Bonjour à toutes/tous ! Merci de donner une chance à ma fiction qui traînait sur mon ordinateur depuis des mois et des mois. De nombreux chapitres sont déjà écrits, j'espère donc poster régulièrement. Mais surtout, j'espère que l'histoire vous plaira !

Rien ne m'appartient, évidemment.

Sur ce, bonne lecture ! Et un grand merci d'avance pour les reviews ! N'hésitez pas si vous avez des commentaires. Tout est bon à prendre pour s'améliorer !


Titre du chapitre : 1 – Le gamin au vélo

Date : 5 juillet 1976 – POV Sirius

Le regard noir, le souffle court, le jeune homme brun fit claquer derrière lui la porte de la maison, en suppliant Merlin de ne plus jamais avoir à y remettre les pieds. Il aurait voulu couper les ponts avec sa famille, pour ne plus jamais en entendre parler. Mais la noble et très ancienne maison des Black était bien trop étendue, bien trop connue pour que rien ne lui parvienne plus aux oreilles. Il le savait pertinemment, mais cette pensée était sans doute la seule à pouvoir l'apaiser. Il s'arrêta un instant, juste le temps de reprendre sa respiration, juste assez pour entendre la voix de sa mère vociférer.

« … JETER LE DESHONNEUR SUR LA FAMILLE ! … TRAITRE A SON SANG ! UN IMMONDE BÂTARD ! »

Sirius soupira. Rien de nouveau sous le soleil. Depuis qu'il avait été réparti à Gryffondor, l'année de ses onze ans, sa chère mère n'avait eu, à son égard, d'autres mots à la bouche. La main sur sa malle, le jeune homme descendit les quelques marches qui le séparaient d'un trottoir on-ne-peut-plus-moldu. Droit, immaculé … Les moldus savaient vraiment y faire en matière de trottoir. Pas comme les pavés sales de l'Allée des embrumes. Il s'égarait un peu dans ses pensées … Sirius se mit alors, sans plus réfléchir, à s'éloigner du 12, square Grimmauld. Le plus possible. En marchant rapidement. En se fatiguant à traîner sa malle, alors qu'il aurait très bien pu la réduire à la taille d'une carte de chocogrenouilles. Avant même de prendre la décision de partir, il savait déjà très bien où il irait. Chez James, son frère. C'était une évidence. D'ailleurs, Sirius eut un sourire en se rappelant de leur dernière conversation à James et à lui, sur le quai de la voie 9 ¾, à la fin de leur 5ème année. Cornedrue, après avoir remarqué un regard de Sirius en direction de ses parents qui accueillaient Regulus comme le fils prodigue, lui avait lancé « Cet été, la finale de la coupe d'Europe de Quidditch sera joué pas très loin de Godric's Hollow. Je dois y aller avec mon père, tu sais. Queudver vient si sa mère est d'accord et Lunard peut-être aussi. Je compte bien l'avoir à l'usure. Enfin bref, tout ça pour dire qu'une personne de plus ou de moins, ça change pas grand chose ! » James avait haussé les épaules, comme s'il s'agissait d'un détail. Sirius avait sourit, tout en sachant que c'était un peu plus qu'une invitation à un match. Mais avant d'aller frapper chez les Potter, le jeune Black voulait se libérer l'esprit, se calmer, se convaincre qu'il ne regretterait rien. Il avait toujours voulu être libre et à présent qu'il en avait la chance, il ne voulait pas la laisser passer.

