BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP…

Sept sons. Sept coups. Sept d'entre eux suffirent à réveiller Izuku. Avant que le huitième n'ait le temps de pointer le bout de son nez, sa main s'abattait toujours sur le réveil. C'était une habitude qu'il avait contractée et son corps réagissait chaque matin de la même manière. C'en était risible.

Le regard embué par la fatigue et le corps encore endolori, il peinait à sortir de mon lit mais, au vu des conditions, il ne pouvait y rester. Une douche froide l'aida à se sentir mieux, tout en le débarrassant un minimum des souillures de la veille.

Le jeune garçon s'arrêta un instant pour regarder son reflet dans le miroir. Son visage, d'ordinaire détendu, était marqué par la fatigue accumulée après une nuit difficile, et par de vilaines blessures. Une coupure légère, mais douloureuse, s'étendait du bas de sa joue gauche jusqu'à atteindre dangereusement le bas de son œil gauche. Celui-ci était enflé et marqué par une ecchymose à l'apparence rebutante. Par miracle, malgré les nombreuses contusions laissées par les coups, partout sur son corps, Izuku n'avait rien de cassé.

« Rien que je ne puisse pas corriger avec le baume de soin, pensa le jeune garçon, en passant sa main dans ses cheveux verts.

Après avoir fouillé quelques instants dans une trousse de pharmacie bleue, en dessous de son lavabo, il en sortit le fameux tube de crème. En serrant des dents, il s'appliqua à poser délicatement la patte médicinale sur ses plaies douloureuses. Au bout d'une petite heure, les traces les plus évidentes disparurent sous l'effet de la crème miraculeuse.

Une fois sorti et séché, il se décida à changer les draps de son lit. Cela prit du temps, au point qu'il savait pertinemment qu'il allait être en retard pour le lycée, mais il ne me sentait pas l'envie d'y aller quoiqu'il arrive. En mettant la couverture dans la machine à laver, il aperçut des taches de sang. Une, deux, puis trois. Elles étaient nombreuses.

Depuis longtemps, Izuku avait été traité durement, mais hier soir, la situation lui avait échappé pour évoluer en quelque chose de plus mauvais, de plus violent. Au fond, il savait exactement ce qu'il s'était passé. Il a mis du temps, plusieurs mois, à l'apprendre mais, hier, lorsque Izuku croisa son chemin, Katsuki s'en est rendu compte à cause de l'uniforme que portait le jeune garçon aux cheveux verts. Izuku avait réussi à entrer dans le glorieux cursus inquisitorial, celui qui forme les futurs cadres de l'Inquisition.

Tous les deux sont des amis d'enfance. Depuis leur naissance, lorsque les parents d'Izuku ont emménagé dans le voisinage, ils se sont très rapidement bien entendus avec Mitsuki Bakugō, la mère de Katsuki, une veuve au grand cœur. Puis, lorsque les parents du jeune inquisiteur moururent, dans un accident stupide, c'est elle qui prit soin de lui.

En toute franchise, le jeune homme blond n'était pas quelqu'un de mauvais, au début, malgré un caractère explosif et peu affable. Cependant, il a peu à peu changé en quelqu'un de cruel et violent. Sans qu'Izuku ne puisse faire quoique ce soit, Katsuki Bakugō devint son pire cauchemar.

Il le frappait, l'humiliait, lui faisait perdre la tête. Il souffrit beaucoup, mais pendant longtemps garda espoir que son seul ami ne redevienne comme avant. Bien sûr, cela n'arriva jamais. En dépit du bon sens, son caractère empira considérablement au cours du temps, au point d'en faire un délinquant, violent, arrogant, injurieux, détestable et détesté.

Hélas, même après des années, Izuku peinait toujours à comprendre pourquoi son ami d'enfance le haïssait tant, au point de ressentir le besoin de le faire souffrir, lui qui était l'admirait plus que tout, lui qui voyait en cet autre garçon un modèle à suivre, et bien davantage qu'un ami...

Tout a commencé ce jour où les deux garçons commencèrent à exprimer leurs rêves pour le futur. C'était stupide, ils n'avaient que quatre ans, mais Izuku sentit que quelque chose s'était brisé entre eux.

« Grand Inquisiteur ». C'était notre rêve à tous les deux.

Le Grand Inquisiteur, à la tête de l'Inquisition, décidait de tout dans le pays et le protégeait de la menace que représentaient les altérés, les rares humains ayant reçu un pouvoir à leur naissance. Ils étaient les ennemis de la paix, les ennemis de l'Inquisition. C'est ainsi qu'étaient enseignées les choses, depuis le début. Katsuki voulait devenir Grand Inquisiteur car c'était le poste le plus prestigieux dans notre pays. Izuku souhaitait changer le monde, le rendre un peu plus vivable pour ceux qui souffrent dans l'ombre.

Malheureusement, il n'a jamais voulu rien entendre et s'était opposé à ce que quiconque le concurrence sur un rêve que déjà beaucoup trop de personnes partageait. Dès lors, le harcèlement avait commencé et plus Izuku s'accrochait à ce rêve, plus Katsuki s'acharnait sur lui.

