L'heure de l'épilogue a sonné. Je vous le laisse le lire et voue prie de lire le mot de la fin même s'il est un peu long :)


Un pas de côté

Épilogue – 5 ans plus tard

La bouche pleine de dentifrice, Harry jeta un coup d'œil rapide à son reflet dans le grand miroir rectangulaire de sa salle de bain. De sa main libre, il se frotta d'un air appréciateur ses joues où une barbe de trois jours poussait tranquillement. Cela rendait ses traits moins juvéniles, plus matures. Avec les années, ses cheveux noirs jais restaient toujours aussi indomptables. Il veillait à les couper plus régulièrement pour tenter de les discipliner et de ne pas avoir l'air négligé au travail.

Harry se pencha au-dessus du lavabo pour recracher le dentifrice blanc et il se rinça la bouche. Avant de quitter la salle de bain de son petit appartement, il se mit un peu de parfum et s'assura d'être habillé convenablement pour un repas d'anniversaire. D'autant plus… le sien ! Sa chemise fine d'été verte bouteille ressortait avec ses yeux émeraude et tranchait son bas de pantalon noir.

En rejoignant la pièce à vivre, Harry s'arrêta près du petit plan de travail de l'espace cuisine pour rassembler ses affaires. Depuis deux ans et demi, il vivait dans ce deux pièces dans un petit immeuble appartenant à l'hôpital Saint-Mangouste. À ses dix huit ans, le secteur de psychiatrie adulte avait pris le relais de Poudlard. Il était retourné chez ses parents tout en ayant un suivi en hôpital de jour très rapproché.

Sa sortie de Poudlard, en passant dans le secteur adulte, l'avait beaucoup secoué. Il s'était beaucoup accroché à sa relation de confiance avec le Dr Shacklebolt, avec Aubrey ou encore Émeline. Les quitter pour entamer une relation éducative ou médicale avec d'autres professionnels s'étaient avérés difficiles. Parfois, ils se croisaient et échangeaient quelques mots. Mais leur travail avec lui s'était arrêté après avoir passé le relais à Saint-Mangouste.

C'était seulement au cours de sa vingtième année qu'un projet d'aménagement en autonomie avait été envisagé. À la fois excité et craintif de se retrouver complètement seul, Harry avait été emballé à l'idée de poser bagages dans un appartement géré par le service ambulatoire de Saint-Mangouste. Le rez-de-chaussée de l'immeuble accueillait un infirmier et un éducateur spécialisé toute la journée afin d'accompagner les locataires au quotidien. Un veilleur prenait leur place la nuit. Cela assurait une présence continue auprès des jeunes patients aux troubles psychiques stabilisés.

« Mes clés, c'est bon. Mon portefeuille, c'est bon. Téléphone, ok. Parfait, » marmonna t-il.

À peine finit-il sa phrase qu'un coup de klaxon retentit à l'extérieur. Un large sourire aux lèvres, Harry engloba du regard son logement une dernière fois. Tout était à sa place, bien rangé et organisé. Face à l'étendue de travail induit par une vie indépendante, Harry s'était surpris à mettre en place un quotidien très ritualisé pour ne pas se laisser dépasser par l'angoisse. Après avoir compris l'impact de ce ressenti sur lui, il était extrêmement vigilant à la contrôler même si cela passait par une vie carrée.

Malgré tout satisfait de sa petite vie, Harry quitta l'appartement, ferma la porte à double tour puis dévala les escaliers menant au hall d'entrée. C'était un grand espace ouvert et lumineux doté d'une salle commune où les locataires pouvaient se retrouver quand la solitude devenait trop étouffante. Chaque professionnel avait aussi un bureau pour les accueillir et poursuivre l'accompagnement éducatif davantage centré sur la vie professionnelle, le quotidien, les projets de vie, etc. Harry passa devant l'infirmier du jour en lui adressant un signe joyeux de la main et déboula sur le petit parking de la résidence.