Au coin de la rue, Sirius jeta un dernier regard à sa maison avant de lui tourner le dos. Non, il ne regretterait rien. Ni les aboiements quotidiens de sa mère, ni l'ignorance glacée de son père. Encore moins la maison en elle-même. Aussi froide, aussi noire que l'esprit de sa famille … Il ne regretterait pas non plus le nez raclant le sol de Kreattur qui vénérait jusqu'à la plus petite parcelle de cette habitation austère. Même pas sa chambre, qui avait constitué pour lui un bien maigre refuge pendant les seize ans qu'il avait passé là-bas. Il avait tout fait pour se différencier de ces gens avec qui il partageait le sang. Les couleurs de Gryffondor avaient recouverts tous ses murs. Il avait même été jusqu'à coller à coup de maléfice de glu perpétuelle des photos moldues pour faire enrager ses parents, pour les rendre encore plus fous qu'ils ne l'étaient déjà. C'était son pouvoir et il en avait usé et abusé jusqu'à ne plus rien supporter. C'était de se rebeller qui rendait le quotidien vivable ici, à Londres. Chaque fait de résistance représentait un moyen de tenir encore un peu plus longtemps. Comme sa légèreté, comme son humour. Tout ce qui le différenciait de sa famille était bon à prendre. Tout ce rendait Sirius humain était précieux dans un monde si cruel. Mais apprendre que Regulus était sur le point de devenir un mangemort avait été la goutte qui faisait déborder le chaudron. Son frère, par la barbe de Merlin … Son petit frère … A peine quinze ans et il avait déjà été parfaitement embobiné, réduit à servir une saleté de mage noir. Mais le pire dans tout ça, c'est qu'il en était incroyablement fier. Heureux de faire enfin le bonheur d'une mère éternellement insatisfaite. Heureux d'être enfin vu comme quelqu'un d'important, d'intéressant. Sirius avait sans doute pris trop de place pendant leur enfance, il était l'aîné et donc celui sur lequel reposait l'ambition de ses parents. Il avait ce caractère fort dont disposent les Black, ce côté charismatique qu'on ne peut pas apprendre mais avec lequel on vient au monde … Regulus n'avait pas eu cette chance là. Il était pourtant doué, sportif. Mais il resterai toujours « l'éternel second ». Il aurait pu avoir le même surnom que Raymond Poulidor, le cycliste français, star parmi les stars pour certains moldus de l'époque. Sirius sourit légèrement à la pensée de ce souvenir.

Le plus âgé tirait le plus jeune par le bras. « Viens, tu vas voir, tu vas adorer ! » Il avait l'air surexcité, ne voulait pas louper une miette du spectacle et par-dessous tout, il voulait le montrer à son petit frère. « Sirius ! Si Mère apprend qu'on a été chez les moldus ... » L'aîné tourna ses beaux yeux gris vers son petit frère. « Elle ne l'apprendra que si tu le lui dis. », souffla t-il, d'une voix sévère. Regulus hocha la tête et se laissa faire, entrant presque à reculons dans un magasin d'électroménager et multimédia du centre de Londres. Ils parcoururent les rayons jusqu'à rejoindre celui des télévisions. Sirius avait les yeux brillants et fit asseoir son petit frère devant un des écrans immenses. « C'est ça ! Regarde ! Regarde ! Ça s'appelle le Tour de France ! » Il avait découvert ça la semaine passée, alors qu'il avait entrepris de visiter les alentours de leur maison. A neuf ans, Sirius était déjà bien dégourdi et avide de découvertes. Sur l'écran, Raymond Poulidor bataillait sur son vélo pour atteindre en premier le col du Tourmalet. Regulus le trouva impressionnant. Courageux aussi. Le petit garçon tourna la tête, échangeant un sourire radieux avec Sirius.

