Titre : Alaska

Résumé : Qui n'a jamais rêvé d'un jour tout plaquer et partir, loin, ailleurs, seul ? Enfermé dans une cabane au milieu de nulle part, pourquoi pas ? Stiles l'a fait ! Malgré des études dans lesquelles il excellait et une nouvelle vie trépidante à New York, un jour il apprend une nouvelle qui va le bouleverser, bien plus que ce qu'il croyait et, pour se remettre, ne voit qu'une seule chose : la fuite. Réfugié à Noatak, un village perdu au nord de l'Alaska, Stiles va tenter de se retrouver, de se reconstruire, et pourquoi pas d'oublier. Mais, pour quelqu'un qui pensait pouvoir se retrancher dans la solitude, il va bientôt faire la connaissance de son exubérante voisine qui mettra un point d'honneur à le divertir et venir le déranger dans sa retraite.

Si seulement il n'y avait que ça ...

Très vite, il entend parler de la légende d'Amarok et d'un homme vêtu d'une grande peau de loup noir qui erre dans la réserve naturelle de Noatak et n'hésite pas à s'en prendre aux hommes qui ne respectent pas les lois de la forêt.

D'accord, Stiles a toujours aimé ce genre d'histoire, et il tente de ne pas prendre garde à celle-ci. Mais un jour il réalise qu'un loup laisse ses empreintes dangereusement près de chez lui.

Et si Amarok n'était pas seulement une légende ?

Rating : M (vous me connaissez maintenant XD)

Genre : aventure/romance

Disclaimer : les personnages appartiennent évidemment à Jeff Davies et Teen Wolf

Nombre de chapitres prévus : 10 ~ 15

NdlA : et c'est parti mon kiki !


1

Le paysage défilait sous la carlingue ; vert-de-gris, pâle, déjà blanc par endroit. La taïga alaskienne s'étendait à perte de vue, des plaines et de gigantesques carrés d'arbres, des réserves protégées pour la grande majorité. Celle qu'il contemplait maintenant faisait plus de vingt-cinq mille kilomètres, il s'était renseigné. Une échelle qu'il avait eu du mal à concevoir, lui qui avait toujours vécu en ville, non loin de San Diego ; lui qui n'avait jamais quitté le sud de la Californie au climat si lumineux, agréable et doux. Le gel, il n'avait jamais connu ça. Aucun jour de gel dans cette partie de l'état le plus au sud-est des Etats-Unis. Aucun.

Il avait embarqué à bord d'un avion à San Diego voici près de deux jours ; il faisait alors vingt-cinq degrés à l'ombre, c'était le mois de septembre, et un léger vent sec et agréable soufflait depuis l'intérieur des terres. Lorsqu'il était sorti de ce même avion, des heures plus tard après une escale à Seattle, c'était à Anchorage, la plus grande ville d'Alaska, et il faisait à peine cinq degrés. Evidemment, en sortant sur le tarmac, il avait glissé sur une plaque de verglas, déposée là durant la nuit lorsque les températures descendent bien en-dessous de zéro, et avant manqué de justesse de se ramasser lamentablement.

Une plaque de verglas, sur une piste de décollage ?! Sa première expérience avec le gel, et il en conclut que ce dernier était un fieffé filou et un sacré roublard. Déjà qu'il était maladroit de nature, s'il ne faisait pas plus attention il allait vite se retrouver avec une guibole dans le plâtre, alors il décida de redoubler d'attention, et de garder ce gel traitre à l'œil.

Lorsqu'un vent froid et sec venu du nord lui avait fouetté le visage pour la première fois, il s'était recroquevillé sur lui-même, le souffle coupé. Sa peau piquait et il tremblait tellement que ces dents claquaient désagréablement, tant il n'avait jamais été habitué à un climat pareil. Les prochains mois risquaient d'être longs.

Il se trouvait à présent à bord d'un petit avion bimoteur qui amorçait sa descente sur l'aérodrome de Noatak, en survolant la Réserve Nationale du même nom, à l'intérieur de laquelle se trouvait cette gigantesque lande de terre qui mêlait si magnifiquement forêt espacée et portion totalement nue. Y serpentait la rivière et le fameux bassin, qui s'appelaient également Noatak tous deux. L'un des derniers à n'avoir pas été touché et modifié par l'homme. Inscrit comme monument national depuis la fin de l'année dix-neuf cent soixante-dix-huit d'après ce que lui avait appris ses recherches.

Une splendeur. La nature dans tout ce qu'elle avait de plus sauvage, nordique et fascinante. Le soleil de midi tapait fort, et pourtant il était incapable de baisser les yeux, de détourner la tête, et il sentait la douleur, les larmes naitre, pourtant il ne regardait que ça. Ce dépaysement total, qu'il était venu chercher.

Le petit avion atterrit dans un crissement de pneu, et il s'agrippa aux bras de son siège lorsqu'il vit un rayon de soleil illuminer la piste d'atterrissage, qui le réfléchit tel un miroir. Couverte de gel. Et si l'avion dérapait ?!