« C'est pas trop tôt ! »

« Bonjour Drago, » répliqua le jeune Potter en roulant des yeux.

Il s'engouffra à la place passager du véhicule et se pencha pour embrasser son petit ami. Le faux air renfrogné de celui-ci s'effaça pour laisser place à un léger sourire satisfait. Leur baiser s'approfondit quand la langue de Drago s'immisça entre ses lèvres closes. Au bout de quelques secondes, Harry se recula, le cœur battant à tout rompre et les joues empourprées. Les années n'avaient pas atténué le plaisir de l'embrasser.

« Si on est en retard, je leur dirais que c'est de ta faute, » menaça le blond en quittant le parking pour rejoindre la route.

« On est toujours dans les premiers, » rappela Harry d'une voix légère. « Tu me mets une telle pression pour faire bonne impression auprès de ma famille qu'on est comme des guignols à attendre les autres. Je ne te comprends pas, ils t'adorent tous. »

« Ça s'appelle la ponctualité et le respect, Potter. »

La voix traînante du garçon lui provoqua une vague de frissons agréable. Si certains trouvaient Drago Malefoy hautain et méprisant, Harry craquait littéralement pour son air faussement désagréable. Son petit-ami en jouait. Ses vrais amis savaient traverser la carapace et la voir avec humour, les autres restaient sur leur première impression.

Un sourire aux lèvres, Harry regarda la route défiler sous ses yeux à toute vitesse, pensif. Drago, du haut de ses vingt trois ans, conduisait avec agilité sa superbe voiture rutilante offerte par ses parents pour la fin de ses études un mois plus tôt. Si jusque là le blond avait affirmé haut et fort adorer sa voiture d'occasion achetée à sa majorité, il ne cessait de se pavaner à qui voulait l'entendre de son nouveau véhicule.

« Comment s'est passé le travail ? »

« Je déteste bosser le samedi matin, » grogna Drago en réponse. « T'as vraiment l'impression d'avoir un demi week-end quand c'est comme ça. Mais cette réunion était importante et je devais y participer pour présenter le nouveau projet de la société. »

« Ton père était présent ? »

« Il est toujours dans mon ombre tel un vautour à surveiller le moindre de mes mots. Si j'éternue trop fort, tu peux être sûr de le voir débouler d'un coin sombre aussitôt. »

Harry rit à ces mots et il secoua la tête, imaginant parfaitement la silhouette froide et silencieuse de Lucius Malefoy veiller constamment sur son héritier qui faisait ses premiers pas dans l'énorme société Malefoy et Companies. Tout juste diplômé de cinq années d'études de commerce dans une des plus grandes écoles de Londres, Drago était entré dans l'entreprise familiale pour, à coup sûr, prendre la succession de son père d'ici quelques années. Ses études lui avaient permis de faire ses armes dans d'autres entreprises avant de se lancer dans la firme familiale.

« Il veut être sûr que ton arrivée dans l'entreprise se passe bien, » rassura Harry.

Le jeune Potter en doutait au fond de lui, certain que Drago était dans le juste. Salarié depuis le 1er juin, la pression pesant sur ses épaules était forte. Lucius l'envoyait sur le front dans tous les services du siège social de l'entreprise, lui donnait de grandes responsabilités tout en le forçant à travailler dans une équipe dont certains membres l'avaient vu grandir. Il était évident pour tous que, plus tard, il serait leur supérieur hiérarchique et ce n'était pas toujours facile pour eux de l'accepter.

L'Institut Poudlard était loin dans le passé de Drago, contrairement à lui. Sa relation avec Lucius en était toujours marquée, de façon discrète certes mais néanmoins présente. C'était un sujet tabou même s'ils avaient conscience du risque que ce pan du passé soit un jour révélé dans la presse spécialisée. La confiance de l'homme envers son fils était encore faiblarde et il avait grandement besoin de le voir à l'œuvre avant de lui laisser les rennes de la société. Sans le dire à haute voix, il craignait de le voir replonger dans la drogue et brader les différentes entreprises de la famille pour une poignée de poudre de cocaïne.

