Chapitre 10 - Le duo blanc

Dalféus se retrouvait donc dans le quartier Nocturne. Un endroit magnifique pour qui sait regarder. Un quartier noir et sans intérêt pour les autres.

On y retrouvait beaucoup d'espèces. Chauve-souris, taupe, loup, rat... Il y avait de tout, bien que la grande majorité soit des mammifères nocturnes. D'ailleurs, c'était la raison d'être du quartier: permettre à la population nocturne, qui était non-négligeable, de vivre de nuit, sans pour autant déranger les mammifères diurnes.

Ainsi, dans le quartier Nocturne, les magasins étaient fermés de jours et ouverts de nuit. Tout comme les établissements d'amusement, d'activité, ainsi que les services publics. Mais des installations souterraines de ce genre nécessitaient certaines mesures. Par exemple, tout le quartier avait un système de ventilation très performant et les automobiles étaient entièrement électriques. Les conduites de gaz étaient constamment sous surveillance et la qualité de l'air était testée tous les jours.

Pourtant, l'endroit ressemblait à n'importe quel quartier diurne, avec le ciel et la lumière du soleil en moins. Il se centrait sur Savannah Central. Il y avait même une version nocturne plus volumineuse de Little Rodentia, principalement habité par des rats.

Bien des mammifères croyaient que le quartier Nocturne était plongé dans une noirceur perpétuelle, ce qui, par définition, en faisait un lieu dangereux. Pourtant rien n'était aussi éloigné de la réalité. Le quartier était vivant et surtout, très lumineux à bien des endroits. Des panneaux colorés de couleur sombre et vive égayaient les rues et les enseignes des commerces. Bien sûr, il y avait des zones d'ombres, comme n'importe où ailleurs, mais cela ne rendait pas l'endroit plus dangereux pour autant. D'ailleurs, le quartier avait un poste de police qui lui était spécialement dédié, regroupant des agents nyctalopes et étant capable de vivre de nuit sans problème. Une sorte d'unité spéciale propre au quartier.

Quelque part, un canidé se frayait un chemin dans la petite foule d'un marché de minuit. Il marchait la tête rentrée dans les épaules, les pattes dans les poches de son trench-coat noir. Son sac en bandoulière se balançait doucement sur son côté. Sorti de la zone populeuse, le wox noir se dirigeait avec assurance entre les bâtiments, passant des zones d'ombres aux zones lumineuses sans sourciller, allant à une destination connue de lui seul.

Le seul indice de sa vigilance était ses oreilles qui tournaient sur elles-mêmes, se dirigeant instantanément en direction des bruits potentiellement suspects qui l'entouraient.

Dalféus avait un bizarre d'impression. Il avait la conviction d'avoir vu quelque chose dans le marché qui aurait dû l'alerter, mais qu'il n'avait pas remarqué sur le coup. Sa patte droite jouait nerveusement avec un objet caché dans sa poche. Il n'était pas tranquille et plus le temps passait, plus son impression se transformait en appréhension.

Par réflexe, il bifurqua brusquement de son chemin. Il n'allait pas se rendre tout de suite là où il était attendu.

Malheureusement, son brusque mouvement du être perçu comme une tentative de fuite, car quelques secondes plus tard, le son de deux paires de pattes en pleine course se fit entendre, se rapprochant dangereusement de lui.

L'adrénaline fut comme un liquide brûlant se répandant dans son corps. Dalféus se mit lui aussi à courir. Cela fit penser à son esprit, pourtant à mille lieues de là, que la situation ressemblait ironiquement à sa première rencontre avec Judy et Nick. Malheureusement, contrairement à cet événement, il ne pensait pas que la fin serait heureuse.

Sa patte ripa sur une pierre mal placée, ce qui le fit trébucher quelque peu. Ce maudissant, il refocalisa ses pensées sur le moment présent, à savoir, courir tout en injuriant les cailloux ainsi que toute leur famille.

Après une course-poursuite éreintante, car après tout, Dalféus n'avait que très peu dormi ces derniers temps, il se retrouva dans une petite ruelle déserte. Au bout, la noire silhouette élancée d'un bouc se découpait sur la lumière derrière lui. Ses cornes en forme de lyre attestaient avec certitude de son espèce, mais malheureusement pas de ses intentions.

Le wox s'arrêta puis se retourna pour découvrir que ça retraire était elle aussi coupée par deux petites silhouettes.

Il n'aimait pas cette situation, mais alors pas du tout. Pourquoi ces mammifères le traquaient-ils ainsi ? Jusqu'à maintenant, il était resté plutôt discret. Certaines informations seraient-elles donc tombées dans de mauvaises oreilles ?

Des questions qui, au final, ne changeaient rien à la situation. Il était piégé et allait devoir jouer un jeu dangereux, auquel il n'était pas habitué, pour s'en tirer indemne. Restait à savoir pourquoi ils étaient là.

La silhouette aux longues oreilles resta de marbre alors que la plus large commença à s'avancer dans sa direction. De petite taille, l'animal ne semblait pas dangereux aux premiers abords, mais Dalféus avait appris à ne pas se fier aux apparences. Il sut immédiatement son espèce lorsqu'il avisa les nombreux piquants qui lui sortaient du dos et faisaient ressembler sa silhouette à un oursin géant.

L'image impromptue d'un oursin terrestre géant s'approchant de lui d'un air menaçant au possible était tellement incongrue et soudaine qu'elle fissura les barrières mentales de Dalféus, qui ne put s'empêcher de lâcher un léger rire nerveux entre ses crocs découverts.