Il mettait sa vie entre parenthèse ici, à Noatak. Petite ville de cinq cent habitants du nord-ouest de l'Alaska, ne vivant que de pêche, de chasse, du tourisme croissant, et bénéficiant de la relative proximité de la Red Dog Mine, l'une des mines les plus grandes à ciel ouvert, afin d'y travailler et de faire commerce de l'extraction de zinc et de plomb. Une petite localité où ne vivaient que les employés, tout de même distante de la « ville » de plus de quatre-vingt kilomètres. Et traverser quatre-vingt kilomètres en plein hiver avec des mètres de neige, autant dire que cela relevait de l'exploit.

La voix de quelqu'un, sans doute le commandant, s'éleva et il releva la tête, à l'écoute.

« Bienvenus à Noatak, j'espère que le vol aura été agréable. Il fait à présent deux degrés, alors je vous conseille de bien vous enrouler dans votre écharpe et de mettre des lunettes de soleil, car ça tape fort sur la glace. Attention en descendant, ça glisse ! »

Quelques rires ponctuèrent cette déclaration. Il sourit et regarda de nouveau par le petit hublot. Un paysage presque nu. Un grand bâtiment à quelques mètres de là, sans doute le service d'enregistrement et de renseignement de l'aérodrome, là où on l'attendait. Il se leva, prit son bagage, et suivit les quelques passagers qui descendaient.

Dès qu'il sortit à l'air libre, l'air était si froid qu'il sentit ses testicules se recroqueviller sur elles-mêmes. Vraiment. Littéralement. De quoi paniquer.

Alors il s'énerva contre celui qui l'avait forcé à venir ici, et marmonna dans son écharpe ridicule, achetée à San Diego, autrement dit un morceau de tissu qui ne retenait absolument pas la chaleur :

- Je te déteste, Scott !

...

Il remercia l'homme derrière le bureau d'enregistrement, mit son énorme sac sur son dos, puis entra dans le hall de ce hangar reconverti, grelottant toujours. Lui qui pensait se réchauffer à l'intérieur avait été déçu : manifestement, les concepteurs n'avaient pas cru nécessaire d'y installer le chauffage, l'endroit ne servant que de transition très brève entre le tarmac et la ville de Noatak.

A peine avait-il fait quelques pas que ses yeux s'arrêtèrent sur la silhouette incroyablement large d'un homme recouvert de poils hirsutes, et tenant entre ses grosses mains velues une pancarte riquiqui. L'apparition lui parut tellement grotesque qu'il sourit, et ne prit garde à ce qui était inscrit sur la pancarte que lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas.

« Mr Stiles » lut-il en gros caractère d'imprimerie.

- Bonjour, dit-il en claquant des dents. C'est moi S-Stiles. Enchanté.

- Mr Stiles ! s'écria l'énorme bonhomme d'une voix tonitruante qui le fit sursauter. Enchanté de vous rencontrer ! Je suis Ahtna.

L'homme fourra sa pancarte sous son bras gauche et attrapa la main du jeune homme en face de lui jusqu'à la broyer tout en la secouant si violemment que Stiles en ressentit les secousses dans sa mâchoire.

Impossible pour lui de savoir si Ahtna était le prénom, le nom de famille, ou autre chose, mais il décida de s'en contenter.

- Bienvenu, bienvenu ! rugit encore l'homme au visage tanné et à moitié mangé d'une grosse barbe brune. Le voyage n'a pas été trop long ? Vous êtes parti d'où exactement ?

- Sud de la Californie, parvint à répondre Stiles en récupérant sa main endolorie.

- Ah oui, ça fait une trotte ! C'est où la Californie exactement ?

Stiles en ouvrit la bouche d'étonnement sans savoir quoi dire. Durant une brève seconde, cette ignorance de la répartition des états américains l'indigna quelque peu, avant qu'il ne comprenne. A lui seul, l'état d'Alaska était, quoi, deux fois plus grand que tous les autres ? Trois fois ? Presque entièrement recouvert de forêts, de plaines désertiques. Autrement dit, ses habitants avaient d'autres choses à penser, d'autant que sa situation géographique elle-même le rendait unique : il n'était pas relié au continent américain, mais au Canada. Alors il sourit, et répondit :

- Pas loin du Mexique.

- Ah oui ! Le Mexique ! Les tacos, tout ça. Je connais, répondit l'homme avec un grand sourire qui dévoila des dents tachées qui se chevauchaient.

Stiles était désormais bien loin du stéréotype Colgate des plages californiennes. Mais, étrangement, ça le rassura. Il était loin de son quotidien. Loin de chez lui.

- 'Scusez-moi Mr Stiles, reprit son accompagnateur, mais … vous n'avez que ça comme vêtements ?

Etonné, Stiles baissa les yeux sur sa parka épaisse, son pantalon Forclaz qu'il avait acheté pour l'occasion, les bottes de randonnée en montagne que son père lui avait légué avec émotion, et son écharpe.

- Ben … oui, répondit-il penaud. Pourquoi, c'est pas bien ?

- Avec tout mon respect, continua Ahtna d'un air véritablement inquiet, si je vous laisse dans le chalet avec ça pour vêtements, vous ne résisterez pas au froid de cet hiver ! Et l'hiver, il a déjà commencé Mr Stiles.

- C'est l'automne, répliqua bêtement Stiles.

- Y'a pas d'automne chez nous.

