Note de l'auteur : Moi, poster des trucs à 1h du matin ? Nooon. J'oserais pas. Cette deuxième partie est encore plus longue que la première... mais j'espère que vous l'apprécierez quand même !
Encore un grand merci à Jeremy pour son aide ! x3


My wedding song!
Partie 2

De toutes les nuits qu'il avait passées dans le lit de son… well… plus vraiment juste « meilleur ami », ce dut bien être la première, étonnamment, à l'issue de laquelle Hizashi s'éveilla avec Shouta pratiquement allongé sur lui. Il avait balancé un bras épais en travers de son torse et l'autre homme pouvait l'entendre ronfler doucement dans le silence de la chambre, le visage enfoui contre son épaule, un spectacle qu'il trouva presque… mignon.
Il ne faudrait pas qu'il en parle à voix haute, bien sûr, mais oui, ça avait quelque chose de plaisant, de se réveiller ainsi blotti contre son compagnon qui lui tenait chaud – et qui ne se plaignait pas (encore) d'avoir ses cheveux blonds dans les yeux ou qu'il prenait toute la place ou qu'il faisait trop de bruit en respirant. Tellement plaisant, à vrai dire, que même s'il était plutôt du matin Hizashi ne se voyait pas bouger dans les dix, vingt ou cinquante prochaines minutes ; et lorsqu'il laissa ses longs doigts se poser sur l'avant-bras de Shouta pour s'amuser à tracer des motifs abstraits entre ses poils sombres il songea que, s'ils se mariaient, ce serait probablement comme ça tous les jours. Ou presque. Tous les week-ends, au moins.

Alright.
Peu importe ce qu'avait dit Shouta, leur « amitié » ne se remettrait jamais de ça, pas vrai ?
Ça n'étant pas le fait qu'ils avaient passé la nuit ensemble ; ça étant le fait que Shouta, son meilleur ami de toujours, son partner in crime qu'il adorait plus que chacune de ses cordes vocales, son Shouta, quoi, dormait pelotonné contre son épaule après qu'Hizashi lui a fait l'amour et oh my god son cœur battait la chamade à cette idée.

Il ressentait des choses pour Shouta.
Enfin ! Il avait toujours ressenti des choses pour lui. De l'amitié, par exemple. Et il le considérait encore comme un ami. Mais en plus de cela, il était à l'aise avec lui, heureux même, le temps passait tellement vite quand ils étaient ensemble – et puis il aimait l'embrasser, il aimait le sentir contre lui, parfois même il le… désirait. Comme hier soir.

Argh, mais comment il était censé faire pour se convaincre qu'épouser Shouta était la pire des idées qui soient, maintenant ?!

« Qu'est-ce que tu fiches », entendit-il soudain la voix rauque du principal intéressé maugréer contre son épaule. Il sursauta, surpris, et se rendit compte que ses doigts n'avaient pas cessé de caresser la peau de son compagnon.
« Je joue avec ton bras, répondit-il alors, le plus naturellement du monde. Ça me semblait plutôt évident.
Hngh. »

Aah, la très célèbre efficacité Shouta avant treize heures le week-end. Toujours un chef-d'œuvre d'énergie et de passion à admirer sans retenue-
Et Hizashi s'en serait délecté ce matin encore, probablement, s'il n'y avait eu son corps tiède pressé contre le sien, son souffle chaud contre la peau nue de son épaule, le poids de son bras puissant autour de lui.
Se réveiller tous les matins comme ça… Fuck, ce serait le rêve. Et s'ils se mariaient, ce serait la réalité.

… Pourquoi est-ce qu'il tenait tant que ça à se marier, en fait ?
Il voyait deux réponses à la question.
Réponse number one : le blabla habituel, parce que le mariage, c'était la consécration de longues années d'amour, la définition même de plus ultra appliqué à la romance, et cetera et cetera. C'était vrai quand il avait seize ans et qu'il rêvait d'emmener le grand amour de sa vie faire le tour du monde pour lui demander sa main au sommet de la tour Eiffel, d'accord. Mais aujourd'hui, à trente ans, avec trois jobs qui lui prenaient presque tout son temps, un caractère bruyant qui faisait fuir tous ceux dont il se rapprochait, et son appartement toujours tellement désespérément vide qu'il se sentait obligé de le remplir avec de la musique à toute heure, peu importe que ça insupporte les voisins…
Réponse number two : il se sentait seul. Probablement. Terriblement seul, même. Ce qui était un peu pathétique, d'accord, voire carrément la lose- mais Shouta aussi était seul. Et il avait de l'amitié pour lui. De l'affection, aussi. Du désir, comme établi précédemment. Alors-

« Bon ! s'exclama-t-il, soudain décidé. Tu sais quoi, Shouta ? »

Sa détermination vacilla légèrement lorsqu'aucune réponse ne lui parvint – il ne s'était quand même pas déjà rendormi, si ? –, jusqu'à ce qu'un nouveau grognement ne s'élève de la masse immobile contre lui.