Malheureusement, son faible ricanement ne sembla pas être très bien perçu par le mammifère qui lui faisait face. Son visage marqué d'une petite balafre sur la joue gauche, déjà menaçant, se ferma encore plus alors qu'il gardait ses yeux noirs braqués sur l'hybride.

« Je ne rirais pas si j'étais dans ta situation actuelle, le loup. »

Encore quelqu'un qui le prenait pour ce qu'il n'était qu'à moitié. Ne pas être un hybride visible, c'était utile, mais parfois, c'était très frustrant.

Dalféus haussa donc les épaules, l'air de dire qu'il en faisait peu de cas. Mais dans sa tête, les alertes rouges n'arrêtaient pas de sonner. Son calme extérieur était une façade difficilement maintenue, car tout son être ne lui criait qu'une chose: courir se mettre à l'abri.

Pourtant, ses pattes, camouflées dans ses poches, n'étaient pas restées inactives. Et quelque part au-dessus de lui, une sonnerie se fit entendre.


Le chef Bogo était en train de se reposer sur son lit de camp, dans son bureau au poste de police. Il était fatigué et avait besoin de sommeil et de repos, mais il n'arrivait pas à fermer l'oeil. Les éléments des enquêtes en cours tourbillonnaient dans sa tête. Son sixième sens, développé durant toutes ses années en tant que chef de la police, lui soufflait que quelque chose n'allait pas. Seulement, il n'arrivait pas à déterminer si cela concernait l'enquête de ses deux jeunes agents ou si ça émanait d'autre chose.

Son regard divaguait vers le plafond à la couleur sombre alors qu'il forçait son esprit à se focaliser sur rien, histoire qu'il puisse dormir un peu en paix.

Mais c'était sans compter son téléphone portable qui se mit à vibrer sur le coin de son bureau avec un air mesquin. À croire que même les objets inanimés souhaitaient l'empêcher de dormir.

Il se redressa sur son lit en grognant, le visage fermé, avant de prendre l'appareil d'une patte lourde.

« Allo. » meugla Bogo d'une voix dure.

« … ta situation actuelle, le loup. » répondit immédiatement une voix qui semblait lointaine.

« Pardon ? »

Un froissement ainsi que des bruits parasites se firent entendre. Bogo n'avait qu'une envie, raccrocher au museau de ce qui semblait être une blague. Seulement, lorsqu'il éloigna le téléphone de son oreille, il vit l'image de Dalféus, signifiant que c'était lui qui l'avait appelé.

Son mauvais pressentiment se raviva et son visage se tordit. Quel était le but de cet appel ? Son corps massif aussi tendu que la corde d'un arc, il sortit de son bureau un petit appareil d'enregistrement fréquemment utilisé par les policiers et le mit en marche.

« Où sont les documents ? » reprit durement la voix lointaine.

Quels documents ? se demanda Bogo en écho aux paroles de Dalféus, qui posa la même question d'une voix innocente.

« Je te conseille vivement de ne pas jouer aux idiots avec moi. » grésilla le téléphone d'un air menaçant chargé de sous-entendus.

Un grognement animal des plus convaincants se fit entendre, puis la voix de Dalféus répondit méchamment.

« Si tu te rapproches, tu risques très fortement de le regretter dans les prochains jours, la boule d'épines. Réfléchie bien à ce que tu vas faire. »

Bogo resta de marbre, même si son esprit, lui, venait de faire un bond de trois mètres. Voilà pourquoi l'hybride l'avait appelé! Il lui donnait des infos en direct! Il avait qualifié le mammifère qui l'interrogeait de boule d'épines. Il n'y avait pas trois cents espèces équipées d'un tel pelage.

« Mais vous savez… il n'est pas trop tard pour reculer. » poursuivit Howler d'une voix plus calme. « Vous n'avez qu'a... »

« Impossible. » cracha son interlocuteur. « Nous ne pouvons plus reculer. Et puis de toute façon, nous sommes déjà allés trop loin. Je le répète donc: où sont les documents ? »

« Je dirais plutôt que l'on cherche à vous faire croire que vous ne pouvez plus reculer. Vos idéaux agisse comme des chaînes! » contra Howler en appuyant bien sur le mot croire. « Mais bon… si votre souhait c'est de foutre vos trois vies en l'air... »

« C'est la tienne que l'on foutre en l'air si tu continues à éviter ma question ! »

« D'accord… de quels documents vous parlez ? Eh bien oui, je ne peux pas vous dire où ils sont si je ne sais pas de quels documents précis vous me parlez. Vous savez, il en passe beaucoup entre mes pattes, alors me rappeler de tout... » répondit calmement l'hybride, un air condescendant dans la voix.

Il y eut un moment de silence durant lequel le corps du chef de la police se raidit. Il imaginait bien le regard assassin que pouvait bien lancer l'interlocuteur de son consultant informatique nouvellement acquis.

Penser à l'hybride lui rappela que celui-ci devait avoir de bonnes oreilles en tant que canidé. Il souffla donc tranquillement quelques instructions dans le combiné.

« Howler… essayer de leur soutirer des noms ou quoi que ce soit. Mais retirez-vous s'ils deviennent trop menaçants. »

Il y eut un bruissement dans l'appareil, puis la voix du semi-loup s'éleva encore, ironique.