Embêté, Stiles resserra les pans de sa parka autour de son corps. Il s'était renseigné, pourtant, il avait tout prévu, même des plaids épais, et acheté des combinaisons de ski véritablement chers dans un magasin de trekking et randonné. Il se souvenait parfaitement de la tête du vendeur lorsqu'il lui avait expliqué, sérieusement et un peu ennuyé aussi de tomber sur un tel inculte que, oui, ce type de vêtement convenait très bien pour les températures extrêmes du nord de l'Alaska. Donc, Stiles l'avait cru.

- Mais je n'ai rien d'autre, déclara-t-il.

- Pas grave Mr Stiles, reprit son curieux compagnon en souriant à nouveau. Un ami à moi fabrique des vêtements qu'il vend, je vais vous en prêter, comme ça vous pourrez faire votre choix.

- Non, je !

- Si si ! La faute à mon père, il aurait dû vous prévenir ! Je vais les louer pour vous, vous inquiétez pas.

- Mais …

- Venez.

Et, sans attendre, Ahtna le tira vers l'extérieur. Avant de franchir la porte, Stiles serra les dents, croisa fortement les bras autour de son torse, mais le froid le fit tout de même chanceler en le giflant durement. Il ferma les yeux.

Devant lui, son guide avait rabattu sur son crâne une chapka énorme, bordée de fourrure hirsute qui lui donnait l'apparence d'un plantigrade pataud. Stiles tenta de s'abriter derrière lui pour se mettre à l'abri du vent froid, mais ce ne fut guère efficace.

Ils ne restèrent pas longtemps à l'extérieur, mais cela suffit pour que Stiles sente son nez, ses oreilles, ses doigts et doigts de pieds devenir insensibles. Lorsqu'ils se réfugièrent à l'intérieur d'un magasin minuscule, la chaleur fit instantanément brûler ses extrémités gelées et il grogna de douleur. Puis regarda autour de lui.

Il y avait à peine assez de place devant le comptoir pour lui et Ahtna. Tout était fait en vieux rondins de bois ; ça sentait la vieille sève, le cuir sec et la fourrure chaude. Aucune odeur de viande ou de tannage. Tout paraissait d'une propreté étonnante.

Ahtna abaissa son capuchon et appela d'une voix gutturale dans une langue qui fit frissonner Stiles. Sans doute un dialecte amérindien. Il avait deviné que son guide en était un en voyant ses yeux légèrement bridés et ses pommettes rondes.

Un homme jaillit d'une porte ouverte derrière le comptoir. Vieux, il ressemblait beaucoup à Ahtna mais paraissait bien moins jovial.

Ils se parlèrent tous deux dans leur langue un moment, le ton monta quelque peu, mais le commerçant finit par abdiquer, acceptant en échange d'épais vêtements une bourse en cuir qui ne fit aucun bruit et qu'il se hâta de cacher sous les fourrures qu'il portait.

- Prenez-les Mr Stiles, sourit Ahtna avec entrain. Vous les mettrez au chalet et vous jugerez vous-même. Faudrait qu'on parte maintenant, il y a deux heures de route jusqu'au chalet, j'aimerai revenir à Noatak avant qu'il fasse nuit.

- Merci, répliqua Stiles en saisissait à bout de bras le tas de fourrure qui lui parut extrêmement lourd, autant que volumineux.

Si c'était ce que portait Ahtna, alors pas étonnant qu'il paraisse aussi large qu'un ours. Sous toutes ces fourrures, il devait être bien moins gros.

Ils ressortirent. Stiles suivait son guide comme il pouvait. Mais voir le sol briller sous les rayons du soleil ; voir la neige scintillante recouverte de givre ; voir de telles plaques de glace rendait ses pieds bien moins sûrs. Il prenait garde où il marchait, calculait chacun de ses pas, craignant de glisser et tomber à tout moment. Ce qui ralentissait son avancée.

Ahtna, quant à lui, marchait d'un bon pas, l'air guilleret. Ses bottes de fourrure ne faisaient aucun bruit sur la neige, alors qu'à chaque fois que Stiles foulait le sol, des crissements et des craquements résonnaient à ses oreilles.

Finalement, ils revinrent sur leurs pas. Le hangar des enregistrements de l'aérodrome se dressait devant eux, gris et vide. Garés devant la bâtisse, deux gros camions et un chasse-neige énorme d'au moins cinq ou six tonnes, d'une vieille couleur jaune.

- Je vais vous aider à monter Mr Stiles, déclara Ahtna avec un grand sourire.

Stiles devina donc quel véhicule le mènerait jusqu'au chalet qu'il avait loué pour les sept mois à venir.

- Il a pas bonne mine, mais il est costaud, reprit son guide. Et avec lui, aucune congère ne me résiste !

- Ça j'en doute pas ! répliqua vivement Stiles, gagné par la bonhommie de son compagnon de route.

Il s'installa dans l'étroite cabine de l'énorme chasse-neige, non sans mal, et se mit aussitôt à trembler sur place. L'habitacle était glacé. Et pourtant, c'était le mois de septembre, et il faisait deux degrés. Au plus fort de l'hiver, la température pouvait descendre jusqu'à moins quarante dans les endroits les plus venteux, d'après les renseignements qu'il avait glanés. Mais dans quoi diable s'était-il embarqué ?!