Ce vélo, Sirius se l'était acheté, pour ses dix ans. Il en avait pris grand soin. Il l'avait réparé, l'avait démonté pour en comprendre tous les mécanismes. Grâce à lui, il s'était échappé de l'ambiance sinistre de la maison pendant de longues heures. Ses parents avaient touché du doigt, à l'époque, un aspect de sa personnalité : Sirius ne méprisait pas les moldus. Cela les avait inquiété mais ils avaient fini par abandonner. Il était encore un enfant et tant qu'aucune de leurs connaissances ne le voyaient, le vélo était toléré. Et il l'avait laissé derrière lui, aujourd'hui ... Sirius secoua la tête, se trouvant un peu ridicule d'être aussi nostalgique. Il n'avait plus besoin de vélo, il n'était plus le gamin de l'époque. Un vélo ne lui suffirait plus. Tout en marchant rapidement, il se promit pourtant quelque chose : il s'achèterait une moto dès qu'il le pourrait. Et avec, il parcourrai le monde. Il la verrait la France et il en ferait même certainement le tour. Il les gravirai aussi les montagnes françaises, avec leurs virages en épingle. Il conduirai le long des côtes de l'Atlantique et il irait voir les pays du Sud, ceux où le soleil ne s'éteint presque jamais. Il en avait bien besoin de soleil, après toute la noirceur qu'il avait accumulé pendant sa courte vie. Faisant sursauter les quelques passants autour de lui, Sirius hurla comme il ne l'avait jamais fait. Il hurla sa liberté. Il vomissait sur toutes les contraintes qu'on avait essayé de lui imposer. En faisant ça, il devenait un autre homme, il avait l'impression de tourner une page. Non, un chapitre. Voir même un bouquin entier. Et il se sentait terriblement léger. Enfin ! Il aurait peut-être même pu s'envoler. S'il n'avait pas gardé ce soupçon d'amertume à propos de Regulus qui le raccrochait solidement à la terre.

C'est avec un grand sourire que le brun aux cheveux mi-longs vit apparaître les contours de Godric's Hollow. Ce village était incroyablement beau. L'opposé du morceau de Londres que Sirius avait en tête. Dans cette bourgade chaleureuse, les maisons étaient inégales en taille et chacune d'entre elles avait un charme propre. Mais il était tard maintenant et Sirius n'arrivait pas à bien voir tous les détails. Onze heures passées. Sirius avait pris le train et avait trouvé ce moyen de transport bien trop lent. Le Poudlard Express lui ne s'arrêtait pas si souvent et roulait bien plus vite. Cependant, cette lenteur s'avéra bénéfique et après que l'adrénaline fut retombée, Sirius sombra dans un demi-sommeil. A l'arrivée, il fut secoué par un contrôleur indélicat et entreprit de marcher pour faire le chemin restant jusqu'à Godric's Hollow. Enfin, marcher … Il avait d'abord commencé par courir pour fuir le contrôleur du train, qui n'arrêtait pas de lui crier dessus, quelque chose comme « Jeune délinquant ! Incapable d'acheter un billet comme les honnêtes gens ! C'est à cause de voyous comme toi que notre pays courre à sa perte ! » Sirius s'en fichait pas mal. Il pouvait être un délinquant. En attendant, il courrait bien plus vite.

La nuit était tombée et désormais, c'était à la lumière des lampadaires et des fenêtres que le jeune homme devait essayer de trouver la maison de son meilleur ami. Sirius s'arrêta devant plusieurs portails. Ne reconnaissant pas le nom qu'il cherchait, il poursuivit et ce n'est qu'après avoir demandé à une vieille dame qui se promenait en marmonnant toute seule qu'il la trouva enfin. Une grande bâtisse à colombages. Le cœur de Sirius se réchauffa instantanément. Il ne resta pas plus longtemps à la détailler. D'une part, il était déjà bien tard pour débarquer sans prévenir chez les gens. Pas la peine d'en rajouter. D'autre part, il mourrait d'impatience de voir James s'ébouriffer des cheveux déjà en bataille. Il frappa quelques coups à la lourde porte en bois massif et attendit, espérant vaguement qu'il ne dérangerait pas trop. Il ne connaissait pas beaucoup les parents de James, simplement pour leur avoir dit bonjour sur le quai de King's Cross mais ils lui avaient toujours semblé très avenants. C'est sa mère qui apparut la première dans l'encadrement de la porte, un air surpris sur le visage. Elle détailla le jeune homme, avant de remarquer la malle qu'il tenait derrière lui et de prendre un air désormais véritablement inquiète.

« Sirius ?! » souffla-t-elle, en ouvrant davantage la porte. « Qu'est-ce que … »

« Bonsoir Mme Potter. Désolé de débarquer comme ça, sans avoir envoyé de hibou avant mais … »

« Ne sois pas désolé ! Viens, entre ! »

La femme attira Sirius à l'intérieur en le prenant par l'épaule, le jeune homme attrapant sa valise rapidement. Il eut rapidement l'impression d'être le bienvenu, à voir le regard qu'Euphemia Potter posait sur lui. Elle n'avait pas hésité une seconde avant de le faire entrer et semblait presque soulagée de le savoir chez elle. Cela laissa à Sirius l'impression que James avait parlé de sa situation à ses parents. Étrangement, cela ne le dérangea pas vraiment.

