Chapitre 11 : La plume et l'épée


L'espace d'un instant, Alan crut qu'il était mort. Le plafond était une large fresque représentant un ciel constellé de nuages, rempli d'anges en train de livrer bataille à des démons. Cela aurait tout à fait pu correspondre à une scène de la Bible… mais à bien y regarder, il ne s'agissait pas d'anges mais de sorciers à dos de chevaux ailés en train de se battre contre des gobelins, baguette ou épée à la main.

Clignant des yeux, le professeur de Hochelaga se redressa lentement dans le lit où il était couché. Il avait l'impression d'avoir été littéralement vidé de ses forces. Ce n'était pas pour cette raison, ni pour la scène pseudo-biblique au plafond qu'il avait cru être passé de vie à trépas. Non, c'était parce que son père était assis à son chevet.

Ce même père qui était décédé dix-huit ans plus tôt dans ce même manoir.

Il ne lui apparaissait même pas de façon translucide comme les fantômes de Poudlard. A la place, il paraissait être fait de chair et de sang. Pourtant, il n'avait pas pris une ride depuis la dernière fois qu'il l'avait vu, quelques semaines avant sa mort. Le même visage sérieux avec une pointe d'amusement, ce regard pétillant de malice et de quelque chose d'animal qui révélait de façon discrète, à l'instar d'Elena, sa lycanthropie.

- Est-ce que je suis mort ? Demanda Alan en levant son regard encore hagard vers lui.

La main bien réelle d'Alan Nilson Sr. se posa sur sa tête et lui ébouriffa tendrement les cheveux. Le professeur avait toujours ronchonné devant ce geste mais il l'avait secrètement toujours apprécié également, parce qu'il lui donnait l'impression d'être vraiment son fils. Il avait beau avoir été adopté à ses treize ans, Alan n'avait jamais fait de différence entre sa fille biologique, Elena, et lui. Avec son épouse Mary, il s'était efforcé de les traiter de façon égale, aussi bien dans les marques d'affection… qu'en termes de punitions.

Merlin qu'il en avait douillé à récurer des étages entiers du manoir Nilson avec Elena lorsqu'ils avaient eu le malheur de partir en vadrouille sans prévenir !

- Pas encore, fiston. C'est plutôt moi qui ai fait un « Jésus », comme diraient les moldus… et je ne parle pas du délicieux saucisson de Lyon du même nom, bien évidemment !

Du saucisson de Lyon… son père avait toujours le don de faire des blagues que lui seul comprenait, ou plutôt que seulement Arthur Morrison et lui comprenaient. Si Alan Jr. s'était déjà rendu en France, il n'avait jamais visité la ville de Lyon et encore moins dégusté sa charcuterie locale. Il ne voyait donc pas le rapport avec des références bibliques moldues…

- De quoi est-ce que tu parles ?

- Tu n'es pas mort, Alan. Disons plutôt que j'ai « ressuscité » même si je ne suis techniquement jamais mort… disons plutôt que j'étais… comment diraient les moldus, « sur pause » ? Comme au cinéma quand tu arrêtes la bobine, tu vois ?

Alan comprenait de moins en moins ce que son père cherchait à lui dire. D'un côté, cela pouvait peut-être s'expliquer par le mal de crâne massif qui menaçait de lui ouvrir la tête en deux à ce rythme. Il ne savait pas ce que cette fichue dague lui avait fait subir mais il avait l'impression que non contente de saper ses réserves de magie jusqu'à un niveau proche du trépas, elle lui avait aussi vrillé la cervelle dans tous les sens.

Il sut qu'il était vraiment en plein rêve ou carrément parti dans la folie lorsqu'il vit apparaître la silhouette du fameux Arthur Morrison dans son champ de vision. Le père de Duncan n'avait pas pris une ride non plus et il posa sur lui un regard bienveillant mêlé d'inquiétude.

- Et bien gamin, tu es dans un sale état. On était vraiment si lourds que ça quand on t'est tombés dessus ?

C'était ça ! Deux poids morts lui étaient tombés dessus quand il avait émergé de la transe dans laquelle la dague l'avait plongé. Deux hommes adultes de leur gabarit l'avaient très certainement écrasé, ce qui expliquait pourquoi il était tombé dans les pommes.