Harry, malgré sa relation polie et sympathique avec son beau-père, ne parvenait pas à le comprendre. La drogue faisait entièrement et complètement partie du passé de Drago. S'il fumait toujours comme un pompier, il n'avait jamais retouché la moindre drogue depuis son départ de l'hôpital et il était hyper vigilant à ne pas se laisser emporter par l'ambiance d'une soirée ou la proposition malvenue de quelqu'un. Sa culpabilité envers cette période de sa vie était cuisante même si cela avait permis leur rencontre.

« Probablement, » marmonna Drago en fronçant les sourcils.

Les deux amoureux ne poursuivirent par leur conversation car la maison des Potter apparut devant eux. Harry sentit un sourire éclairer son visage en traversant le portail électronique. Revenir dans la maison de son enfance était toujours un plaisir et avait quelque chose de rassurant. En quittant le domicile, Harry avait insisté pour emménager dans une résidence à proximité du quartier d'Islington.

Passer le permis lui semblait toujours insurmontable. Non pas qu'il soit stupide pour décrocher le code de la route ou complètement malhabile pour conduire un véhicule mais son défaut d'attention le rendait anxieux. Son psychiatre, son éducateur spécialisé et son l'infirmier l'encourageaient d'ailleurs à ne pas se lancer dans cette étape tant qu'il ne se sentait pas prêt. Et c'était loin d'être le cas. Si Drago râlait de lui servir de taxi le week-end, il en était intérieurement satisfait d'avoir cette place auprès de lui. La semaine, Harry se débrouillait plutôt bien pour prendre le bus même si certaines horaires où les lignes étaient bondées le forçaient à attendre d'autre passages pour ne pas devenir cinglé.

« Si ton père me charrie encore sur mon incapacité à allumer un barbecue, je l'envoie balader ! » promit Drago en coupant le contact.

Harry leva les yeux au ciel en riant bruyamment. Il ôta sa ceinture de sécurité puis se pencha vers lui pour l'embrasser tendrement.

« Tu n'oseras jamais l'envoyer chier. T'as déjà mis trois ans à le tutoyer. »

Un grognement furieux lui répondit et ils quittèrent l'habitacle du véhicule pour contourner la maison. La chaleur était presque étouffante en ce début du mois d'août et Harry regrettait déjà d'avoir enfilé une chemise à manche longue. Le coupla arriva sur la terrasse de la maison sur laquelle était dressée une grande table prête à accueillir les invités.

« Ah, la star du jour ! »

James Potter, un morceau de saucisse froide pour apéritif coincé entre les dents, quitta la cuisine par la grande porte-fenêtre de la maison. Il était vêtu d'un bermuda beige, d'un polo gris clair et ses cheveux noirs parsemés de petites mèches grises partaient dans tous les sens à l'image de son fils. Il s'approcha d'eux, les bras ouverts dans un geste accueillant, le visage éclairé par la joie.

« Il y aura deux stars, » rappela Harry en souriant.

« Profite-en que ton frère n'est pas encore arrivé, » pouffa James.

L'homme le serra brièvement contre lui, ses yeux noisettes pétillant de joie. Il se tourna ensuite vers Drago et l'attira dans une étreinte fugace. Harry et lui échangèrent un sourire de connivence en avisant la rougeur des joues du blond. Peu habitué aux démonstrations affectives, il était toujours très perplexe aux habitudes des Potter sur ce domaine là.