« Ça va ? Tu as l'air fatigué. Comment es-tu venu jusqu'ici ? Pas à pied, j'espère ? Depuis Londres, ça serait complètement fou ! Tu aurais du nous le dire, nous t'aurions ouvert la cheminée sans problème ! »

Sirius lui adressa un sourire d'excuse. Oh oui, il n'y avait plus aucun doute, il était le bienvenu ici. Quel soulagement … Et en même temps, quelle étrangeté de voir enfin une mère jouer son rôle. Car c'était ainsi qu'il le voyait ; Sirius avait l'impression qu'Euphemia Potter s'angoissait plus encore pour son sort que sa propre mère.

« Je suis venu en train moldu mais ne vous inquiétez pas, je vais … »

« T'as tenu cinq jours entiers ! Incroyable ! Lunard avait parié sur la fin de l'été », s'exclama James, en s'approchant rapidement, un large sourire accroché aux lèvres.

Sirius fut un instant surpris, avant de pouffer de rire et de s'approcher de James, lui donnant une accolade sincère. Il recula un peu et observa son ami. Ça ne faisait même pas une semaine qu'ils s'étaient quittés, alors aucun d'eux n'avait changé.

« Et toi, t'avais parié sur quoi ? » demanda Sirius, en haussant un sourcil.

« Moi ? J'ai perdu depuis longtemps. Je pensais que tu serais parti avant la quatrième année », répondit-il, après avoir éclaté de rire.

« Excusez-moi de vous interrompre, jeunes hommes. Mais moi, je n'ai rien parié et j'aimerais une explication », annonça Euphemia, un regard perçant posé sur les deux adolescents. « Enfin … D'abord, enlève ta veste, Sirius. Et viens t'installer à table. Je suis sûre que tu n'as rien mangé. »

La femme aux longs cheveux aussi noirs que ceux de son fils – mais étrangement, bien plus lisses - leur tourna le dos pour aller rejoindre la cuisine, où Sirius l'entendit parler à quelqu'un. Quelqu'un avec une voix digne d'une petite souris. L'elfe de maison, certainement. A côté de lui, James s'ébouriffa les cheveux tout naturellement et lui sourit, en lui adressant un signe de la tête.

« Allez, viens ! » dit-il, en se dirigeant vers la salle à manger. « C'est vrai que t'es venu en train moldu ? Ça aurait été plus vite en magicobus ! »

« Je sais, mais je savais plus le geste de baguette. J'ai essayé des trucs et j'ai failli faire brûler Londres, alors j'ai pas insisté. Oh, bonsoir Mr Potter ! »

Un grand homme à lunettes était déjà assis à table et terminait son assiette tout en parcourant la Gazette du Sorcier, à la page des mots croisés gentiment difficiles semblait-il. Les cheveux poivre et sel, Fleamont Potter leva la tête vers les deux adolescents. Il ne souriait pas mais il émanait de lui une sorte d'aura de sérénité.

« Je t'en prie, Sirius, assieds-toi », lança t-il, en lui faisant signe de la main.

Le remerciant, le jeune brun s'exécuta, tandis que James prenait la place d'en face, en se baissant un peu vers eux deux, comme pour leur faire une confidence. Fleamont avait glissé la main dans la poche de son pantalon, en sortant plusieurs pièces pour les compter.

« Combien je te dois déjà ? » demanda le père de James à celui-ci.

« Un gallion, six mornilles et treize noises ! Papa a parié aussi », souffla-t-il à Sirius. « Il pensait comme Lunard. »

« Ce Remus a toujours été le plus réfléchi, il me semble », se justifia l'homme, en haussant les épaules et en adressant un clin d'œil à Sirius.