- Attendez, qu'est-ce que vous êtes en train de me raconter ? Comment avez-vous survécu à l'attaque du manoir ?

Alan Sr. et Arthur échangèrent un regard, comme s'ils se demandaient comment lui expliquer ce qui s'était passé et Alan Jr. fut pris de ce même sentiment - qu'il n'avait pas éprouvé depuis très longtemps – d'être un enfant auquel les adultes hésiteraient à annoncer une mauvaise nouvelle. Cela transforma très rapidement sa confusion en une colère de plus en plus brûlante, qui lui fit oublier sa fatigue au point de se redresser complètement en position assise et de pointer un doigt accusateur sur eux.

- Vous allez me dire maintenant ce qui s'est passé ou Merlin m'en soit témoin, je vous refais le portrait à tous les deux jusqu'à ce que vous chantiez comme des rossignols !


Revêtu des habits que son oncle Charlus et sa tante Dorea lui avaient offerts, Harry cheminait dans un couloir qui ressemblait un peu à celui qui menait à sa chambre au Manoir Potter. Pourtant, il ne s'agissait pas du même. En effet, le couloir où il se trouvait ne comportait aucun portrait sur les murs. En fait, les murs eux-mêmes n'étaient pas visibles, recouverts de miroirs discontinus qui semblaient s'étendre à l'infini. Il avait déjà vu quelque chose de similaire par le passé, dans un de ses livres d'école qui parlait du château de Versailles en France, et de sa fameuse galerie des glaces.

Pourtant, l'ambiance de ce couloir n'était pas aussi lumineuse que celle du château du Roi Soleil. La lumière était pâle, comme celle de la lune ou d'une journée où le soleil était en permanence voilé par une épaisse couche nuageuse. Cette lumière devait être diffusée par le plafond mais il ne voyait pas de fenêtre à proprement parler, seulement une sorte de glace sans tain.

A cause des miroirs disposés des deux côtés, Harry avait l'impression que le couloir était infini, aussi bien en longueur qu'en largeur. Le plus étonnant, c'était que ses reflets étaient différents parfois.

Certains étaient plus jeunes, d'autres plus vieux. Certains portaient des vêtements trop grands, à l'image de ceux qu'il portait jadis chez les Dursley tandis que d'autres avaient une sorte d'uniforme, semblable à une robe de sorcier, avec un écusson au niveau du torse. L'écusson variait selon les reflets, certains étaient de couleur rouge, d'autres verte et d'autres encore bleu foncé. Il crut même en apercevoir un jaune mais il était trop loin pour en être sûr. Il supposa qu'il s'agissait des uniformes obligatoires pour les élèves scolarisés dans l'école de sorcellerie de Poudlard, comme il en avait parfois aperçu dans ses livres mais il n'en était pas sûr.

Chacun de ces Harry marchait droit devant lui, certains le dos droit, d'autres plus voûtés. Le seul point commun, en dehors de leur apparence générale, c'était la cicatrice en forme d'éclair qu'ils arboraient sur leur front.

Tous avaient été pris pour cible par Voldemort comme lui. Tous avaient probablement perdu leurs parents comme lui.

Le garçon ne savait pas où ce couloir le mènerait mais étrangement, il n'avait pas peur. Il était à sa place ici, il ne craignait rien. Bientôt ses reflets se tournèrent vers lui. Certains souriaient ouvertement, d'autres avaient une expression plus réservée mais amicale malgré tout. Tous le soutenaient, tous le comprenaient, tous étaient unis par un lien indivisible et inaliénable : tous étaient Harry Potter.

- Harry ?

En un clignement de paupières, les miroirs avaient disparu des murs. A la place, le couloir était redevenu normal et il ressemblait à celui de sa chambre mais ce n'était pas le sien. Son oncle Charlus, vêtu d'un pyjama, le regardait avec inquiétude.

Harry se rendait compte qu'il ne rêvait pas. Il était debout, en pyjama et pieds nus, dans un couloir du manoir qu'il ne connaissait pas et sa main droite était posée sur la poignée d'une porte qu'il ne reconnaissait pas non plus.

- Oncle Charlus ? Qu'est-ce que je fais là ?

Son oncle mit un genou à terre et le prit doucement dans ses bras.

- Je ne sais pas, Harry. Je crois que tu étais somnambule. Tu ne te rappelles pas comment tu es arrivé ici ?