« J'ai… J'ai bien réfléchi, poursuivit-il donc, les sourcils froncés. Et c'est d'accord. On peut se marier. Si tu veux. »

À nouveau, grand silence.
C'était… pas forcément bon signe, ça, non ?

« … Pfft. Je suis si exceptionnel que ça au pieu ?
– Hé, c'est pas ce que je voulais dire ! Enfin, pas que tu sois pas un bon coup, mais- »

Plutôt le contraire, même ; mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que, déjà, il sentait son compagnon poser ses lèvres contre son épaule, le faisant taire d'un coup, et puis…
Sourire.
D'un sourire rapide, silencieux, presque imperceptible… mais il souriait. (Ou plutôt, il osait se moquer de lui, oui !)


Et donc, ils avaient bel et bien décidé de se marier, finalement.
Le point de vue de Shouta sur la question n'avait pas changé d'un demi-poil ; quant à Hizashi, s'il y réfléchissait un peu trop sérieusement, ça lui paraissait parfaitement dément, crazy as hell, mais son compagnon n'arrêtait pas de lui dire que le sérieux, ça ne lui réussissait pas, alors il s'efforçait de lâcher l'affaire.
Ce n'était pas comme s'ils ne formaient pas un couple tout à fait compatible et fonctionnel, de toute manière. Il l'avait déjà constaté et il se l'était déjà prouvé tout seul de très, trèès nombreuses fois.

« Il nous faut une date pour la cérémonie », commença Shouta un soir qu'ils se reposaient ensemble sur son canapé. Il ne leva même pas les yeux de son roman, planta tout juste deux de ses doigts dans le mollet d'Hizashi (qui avait étendu les jambes sur ses genoux) pour attirer son attention ; puis il lui jeta un regard sérieux. « Et une idée du nombre d'invités.
– Hmm… »

Un instant perdu dans ses pensées, le blond grimaça et se mit à fixer le plafond.

« Nos collègues de l'école, finit-il par répondre, tout en tendant un bras pour pointer son futur époux d'un nouveau doigt à chaque catégorie. Et mon équipe à la radio ! Plus les membres de nos agences ! Ah, et la famille, aussi, évidemment. Tes parents, ma mère, ton oncle et ta tante, tes cousins, mon cousin – tu sais, celui qui habite aux États-Unis –, ma grand-tante, ma grande-cousine du troisième degré- »

Sentant peser sur lui le regard désapprobateur de l'autre homme, il eut la présence d'esprit de s'arrêter de lui-même dans son énumération et de lui jeter un coup d'œil interrogateur.

« J'ai une meilleure idée », fit alors Shouta, posant la main sur l'un de ses mollets dans un geste… machinal ? ou bien tendre ? No idea. « Toi, moi, le type de la mairie, et c'est tout. »

Il n'en fallut pas plus pour qu'Hizashi se redresse d'un bond, la brusquerie du mouvement envoyant voler quelques longues mèches blondes le long de son visage.

« Hell no ! s'exclama-t-il. On va quand même pas inviter personne !
– Pourquoi pas ? » Comme toujours, il fallait bien plus que de quelques éclats de voix et d'une mimique décontenancée – même parfaitement réussie et convaincante ! – pour déstabiliser Shouta. « On fête ça au bar à ramen après et on en parle plus. »

Mais… no !
Autant il voulait bien reconnaître que peut-être, oui, éventuellement, inviter l'intégralité du pays à leur mariage n'était pas nécessairement la meilleure des idées ; autant une cérémonie sans le moindre invité, personne pour le voir s'unir à son meilleur ami de toujours, pas de show, ça lui semblait juste… super triste !

