans tous les sens. Le puzzle se remettait en place. Si les membres des Dix Anneaux faisaient partie de la police, ils avaient probablement été évincés volontairement de l'enquête, et ce dès le départ.

Pourquoi les héritiers avaient été enlevés et quelles informations avaient filtrées, c'était déjà une autre question. Quant aux conflits générés, ça n'avait l'air d'être qu'un dommage collatéral. Les gens n'avaient besoin que d'un petit coup de pouce pour que leurs pensées profondes soient libérées des couches de fausses politesses que permettaient les grandes villes.

« Ils risquent de frapper un grand coup dans les jours qui viennent, » se contenta de conclure Steve.

Misty et Natasha répondirent par la même onomatopée. Wanda avait à nouveau changé de chanson. Quelque chose au rythme plus doux, plus lent. Plus sensuel, plus langoureux.

« Jolene, Jolene, Jolene, Jolene...
I'm beggin' of you please, don't take my man... »

Jessica revint à table quand Carol dit, une main levée :

« Les jours qui viennent, le grand coup qui se prépare, c'est la visite du roi du Wakanda à New-Louis.

- Encore une fois, ça rentre dans cette optique de surexposition scientifique, répondit Natasha. On parle du roi qui a la technologie la plus avancée au monde.

- Génial, soupira Steve, donc il arrive demain, et entre temps, il faudra qu'on ait au moins découvert ce que voulait les Dix Anneaux.

- Et toi qui craignait qu'on s'ennuie pendant notre pause imposée, ajouta Carol à l'intention de Steve. »

Wanda lâchait les dernières notes de la chanson. La lumière s'abaissa, et un torrent d'applaudissement retentit dans la salle, accentué de quelques sifflements. Wanda, un léger sourire sur les lèvres, salua et s'inclina humblement. Une femme guindée, en tailleur, juchée sur des escarpins noirs, traversa la salle en faisant claquer ses talons sur le sol. Elle avait un immense bouquet de roses en main, qui la noyait.

Bucky, qui tapait de la main sur la cuisse, la suivit du regard. Il reconnut Maria Hill, une des filles de Natasha. Elle s'en alla comme un soldat jusqu'à la scène, et tendit le bouquet à Wanda, dont la peau arbora la même carnation que les fleurs qu'on lui offrait. Natasha, qui applaudissait doucement, avec nonchalance se leva. Elle ne s'était pas débarrassé de son manteau, avait juste dégagé ses bras et gardé la fourrure sur ses épaules. Bucky eut envie de lui demander si elle avait tué un ours à mains nues pour se procurer cette pièce.

« Bien, maintenant que tout cela a été mis au clair, je vous invite à me suivre.

- Pour quoi faire ? Demandèrent Sam et Carol d'une même voix.

- Vous allez coincer les Dix Anneaux à l'aide des Veuves Noires. Ne me forcez pas à vous presser. »

Alors qu'eux deux, suivis de Bucky et Steve, s'agitaient sur leurs sièges et se levaient pour quitter les lieux, Natasha leva les yeux vers la scène. Wanda admirait le bouquet avec circonspection, et parcourait la salle du regard, étonnée. Ses yeux fardés rencontrèrent ceux de Natasha, qui lui adressa un sourire, avant d'opiner. Ce sur quoi elle tourna les talons, et disparut dans une vague de fourrure blanche, suivie par Misty, et Jessica qui distribua le pourboire à Kate et America.


Et voilà pour cet avant dernier chapitre ! J'espère que ça vous aura plu, assez pour que vous laissiez des reviews en tout cas ! Tout ce que je peux dire, c'est que le dernier chapitre ne mettra pas autant de temps à arriver que celui-ci, ne vous inquiétiez pas, on m'a à l'œil. Oh et avant que j'oublie, pour celles qui veulent écouter les chansons de Pietro et Wanda, la playlist de la fic est toujours disponible sur Spotify !
Gros bisous à toutes et bon aprèm' !