« Oui oui, prenez votre temps pour vous décider… c'est pas comme si le Chef du ZPD était au coin de la rue. »

Il y eut un moment de flottement, puis des chuchotements que Bogo ne put interpréter avant que ceux-ci se transforment en juron. Le bruit d'une cavalcade s'éleva, suivit d'un cri de douleur précédée d'un coup sourd.

Bogo se rua sur son téléphone fixe, mais au moment où il prit le combiner entre ses pattes, la voix soudainement glacée et essoufflée de Dalféus se fit de nouveau entendre, bien qu'elle se brisa sur la fin.

« Le prochain qui s'approche, je l'électrocute… à mort. »

« Howler, où êtes-vous ?! » s'écria Bogo.

Mais aucune réponse ne lui parvint, excepter un froissement continue qui dura un bon cinq minutes.

« Monsieur Bogo ? » retentit finalement la voix chaude et essoufflée du semi-renard.

« Où êtes-vous ? »

« Sous vos pattes, dans le quartier Nocturne. »

Bogo tapa du poing sur son bureau assez fort pour que Clawhauser, qui faisait le chiffre de nuit à la réception, l'entende.

« Dans le quartier Nocturne ? Mais qu'est-ce que vous foutez là ?! »

« Et moi j'vous demande pourquoi vous faites votre épicerie à Tundratown plutôt qu'au marché à trois pas de chez vous ?! » répliqua vertement l'hybride. « J'aurai été dans le quartier de la Forêt Tropical que ça n'aurait rien changé! Et pour répondre à votre question, je rendais visite à une amie. »

« En pleine nuit ? » demanda Bogo sur un ton sceptique, qui passa outre la première réplique de son interlocuteur.

Bogo entendit l'hybride soupirer à l'autre bout du fil. Il finit tout de même par répondre.

« Je suis un hybride de loup et de renard, monsieur Bogo… je vis autant de nuit que de jour. »

Le Chef de la police se passa la patte sur le front. Il était soulagé, mais il devait encore parler avec l'hybride. Ce dernier, justement, haletait bruyamment et jurait à mi-voix.

« Vous allez bien ? »

« J'vais vous mettre une épine de porc-épic dans le bras pour voir si vous allez bien! » répondit Howler ironiquement. « Bordel que c'est solide en plus ces trucs! »

« Une épine ? »

« OUI! Non, mais vous avez que des questions à la bouche, ma parole! »

« Ferme ton clapet! » le semonça Bogo, qui cogna de nouveau sur son bureau pour marquer le coup. « Réfléchie un peu. L'équipe qui a pris votre relève là où a été torturé Farnham est revenue avec plusieurs indices, dont une épine. »

Un grognement de douleur lui répondit, rapidement suivi par une onomatopée de compréhension.

« Si je comprends bien, je garde cette épine-ci, on la compare avec l'autre et l'on découvre si elles viennent du même mammifère, c'est ça ? »

« Parfaitement. Et je veux un rapport détaillé demain matin lorsque vous viendrez porter la preuve. Compris ? »

« Ah… eh, mais fatigu… oui compris. » se résigna l'hybride lorsque Bogo se mit à grogner comme un vrai loup, ce qui était plutôt bizarre venant d'un buffle.

« J'm'en cogne! Ici, demain, à la première heure! Maintenant, va faire soigner ton bras, c'est un ordre! »

Suite à cela, il raccrocha et posa sa patte sur son téléphone fixe. Il lança un coup d'oeil à son lit, qui lui faisait les yeux doux. Il souffla des naseaux de dépit avant de finalement décrocher le combiné. Il aurait des analyses à faire faire en priorité, le repos viendrait donc plus tard… à son grand dam.


Il posa enfin les yeux sur son objectif: une maison simple, équipée d'un garage fermé et de deux portes d'entrée de tailles sensiblement différentes. L'une était assez grande pour faire passer un loup, alors que l'autre semblait prévue pour les mammifères de petite taille, tels que les souris ou les rats. Aux côtés de la porte de garage figurait une petite enseigne sur laquelle était écrit: Service de réparation mécanique et électronique, ainsi qu'un peu plus bas, Guide d'activité de plein air. Un martèlement continu traversait la porte du garage, ce qui couvrit le son de ses coups lorsqu'il frappa à la porte d'entrée.

Ne recevant aucune réponse, Jack appuya sur la sonnette, qu'il ne put atteindre qu'en se mettant sur la pointe des pattes. Il entendit distinctement un carillon à l'intérieur quelques secondes avant que les coups ne s'arrêtent. Il jetait un regard discret autour de lui, vieille habitude qui ne le quittera jamais, lorsque la porte s'ouvrit enfin. Du moins, il l'entendit s'ouvrir, mais lorsqu'il se retourna, cette dernière était toujours fermée.

Il fronça les sourcils lorsqu'un raclement de gorge lui fit baisser les yeux. La petite porte s'était ouverte et un rat blanc d'un certain âge le fixait de sous son béret foncé. Ses yeux rouge sang le rendaient toujours mal à l'aise, mais Jack réussissait assez bien à cacher ce sentiment. Il était son ami après tout.

« Bonsoir Rathbone. Bonne soirée ? »

Le rat jeta un coup d'oeil aux alentours avant d'inviter le lapin à entrer, ce que ce dernier ne fit pas lorsque le rongeur rentra à l'intérieur.

« Ah ah très drôle Rath! Mais je te rappelle que je ne passe pas par ta porte. »

Un juron bien senti se fit entendre du côté du rat. Patient, Jack croisa les bras en prenant soin de ne pas toucher ses joues, qu'il avait encore recouvertes de matière grisâtre cendreuse de façon à dissimuler ses traits noirs caractéristiques.