- Non… juste que je marchais dans un couloir avec plein de miroirs et que j'allais dans la bonne direction.

Son oncle se défit doucement de son étreinte pour contempler son visage et lui adressa un léger sourire. Le prenant par la main, Charlus le ramena tranquillement jusqu'à sa chambre. En dépit de son esprit embrumé, une question trottait dans la tête de l'enfant, qui ne put s'empêcher de la dire à voix haute.

- Oncle Charlus… c'était quoi la pièce devant laquelle j'étais ?

Le sorcier hésita un instant avant de répondre.

- C'était le bureau de ton grand-père Fleamont, et de ton arrière-grand-père Henry avant lui.


Comme beaucoup de sorciers, les Malefoy avaient entendu la retransmission de l'interview de Phineas Potter à la radio sorcière. Les réactions s'étaient avérées variables au luxueux manoir familial.

Lucius était furieux que des ennemis du Seigneur des Ténèbres aient pu survivre à une de ses attaques et plus encore, qu'il s'agisse de Potter. En vérité, l'époux de Narcissa Black avait peu apprécié les insultes lancées à l'encontre de Jedusor et de ses Mangemorts.

Abraxas ne partageait pas l'admiration et la foi aveugle de son fils envers Voldemort. Ce dernier était peut-être un sorcier très puissant et l'héritier présomptif de Serpentard mais il était également un sang-mêlé, fils de moldu de surcroît et qui s'était fait presque anéantir par un bébé.

Oh, le patriarche des Malefoy avait admiré le « Seigneur des ténèbres » en son temps mais cela lui était passé, même avant sa chute. Vers la fin, Jedusor s'était montré davantage obsédé par une prétendue prophétie que par la conquête du monde sorcier britannique.

Même si elle le cachait bien, Narcissa était soulagée par la chute de Voldemort. Jamais elle ne l'aurait dit à son époux mais elle était rassurée à l'idée que son cher petit Drago n'ait pas un jour à porter la marque des ténèbres. Abraxas n'aurait guère pu le lui reprocher, il se serait volontiers débarrassé de cette marque s'il l'avait pu.

En ce qui concernait Charlus et Dorea Potter, Abraxas n'était pas mécontent de les savoir en vie, tout particulièrement en ce qui concernait la fille de Cygnus Black. Ils avaient été fiancés jadis, avant que sa propre arrogance et négligence ne la poussent dans les bras de Potter. Aujourd'hui, il avait assez de recul pour l'admettre.

Cela ne signifierait pas que si la chance lui en était donnée, il ne tuerait pas Charlus Potter pour autant. Il restait un Malefoy après tout et sa famille n'avait jamais apprécié qu'on leur vole ce qui leur revenait de droit.

Toutefois, Abraxas voyait plus loin que les deux camps apparents aux yeux de son fils, c'est-à-dire pour ou contre Jedusor. Davantage qu'un simple geste de défiance à l'attention des partisans de la pureté du sang, Malefoy voyait dans la déclaration du professeur Potter une attaque directe à l'encontre du directeur de Poudlard et de son emprise sur le Survivant.

S'il y avait bien une personne qu'Abraxas voulait voir chuter de son piédestal, c'était assurément Albus Dumbledore.

Le Président-Sorcier du Magenmagot avait trop souvent contrecarré ses plans et ses ambitions pour qu'il ne se saisisse pas d'une si belle occasion de se débarrasser de son influence dans l'antichambre du pouvoir. Vingt ans plus tôt, Abraxas parvenait à faire démissionner cet imbécile de Leach du poste du Ministre de la magie. Quatre années à supporter ce né-moldu et ses tentatives incessantes de réformes !

Hélas, Dumbledore avait arrangé l'élection d'Eugenia Jenkins après Leach, brisant l'ambition de Malefoy en faisant parvenir à la presse juste assez d'éléments concernant son implication dans la maladie de Leach pour jeter la suspicion dans l'esprit de la population.

Les Black pouvaient bien se déchirer entre eux sur le sort du jeune Sirius si cela leur chantait mais Abraxas ne comptait pas accéder aux souhaits de Pollux Black simplement pour que ce dernier accède à la tête de sa famille, position qu'il convoitait depuis des années, voire même des décennies. Il avait même tenté d'éliminer le patriarche actuel pour l'obtenir !