Après avoir entendu, digéré et accepté l'homosexualité de son fils et sa relation avec Drago Malefoy – découverte un an après le début de celle-ci ! –, James s'amusait beaucoup à pousser le garçon dans ses retranchements et à le forcer à se détendre auprès d'eux. Ça n'avait clairement pas été simple au début. James et Lily avaient d'abord été sous le choc, l'incompréhension d'être passés à côté de cela puis un mélange de honte, de colère et de désespoir face aux nombreuses différences de leur fils. Il y avait eu beaucoup de disputes, beaucoup de pleurs du côté de Harry. Poudlard avait heureusement joué les médiateurs et la situation s'était détendue petit à petit. Aujourd'hui encore, la culpabilité d'avoir ressenti cela se faisait ressentir chez le couple Potter. C'était probablement pour ça qu'ils se montraient si chaleureux avec Drago : pour s'excuser d'avoir accueilli sa relation avec Harry avec autant de difficultés.

Drago, lors d'une brève conversation avec James, avait indiqué que chez lui, son homosexualité n'était guère plus appréciée. Son père agissait comme si cela n'était pas un élément à prendre en compte dans son existence. Si Narcissa se montrait tout à fait chaleureuse avec Harry, Lucius avait eu besoin de temps avant d'être simplement capable d'accueillir poliment le garçon chez lui. De beaucoup de temps. Au grand dam de Drago qui voyait la confiance de Harry flétrir à chacun de ses rares passages dans sa maison familiale.

« Arrête de tout manger, James ! Qu'allons-nous offrir aux invités si t'as dévoré tout l'apéro ? »

Le visage marqué par l'agacement, Lily Potter apparut à son tour, s'essuyant les mains dans un torchon de cuisine. Elle en donna un coup dans l'épaule de son mari mais ses traits se détendirent dès qu'elle prêta attention aux deux jeunes hommes. Elle leur fit la bise rapidement et Harry sentit son cœur s'emballer de joie en reconnaissant l'odeur de son parfum fleuri. Le même depuis des années mais le retrouver était toujours aussi réconfortant.

« Pose cette bouteille de vin et viens m'aider pour allumer le barbecue, Drago ! » ordonna James. « La viande ne va pas se cuire toute seule et tu connais l'appétit vorace de Sirius. On aurait dû prendre une vache entière. »

« Sirius n'est pas le seul à engloutir des quantités astronomiques de viande, » nota Drago de son ton traînant.

Harry regarda son petit-ami s'éloigner avec son père d'une œillade légèrement inquiète. Si Drago était plutôt bien intégré à la famille, il craignait parfois le tempérament fougueux et excessif de son père. Plus les années avançaient, plus ses relations avec James s'amélioraient et s'apaisaient. Il y avait encore quelques sujets tabous les forçant à se concentrer sur des futilités parfois. Évoquer son suivi médical important pour maintenir sous contrôle ses troubles psychiques était toujours épineux mais l'homme faisait de réels efforts pour prendre sur lui et ne plus être gêné par sa maladie.

« La semaine au musée s'est bien passée ? »

La voix inquiète de sa mère le ramena à l'instant présent. Il lui adressa un sourire et la suivit dans la cuisine. Sur le plan de travail figurait plusieurs saladiers de chips, de dips et de toasts préparés pour l'apéritif. De nombreuses bouteilles de soda, jus de fruit et alcools s'y trouvaient également.

« Génial. J'adore travailler là-bas. Minerva est toujours aussi pète-sec mais je crois qu'elle m'aime vraiment bien, » confia t-il. « Et la restauration des tableaux et des tapisseries est vraiment passionnante. »

« Tu mérites ta place au musée Albert et Victoria. Tu as quand même été chez eux trois ans en apprentissage pour le métier de restaurateur d'œuvres d'arts, » déclara Lily.

Les joues empourprées face à la fierté évidente de Lily, Harry haussa les épaules avec embarras. Le méritait-il vraiment ? Il n'en avait aucune idée. Les choses s'étaient surtout bien goupillées pour lui permettre de passer ses examens d'arts avec brio, notamment suite à son succès au concours des jeunes talents londoniens et d'intégrer une école d'arts afin de devenir restaurateur d'œuvres. L'accompagnement resserré de son psychiatre et de son éducateur spécialisé à Poudlard puis à Saint-Mangouste l'avait beaucoup aidé dans des démarches encore compliquées pour lui à effectuer seul.