« … Il faut qu'on trouve un compromis ! finit-il par dire, très intelligemment.
– Hizashi, nous sommes des héros, je te rappelle. Les journalistes. »

… Oh.
Il n'y avait pas pensé, sur le coup, mais c'était vrai : si la rumeur se répandait qu'un super-héros de sa renommée, le grand Present Mic se mariait, forcément, les médias allaient rappliquer. Et en sa qualité de héros underground, ombre parmi les ombres, Shouta… déjà qu'il tenait l'idée même de passer à la télévision en horreur, ça pourrait en plus être dangereux pour lui. Si l'un de ses nombreux ennemis apprenait, quelque part, qu'ils fêtaient leur union et décidait de venir jouer les trouble-fêtes ou, par la suite, d'en attaquer un pour atteindre l'autre…
D'un coup plus sérieux, Hizashi fronça les sourcils, et se rapprocha de Shouta jusqu'à pouvoir poser la main sur la sienne.

« Juste nos familles, alors ? proposa-t-il.
– Avec nos collègues de Yuei, ajouta son compagnon en entremêlant leurs doigts. Et quelques amis, à la rigueur, mais uniquement des gens dignes de confiance. »

Le blond hocha la tête.
Et c'est tout ce qu'il leur fallut pour que, quelques jours plus tard, ils parviennent à une liste d'invités plus qu'acceptable : il y avait encore quelques noms qu'ils hésitaient à y ajouter ou à en retirer, bien sûr (notamment cette ancienne voisine d'agence que Shouta refusait de voir alors qu'Hizashi, lui, la trouvait plutôt fun), mais au moins ils se retrouvaient avec un nombre de convives approximatif. À savoir, une cinquantaine de personnes.

À partir de là, la date et le lieu de la réception s'imposèrent d'eux-mêmes : dans plusieurs mois, pour avoir le temps de s'y préparer, et…

« Pas de foire.
Right ! Le mot d'ordre, c'est la discrétion ! »

Shouta ne fit même pas l'effort de retenir un rictus amusé, le bougre – mais si Hizashi prit deux secondes pour le gratifier d'une moue vexée, cela ne changeait rien au fait que leur réception se tiendrait au restaurant, et qu'il pensait déjà savoir lequel.


Quelques semaines et quelques longs, longs coups de fil et discussions plus tard, leur décision fut enfin prise : leur mariage aurait lieu au mois de février, le samedi 19 plus exactement, puis leurs invités et eux-mêmes se rendraient dans ce joli restaurant avec vue sur la mer pour y faire la fête jusqu'au bout de la nuit-
Enfin. Hizashi était tout à fait motivé à s'amuser toute la nuit, lui, dans le genre, let's party all night long !, mais il doutait que ce soit le cas de son… cher et tendre futur époux présentement penché sur les dossiers de ses élèves depuis une heure et demie.

Whatever. Shouta n'en avait pas l'air, comme ça, avec sa tête d'endormi vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais il se donnait à fond dans son job, non, ses jobs – alors il avait de quoi être fatigué. Le connaissant, il n'allait probablement même pas vouloir qu'ils partent en lune de miel avant les vacances scolaires ; tu parles d'un workaholic en puissance !

« Shouuutaaa, lui lança-t-il, le ton énergique mais la voix pas suffisamment forte pour le prendre par surprise. Je vais appeler la mairie et le resto ! »

L'autre homme ne s'embarrassa pas d'autre réponse que d'un vague hochement de tête, assorti d'un grognement plutôt approbateur, mais Hizashi ne s'en offusqua pas. Il était de bonne humeur, de toute façon – la perspective de son mariage avec Shouta le mettait de bonne humeur. C'était un peu difficile à expliquer, mais à chaque fois qu'il y pensait avec son âme et pas avec sa tête, c'était juste… yeah, quoi !
Il avait trente-et-un an depuis peu, et après des années et des années de malédiction en amour il allait enfin se marier. Avec son meilleur ami. La personne à qui il tenait le plus au monde, même. Juste… Shouta, avec ses petites manies qu'il connaissait par cœur et sa personnalité, tout ce qu'il était, si différente de la sienne et pourtant si compatible.

Il s'empara de son téléphone le sourire aux lèvres et en fredonnant un air joyeux.
Et puis, l'espace d'un instant, tandis qu'il tapait le premier numéro qu'il devait appeler, il se dit que ce serait quand même vachement chouette que Shouta ressente la même chose – et il s'arrêta net. Wait. Et si Shouta ne ressentait pas la même chose ?