Ahtna monta à son tour après avoir chargé les vêtements de fourrure dans un énorme caisson accroché à l'arrière de l'engin. Il claqua la porte, abaissa sa chapka et retira ses moufles énormes. En-dessous, il portait des gants plus classiques, mais bien épais également.

- Et vous avez assez d'autonomie avec ça pour quatre heures de route ? lui demanda Stiles, quelque peu sceptique.

- J'ai des bidons de secours dans le caisson, lui répondit Ahtna avec un sourire ravi. Pis, pour être franc avec vous, ce que je lui fais avaler dure plus longtemps que de l'essence ordinaire.

- Et … c'est-à-dire ?

- Fabrication maison ! Ca sent un peu mauvais, mais ça marche du feu de dieu !

- Ah …

Heureux et fier, Ahtna mit le contact. Immédiatement, l'énorme moteur poussa un rugissement bestial et pétarada, leur agressant à la fois les oreilles et les narines. Car ça sentait le souffre.

Et lorsque l'affreuse odeur d'œuf pourri les enveloppa entièrement, Stiles sentit son cœur remonter jusque dans sa gorge. Charmante balade en perspective.

- Vous en faites pas Mr Stiles ! lui cria Ahtna pour couvrir le vacarme. On s'habitue vite !

- Ça sent le souffre non ? répliqua Stiles, un peu inquiet.

Ahtna répondit d'un rire tonitruant, les joues roses de contentement et les yeux brillants. Parler de ce monstre jaunâtre qui mangeait de la pâtée faite maison sans doute explosive ou radioactive semblait le combler de joie. Stiles n'insista pas. En fait, il préférait ne pas savoir sur quoi il était assis.

Son guide lança le monstre sur la route, et ils partirent.

Très vite, ils quittèrent Noatak, qui n'était qu'une toute petite ville, et ce fut l'Alaska. Celle des cartes postales. Celle des images Google. Celle qu'il avait tant voulu découvrir. Devant ce paysage pas tout à fait blanc encore, vaste, détaché de la civilisation, et surplombé d'un ciel immense et bleu, Stiles sentit la douleur. Sa gorge se serra. Et dire qu'il était seul, pour contempler ça.

Désireux de faire passer ce brusque accès d'émotion, il se frotta les mains sans trop y faire attention tout en regardant dehors, balloté par les cahots de l'énorme bête mécanique sur laquelle il était assis. Dans le petit habitacle, cerné par des vitres crasseuses, le bruit du moteur était assourdissant.

- Vous en faites pas Mr Stiles, reprit brusquement Ahtna. Il fera bientôt plus chaud, grâce au moteur !

- Ça va merci, sourit le jeune homme.

- Pas trop secoué ?

Stiles ne sut pas trop quoi répondre durant une dizaine de seconde. Cet homme avait-il deviné ce qu'il fuyait ?

Puis il comprit qu'il parlait en fait des secousses de la route et de l'avancée chaotique du monstre.

- Non ça va, répondit-il alors.

En réalité, il avait déjà très mal aux fesses.

- Au fait, reprit-il après quelques minutes de silence, les vêtements, ils sont faits en peau de quoi ?

- De caribou ! répondit joyeusement Ahtna. J'étais un sacré chasseur, plus jeune.

- La chasse est autorisée ?

Pourtant, en se renseignant sur de nombreux sites, il avait compris que les réserves des Etats-Unis étaient protégés par de nombreux et strictes décrets, éditées par des agences fédérales du genre du Service des Forêts des Etats-Unis.

- Bien sûr ! répondit encore son guide. Sinon, on survivrait de quoi ? La Red Dog peut pas nous donner du boulot à tous, pas plus que le tourisme. C'est strictement contrôlé ceci dit, il faut des autorisations spéciales et tout un tas de truc que j'ai jamais compris. Pour ça que j'ai pas pu continuer.

Le paysage défilait lentement. Le chasse-neige ne devait pas avancer à plus de cinquante ou soixante kilomètres à l'heure. Et encore, uniquement parce qu'il y avait peu de neige. Pas étonnant que le trajet prenne deux heures.

- Les gens comme ce vieux chasseur gripsous de tout à l'heure n'ont le droit d'abattre qu'un certain nombre d'animaux par an, continua Ahtna, heureux d'en apprendre plus sur sa région au jeune homme à ses côtés. Et uniquement des animaux qui ne sont pas en danger. Le caribou, l'ours noir, le glouton, le lapin, ce genre-là. Le grizzly, de moins en moins. Une chute de la population d'après ce que j'ai entendu. Le renard et le loup, c'est interdit, mais vous verrez, d'ici quelques années, quand ils verront qu'il y en a trop, ils autoriseront une battue.

- Pour chasser le loup ? répliqua Stiles, les sourcils froncés.

- Bien sûr. Eux, à part l'ours noir, ils n'ont pas d'ennemis naturels, et les deux bestiaux ne partagent jamais les mêmes territoires. Du coup, ils se reproduisent vite. Si on ne règlementait pas la population, on pourrait être embêtés.

- C'est déjà arrivé que … que des loups, attaquent la population ?

Ahtna partit d'un rire tonitruant, si violemment que Stiles sursauta malgré le bruit du moteur du monstre jaune aux pets qui sentaient l'œuf pourri.