De grands éclats de rire venant de l'extérieur s'engouffrèrent dans la cuisine. La voix grave de Sirius se fit également entendre et Harry eut un soupçon – à peine – d'inquiétude pour Drago. L'homme, son cousin éloigné, l'adorait et ne cessait de lui ébouriffer les cheveux malgré sa grimace éloquente à chaque fois.

« Je suis heureux de pouvoir travailler dans un lieu comme ça, » répondit Harry. « Minerva veut me faire participer à un nouveau concours d'art mais j'hésite. Je suis pas sûr de vouloir encore une fois me lancer là-dedans. »

« Tu as gagné plusieurs prix depuis ton premier concours des jeunes talents. Tu es doué, Harry. Tu commences à attirer certains regards en remportant plusieurs compétitions de la sorte et c'est vraiment encourageant ! »

Le jeune homme haussa les épaules d'un air embarrassé. Lui dessinait ou peignait pour lui-même, pour son plaisir personnel. Il ne comprenait pas vraiment l'enthousiasme exubérant de son entourage à chacune de ses œuvres. C'était agréable et Harry préférait se laisser porter par les opportunités de concours plutôt que se prendre trop la tête à ce sujet.

« Tu fais quelque chose pour ton anniversaire ? »

« Ce soir, je vais manger au restaurant avec Luna, Neville, Colin et Drago, » révéla Harry, un large sourire aux lèvres. « C'est Neville qui s'est occupé de la réservation. J'ignore où ça sera ! »

« C'est super, » s'enthousiasma Lily.

C'était vraiment super compte tenu de l'absence de vie sociale de Harry durant une grande partie de son adolescence. Luna et Neville ne se quittaient pas. Ils vivaient ensembles depuis seulement six mois mais la situation, malgré quelques anicroches liés à la vie de couple, se passait très bien. Quant à Colin, le jeune homme était toujours hospitalisé à Saint-Mangouste mais il n'en demeurait pas moins l'un des premiers amis de Harry. Si Drago ne comprenait pas son attachement au garçon qu'il voyait environ une fois tous les deux mois, Harry refusait toutefois de lui tourner le dos. Il n'aurait pas aimé que quelqu'un le fasse quand lui-même était dans un sale état. Et il était certain que Drago, même si celui-ci ne l'avouait pas, avait un peu peur de Colin et de sa maladie.

« Drago a l'air fatigué. »

« Son père le fait travailler d'arrache-pied. On a même plus le temps de se voir le soir de la semaine. C'est limite si on peut s'appeler ! »

Lily rit doucement en voyant son air renfrogné. Harry joignit son rire au sien en s'apercevant de son ton plaintif. Il passa une main sur son visage pour trouver ses mots. Il se tourna vers la terrasse où Sirius et Remus, arrivés quelques minutes plus tôt, discutaient vivement avec Drago et James.

« Drago commence à évoquer la possibilité qu'on… emménage ensemble un jour ou l'autre, » chuchota t-il. « Maintenant qu'il a terminé ses études, il pense que c'est une bonne idée. »

« C'est super ! » s'enthousiasma Lily avec douceur. « Qu'est-ce qui te dérange là-dedans ? »

Les deux garçons étaient ensemble depuis plusieurs années à présent. Leur relation n'avait pas été des plus reposantes. L'annonce de leur couple avait provoqué une onde de choc dans la famille de l'un ou de l'autre. Si les Potter étaient stupéfaits de découvrir Harry gay, les Malefoy – notamment Lucius – s'était montré clairement réticent à voir son fils s'acoquiner avec un jeune homme souffrant de schizophrénie.

« Je sais pas s'il est prêt à… me supporter au quotidien, » lâcha Harry du bout des lèvres.