« … Shouta ? osa-t-il demander, le ton un peu moins assuré qu'à son habitude. Tu… es sûr que tu veux faire ça, hein ? »

Après tout, à partir du moment où il aurait effectué ces réservations, ce serait difficile de revenir en arrière-

« Oui. »

Aussitôt, le blond se sentit laisser échapper un soupir. Alright. Tant mieux.
Installé à la table de la cuisine, l'autre homme posa son crayon un instant, le temps de relever sur lui deux yeux sombres.

« Les réservations, ça s'annule, si jamais, ajouta-t-il. Et dans le pire des cas, on pourra toujours divorcer.
– Hein ?! » Hizashi écarquilla les yeux. « J'ai pas l'intention de t'épouser pour divorcer juste après ! What the hell, Shouta ! Toi et moi, c'est pour la vie, baby ! »

En réponse, il ne reçut qu'un sourire amusé, moqueur, mais aussi étrangement satisfait – c'est alors qu'il comprit que son compagnon plaisantait, et il fit la moue.

« Content de l'apprendre », commenta simplement Shouta avant de s'en retourner à son travail.


Une fois la mairie contactée et le restaurant réservé, en fait, Hizashi eut la surprise de se rendre compte qu'il ne leur restait… plus tant de choses que ça à préparer.
Ils avaient encore six mois à attendre, d'ici au mariage, et il s'était renseigné, il avait bien réfléchi même : la nourriture, ce serait le restaurant qui s'en chargerait, tout ce qui était photo et vidéo, malheureusement, mieux valait éviter (si ça fuitait, ce serait terrible), et pour la musique, il ne faisait aucun doute que Shouta le laisserait préparer la playlist… ou plutôt, qu'il s'insurgerait si Shouta ne le laissait pas préparer la playlist.
Mais son Shouta était un chic type, donc il le laisserait préparer la playlist. Obviously.

Ne restaient donc que le gâteau, la déco, les invitations et tout ce qui avait trait à leur propre tenue. Aka, des trucs dont son futur époux se fichait sans doute éperdument.

… Comme s'il allait le laisser passer à côté de tout le fun de l'organisation de leur grande fête rien qu'à eux, mais bien sûr !
Non, seriously, hors de question qu'il choisisse toute la décoration tout seul – même si parcourir les sites web et les catalogues à la recherche des meilleures idées, c'était l'éclate, il ne se voyait pas ne pas demander l'avis de Shouta. Alors c'est précisément ce qu'il fit : il partit à la chasse aux concepts de son côté, puis il les présenta à l'autre homme. À n'importe quelle heure du jour et de la nuit.

Le soir, en sifflotant, pendant que Shouta cuisinait et qu'il ne l'aidait pas, par exemple. Ou le matin, au réveil, quand Shouta n'avait pas les yeux en face des trous. Ou en pleine journée, même, à la pause en salle des maîtres-
Et si son compagnon se contenta de lui répondre d'un grognement satisfait ou désapprobateur, tout d'abord, il ne tarda pas à en avoir… disons, un peu marre. To be expected, songerait d'ailleurs Hizashi lorsqu'il prendrait le temps d'y repenser en mettant de côté son excitation à l'idée de préparer la plus grande et la plus belle cérémonie romantique de sa vie.
Toujours est-il qu'il aurait dû s'y attendre. Vraiment.

« Hey, Eraser ! l'appela-t-il pour attirer son attention, tout en le rattrapant dans les couloirs de Yuei. Regarde, et un gâteau comme ça, ça te dit ? »

Shouta avait déjà refusé le gâteau en forme de guitare électrique, la pièce montée recouverte de piques (avec effet métallisé !) et celle parsemée de notes de musique – mais à coup sûr, un immense gâteau représentant le visage d'un chat, ça devrait lui plaire, non ?
… Malheureusement, le regard qu'il lui jeta – sans même avoir posé les yeux sur l'écran du téléphone qu'Hizashi lui tendait, cela dit – était sans équivoque. Et la réponse était non, avec un supplément de tu as trente secondes pour dégager avant que je t'étrangle.

« Hizashi, murmura-t-il entre ses dents, l'agacement évident dans sa voix comme dans toute son attitude. Tu as vraiment l'intention de m'épouser pour tenir notre promesse, ou bien c'est juste pour planifier cette foutue cérémonie ? »

Sa première réaction fut : ouch. Okay, c'était pas très sympa, ça – refroidi, il eut même un mouvement de recul.
Mais la seconde- oh, la seconde-

Aucun des deux, abruti ! eut-il envie de hurler, tellement fort qu'il se sentit serrer les poings. Je veux t'épouser parce que je t'aime !