Non, Abraxas ménagerait l'ego de Pollux mais il ne l'aiderait pas véritablement à atteindre son but. L'idéal serait de voir les deux camps des Black se détruire mutuellement ou tout du moins s'affaiblir, ce qui ne pourrait que profiter aux Malefoy.

Le plus difficile serait de persuader Lucius qu'il agissait dans l'intérêt de leur « cause ». Son fils était encore trop impulsif, trop passionné par les grands principes de la pureté du sang pour comprendre les compromis qui s'avéraient parfois nécessaires.

Voilà pourquoi le patriarche des Malefoy était assis derrière son bureau et, après avoir rédigé une lettre assez banale et évasive à l'attention de Pollux Black, il était en train d'écrire à une personne qu'il n'avait pas vue depuis près de trente ans.

Chère Dorea…


Un autre sorcier était très occupé à écrire mais pas pour les mêmes raisons. Plus encore que la perte de son poste de Manitou Suprême ou les remontrances d'Amelia Bones, c'était sa conversation avec Filius qui avait véritablement ébranlé le directeur de Poudlard.

Cependant, Albus Dumbledore n'était pas le genre de sorcier à ressasser ses échecs. Il en avait déjà commise une par le passé pour laquelle il ne pourrait jamais se pardonner. Les épreuves endurées par le jeune Harry auprès de son oncle et de sa tante moldus pèseraient sur sa conscience mais elles ne le paralyseraient pas pour autant.

En dépit de la conjoncture actuelle, le professeur n'était pas dépourvu de partisans. S'il devait surtout son ancien poste à la Confédération Internationale des Mages et Sorciers à la gloire qui l'auréolait depuis la chute de Grindelwald, ce n'était pas seulement le cas pour la présidence du Magenmagot. Dumbledore s'était tissé un solide réseau d'amis et d'alliés au sein de l'assemblée sorcière britannique, ce qui lui avait permis de passer des lois progressistes mais aussi de bloquer les courants ultra-conservateurs de la chambre à plusieurs reprises.

En l'état, le seul élément susceptible de faire pencher la balance en sa défaveur n'était autre que le Survivant. Hélas, ce dernier était pour le moment hors d'atteinte et au vu de l'interview du professeur Phineas Potter, le vieux sorcier avait toutes les raisons de croire que leur Maison se positionnerait contre lui.

Dumbledore compatissait avec leur courroux mais les vues du cœur ne devaient pas les aveugler à celles de l'esprit. S'il perdait son influence au Magenmagot et peut-être même sa place de directeur à Poudlard, cela ouvrirait un boulevard pour les ultra-conservateurs et le pays reviendrait près d'un siècle en arrière.

Il lui restait toutefois une corde à son arc, une possibilité d'atteindre le garçon indirectement. Cet atout se manifesta en frappant poliment à sa porte et Albus lui ouvrit avec un sourire amical en l'invitant à entrer.

- Bonjour Remus, cela faisait longtemps.


Une bonne nuit de sommeil avait remis Alan Nilson Jr. dans une certaine forme physique mais elle n'avait pas suffi à le remettre de ses émotions. Il avait encore du mal à s'habituer au fait que son père et celui de Duncan soient en vie. Leur explication avait été tellement tarabiscotée qu'elle ne pouvait qu'être vraie.

Ni l'un, ni l'autre n'avait une telle imagination.

Il n'y avait que son père pour adapter un rituel extrêmement compliqué et instable en plein siège et sans aucune garantie de succès, ou même simplement d'y survivre. Le pari avait été gagnant, Arthur et lui avaient été préservés dans cette dimension miniature, en dehors du cours normal de l'espace et du temps, mais ils avaient perdu près de vingt ans au passage, prisonniers de ce rituel dont ils n'auraient jamais pu se libérer par eux-mêmes.

C'était un hasard, un foutu hasard qui lui avait permis de les sortir de là. Maintenant, il allait devoir annoncer la nouvelle à sa sœur et à son beau-frère, qui étaient encore au Québec.

Hélas, il n'y avait pas de repos pour les braves. Phineas avait apparemment un service à lui demander, sinon il n'aurait pas fait des pieds et des mains pour le faire venir au Manoir Potter en urgence.