Bientôt, un grognement d'effort suivi d'un déclic se fit entendre, entrouvrant la porte de quelques centimètres. Le lapin poussa le battant puis le referma tout en cherchant du regard le rat hors de vue. Il retrouva celui-ci accrocher à la poigner de la porte, son regard carmin toujours rivé sur lui. Rathbone lâcha prise et tomba pile sur un minuscule coussin censé amortir sa chute.

Il replaça son béret sur sa tête avant de désigner vaguement la direction du garage.

« Elle est là-bas. Elle t'attend depuis son appel. »

Jack le remercia malgré son caractère bougon et se dirigea vers le garage. Il connaissait bien l'endroit et finit par déboucher dans la salle désignée.

Bien entendu, comme à chaque fois qu'il mettait les pattes dans cet endroit, il en resta bouche bée. Ses oreilles, qui jusque-là pendaient un peu vers l'avant, se redressèrent sous l'effet de l'intérêt.

Le garage était en fait un grand bric-à-brac d'outils et de constructions en tout genre à l'utilité obscure. Plusieurs projets semblaient inachevés, au vu de leurs entrailles apparentes, et la majorité semblait utiliser autant de composantes mécaniques qu'électroniques.

Au centre de la pièce se trouvait une simple table de travail ainsi qu'un élévateur pour travailler sous les véhicules. Plusieurs établis longeaient les murs, alors qu'au fond de la salle se trouvaient pêle-mêle une clé à molette géante, probablement designer pour un ours, une paire de pneus dont le caoutchouc semblait à moitié rongé ainsi qu'un paquet d'écrous de tailles diverses et variées. L'un d'entre eux était aussi gros que la tête du lapin!

Mais tout cela n'était qu'un décor familier parmi tant d'autres pour le lagomorphe. Lui n'avait d'yeux que pour la haute silhouette à la fourrure blanche qui lui tournait le dos, attablé à l'un des établis. Sa queue touffue immaculée battait une mesure que seul son coeur semblait connaitre alors que ses oreilles triangulaires pointaient le plafond d'un air insistant, signe d'une grande concentration chez elle. Une sangle derrière sa tête semblait retenir quelque chose devant ses yeux, probablement des lunettes de protection. Elle était vêtue d'un simple t-shirt sous une tenue de travail à bretelle.

Combien de temps resta-t-il là, à la regarder silencieusement, il ne le sut pas vraiment. Mais après ce qui lui sembla être une éternité compressé en un court instant, une voix le fit revenir au moment présent.

« T'as fini de lui mater le cul ?! »

Les yeux exorbités par la surprise, Jack baissa les yeux sur Rathbone, qui le fixait de ses yeux carmin tout en entrant dans la pièce. Bien entendu, le rongeur avait parlé assez fort pour tout le monde puisse l'entendre.

« Quoi ?! Non, mais pas du tout ! » contredit Jack après être revenu de sa surprise initiale, les joues en feu. « Je regardais vos projets en cours. »

Rath lui lança un coup d'oeil, montrant bien au lapin qu'il était loin d'être dupe, mais il ne lâcha pas un mot de plus.

La silhouette blanche, quant à elle, s'était retournée et fusillait maintenant le rat du regard, bien que l'effet passe beaucoup moins bien au travers de lunette enveloppante. Son geste révéla un museau long à la truffe noire propre aux renards alors que sa queue suivait le mouvement, balayant l'air.

« Qu'est-ce que j'ai dit concernant les jurons en présence de clients, Rath ? » prononça la voix douce, mais ferme, de la renarde polaire.

« Skye… c'est pas un client ça. C'est ton ami là… Savage c'est ça! »

« Les deux statuts ne sont pas exclusifs, Rathbone. Un ami peut très bien être un client et vice-versa. »

La réponse se perdit dans un marmonnement dans lequel l'on pouvait deviner quelques jurons bien sentis. Vaincu, le rat battit en retraite hors de la salle de travail, replaçant son béret de ses petites pattes roses avec dignité.

La dénommer Skye soupira, avant d'enlever ses lunettes, dévoilant des yeux d'un bleu lagon profond dans lesquelles l'on pouvait discerner sa joie de vivre, sa soif de découverte ainsi que son amour de la logique mécanique. Un regard expressif et attentionné qui se porta vers le lapin.

« Ne fais pas attention à lui. Il est de mauvais poil cette nuit. Tu sais qu'il est grognon pour à peu près tous. » lança l'isatis d'un air enjoué.

Savage hocha les épaules, n'affirmant ni infirmant les dires de son amie, de peur que le rat ne l'entende. Le petit maudit serait bien capable de lui écrabouiller les pattes à coup de canne si l'envie lui en prenait.

« De toute façon, avec la journée que j'ai eue… il n'y a plus grand-chose qui peut m'atteindre. »

La mimique de l'isatis fondit instantanément à l'audition de ces paroles, se rappelant ce que lui avait dit Jack au téléphone. D'un coup, son inquiétude, qu'elle avait réussi à repousser en travaillant, refit surface, faisant briller son regard de peur contenue.

« Tu n'as pas eu de problèmes en venant ? » demanda Skye le plus calmement possible.

Secouant la tête dans un mouvement de négation, il se rapprocha d'elle, son visage prenant un air interrogateur.