Wait.
Parce que… je t'aime… ?

Oh for the love of everything holy, pourquoi fallait-il toujours, toujours, toujours qu'il ait ce genre de révélations super importantes dans les moments les moins opportuns – comme ceux où il était en train de se disputer avec l'homme dont il venait de comprendre qu'il était amoureux, par exemple ?

Dépité, déboussolé, en colère contre lui-même et contre Shouta mais surtout contre lui-même, il écarquilla les yeux, fronça les sourcils, desserra les poings, grimaça, se défit de sa grimace, resserra les poings-

« … Les deux ! finit-il par lâcher, ne serait-ce que pour sauver les meubles. Je vois pas ce qu'il y a de mal à faire d'une pierre deux coups, et à s'amuser en faisant ce qui doit être fait !
– Eh bien amuse-toi tout seul. »

Shouta ne lui laissa pas le temps de répondre avant de tourner les talons. Et juste comme ça, il resta seul dans le couloir, aussi pathétique qu'un lama sous la pluie et parfaitement incapable de faire quoi que ce soit sinon regarder son futur époux – et meilleur ami, et personne la plus importante dans sa vie, et homme qu'il aimait, for fuck's sake – s'éloigner.


Ce n'était pas la première fois qu'il se prenait le chou avec Shouta, évidemment. Depuis seize ans qu'ils se connaissaient, et étant donné les différences entre leurs personnalités, ils étaient d'ores et déjà passés par à peu près toutes les disputes possibles et inimaginables – des petites prises de bec parce que l'un était trop mou ou l'autre trop bruyant aux plus grosses embrouilles dont la résolution avait même parfois nécessité l'intervention d'un ami commun.
Cela dit.
C'était la première fois qu'il se prenait le chou avec Shouta alors qu'ils étaient censés se marier dans moins de six mois et qu'il venait de se rendre compte qu'il l'aimait. (Bon, okay, la situation actuelle était sans doute un peu trop spécifique pour avoir eu l'occasion de se présenter précédemment.)

Comme ils sortaient ensemble mais qu'ils n'étaient pas techniquement en couple, et comme il squattait chez Shouta depuis de longues semaines mais qu'ils ne vivaient pas officiellement ensemble, il hésita un peu à attendre son compagnon à la fin des cours, ce jour-là. Shouta vint, cependant – et le trajet en voiture jusqu'à son appartement se fit dans le silence le plus complet mais il ne demanda pas à Hizashi de s'en aller.
Ce qui était un bon point. Carrément un bon point. Dans l'état où étaient les choses, il n'était pas sûr qu'il supporterait que l'autre homme lui demande de partir, à vrai dire. L'état en question étant le fait qu'il l'aimait, bien sûr.

Parce qu'il l'aimait.
Oui, il avait conscience qu'il se l'était déjà dit au moins quatre-vingt-six fois, merci. Mais il ne pouvait rien y faire ! Maintenant qu'il y pensait, il se trouvait tellement- tellement- tellement stupide ! Bien sûr qu'il aimait Shouta, mais bien sûr qu'il l'aimait comme un amant et pas uniquement comme un ami – cette compatibilité ne leur venait pas de nulle part, enfin, et le plaisir qu'il avait à le prendre dans ses bras, à l'embrasser, à le faire sourire ou gémir ou froncer les sourcils ou, juste, regarder dans sa direction- !

Il l'aimait.
Problème : s'il avait des doutes quant aux sentiments de son compagnon, ce dernier lui avait à nouveau très clairement fait comprendre qu'il ne l'épousait, lui, que pour tenir leur promesse. Les baisers, les gestes tendres ? Des petits désagréments dont il s'accommodait, probablement. La cohabitation ? Un avantage – c'était toujours agréable, d'avoir quelqu'un avec qui se partager les tâches ménagères et autres corvées. Le sexe ? Un bonus plutôt sympa, rien de plus.

Argh, mais quelle galère !
C'était tellement compliqué, à vrai dire, que ça commençait à affecter leur collaboration au lycée – et évidemment, il n'en fallut pas plus que pour que certains de leurs collègues ne le remarquent. Une collègue en particulier, en fait.