- Attaquer ? lança l'homme avec entrain. Ça pour sûr que non ! Ils ont plus peur de vous, Mr Stiles, que vous d'eux. Ça se pourrait que vous en voyiez un ou deux rôder autour de la cabane au plus fort de l'hiver, mais ils n'approcheront jamais ! Un peu de lumière et hop ! disparus. De vrais fantômes.

Stiles prit le temps de réfléchir à tout ça. Parfait, le babillage joyeux de son guide lui permettait au moins de ne pas trop penser à des choses plus personnelles.

- Mais, et si quelqu'un chassait sans ces fameux papiers ? reprit-il en fronçant les sourcils. Ou s'il abattait un loup sans autorisation, qu'est-ce qu'il se passerait ?

- Ces gens-là sont des braconniers, répondit Ahtna d'un air grave. Des criminels. Les animaux souffrent atrocement avec eux, et ils revendent des peaux de mauvaises qualités au marché noir à des prix trop hauts. S'ils se font arrêté par les agents en patrouille dans les réserves, ils risquent une grosse amende, et même de la prison je crois. Pourquoi ? Vous venez ici pour chasser du loup, Mr Stiles ?

- Non ! Non, non pas du tout !

- Vous faites bien ! Parce qu'à Noatak on a un agent terrible ! Il ne faut pas rigoler avec lui, faites attention où vous ranger vos fusils.

- Mais je !

Mais Stiles vit, au grand sourire qu'affichait son chauffeur, que ce dernier se jouait de lui. Alors il sourit à son tour, et reprit :

- En fait, j'espérai en apercevoir. Au moins un.

- Ah ?! répliqua joyeusement Ahtna. Vous aimez les loups ?

- Non c'est … pas pour moi … pour un ami il …

Mais Stiles fut incapable d'aller plus loin, la gorge nouée. Afin que l'autre homme ne voit rien, il rebondit sur un autre sujet.

- Monsieur Wapi est votre père d'après ce que j'ai compris ? demanda-t-il.

- Oui ! répondit franchement Ahtna. Mais c'est moi qui m'occupe des démarches de la location, bien que le chalet lui appartienne. A quatre-vingt ans, il ne comprend pas grand-chose à ces choses-là.

- Il ne vit plus ici ?

- Non. Quand ma mère est tombée malade il y a dix ans, elle a voulu retourner là où elle est née, dans un village de marin-pêcheur, plus au nord. Il l'a accompagné. A sa mort, elle souhaitait être enterrée là-bas, alors quand elle nous a quitté, il a été incapable de revenir ici. Louer ce chalet, c'est son seul revenu aujourd'hui. C'est pour ça que je suis content que vous soyez là Mr Stiles ! Grâce à vous mon père ne manquera de rien les sept prochains mois.

Stiles sourit, reconnaissant. Il louait cette cabane, perdue au bord de la Réserve de Noatak, une véritable misère. Si peu chère, en réalité, que quatre mois de son salaire lui suffisait amplement pour payer le loyer et prévoir les dépenses du quotidien.

- Je peux vous poser une question indiscrète Mr Stiles ? lui demanda soudainement Ahtna.

- Je ne sais pas, sourit Stiles en réponse. Dites toujours.

- Vous avez quel âge ?

- Vingt-deux ans.

- Marié ?

- Non. Je vis encore avec mon père, pour tout vous dire.

- Ah ! Et vous l'avez laissé au Mexique ?

...

Ahtna ouvrit la porte d'un coup d'épaule et les fondations de bois gémirent. Stiles, son sac de voyage sur le dos et ses fourrures dans les bras, entra à la suite de son guide le pas mal assuré. La chaleur à l'intérieur de la cabane le surprit.

- Donnez-moi ! lança Ahtna en venant vers lui après avoir fermé la porte.

Délesté de son fardeau, Stiles put regarder autour de lui tout en se séparant de son sac. Un léger feu brûlait au cœur d'une âtre de pierre grise, dispensant chaleur et lumière. Le jeune homme arqua un sourcil, surpris. Un feu avait été allumé et laissé sans surveillance dans cette petite habitation faite uniquement de larges rondins de bois et au plancher recouvert de quelques fétus de paille.

Pas le moins du monde perturbé, Ahtna déposa sur une petite table de bois, collée au mur opposé, les lourdes fourrures, puis se tourna vers lui tout sourire.

- Comment vous trouvez Mr Stiles ? demanda-t-il joyeusement.

- Il fait bon. Qui a allumé ce feu ?

- Ah oui ! J'ai prévenu vos voisins que vous seriez là aujourd'hui, tard, mais que je ne pouvais pas passer avant, et leur ai demandé s'ils voulaient bien chauffer un peu pour vous. Apparemment, ils y ont pensé !

- C'est gentil à eux …

Stiles n'insista pas. Manifestement, la dangerosité d'un feu laissé sans surveillance dans un endroit de ce genre hautement inflammable n'inquiétait que lui. Il décida donc de ne pas en tenir compte et bascula sur un autre sujet en déposant, à son tour, son sac sur la table qui grinça.

- J'ai des voisins alors ? demanda-t-il avec un sourire.

- Oh oui ! Pas bien loin d'ici, une demi-heure en motoneige s'il neige pas, répondit Ahtna en approchant de la cheminée. Pas d'ici non plus ! Du sud aussi j'crois. Vous vous entendrez bien avec la demoiselle j'suis sûr. Un sacré caractère et une sacrée dresseuse oui ! Malgré que soit une femme.