« J'attends quelqu'un d'autre pour t'expliquer ce que j'ai trouvé. Un ami a moi. » répondit la Skye à la question silencieuse de son ami. « Seulement, ça fait beaucoup trop longtemps qu'il est parti de chez lui pour venir ici… et avec ce que j'ai trouvé plus ton histoire… »

La renarde blanche soupira, laissant en suspens ses pensées. Sa détresse était réelle, mais tous dans sa posture montraient qu'elle n'allait pas se laisser submerger par la peur et l'appréhension.

« On peut en parler si tu veux. » prononça finalement le lapin, qui évitait le regard de son interlocutrice. « Ça ne peut qu'aider. »

« Je ne crois pas que ce soit moi qui ai le plus besoin de parler, Grandes Oreilles. » lâcha Skye avec justesse en donnant un coup de patte dans un écrou, qui vint rouler jusqu'aux larges pattes de Jack. « Ce n'est pas moi qui ai eu la pire journée de nous deux. »

Le lagomorphe ouvrit la bouche, comme s'il voulait dire quelque chose, mais rien ne vint. Il avisa l'écrou, au sol, et le ramassa avant de le reposer sur l'un des établis à sa portée. À l'image de cet écrou, la balle était dans son camp. C'était à lui de faire le premier pas. Chose plutôt difficile, fut sa nature ainsi que celle de son travail. Mais toutes personnes avait besoin de partager son vécu, ne serait-ce que pour évacuer un trop plein d'émotions, qu'elles soient positives ou non.

Patiente, la renarde en bleu de travail à bretelle continuait à darder son regard sur le lapin, accouder à la table du centre de la pièce, attendant que celui-ci se lance.

Les oreilles plaquées dans le dos et une patte dans une poche, Jack dirigea finalement son regard bleu vers celui plus foncé de Skye. Il avala sa salive, indécis, puis ouvrit une seconde fois la bouche lorsque de lourds coups se firent entendre en provenance du hall d'entrée.

Des coups durs et secs, qui alertèrent les deux mammifères. Ils se dirigèrent tous les deux vers l'entrée sans se concerter pour découvrir que Rathbone était déjà en train de répondre. La patte du Jack sortie un peu de sa poche, révélant la crosse d'une arme de poing que Skye ne remarqua pas, trop focalisé sur Rath qui discutait avec l'inconnu. Le rat finit par reculer, faisant signe au duo d'ouvrir la porte.

Prenant l'initiative, le lagomorphe tira la poignée, sa patte tenant toujours son arme dissimulée dans sa poche. Son cri de surprise se mêla à celui du mammifère qui se trouvait à l'extérieur.

« Jack ?! »

« Dalféus ?! »

« Mais qu'est-ce que tu fais là ? » dirent-ils à l'unisson, à leur plus grand dam.

Les deux anciens ennemis se fixèrent l'un l'autre, les sourcils froncés, l'air méfiant. Ni l'un ni l'autre ne savait comment réagir, car ils ne s'attendaient absolument pas à se voir là, dans cette situation. Eux qui aimaient garder le contrôle, qui aimaient savoir les choses d'avance, se retrouvaient dépassés par un simple événement sans grande incidence.

Après quelques secondes de flottement qui parurent durer un bon quart d'heure, Skye réagit en s'élançant vers l'hybride, la mine inquiète.

« Dalf! Mais tu es blessé! » s'écria-t-elle lorsqu'elle avisa les petites gouttes de sang qui s'écoulait de la patte gauche du canidé.

Jack, qui avait été trop surpris par leur rencontre, n'avait pas remarqué la blessure du wox aux premiers abords. Il lança un regard indéchiffrable à ce dernier, qui entra à l'intérieur avant de fermer la porte d'un mouvement un peu trop brusque. Il tenait à la patte une longue épine dont l'une des extrémités était teintée d'une couleur écarlate.

« Et bien qu'est-ce qui t'est arrivé ? » demanda Rathbone depuis le sol, ses yeux exprimant autant la surprise que ceux du lapin.

Ignorant totalement le rongeur, Dalféus tourna son regard vers Skye, lui faisant comprendre qu'il allait bien, puis dirigea son attention vers Jack, l'air grave.

« J'ai peut-être été suivie. » laissa-t-il tomber, sans émotion, comme s'il venait de dire que le ciel était bleu.

Comprenant instantanément le message, Jack amorça un mouvement pour sortir du bâtiment alors que Skye hoquetait, ne comprenant rien à ce qui se passait. Mais Dalféus rappela le lapin, qui se retourna juste attend pour attraper un morceau de métal ressemblant fort à un poing américain sur lequel on aurait branché une batterie.

« Tu as essayé mon poing électrifié ? » lança Skye, mi-surprise, mi-heureuse.

« J'aurai préféré ne jamais avoir à le faire. » répondit le canidé aux pattes blanches et rousses avant de revenir sur le lapin. « Fais attention. Ils sont dangereux. »

Jack hocha la tête, avant de sortir d'un air furtif, équipé de son révolver, toujours caché dans sa poche, et de son poing américain nouvellement acquis.

« Jack ! Mais qu'est-ce qui se passe à la fin ?! »

« Chut. Ça va aller. Il sait ce qu'il fait. »

Cette simple phrase sembla redonner à la renarde blanche son pragmatisme et sa logique habituelle. Elle connaissait Jack depuis longtemps et savait pertinemment de quoi il était capable. Elle se raisonna donc, obligeant son cerveau à se concentrer sur quelque chose d'autre, à savoir, la blessure du wox.