« Hé, Mic, chouchou », l'appela-t-elle quelques jours plus tard, alors qu'ils se trouvaient seuls en salle des professeurs… parce que Shouta corrigeait ses copies dans sa classe ou en salle de repos, désormais. Hizashi eut à peine le courage de regarder Midnight lui emprunter sa chaise pour s'installer à côté de lui. « Il s'est passé quelque chose, avec Eraser ? Vous avez rompu ? »

Sorry, what?
Son ébahissement dut se lire son visage – forcément, puisque toutes ses émotions se lisaient sur son visage ! –, car sa collègue écarquilla légèrement les yeux.

« C'était une relation purement physique, et l'un de vous a développé des sentiments pour l'autre ? Oh, mince.
– Mais non ! » Il se redressa brusquement, les poings serrés. « Enfin si, peut-être, mais pas comme ça ! Ce- Ce que je veux dire, c'est que c'est super compliqué !
– … C'est exactement en ces termes que je décrirais une relation entre sex friends qui a mal tourné, mais si tu veux m'expliquer, je t'écoute. Tu sais que tu peux toujours compter sur moi pour te consoler si jamais, Mic. »

Tout en parlant, elle croisa les jambes et déposa sagement (si tant était que l'adjectif de sage puisse vraiment être associé à une héroïne telle que Midnight) les mains sur ses genoux ; puis elle ponctua sa proposition d'un sourire lourd de sens qu'Hizashi choisit – sans doute avec raison, pour une fois – d'ignorer.
Malheureusement, il ne pouvait pas faire de même du regard qu'elle lui jetait à présent ; zut, il en avait encore trop dit ! Maintenant, il allait être obligé de tout lui raconter, et…

« Okay, okay, finit-il par soupirer en rendant les armes, les paumes levées. Pour commencer, disons queee… on va se marier ? »

Enfin, si ça tient toujours, voulut-il ajouter – mais sa collègue ne lui en laissa pas le temps, l'air surpris, puis indigné, puis presque en colère et exigeant qu'il lui raconte absolument tout et dans les moindres détails.
Alors il lui raconta : la promesse, Shouta qui voulait la tenir tout d'abord, lui qui avait longtemps hésité, leur décision de vivre ensemble, leur compatibilité… Bon, il fit exprès d'omettre tout ce qui avait trait à leur intimité, bien sûr, parce qu'il se passerait avec grand plaisir des commentaires de l'experte sur la question, thanks but no thanks – mais l'organisation de leur union à venir, leur dispute, le fait qu'il l'aimait ! Que Shouta ne ressentait probablement pas la même chose, aussi ; qu'ils étaient en froid pour une bêtise, mais qu'Hizashi ne savait pas par où aborder le problème-

Et il n'eut pas besoin de se plaindre bien longtemps, à vrai dire, (bien moins longtemps que ce qu'il aurait aimé, même), pour que son amie lui trouve une solution de génie.
Enfin.
« De génie », c'était vite dit. Une solution, en tout cas. Une solution qui prenait la forme d'une soirée dans un restaurant de la ville plutôt tranquille, accompagnés de tous les professeurs de Yuei que l'invitation intéresserait. Shouta n'était pas fan de ce genre de sorties, clairement pas, mais aussi bizarre que cela puisse paraître, il accepta lorsque Midnight lui en parla – et donc Hizashi n'eut qu'à attendre le soir même pour se retrouver attablé avec ceux de ses collègues qui avaient pu se libérer, en face d'une Nemuri qui lui jetait des regards lourds de sous-entendus (même si la plupart signifiaient tu t'es encore fourré dans un sacré pétrin, chéri des îles) et… à côté de Shouta.

Car oui, pour une raison qui lui échappait, Shouta avait consenti à s'asseoir à côté de lui.
… Bon, pour ne lui adresser la parole que lorsque c'était absolument nécessaire. De tout le repas, à vrai dire, il ne lui parla que pour lui demander de lui passer le sel et lui proposer de l'eau – en dehors de ça, il passa la soirée à échanger quelques commentaires avec All Might, qui avait l'air à peu près aussi mal à l'aise qu'Hizashi l'était, et…
Raah, it sucked! C'était complètement pas cool, il n'avait pas d'autre mot ! Le truc le plus frustrant du monde ! Que de se trouver là, l'épaule effleurant presque celle de l'homme qu'il aimait, et pourtant Shouta tournait la tête sitôt qu'Hizashi osait un regard dans sa direction – il n'en pouvait plus ! Il voulait bien avouer qu'il n'était pas très mature lui-même, mais sincèrement, une attitude pareille, c'était-

Alright, il n'arrêtait pas de froncer les sourcils depuis dix minutes au moins, et l'agacement qu'il ressentait commençait à transparaître dans son attitude et dans ses mots. Ça n'allait pas le faire ; il fallait qu'il se calme. Du genre, one, two, one two, inspiration à fond puis expiration-
Ça ne fonctionnait pas. Rien à faire.
Alors il déposa les armes, ferma les yeux, rien qu'un instant, et se leva de sa chaise.