Tout en parlant, il s'était agenouillé devant l'âtre pour saisir l'une des nombreuses bûches entreposées à côté et la jeta dans les flammes. Elles disparurent un instant puis devinrent plus hautes et plus fortes. Un peu gêné par les paroles de son guide, Stiles préféra ignorer ce machisme et, dénouant son écharpe, demanda :

- Dresseuse de quoi ?

- De chiens bien sûr ! répliqua Ahtna en se redressant. Les plus belles bêtes que j'ai jamais vu ! Des Malamutes superbes ! C'est elle qui a remporté l'Iditarod il y a deux ans. Pourquoi elle a pas participé l'an dernier, j'sais pas.

L'Idi-quoi ? Ça, Stiles se garda bien de le demander.

- Par contre, j'sais pas si vous vous entendrez avec son frère, reprit Ahtna, la mine inquiète. Une tête de cochon. Pas commode. C'est le garde forestier de la Réserve de Noatak, il s'habille tout le temps d'une grande peau de loup. Comment il l'a eu et pourquoi il la porte, j'sais pas, mais y'a une vieille légende indienne qui dit qu'un homme lié à l'esprit d'un loup qui meurt peut revêtir sa peau et se transformer lui-même en loup quand il le veut.

Muet, Stiles se figea, puis retira lentement sa parka épaisse, gêné par la chaleur de la pièce après avoir supporté pendant deux heures le froid de la cabine du chasse-neige malgré le moteur aux pets odorants. Voyant son regard, l'homme en face de lui pouffa de rire.

- Rassurez-vous Mr Stiles ! lança-t-il vivement. Vous savez ce qu'il en est des légendes. Des sornettes ! Ce gars lui-même il s'énerve comme pas possible quand il entend cette histoire.

- Ce n'est pas une légende, contra Stiles en retirant enfin son lourd vêtement. C'est le mythe du loup-garou. La peau ne sert à rien, c'est la pleine lune.

- La pleine lune ? Pourquoi ? Quel rapport avec un loup ?

Stiles sourit mais ne répondit rien. Joli débat, mais il ne tenait pas à vexer son guide, qui l'avait si bien accueilli.

- Bon ! reprit celui-ci en claquant sourdement dans ses mains gantées. Il y a assez de réserve d'huile dans le garage pour que ça vous tienne tout l'hiver, vous aurez de la lumière et de quoi allumer le feu, même si y'a trop d'humidité. Si vous voulez quand même en acheter, ou autre chose, y'en a à Noatak, vous n'aurez qu'à prendre la motoneige pour vous y rendre, mais faudra faire gaffe aux congères dès que la neige tombera fort. Vous savez conduire une motoneige Mr Stiles ?

Le soleil se couchait. Dans moins de deux heures, il ferait noir. Stiles prit le temps de réfléchir. S'il retenait davantage Ahtna ici, le pauvre serait obligé de crapahuter au milieu de la toundra alaskienne dans son chasse-neige en pleine nuit. Et puis, ça ne devait pas être bien compliqué à conduire, une motoneige.

- Oui, répondit-il avec le ton de celui qui s'offusquait. Bien sûr !

- Les clefs sont dans la chambre, répondit Ahtna avec un sourire. Avec un petit cadeau, pour votre arrivée. Et j'ai fait une réserve de plein de bonnes choses dans le garde-manger !

Satisfait, il se dirigea vers la porte, qu'il ouvrit d'une torsion brusque. Puis, comme il se rappelait quelque chose, il se retourna sur le seuil, laissant ainsi entrer le froid vif à l'intérieur.

- Ah ! s'écria-t-il avec un large sourire fier. Il y a un stock de bois à couper dehors, j'ai tout mis derrière. Faudra le refaire tous les dix jours si vous ne voulez pas mourir de froid. Pour ça, faut vous rendre en ville, jusqu'au comptoir de la garde forestière, se sont eux qui fournissent les autorisations aux bûcherons. Selon le stock que vous leur demandez, ils vous livrent ça ici en deux ou trois jours. Prévoyez suffisamment, histoire de ne pas être pris au dépourvu.

- Très bien, sourit Stiles en se mettant à frissonner. Merci beaucoup Ahtna.

- Merci à vous Mr Stiles ! Oh, et ne sortez jamais sans vous être bien emmitouflé, Mr Stiles, même si c'est que pour quelques minutes, surtout quand il fera très froid. On se dit que, le temps d'aller chercher du bois, c'est pas bien grave, et puis on se retrouve avec un orteil en moins. C'est peut-être rien comme ça mais, croyez-moi, un orteil, c'est très important !

Stiles sourit, assaillit par le froid vif de l'extérieur, et regarda Ahtna empoigner la porte. Les yeux de son guide brillaient d'une certainement émotion, et les deux hommes se quittèrent en s'adressant un salut respectueux, ravi l'un comme l'autre de cette rencontre.

Puis Stiles fut seul. Exactement ce qu'il était venu chercher.

Il s'approcha de la petite fenêtre trouble encastrée dans un gros rondin, et regarda à l'extérieur. Il put voir la silhouette large et poilue d'Ahtna s'éloigner à pas stables et grimper à bord de l'énorme monstre jaune malodorant qui lui servait de véhicule, et le moteur pétarada de nouveau. Stiles les regarda disparaître tout deux derrière la bute où la cabane était cachée mais resta là quelques minutes, à regarder.