Il espérait simplement qu'Ethel se tiendrait tranquille pendant son absence. Sa fille avait semblé beaucoup trop intéressée par Arthur… et pas sur le plan de la simple curiosité. En tant que père, il avait déjà du mal à accepter qu'elle sorte avec des garçons mais alors quand ceux-ci avaient l'âge d'être son grand-père… cela prenait une toute autre ampleur.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda Alan sans préambule en émergeant de la cheminée du Manoir Potter.

Phineas ne fit heureusement aucun commentaire sur son apparence fatiguée. Le directeur adjoint de Hochelaga se contenta de poser un épais dossier sur la table et de l'inviter à s'asseoir, avant de faire apporter du thé.

- J'ai besoin de tes compétences, pas en tant que professeur mais en tant qu'enquêteur.

Potter ouvrit le dossier et en sortit notamment plusieurs clichés d'un homme grassouillet d'assez petite taille aux cheveux châtain clair, avec de petits yeux et un nez pointu.

- Peter Pettigrow. Officiellement mort depuis sept ans, de la main de Sirius Black. En réalité, il est encore en vie mais nous n'avons trouvé aucune trace de lui depuis cette époque.

- En quoi nous intéresse-t-il ? Demanda Nilson après avoir sorti un petit carnet, dans lequel il commença à prendre des notes.

- Ami d'enfance de James Potter, c'était un membre du club privé de Dumbledore. James et Lily Potter l'ont choisi comme gardien du secret à la place de Sirius Black… et il les aurait trahis auprès de Jedusor, volontairement ou sous la contrainte. Dans tous les cas, il a arrangé sa propre mort après la chute de Voldemort, en faisant croire que Black était coupable.

Voilà qui allait certainement faire couler beaucoup d'encre le jour où la nouvelle serait rendue publique dans la presse.

- D'accord… et est-ce que tu as au moins une piste ? Retrouver un gars qui a disparu pendant aussi longtemps… c'est soit parce qu'il est très doué, soit parce qu'il est mort depuis.

- Je ne sais pas si doué est le mot exact… mais il a un talent utile dont nous supposons qu'il a fait usage. Pettigrow est un animagus, capable de se transformer en rat.

- Un rat. Répéta lentement Alan. Il a probablement dû se terrer quelque part. Je vais avoir besoin d'aide pour le retrouver.

- L'argent n'est pas un problème… mais j'imagine que tu as besoin de moyens humains ?

- Effectivement, j'aurais besoin de mettre deux… non, quatre personnes dans le secret et de quoi rapatrier deux personnes du Canada par avion.

- Considère que c'est accordé. De qui s'agit-il ?

- Ah ça… tu ne vas pas me croire quand je vais te le dire.

Cela allait devenir une tradition chez eux de voir les morts revenir à la vie, même si ce n'était pas dans le cadre d'une réelle résurrection. Entre son père et Arthur d'un côté et les diables rouges de l'autre… Il devrait avoir de quoi faire.

- Combien de temps avons-nous pour le trouver ?

Un mois ou deux devraient être suffisants, si le sorcier résidait encore sur le territoire britannique.

- Dix jours.

Evidemment, il fallait que ce soit un timing pareil. Le directeur-adjoint les faisait toujours travailler dans des délais impossibles à Hochelaga alors pourquoi en serait-il autrement ici ?

- Très bien. Je vais me mettre au travail… mais j'ai besoin d'un autre petit service pour y parvenir.

- Si c'est en mon pouvoir, je le ferai.

- Oh, je pense que oui. Après tout, tu adores donner des interviews… j'ai besoin que tu passes discrètement une information à la Gazette du Sorcier. Si je ne me trompe pas, ça nous aidera à faire sortir le rat de son trou.


Sirius commençait à s'habituer à ce retour à une vie « normale » ou en tout cas autant que possible quand on avait été emprisonné pendant sept ans dans la pire prison sorcière qui soit. Cela le peinait à le dire mais ses séances avec Cedrella lui faisaient du bien. Il ne s'était pas rendu compte à quel point ces années passées à Azkaban l'avaient affecté mais aussi combien il y avait des choses dans son passé qu'il avait besoin d'exorciser : des traumatismes avec ses parents, sa relation houleuse avec son frère cadet et sa tendance à s'être montré parfois cruel avec des gens… même s'ils l'avaient mérité, Servilus le premier.