« Sorry, everybody! lança-t-il à la cantonade, mais pour une fois sa bonne humeur et son énergie sonnaient clairement feintes, et il remarqua bien que ses collègues n'étaient pas dupes. Je vais prendre l'air un moment, mais pas de panique, je reviens après la coupure pub ! »

Tout, vraiment, pour s'éloigner de Shouta un moment. Le laisser respirer, et se laisser respirer lui-même, d'ailleurs ; l'ambiance était juste… trop pesante, et Hizashi n'avait jamais été bien doué pour régler les problèmes par lui-même.
Avec un long soupir et la moue dépitée, il se laissa tomber plus qu'il ne s'appuya contre la devanture du restaurant et leva les yeux au ciel. En temps normal, il aurait trouvé ça super joli et romantique, l'odeur de la nuit et les lumières de la ville qui brillaient dans le ciel noir – mais il n'était pas franchement d'humeur à trouver quoi que ce soit romantique. Pas quand il était en froid avec l'élu de son cœur pour… pour quoi, au fait, déjà ?
Un truc stupide, probablement. C'étaient toujours des trucs stupides.

« Hizashi. »

Oh. Cette voix.
Pris au dépourvu, le blond écarquilla les yeux et tourna la tête, pour se reprendre et récupérer une moue au moins un peu vexée au dernier moment. Sans lui offrir plus qu'un léger haussement du sourcil gauche, Shouta vint s'installer à côté de lui, évidemment – mais ce n'était pas parce qu'il faisait l'effort de s'approcher un minimum de lui après trois jours de relations tendues qu'Hizashi allait tout de suite lui pardonner son comportement de la soirée, merci bien.
Well.
Il devait s'en douter, car il resta longtemps debout à côté de lui, immobile et silencieux, les bras croisés, sans lui adresser la parole ni le regarder. Et puis, lorsqu'il eut entendu la respiration de son compagnon se calmer un peu, sans doute, ou juste lorsqu'il se sentit prêt, il soupira à son tour.

« Nous sommes de parfaits abrutis, dit-il, comme si c'était une évidence.
– … Pardon ? » Hizashi grimaça, pas sûr que ce discours lui plaise (ce n'était pas exactement le genre d'excuses qu'il attendait, en fait), mais Shouta n'en tint pas compte.
« J'aurais dû faire preuve de plus de patience, finit-il tout de même par admettre. Je suis désolé. Et pour ce soir, aussi. »

Oh…
Il n'était pas rare que Shouta assume ses erreurs, parce que c'était quelqu'un de responsable, mais dans une situation comme celle-ci… L'autre homme sentit son cœur flancher et un faible sourire courber ses lèvres. Ça lui faisait un peu mal de l'admettre, bien sûr, mais… si Shouta prenait la peine de faire le premier pas…

« Et moi, je sais très bien que mon enthousiasme peut être un peu lourd, parfois, avoua-t-il à son tour. Ugh! Je suis… sorry. Vraiment. »

La réponse se fit attendre. Et puis-

« Et donc, nous sommes de parfaits abrutis. »

- mais le ton amusé, légèrement. Et les doigts froids qui effleurèrent les siens avec une tendresse qui serra sa poitrine et lui donna envie de rire aux éclats.

« … Oui. » Il laissa s'écouler une seconde, encore, avant d'entremêler ses doigts à ceux de Shouta et de récupérer toute son énergie, définitivement. « Yoosh ! Allez, Eraser, retournons montrer à nos chers collègues de quoi de véritables best friends sont capables !
– … Tu as conscience qu'il ne s'agit pas de super-vilains à arrêter ? »

Lorsqu'Hizashi l'attira à l'intérieur du restaurant, la main toujours dans la sienne, il ne protesta pas, cependant ; et il n'en fallut pas plus pour que la soirée ait enfin l'occasion de se terminer bien mieux qu'elle n'avait commencé.