Sirius n'en croyait pas ses yeux. Il ne résista pas longtemps à son envie d'éclater de rire. Un peu plus et le père de James pourrait devenir un maraudeur. Sans pourtant beaucoup le connaître, Sirius en était déjà persuadé. Euphemia fit son apparition dans la salle à manger et son époux toussota légèrement, en adressant un regard lourd de sens à James pour qu'il cache l'argent qu'il tenait encore dans ses mains, ce qu'il s'empressa de faire. Sirius étouffa un rire lorsqu'il comprit que Mme Potter avait tout remarqué mais se gardait bien de faire une remarque, se contentant de secouer légèrement la tête. La grande femme alla se placer derrière la chaise de son mari, déposant ses mains sur le dossier de la chaise, tandis qu'une petite elfe de maison, pourvue d'un -affreux- tablier à fleurs, déposait une assiette débordante de gigot d'agneau et de pommes de terre rôties devant le nouvel arrivé.

« J'espère que tu aimes ça, Sirius », s'inquiéta Euphemia. « Sinon, je suis sûre qu'Argis trouvera quelque chose d'autre dans la cuisine ! »

« C'est parfait, Mme Potter ! Merci beaucoup ! » assura le jeune homme. « Et même si vous ne m'aviez trouvé que du pain sec … Je débarque sans prévenir à une heure impossible, je n'attendais rien du tout. Je ne veux pas vous déranger surtout. »

« Tu rêves, tu déranges pas. Ma mère ne laisse personne entrer dans cette maison sans essayer de le nourrir, de toute façon », pouffa James.

« Et puis, au moins, tu m'offres de la compagnie pour le repas. Je déteste manger seul. Tu vois, j'ai été obligé de me mettre à lire le journal pour ne pas m'ennuyer, puisque ni Jamesie, ni ma chère épouse n'a souhaité me tenir compagnie ce soir », se plaignit Mr Potter.

« C'est toi qui a choisi de sortir si tard ! »

« Je ne pouvais pas rater ça, ma chérie. Une conférence sur les propriétés de l'essence de belladone … Ça va révolutionner le monde des herboristes ! » s'insurgea Fleamont.

Le ventre de Sirius criait famine et cela sembla calmer les ardeurs du couple. Laissant au jeune homme le temps de satisfaire son estomac, la famille Potter entreprit de changer de conversation, s'appliquant à vanter les mérites de la tarte à la mélasse d'Argis, l'elfe de maison. James ne résista d'ailleurs pas à l'envie d'aller en chercher plusieurs parts à la cuisine, marmonnant qu'il était « en pleine croissance ».

« Par contre, Sirius, je tiens à avoir quelques détails », soupira finalement Fleamont, presque déçu de devoir se comporter à nouveau en adulte responsable. « Tes parents sont-ils au courant que tu es ici ? »

Le jeune interpellé leva vivement les yeux vers le père Potter. Allait-il le dénoncer ? Ou pire, le ramener chez lui ?

« Non, ils ne savent pas. A vrai dire, je ne suis pas sûr qu'ils s'inquiètent beaucoup du sort d'un traître à son sang. Je suis parti et je pense qu'à l'heure actuelle, mon nom n'apparaît plus sur l'arbre généalogique des Black. Ce qui n'est pas plus mal, d'ailleurs, puisque je ne compte plus y retourner. »

Euphemia et Fleamont Potter échangèrent un regard et Sirius baissa les yeux sur son assiette sans rien ajouter.

« Pour le moment, tu partageras la chambre de James. On verra plus tard s'il y a besoin de faire le ménage dans la chambre du fond », les informa Euphemia.

Il était de notoriété publique que la famille Black était tant obsédée par la magie noire que pour la pureté de son sang. Et le jeune homme était persuadé que James en avait parlé avec ses parents. Car ces derniers ne demandèrent plus rien à Sirius. Ils se contentaient de le resservir et de détourner la conversation vers des sujets incroyablement légers, comme la récente exposition sur les balais de course ou le fait que la femme de Harold Minchum, le ministre de la magie, l'avait trompé avec un gobelin de chez Gringotts, d'après le dernier Sorcière-Hebdo.

« Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite surtout pas. En tout cas, sache que tu es le bienvenu ici, Sirius. » Voilà ce que la mère de James lui avait dit avant de laisser les deux adolescents monter se coucher. Voilà ce qui allait permettre à Sirius de dormir sur ses deux oreilles cette nuit. Sans penser à Regulus et au fait que les deux frères ne s'adresseraient sans doute plus jamais la parole.

« Tu dors ? » souffla James.

Sirius, allongé sur un matelas posé au sol, fixait le plafond et les reflets de la lune sur les posters gris et blancs des Faucons de Falmouth que son meilleur ami adorait. Dans la chambre plongée dans le noir, le jeune Black savourait la chance qu'il avait d'avoir un meilleur ami comme celui-là, qui avait d'ailleurs une famille équivalente. Ici, à Godric's Hollow, tout semblait transpirer de quiétude. Pas de chape de plomb à l'horizon. Sirius connaissait suffisamment James pour savoir que celui-ci n'avait pas une vie de rêve, mais ce n'était pas ça l'important.

« Profondément, ouais », répondit-il.

Le léger rire de James se fit entendre, mais le jeune homme se reprit vite.

« Ça a été si horrible ? »

« Disons que j'aurais préféré danser une valse avec Rusard. »

« Ah ouais, quand même ... »

Sirius aurait bien voulu parler un peu plus, raconter à James ce qu'il s'était passé, critiquer sa mère en utilisant tous les sales qualificatifs qu'ils connaissaient. Il l'avait déjà fait et la dernière fois, Peter et Remus étaient aussi présents, ce qui avaient multiplié par quatre le nombre d'injures employées. Mais aujourd'hui, Sirius avait beau dire, avait beau sourire et faire semblant d'être un homme nouveau, il n'en restait pas moins un gamin qui venait de perdre toute sa famille, aussi détestable fusse-t-elle. Et il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir un peu mal.

« Et Regulus ? » demanda James, avec douceur, en sachant que le sujet était sans doute le plus douloureux pour son meilleur ami.

« Rien. Il n'a rien dit du tout. Il était là à la première dispute avec mes parents. Je ne sais même plus exactement pourquoi on se disputait. Enfin bref, j'ai quitté la table et je suis parti faire ma valise. Il m'a suivi et il m'a regardé faire sans rien dire du tout, comme s'il attendait de savoir si j'irais jusqu'au bout. Quand j'ai fini, j'ai claqué la porte et lui, il est resté debout devant, comme un abruti de Botruc », soupira Sirius, avant d'avoir un petit rire sans joie, mais empli d'amertume. « Je suis sûr que maintenant, il est le plus heureux des Black. Il va enfin pouvoir jouer au bon petit soldat pour Voldemort et au digne petit sang-pur pour nos parents. Enfin un fils parfait pour eux. »

« Je suis désolé », confia James. « Mais toi, t'as fait ce que t'avais à faire. Regulus aussi, visiblement. »

« Je sais … »

« En parlant de trucs sérieux, tu penses à ce que je pense ? » risqua James, en se redressant dans son lit.

« Ouais, demain. »

« Oh allez ! » insista-t-il. « Il faut pas perdre les bonnes habitudes. Et puis Rusard est même pas là pour nous empêcher de faire quoi que ce soit ! En plus, y'a un super pub pas très loin : La goule qui saoule ! »

« Demain, Cornedrue ! »

« Bon … », lâcha James, en se faisant une raison.

Sirius envoya voler un de ses oreillers. Il sut qu'il avait fait mouche lorsqu'il entendit le grognement étouffé de son meilleur ami. Quelques secondes plus tard, le silence était revenu dans la chambre.

« C'est cool que tu sois là, Patmol. »

« Merci pour l'accueil, Jamesie », lança Sirius, en sachant pertinemment que l'emploi de ce surnom ne plairait pas du tout au concerné.

Ce dernier relança l'oreiller de Sirius à son expéditeur, en marmonnant un vague « va te faire cuire un œuf de dragon ».