Cela avait été particulièrement difficile pour Sirius d'admettre qu'il avait eu tort de le tourmenter autant, ainsi que sa responsabilité lorsqu'il avait failli l'envoyer à sa mort, dans la cabane hurlante où se trouvait Remus sous sa forme de loup-garou. Sans James, il se serait probablement rendu coupable de meurtre au premier degré.

Jamais Black n'apprécierait Rogue, de cela il était certain mais si James avait réussi à se libérer de sa haine à son égard, il devait forcément être capable de faire de même !

Pour Harry et pour lui-même, Sirius avait compris qu'il devait être plus mature. Le processus était douloureusement lent et difficile mais il avait l'impression que ses discussions à Cedrella l'aidaient à remettre les choses en perspective et à prendre du recul. Il s'était déjà laissé piéger par son impétuosité et cela lui avait chèrement coûté, ce pourquoi il s'était juré de ne pas reproduire la même erreur.

Penché sur un livre traitant des grands événements du Quidditch de ce siècle, Sirius fut sorti de sa contemplation lorsqu'un elfe de maison l'informa que sa présence était requise auprès d'un invité au rez-de-chaussée. C'était étrange, dans le sens où son prochain rendez-vous avec Cedrella n'était prévu que d'ici trois jours mais peut-être avait-elle dû l'avancer ?

Descendant agilement les escaliers, il arriva en quelques minutes dans le petit salon. Sa mâchoire manqua de se décrocher lorsqu'il réalisa qui s'y trouvait. Il ne s'agissait pas de sa cousine, ni même d'une femme tout court mais d'un homme qui prit la parole d'un ton ferme et onctueux à la fois.

- Sirius, cela faisait longtemps.

- Grand-père ? Je… oui, ça faisait un bail ! Enfin, je veux dire que ça faisait longtemps, c'est sûr.

Arcturus Black, troisième du nom, patriarche de la Noble et Très Ancienne Maison des Black se trouvait en face de lui, appuyé sur une canne finement ouvragée. Il arborait toujours cet air austère même s'il avait bien vieilli depuis la dernière fois qu'il l'avait vu… plus de dix ans plus tôt. Sirius ne croyait pas l'avoir revu depuis sa fugue lorsqu'il avait seize ans.

- Que… Que faites-vous ici, si ce n'est pas indiscret ? Vous êtes venu voir Charlus ?

- Non, Sirius. Si je suis ici, c'est pour te voir toi. Nous avons beaucoup de choses à voir ensemble.

Sirius comprenait de moins en moins ce qui était en train de se passer et cela devait se voir sur son visage parce que son grand-père esquissa un sourire amusé.

- Des choses ? Quelles choses ? De quoi est-ce que vous parlez ?

- Voyons Sirius, tu es mon héritier… et le futur patriarche de la Maison Black. Si tu veux être en mesure de prendre tes responsabilités, j'ai des choses à t'enseigner.

- Mais ma mère… je croyais…

- Le reniement ? Il n'a jamais été officialisé, ton père et moi-même y avons veillé.

- Je… je ne veux pas…

- Tu ne veux pas mettre toutes les chances de ton côté pour assurer ton acquittement et pour obtenir la garde de ton filleul ? On m'avait pourtant dit que tu y tenais beaucoup.

- Bien sûr que je tiens à lui ! Plus qu'à ma propre vie ! Se défendit Sirius, conscient trop tard de s'être rendu victime encore une fois de son tempérament sanguin.

- Et bien, c'est parfait. Assieds-toi, nous allons commencer par le protocole au regard du reniement et de l'ajout de membres à la famille…

Par Merlin, dans quoi était-il en train de se fourrer ? Il n'avait pas claqué la porte toutes ces années auparavant pour se livrer à une telle torture !

Et pourtant, Harry avait besoin de lui. Par la fourberie de Morgane, il devait se montrer à la hauteur mais pourquoi fallait-il que ce soit toujours des épreuves aussi ennuyeuses ? Comme il regrettait le temps où ils n'avaient qu'à se jeter dans la mêlée et à lancer des sorts sur leurs opposants… Il n'était pas fait pour les batailles d'antichambres ! Il était sûr que ça causerait sa mort un jour.