La route qui encerclait cette bute et partait vers la gauche permettait de rejoindre les plaines, parsemées ici et là de neige brune. De l'autre côté, à droite de la cabane, se dressait la lisière de la réserve naturelle de Noatak. Et si les arbres et les épineux étaient encore espacés les uns des autres sur quelques mètres, très vite les bois devenaient denses, sombres et impénétrables. Mais ce n'était pas eux que Stiles regardait. C'était le coucher de soleil, droit devant lui.

Manifestement, la façade de la cabane donnait plein ouest, et il ne perdait rien du spectacle. Les rayons du soleil, flamboyants, nimbaient le paysage d'une lueur orangée stupéfiante. Le genre de couleur qu'il n'avait jamais vu ; le genre qu'il ne pensait pas exister. Et les ombres s'étendaient, malgré le peu qu'il y en ait hors de la forêt.

Et dire que Scott était censé admirer ce spectacle avec lui …

Lorsqu'il sentit ses yeux s'embuer de larmes, Stiles s'éloigna de la fenêtre en grommelant, mettant ça sur le compte du soleil couchant, et décida de faire le tour de son nouveau logis, arguant qu'il aurait vite fait d'inspecter les vingt-trois mètres carrés de surface habitable qu'il allait occuper pour les sept mois à venir.

Il commença par inspecter la petite cuisinière, certainement l'objet le plus jeune de tout ce qui se trouvait ici – en tout cas le seul qui n'ait pas assisté à la naissance du Christ – mais n'était en fait qu'une plaque de métal posée sur une planche de bois au-dessus d'un nid de copeaux et de pailles.

Stiles s'accroupit pour inspecter tout ça, remua les quelques brindilles au cœur du petit âtre, puis se redressa et s'essuya le nez sur le dos de la main. Puis il réfléchit. Remarqua le couvercle en cuivre sur la plaque, le souleva. Un trou, qui donnait sur le tas de copeaux. Donc, il devait y mettre le feu pour se faire à manger ?

Il releva les yeux et ouvrit un placard branlant rempli de vieilles casseroles. Il en saisit une, l'inspecta. Repéra quelques traces de rouilles. C'était possible de choper le tétanos avec ça ? Avec un soupir, il déposa l'ustensile sur le trou de la plaque de métal et fit deux pas en arrière pour vérifier sa trouvaille. Manifestement, il avait vu juste. D'accord, compris.

Sans ranger, il fit demi-tour et revint vers la cheminée, d'où une porte à droite donnait sur une petite chambre. Il entra prudemment en regardant autour de lui. Un lit étroit occupait le centre de la pièce, recouvert d'épais édredons et d'une fourrure brune à l'odeur animale. Il fronça le nez. Puis sourit lorsqu'il vit, posé bien en évidence sur le tabouret qui servait de table de nuit, un paquet cadeau bleu vif en forme de bouteille. Il s'en approcha et s'en saisit, surprit de son poids, et le déballa. Il s'agissait d'une bouteille verte au contenu qui paraissait brun, sans étiquette et fermée d'un bouchon de liège, qu'il tenta vainement de déboucher.

Vaincu, il se tourna vers une autre petite fenêtre, très semblable à celle de la pièce principale, et regarda dehors le soleil rouge se coucher. Rien de plus à voir dans cette pièce, si ce n'est un broc et une bassine posés sur une petite table, pour se laver, et une clef à son côté, qu'il emporta avec lui.

Il retourna en arrière, posa la bouteille près du tas de fourrure et de son sac à dos, puis se dirigea vers la porte d'entrée avant de faire brusquement demi-tour. Autant suivre dès maintenant, à la lettre, les recommandations d'Ahtna et prendre l'habitude de se vêtir des pieds à la tête avant de mettre le nez dehors. Il prit donc quelques minutes pour enfiler son écharpe ridicule et sa parka énorme, avant de revenir vers la porte. Qu'il eut bien du mal à ouvrir, car il n'y avait pas de poignée, seulement un gourdin de bois cloué sur un rondin, et le bois était lourd. Il tira, grommela, grogna, prit appuis du pied sur le mur en tirant de toutes ses forces, puis faillit basculer en arrière lorsque la porte s'ouvrit enfin. Il soupira, en nage sous ses vêtements, et sortit. Aussitôt, il eut le souffle coupé par le froid qui lui gifla le visage. Pourtant, il n'y avait aucun vent.

Les yeux brûlants, il soupira fortement et rentra le nez dans son écharpe, sa main gantée tenant fortement la clef. Ses pieds s'enfoncèrent dans la boue gelée et il revit la démarche sûre d'Ahtna. Il était loin de faire de même. Pataugeant, tâtant le terrain du bout du pied avant de le poser, il se faisait l'effet d'un enfant apprenant à marcher sur un matelas d'eau.

Le garage était minuscule. Même plus petit que la cabane. Avec le même genre de porte. Prenant une grande inspiration, Stiles contracta chacun des muscles de ses bras, attrapa ce qui ressemblait le plus à une poignée, et tira. Mais il eut beau tirer autant qu'il le voulut, la porte ne céda pas. Parce qu'il était malin, il comprit vite son erreur.