Pendant que l'isatis soignait un Dalféus geignard, Rathbone espionna la rue par la fenêtre. Lui non plus ne comprenait rien à ce qui se passait, mais connaissant Jack et Dalféus, il ne pouvait qu'imaginer dans quoi ceux-ci s'étaient embarqués. Encore.

Plus loin dans la maison, il entendait Skye harceler de questions le pauvre hybride qui tentait d'y répondre du mieux qu'il le pouvait tout en gémissant sous la brûlure de l'alcool que la renarde aux yeux lagon appliquait sur sa blessure. Le rat haussa les épaules, l'air de dire qu'il avait déjà tout vu. D'un autre côté, il vivait avec une pseudo hyperactive fanatique des aventures et qui ne ratait pas une occasion de sauter à pattes jointes dans les problèmes.

Un pli soucieux lui barra le front alors que ses moustaches frémissaient. Il n'avait plus qu'à espérer que les problèmes qu'il voyait arriver ne soient pas aussi gros qu'il le craignait.


Au bout d'une heure d'attente sans nouvelle, le trio resté dans la maison entendit enfin les pas légers de Jack résonner faiblement dans le hall d'entrée. Les oreilles molles, mais le regard alerte, le lapin haussa les épaules face à la question silencieuse de Dalféus, qui le fixait avec insistance. Il n'avait trouvé personne de suspect.

Toute cette agitation avait repoussé la fatigue, qui suivait le lagomorphe comme son ombre depuis qu'il était parti de chez lui. Silencieux, il se rapprocha du trio attroupé autour d'une table en plein centre de l'atelier de réparation et construction.

« Personne. » lâcha Jack, son regard dirigé vers l'hybride à la fourrure noir. Il posa sur la table le poing américain modifié, n'en ayant plus l'utilité, avant de reprendre. « Et pour ton bras ? »

Le semi-loup bougea son bras blessé maintenant bandé, montrant à Savage le boulot de Skye.

« Ce n'était qu'une petite blessure au final. Rien de bien grave, même si ça fait un mal de chien, si vous me prêtez l'expression. »

« Ouais j'ai déjà vu pire en effet. » le nargua le lapin.

« Attendez. Stop. Stop! » coupa Skye, qui était restée silencieuse jusque-là, au même titre que Rathbone. Elle regarda Dalféus, puis Jack, tout en continuant. « Vous vous connaissez depuis quand ? »

« Depuis trop longtemps. » répondit le wox, du tac au tac, avant d'ajouter avec hargne, « La question est plutôt : qu'est-ce qu'il fait ici ? Je croyais que tu devais me parler à propos des schémas. »

« La même chose que toi, grand con. » répondit Rathbone, ce qui lui valu un regard noir de la par de Skye ainsi qu'un coup d'oeil amusé de Jack.

Debout sur la table de façon à participer à la conversation, le rat au béret tenait entre ses pattes une baguette télescopique, comme celle principalement utilisée par les enseignants.

« En parlant de ça, je crois qu'il serait temps de nous expliquer ce que vous avez trouvé. »

« Faudrait déjà que tu réussisses à comprendre ce que c'est. » lança l'hybride au lapin en face de lui.

« Parce que toi tu sais ? » demanda d'un air absolument pas convaincu le lapin.

« Parfaitement, puisque ce sont des documents qui sont aussi en ma possession. Des schémas plus ou moins incompréhensibles. »

« Incompréhensible pour toi ainsi que la majorité des gens en effet. » prononça Rath, qui donna un coup de baguette dans un rouleau de papier épais qui se mit à se dérouler sur la table, révélant plusieurs schémas. « Mais pas illisible pour deux cerveaux logique tels le mien et celui de notre charmante renarde blanche. »

« Et voilà qu'il se lance des fleurs maintenant... » maugréa Jack.

« Il n'y a pas de problèmes à ça puisque j'ai raison. » contra habilement le rat, avant de glisser un clin d'oeil complice à la bricoleuse qui esquissa un sourire.

« Tout d'abord, » continua Rathbone, « il y avait près d'une dizaine de schémas et, tout comme l'a si bien dit notre ami hybride, la majorité d'entre eux sont incompréhensibles. »

« Seulement, ils ne sont pas incompréhensibles parce qu'ils sont compliqués. » poursuivit Skye, qui étalait les schémas de façon à ce qu'ils soient tous visibles. « Mais simplement parce qu'ils ne représentent rien. Ce sont seulement des lignes compliquées sur une feuille. Autant dire un plat de spaghetti. »

Une patte sous le menton, l'air songeur, Jack exprima tout haut ce que ça lui évoquait dans l'immédiat.

« Ils sont peut-être là pour brouiller les pistes et faire perdre du temps à ceux qui les analysent ? Peut-être sont-ils là de façon à ce que l'on se concentre sur une tâche impossible plutôt que sur les bons schémas. »

Une lueur d'intérêt s'alluma dans les yeux bleus et froids de Dalféus, qui était arrivé aux mêmes conclusions que le lapin. De faux schémas pour perdre les éventuelles personnes qui mettraient leur museau au mauvais endroit. Malin.

« Ce serait logique en effet. »

Skye déplaça ensuite les schémas de façon à en mettre deux bien en évidence au centre de la table. Ses yeux attentifs semblaient transpercer le papier pour y décoder le secret qui y était caché.

Quant à Dalféus, il repéra le schéma qu'il avait pu comprendre que très partiellement lorsqu'il était au poste de police. Il pencha la tête de côté, ne réussissant pas à trouver d'informations supplémentaires sur le document, même s'il y mettait tout sa volonté.