Lily fronça doucement les sourcils en entendant les mots de son fils. Malgré les années de thérapie, Harry ne parvenait pas à se dépêtrer de sa mauvaise image de lui-même. Elle retint un soupir attristé. Quand le garçon allait-il prendre conscience de sa valeur, de ses qualités et de la vie respectable qu'il s'était construit malgré la maladie ?

« Drago connaît parfaitement tes troubles et les supporte très bien depuis bientôt six ans, » rappela t-elle. « Si vous n'avez pas vécus ensemble à ton départ de la maison, vous n'étiez pas prêt à ce moment là mais peut-être que vous l'êtes à présent. »

« Il flippe chaque fois que… »

Incapable de trouver les mots, le jeune homme de vingt trois ans baissa la tête vers le plan de travail et ses mains s'emparèrent de deux saladiers pour les occuper.

« Chaque fois que quelque chose déraille ? » supposa Lily avec justesse.

Harry acquiesça, la gorge serrée et les yeux baissés. Si son hospitalisation de presque deux ans à l'Institut pédopsychiatrique Poudlard avait déconstruit sa croyance de l'existence de la magie et de Lord Voldemort, les apparitions de ceux-ci déboulaient parfois dans son quotidien avec une force incomparable et réduisait toute sa tranquillité en un petit tas de poussière.

C'était de plus en plus rare, notamment car les traitements médicamenteux associés à la thérapie lui permettaient d'apaiser ses troubles et ses hallucinations. Toutefois, les périodes de grand stress, provoquaient toujours un cataclysme dans son esprit et Harry se retrouvait projeté des années en arrière où la peur résidait en permanence dans le creux de son estomac.

« Quand je… quand je délire, Drago sait pas quoi faire et il flippe. Je veux pas… lui imposer ça, » balbutia t-il avec difficulté.

« C'est normal qu'il ne sache pas quoi faire. On en a déjà parlé. C'est assez impressionnant et angoissant pour toi mais aussi pour les autres. Mais tu as des médecins prêts à prendre soin de toi quand ça t'arrive. »

Harry approuva d'un mouvement de tête hésitant. Il abordait ce sujet pour la première fois avec sa mère. Habituellement, il le faisait avec son psychiatre à Saint-Mangouste. Mais la proposition de Drago au cours de l'une de leur conversation téléphonique cette semaine l'avait beaucoup questionné. Lui-même rêvait de voir plus souvent son petit-ami et de construire une vie de couple à l'image de celle de Neville et Luna, fous amoureux depuis leur scolarité à Durmstrang.

Pourtant, la réalité de sa maladie le freinait. Drago faisait preuve d'une patience à toute épreuve. Il acceptait sa manie de fermer tout à clé et de vérifier trois fois les fermetures avant de se coucher. Il ne râlait pas face à ses nombreux rendez-vous entre son psychiatre à Saint-Mangouste, son éducateur référent à sa résidence ainsi qu'avec son infirmier. Il s'inquiétait en silence en l'entendant marmonner seul quand une angoisse se faisait trop forte mais ne l'exhortait jamais à être constamment normal.

« C'est le rôle de Saint-Mangouste, pas de Drago, » insista la femme d'une voix douce. « Si Drago se dit prêt à vivre avec toi, il a tout à fait conscience de tes difficultés. Fais lui confiance et fais toi confiance. »

Sa mère avait raison. Pourtant, Harry ne pouvait pas s'empêcher de douter et d'avoir peur. Au cours de ces cinq dernières années, il avait séjourné à quelques reprises en psychiatrie, harassé par des phases de délire aiguë inhérentes à la schizophrénie. Les traitements connaissaient parfois des limites et les hallucinations revenaient avec force, faisant totalement s'effondrer sa structure psychique.