« Tu n'es pas digne de devenir Grand Inquisiteur, Deku. Ces gens sont forts, toi tu es faible. » « Personne n'acceptera d'être sous les ordres d'un Deku. Personne ne t'acceptera, sale faible. »

« Réveille-toi, sale merde. Tu ne seras jamais capable d'arriver à tes fins ! Tu mourras pendant l'examen. »

Le temps était passé, et les deux jeunes garçons avaient perdu contact, laissant à Izuku l'occasion d'enfin respirer. Pendant les dernières années de collège, il s'est concentré corps et âme sur ses études et, finalement, passa l'examen d'entrée avec brio. Il obtint la meilleure moyenne sur les trois épreuves, écrites, orales et physiques, et entra au lycée Shiketsu en tant que représentant des premières années de la section Inquisitoriale.

Puis, ils finirent par se croiser.

C'était un accident, un hasard. Ce jour-là, hier, Izuku était allé au restaurant avec ses amis, à la sortie du lycée. Il n'avait pas regardé devant lui, parce qu'il était occupé à réfléchir à ce qu'il allait faire demain, et lui était rentré dedans. Bien sûr, le jeune garçon s'était immédiatement excusé, mais le moment où ils s'étaient tous les deux reconnus, tout a basculé. Le regard du délinquant, mauvais, sanglant, menaçant, avait rappelé à son corps les coups et les blessures, à son esprit l'humiliation que cet homme s'était efforcé de lui faire ressentir.

Sans rien pouvoir contrôler, Izuku avait ri. Un rire mauvais, haineux, moqueur. Katsuki portait l'uniforme d'une école de ratés, à la réputation infâme. De moins que rien. Alors, c'était normal qu'il le haïsse, lui qui fait aujourd'hui partie de l'élite, n'est-ce pas ? Tu es tombé bien bas, Katsuki. Izuku avait pensé un instant que l'adolescent blond allait se jeter sur lui, mais il n'avait pas bougé d'un pouce. Il était resté, tremblant, sur le bord de la chaussée, tandis que le jeune inquisiteur avait simplement continué sa route, pris de l'indicible sentiment d'avoir fait quelque chose de mal. Un remord.

Puis, le mauvais pressentiment qui pesait sur son cœur s'était avéré justifié lorsque, le soir même, alors qu'il rentrait chez lui, aux alentours du quartier dans lequel se trouvait son appartement d'étudiant, l'autre l'attendait.

Parce qu'il était déjà tard au point que le soleil fut couché depuis longtemps, Izuku eut du mal à apercevoir la silhouette discrète dans la pénombre nocturne. Ce fut sa voix, rauque et furieuse, qu'il entendit en premier.

« Deku… »

Sa surprise passée, Izuku avait reconnu son ami d'enfance. Son regard s'était durci au fur et à mesure qu'il l'avisait. Il avait toujours le même uniforme noir qu'il portait plus tôt dans la journée, mais ne portait avec lui aucun sac ou sacoche dans lequel il aurait pu ranger ses livres et cahiers de cours.

Katsuki l'avait dévisagé avec une expression folle et enragée, que le jeune inquisiteur ne lui connaissait pas. Un frisson avait parcouru son corps, mais il avait continué sa route sans prêter davantage attention au délinquant qui se tenait sur le bord du chemin.

Imprudemment, Izuku l'avait dépassé et lui avait tourné le dos. Aussi, il n'avait eu que le temps de sentir la main du blond le retenir par son épaule avant recevoir un coup violent à la tête qui le mit à terre. Katsuki Bakugō avait attrapé le couvert métallique d'une poubelle qui se tenait proche et l'avait jeté avec force au visage d'Izuku.

Immédiatement, l'adolescent avait senti son visage le bruler et avait relevé des traces de sang y en passant sa main. Katsuki ne l'avait pas raté.

« Ton arrogance dépasse les limites du raisonnable, Deku. Je crois qu'il est temps que quelqu'un te remette à ta place... »

Izuku réprima un haut-le-cœur en pensant à ce qu'il s'était passé ensuite. À terre, sonné, il n'avait rien pu faire pour se défendre contre l'autre. Katsuki s'en était donné à cœur joie. Les coups et insultes avaient plu jusqu'à ce que le blond arrêté de lui-même.

« Ça t'amuse de jouer aux inquisiteurs ? Avec vos jolies capes et votre air arrogant, vous me dégoutez. J'espère que tu crèveras comme un chien. C'est tout ce que tu mérites. »

Une fois qu'il fut parti, plusieurs heures passèrent avant qu'Izuku ne puisse se relever et se trainer jusqu'à son appartement. Une fois arrivé, il s'était écroulé sur son lit, à bout de forces.

Izuku s'assura une dernière fois qu'il ne restait aucune trace visible des évènements de la veille. Après un sourire douloureux, il se décida à aller en cours.

« Katsuki, pourquoi… »

Bien sûr, personne ne lui répond et c'est au silence que ses paroles font écho, tandis que la porte se referme lourdement derrière lui.