Pour sa part, Jack fixait durement le deuxième document, qui lui rappelait vaguement quelque chose. C'était brouiller et flou dans sa tête et il ne réussissait pas à trouve qu'est-ce que ça lui rappelait.

Finalement, après un petit moment de recherche, le lagomorphe avança sa patte sur le schéma, tapotant celui-ci de ses doigts gris.

« Ce schéma… n'est pas vraiment un schéma c'est ça ? » s'essaya-t-il doucement en lança un regard furtif vers l'isatis.

La réaction de Dalféus fut plutôt belle à voir. La gueule ouverte et les yeux ronds, il fixait son homologue comme s'il venait de sortir la pire des conneries.

« Comment ça pas un schéma ? » renifla-t-il après s'être rapidement repris, un air dédaigneux dans les yeux.

« C'est une carte. » répondit simplement Rathbone de sa petite voix rauque.

Le semi-loup porta son regard vers le document, puis revint vers Rathbone, puis retourna encore sur le papier. Il ne voyait absolument pas la prétendue carte et cela commençait doucement à l'irrité.

« Où ça une carte ? »

« Je… crois que j'ai compris. » marmonna Jack, l'air supérieur auquel s'attendait Dalféus totalement absent du visage du lapin, à sa grande surprise. Il était complètement absorbé par son analyse. « La carte est en trois dimensions et… elle est… de biais ? »

« Plus ou moins. » répondit Rathbone d'un air didactique. « Seuls les structures et les bâtiments sont en trois dimensions. Seulement, on a autant une

vue extérieure qu'intérieure. C'est ce qui rendait la compréhension si difficile. Reste à savoir l'endroit que ça représente… »

« Ainsi que ce que représentent ces cercles. » compléta Skye, en montrant l'un d'entre eux sur la carte. « Ils ne semblent pas faire partie des structures. »

« Des cibles ? Des endroits stratégiques ? Des points d'intérêts ? Ça peut-être n'importe quoi! Même de fausses pistes. » maugréa Dalféus, dont le cerveau marchait décidément au ralenti, probablement à cause de la fatigue accumulée durant toute la journée.

« Et la structure du milieu ? Celle qui forme un cercle. C'est quoi à votre avis ? » s'enquit Jack, le regard toujours rivé sur le plan.

« Une sorte d'estrade d'après moi. » répondit Skye.

Elle porta ensuite son attention vers le second schéma, mais elle fut immédiatement interrompue par Jack, qui avait les sourcils froncés.

« Mais… quel est le rapport avec moi ? Pourquoi voulais-tu que je voie ça ? »

« Parce que je pensais sincèrement que tu pourrais aider Dalf pour ça. C'est lui qui m'a envoyé les fichiers. »

« Tu m'avais dit que c'était deux loups qui te les avaient amenés... » souleva Jack, l'air dure dès que la mention de Dalféus fut faite.

« Deux amis à moi qui m'aide parfois pour les opérations de terrain. » expliqua Dalféus en portant son attention vers le lapin. « Deux amis de confiance. Mais ce n'est pas la seule raison de son appel, je crois, bien qu'elle ne m'en ait pas parlé. »

« Et quelle serait la raison de tout ça ? »

« Ces documents étaient en possession de Farnham lorsqu'il est décédé. Skye a du faire le lien entre toi et ton boulot le concernant. »

Pour le coup, Jack en resta bouche bée, les yeux ronds comme des soucoupes, avant de soupirer, ses yeux bleus se voilant d'une vague de découragement et d'incompréhension. Que faisait son ancien client avec de tels documents ? Qu'est-ce qu'il voulait en faire ?

Le lagomorphe aux yeux bleus avait de la difficulté à réfléchir clairement, ses émotions teintées de colère tournée vers lui-même prenant plus de place dans son esprit qu'elles ne devraient. Les poings crispés, les dents serrées et les oreilles frémissantes, Jack se flagellaient mentalement. Trop de questions sans réponses tourbillonnaient dans sa pauvre tête fatiguée.

Soudain, il sentit un contact ferme sur son bras tendu. Levant les yeux, il rencontra le regard scintillant de l'isatis qui lui renvoyait son propre reflet.

« Tu peux continuer ? » lui demanda-t-elle doucement, bien qu'elle sache pertinemment la réponse.

« Bien sûr. » répondit Jack, qui se reprit sur-le-champ, décontractant ses muscles. Il n'aimait pas montrer ses failles… surtout en présence de personnes qu'il n'affectionnait pas, comme Dalféus.

Rathbone s'éclaircit la gorge bruyamment, jetant un regard circonspect aux deux informateurs. Il sentait qu'ils ne s'appréciaient pas beaucoup, bien qu'il ne connaisse pas la cause de leur dissension. Ses moustaches frémirent, marquant sa suspicion, lorsqu'il pointa de sa baguette le deuxième schéma, plus incompréhensible encore que le premier.

« Si le plan ne présage rien d'inquiétant… ce schéma-ci, lui, m'inquiète beaucoup. » avertit-il ses deux interlocuteurs. « C'est clairement un schéma technique… mais d'un type que je ne connais pas. »

« Comment ça ? » demanda Savage, coupant Dalféus qui s'en allait probablement posé la même question, et qui lui lança un regard noir pour le coup.