Lui-même comprenait difficilement comment il pouvait être sûr que Voldemort était une hallucination puis, d'un coup, en l'espace d'une seconde, ses croyances s'effondraient pour ne laisser place qu'à une terreur sans nom. Si c'était rare, ça survenait encore et chaque fois, Harry mettait des semaines à s'en remettre. La sortie de son délire paranoïde était toujours violente et la culpabilité d'avoir cédé à sa maladie lui enserrait la poitrine pendant des jours entiers.

« Tu crois qu'on pourrait vraiment vivre ensemble ? » murmura t-il avec espoir.

« La vie à deux n'est jamais simple mais il n'y a pas de raisons que vous n'y parveniez pas. Vous travaillez tous les deux, vous êtes des adultes à présent, votre relation est solide. Tu continueras à voir tes éducateurs à d'autres moments. »

Le cœur plus léger – ça semblait si facile ainsi énoncé par sa mère –, Harry lui lança un sourire rayonnant et se détourna pour apporter les premiers saladiers sur la terrasse. Une fumée blanche épaisse s'élevait du barbecue autour duquel les quatre hommes étaient réunis, discutant toujours de façon animée.

Remus fut le premier à le voir. L'homme, le visage marqué par la fatigue suite à une soirée de lancement la veille à sa galerie d'art, lui adressa un large sourire et s'approcha de lui pour le saluer. Harry posa sur la table les saladiers et embrassa l'homme. Leur relation s'était encore plus étoffée à présent que tous les deux travaillaient dans le domaine de l'art. Remus avait été un véritable soutien au cours de ses études d'arts.

Les salutations d'usages se poursuivirent avec l'arrivée d'Axel et Ginny. Son frère jumeau, toujours aussi brillant, poursuivait ses études en biologie avancée. Il souhaitait se diriger dans le secteur très sélectif de la recherche et commençait à la rentrée suivante une thèse dans sa matière de prédilection.

« Tu es rayonnante Ginny. La grossesse te va à merveille ! » s'écria James en embrassant sa belle-fille.

La jeune femme de vingt-deux ans rougit de plaisir et elle balaya son compliment d'un mouvement de la main distrait. La grossesse de Ginny était plutôt inattendue comme Axel était encore en études. Le couple ne s'était pas posé autant de questions que Harry. À la majorité de la rousse, ils avaient convolé dans un petit appartement londonien. Jamais très portée sur les études, Ginny s'était très rapidement lancée dans une carrière de vendeuse et ne s'en sortait pas trop mal.

« On va bientôt savoir le sexe ! » s'extasia Axel.

L'idée de devenir père l'enthousiasmait et il le rabâchait à qui voulait bien l'entendre. Après les premières inquiétudes concernant leur situation financière du fait de l'absence d'emploi fixe du jeune homme, ils s'étaient détendus pour profiter pleinement de la bonne nouvelle. Axel avait pris en parallèle de ses études un emploi dans un laboratoire de prélèvement et tentait de jongler entre les deux pour joindre les deux bouts et accueillir leur premier enfant dans les meilleures conditions. Si cela n'avait pas été dit à haute voix, Harry savait que ses parents leur proposaient de mettre la main au portefeuille si la situation s'avérait trop critique.

« Que ce soit une fille ou un garçon, on en sera très heureux, » souffla Ginny, les joues roses. « On est pressé de préparer la chambre pour son arrivée. »

Tous les convives présents pour fêter les vingt-trois ans des jumeaux, ils se réunirent autour de la table, un verre rempli à la main pour porter un toast. Harry et Axel, côte à côte, se ressemblaient de plus en plus à mesure que la maturité s'inscrivait sur leurs traits. Le déjeuner débuta dans une ambiance détendue et chaleureuse.

« Tu n'as pas envoyé balader mon père, » susurra Harry à l'oreille de son petit-ami.

« Je ne comprendrai jamais ce plaisir de faire un barbecue, » répliqua Drago sur le même ton. « Ça fait plein de fumées, ça pue et il fait une chaleur insoutenable quand on est autour ! »

« C'est pour le plaisir d'être avec moi que tu le fais, » gloussa t-il.