Il fallait pousser, pas tirer.

Très vite, lorsqu'il avait débarqué à Noatak, il avait remarqué une chose : les portes d'entrée s'ouvraient toutes, sans exception, vers l'intérieur. Il en avait vite déduit que c'était nécessaire, afin de ne pas bloquer la porte dans un sens comme dans l'autre en cas de très forte chute de neige. Quelque chose auquel il allait devoir s'habituer. Alors il se jeta sur la porte comme l'avait fait Ahtna, mais ne réussit qu'à se faire très mal à l'épaule. Sifflant, grognant, et se mordant la lèvre tout à la fois, il se frotta l'épaule, recula de quelques pas, et tenta à nouveau.

Fort heureusement, la porte s'ouvrit. Il n'aurait jamais eu le courage de réessayer encore, de peur de finir estropié. Grimaçant de douleur, il poussa sur l'énorme battant de bois qui racla le sol de terre battue récalcitrant, puis, avec la droiture du vainqueur, se redressa et plissa les yeux en faisant un pas. Une forme, de la taille d'un gros scooter, se dressait devant lui, emplissant presque tout l'espace, cachée sous une bâche de toile huilée. Curieux, Stiles s'en approcha, regarda la chose de haut en bas, puis attrapa un pan du tissu lourd, et le souleva.

Jamais il n'avait vu de motoneige de sa vie. Et lorsqu'il se retrouva à regarder celle-ci dans les yeux, il se murmura pour lui-même :

- J'arriverai jamais à conduire ce machin !

Il rabaissa donc la toile, et mit la clef dans sa poche. Inutile d'essayer de conduire ça maintenant, il irait droit dans un arbre.

Quelques minutes plus tard, il en était à inspecter les réserves de nourriture gracieusement déposées dans une glacière par Ahtna – principalement de la viande d'élan ou de lapin reposant sur de la glace – lorsqu'il entendit un bruit. Un grognement, et une respiration. Il se figea, l'oreille aux aguets, comme une proie tétanisée. Derrière le bois solide, il sentit et entendit une présence. Un animal, venu renifler.

Durant plusieurs secondes, peut-être même plusieurs minutes, Stiles resta tout à fait immobile en tentant de rendre sa respiration la moins bruyante possible, le cœur tambourinant fort et les oreilles bourdonnantes. Après avoir reniflé et grogner encore, l'animal se mit à gratter le mur de bois. Ce petit bruit réveilla Stiles et il se mit à regarder tout autour de lui, à la recherche de quelque chose, n'importe quoi, dont il pourrait se servir afin d'effrayer l'animal.

Son regard se posa alors sur une hache, négligemment posée contre l'étagère. Il s'en saisit, manqua basculer à cause du poids stupéfiant de l'outil, puis l'attrapa à deux mains et en cogna la tête contre la motoneige. Le bruit du fer frappant le fer surprit l'animal qui, après un autre grognement, détala dans la neige boueuse, les bruits de sa course décroissant à mesure qu'il s'éloignait. Stiles soupira mais, prudent, reposa silencieusement la hache et préféra rester à l'écoute encore quelques minutes avant d'oser sortir.

Dehors, derrière le garage, au pied de la bute qui terminait ici sa course, des empreintes par dizaines. Mais il fut incapable de les identifier. Un renard ? Un glouton ? Ou, un loup ?

Son regard scruta l'horizon gris-feu, le soleil couchant ne l'aidant pas à y voir clair, mais il devina, à quelques encablures, la lisière des bois qui s'enténébraient. Il regarda loin devant un instant alors que le soir tombait, puis décida de faire demi-tour. Mais alors qu'il se retournait, il vit l'énorme tas de buches haut de près de deux mètres empilé contre le mur de la cabane et sentit sa résolution vaciller un brin.

Les buches étaient bien trop grosses pour entrer dans l'âtre de la cheminée ou celui de la cuisinière. Que lui avait dit Ahtna ? Un stock de bois à couper ? Oui, il allait donc devoir les couper lui-même. Et il avait été presque incapable de soulever la hache à hauteur de sa taille, jamais il ne parviendrait à la soulever au-dessus de sa tête pour l'abattre sur ces énormes buches, qui ne se laisseraient assurément pas faire sous ses assauts.

Il soupira et se sentit brusquement fatigué ; les heures de voyage qu'il avait avalé lui tombèrent tout à coup sur les épaules.

Il fit demi-tour en pataugeant dans la boue glacée, le nez engourdi de froid, et rentra dans la cabane. Il y raviva un peu le feu, puis décida de s'attaquer au bouchon de la bouteille. S'il y parvenait, ce serait une première bataille de gagner.


Coucou les gens !Me revoilà avec une nouvelle fic :D Je suis vraiment contente de vous la proposer, j'adore l'écrire et j'espère qu'elle vous plaira ! Bon, elle sera beaucoup moins complexe que "L'enfant loup", vous l'aurez sans doute remarqué, j'écris ça sans trop de prise de tête ^^

Je suis contente de vous retrouver, vous m'avez manqué tous :3 Je pense reprendre le rythme de publication habituel, à savoir un chap tous les 10 jours :)

Je vous fais des gros bisous !

Comment vous trouvez ce premier chapitre alors ?