« Il est juste… bizarre. » tenta d'expliquer Skye, haussant les épaules. « Le schéma, tout comme le plan, n'est pas plat. Mais si je pense reconnaître certaines choses, l'ensemble m'échappe complètement. »

« En fait, si quelqu'un nous disait de quoi il en retourne, on le comprendrait sûrement. » enchaîna le rat.

Le wox s'agita, puis posa la seule question vraiment importante.

« Mais ça vous semble dangereux comme… truc ? »

Rathbone et Skye se regardèrent quelques secondes, puis redirigèrent leurs regards vers le schéma. Ils discutèrent quelques instants sous le regard attentif des deux informateurs avant de finalement se retourner vers eux.

« Oui et non. » répondirent-ils. « Il y a trop d'éléments inconnus pour que nous puissions en être sûres. »

« On a finalement plus de questions que de réponses... » se découragea Dalféus, alors qu'il massait son oreille baguée. « On ne sait même pas si les deux documents sont liés! Si ça se trouve, ils ne servent à rien. »

« Pas comme si tu aurais pu faire mieux. » l'attaque Jack, sans réelle raison.

« Parce que toi t'as fait mieux peut-être ? »

« Hey ho, du calme les garçons! » s'écria la renarde blanche. « Je ne sais pas d'où vous tirer cette inimitié, mais je ne veux pas de bagarre sous mon toit. Vous devez être fatigué, d'où ces paroles déplacées. Je vous sais plus calme d'habitude. »

« Je serais plus calme s'il n'était pas dans mes pattes! » grogna le semi-loup en désignant Jack.

« Je peux te faire la même réflexion. » cracha ce dernier.

Un éclair gris fouetta l'air au moment où le lagomorphe poussait un petit cri de douleur. Rathbone, avec une vitesse étonnante pour son âge, venait de frapper la patte de Jack du bout de sa baguette télescopique. Maintenant, il se dirigeait vers Dalféus, qui s'éloigna prudemment de la table, couvrant son bras blessé de peur de recevoir un coup mal placé.

« Et vous êtes censé travailler ensemble c'est ça ? » couina le rat gravement, ses yeux carmin ayant pris une couleur plus sombre. « Ce ne sera pas étonnant alors si cette histoire se finit de la même manière que la précédente. »

La corde sensible venait de vibrer. Il avait posé le doigt sur un point douloureux et l'expression des deux informateurs le lui dit clairement. Aucun des deux ne voulait qu'une telle chose se reproduise. Comment Rathbone était-il au courant de leur première collaboration ? C'était un mystère pour Jack alors que Dalféus lançait un regard chargé de sous-entendus à une Skye qui ne semblait plus savoir où se mettre. Ils allaient avoir une sérieuse discussion tous les deux.

« Sur ce, je vais me coucher. Vous en profiterez pour réfléchir à cela. » laissa tomber le rongeur avant de sortir de la salle comme si l'air lourd chargé d'électricité était aussi léger qu'un jour de printemps.

Un silence pesant s'installa, ponctué seulement par la respiration des trois mammifères. La fourrure des deux canidés était complètement hérissée et les oreilles du lagomorphe, droites comme des piquets. Aucun des trois ne semblaient vouloir réengager la conversation. Entre eux, les schémas étaient de simples observateurs d'une scène qui ne les concernaient manifestement plus.

Après plusieurs minutes à grincer des crocs, Dalféus se reprit quelque peu, tentant de lisser son pelage hérissé grâce à quelques coups de patte, sans réel résultat.

« J'en ai assez pour aujourd'hui. » laissa-t-il tomber d'un ton las. « Trop… trop de choses. On rediscutera… demain. Je vais retourner... »

« Tu n'iras nulle part! » le coupa Skye, dont la fourrure blanche commençait doucement à se remettre en place. « Tu dors ici, même si tu dois dormir dans la même pièce que Jack. Vous en profiterez peut-être pour aplanir les choses, qui sait ? »

Jack ouvrit la gueule pour protester, mais l'isatis vu plus rapide et repris presque immédiatement.

« Et c'est non négociable. Ou je vous attache par les oreilles au plafonnier. »

Elle lança un regard amical vers l'hybride, puis prit la direction de la sortie en frôlant le pelage du lapin. Après un gentil 'bonne nuit', elle s'enfonça dans la maison, se dirigeant sans doute vers sa chambre à coucher, là où l'attendait un repos bien mérité.

« Elle est quelque chose hein ? »

« Ouais… tout un numéro. » répondit le lapin aux longues oreilles.

Les deux informateurs se fixèrent quelques instants. Cela ne leur faisait aucunement plaisir, mais tous deux pensaient la même chose. Oui, il était temps d'aplanir les choses… et de recommencer à neuf.


Notes de l'auteur:

Bonjour tout le monde, pour ceux qui suivent toujours État Sauvage. Oui, je sais, ça fait longtemps qu'il n'y a pas eu de nouveaux chapitres. J'ai été pris par d'autres projets et, il faut ce l'avoué, j'ai eu quelques difficultés a avancer sur ce chapitre, que je trouve être l'un des moins bien réussi jusqu'à présent. Mais c'est surtout l'un des moins longs.

M'enfin bref, au moins, on a rencontré deux nouveaux personnages importants dans ce chapitre. Je sais qu'il était court et qu'il n'y a pas grand-chose à dire, mais sentez vous libre de laisser une petite review ainsi que vos trains de pensé concernant tout ceci. Ça fait toujours plaisir! :3

Sur ce, je vous retrouve dans un prochain chapitre ^^