« Probablement Potter. Probablement. »

FIN.


C'est avec beaucoup d'émotion que j'écris ce mot de trois lettres, mettant le point final à Un pas de côté.Même si ça prend un peu de temps, merci de lire les quelques lignes qui suivent. Je les ai écrites avec mon cœur.

Alors merci, merci à vous pour votre accueil pour cette histoire qui aborde un thème pas forcément simple, pas forcément joyeux, pas forcément rassurant. J'ai écris cette fanfiction en l'espace de deux mois et demi et j'ai livré le premier chapitre avec beaucoup d'inquiétude. J'ai été franchement surprise par votre enthousiasme. Parmi toutes mes histoires, c'est dans Un pas de côté que j'ai reçu le plus de reviews personnels. Car ce thème a touché beaucoup d'entre vous, de près ou de loin, a fait resurgir chez vous des émotions, des anecdotes, des inquiétudes qui vous concernent, vous, un proche ou une de vos connaissances. Vos confidences m'ont ému et bouleversés. Elles m'ont convaincu que j'avais eu raison de prendre ce risque.

Comme je l'ai expliqué en préambule, j'ai écris cette fanfiction en m'appuyant sur mon expérience personnelle et professionnelle. Je suis éducatrice spécialisée avec des enfants autistes mais je travaille aussi avec des enfants dont la structure psychique est très affaiblie, comme Harry. J'ai voulu vous livrer une histoire où la réalité d'une maladie mentale est dépeinte. Je tiens à rappeler que même si Harry s'en sort pas trop mal et est entouré par sa famille et son entourage, malgré des périodes difficiles où le rejet, la honte et l'incompréhension est là, beaucoup de personnes en souffrance psychique se retrouvent seuls. Seuls pour gérer ce bordel dans leur tête, pour apprendre à vivre avec leur maladie car on n'en guérit pas, on apprend seulement à vivre avec. Alors, si avec cette histoire, je suis parvenue ne serait-ce qu'un petit peu à vous éclairer un peu sur ce type de maladie, j'ai réussi mon pari et j'en suis très heureuse.

Nous ne sommes pas là pour juger ces familles qui se retrouvent démunis face à la maladie mentale de leur enfant car croyez-moi, c'est une épreuve extrêmement difficile. Peut-être connaissez-vous cela. Peut-être êtes-vous vous-mêmes parents et vous pouvez avoir une idée de ce que le handicap pourrait produire chez vous. Peut-être n'êtes-vous pas parents mais je suis certaine que vous pouvez comprendre combien ce type de maladie provoque un cataclysme non pas dans une vie mais bien dans plusieurs. Mon travail est d'accompagner ces enfants et ces familles en souffrance, de les faire se sentir moins seuls et de tenter de les aider à construire une certaine stabilité dans leur quotidien.

Alors encore une fois, merci pour vos reviews, pour vos petits mots, pour vos encouragements, pour avoir osé lire cette histoire sur le thème de la maladie mentale, pour vous êtes laissés embarquer dans un flot d'émotions. Merci de votre fidélité. Chacune de vos reviews a été pour moi une véritable récompense. Profitez de ce dernier chapitre pour partager une dernière fois ce que vous pensez de Un pas de côté, même vous, lecteurs fantômes :)

Un immense merci aussi à Miss Khay qui, dès les premières lignes de cette histoire, a su m'encourager, me lire et me rassurer pour me convaincre de publier Un pas de côté. Sans toi, cette histoire ne serait pas en ligne.

Il est temps pour moi de vous souhaiter bonne route et peut-être, à bientôt, sur une de mes histoires déjà publiées ou sur un de mes futurs projets :)

Patmol25.

Et surtout, n'oubliez pas : L'auteur écrit l'histoire mais les lecteurs la font vivre.