Alors bien sûr, en bons « parfaits abrutis » qu'ils étaient, ils oublièrent totalement de se lâcher la main avant de rejoindre la table où se trouvaient toujours les autres professeurs de Yuei, et ils s'attirèrent plus d'un regard curieux en revenant enfin réconciliés-
Mais ce n'était pas forcément plus mal, en fait. Parce qu'au lieu de le lâcher en vitesse, de faire comme si rien ne s'était passé, de lui jeter un regard noir ou de lui reprocher le fait que leurs collègues savaient, sans doute, maintenant – Shouta resserra l'emprise de ses doigts gelés sur les siens et, jetant un regard morne à leurs compagnons de table, annonça platement :

« Oui, pour ceux qui n'étaient pas au courant, nous allons nous marier. En février. »

And. Like. Wow.
C'était la déclaration la moins énergique du monde, en toute franchise, mais il n'en fallut pas plus pour remplir d'un coup toutes les jauges d'hystérie qui palpitaient au sein du cœur d'Hizashi ; parce que Shouta allait bel et bien l'épouser ! Cette dispute n'avait pas mis en péril leur promesse ! Enfin, il se doutait bien qu'une simple dispute ne mettrait pas en péril leur promesse, ils s'engueulaient suffisamment souvent pour qu'une petite prise de bec de plus ne représente aucun danger pour leur relation – mais quand même !
Non sans une bonne dose d'enthousiasme (juste comme il en avait le secret, yeah !), il laissa son épaule heurter celle de son futur époux sans ménagement et offrit à ses collègues un sourire aussi fier que satisfait.

« Et vous êtes tous invités, bien sûr ! » ajouta-t-il – puis, sans même réfléchir, il se pencha sur son compagnon et déposa un rapide baiser contre sa tempe, à moitié dans ses cheveux noirs jamais coiffés.

Évidemment, la réaction ne se fit pas attendre : Nemuri siffla, les gratifia même de quelques applaudissements, bientôt accompagnée par plusieurs des autres professeurs, eeet Shouta lui enfonça sans douceur son coude entre les côtes. Ouch.

« Eh bien, Mic, heureusement que tu es là, commenta la jeune femme. On avait jamais vu notre Shouta aussi mignon, avant ! »

Elle pouffa de rire – alors son cher et tendre bien-aimé, effectivement adorable avec son air un peu gêné (et surtout très agacé, mais aussi un peu gêné !), maintenant qu'Hizashi le regardait, lui grogna avec amour qu'il allait l'étriper, et le blond ne put qu'éclater de rire à son tour. Of course.

C'était une bonne soirée, vraiment.
C'est ce qu'il se dit lorsque, bien après dix heures du soir, Nemuri, Shouta et lui furent les derniers à quitter le restaurant ; et ce n'était pas juste parce qu'All Might avait choisi le moment où l'élu de son cœur tentait de l'étrangler pour les féliciter sur la stabilité de leur relation, no sir, not at all ! Ou en tout cas, pas uniquement. Il y avait Nemuri, aussi, qui leur adressa un dernier sourire mi-moqueur mi-attendri, qui lui fit un petit clin d'œil en s'éloignant de son côté – et Shouta. Comme toujours, c'était Shouta.

Il avait la main froide blottie contre la sienne sur le chemin du retour et Hizashi se prit à siffloter joyeusement. Ça faisait longtemps qu'il en avait conscience, mais il adorait tenir la main de Shouta, sentir ses doigts forts et ses paumes rugueuses tout contre la sienne ; tout comme il adorait marcher à ses côtés sous les lampadaires dans la nuit noire. Et lui parler du repas de ce soir, de leurs collègues, de tout ce qui lui passait par la tête jusqu'à ce qu'ils atteignent la gare déserte. Et sentir sa main lâcher la sienne pour qu'il puisse passer un bras autour de sa taille-
Non, okay, screw that, il adorait tout ce que Shouta faisait ou presque, et tout ce qu'ils faisaient ensemble. Ses yeux noirs au regard sérieux, profond, intense. Sa longue cicatrice juste sous le droit. Sa barbe de quelques jours, mal arrangée, pas entretenue, pour dissimuler une peau qu'Hizashi savait douce et pâle-

« Je peux savoir ce que tu fiches ? »

Ah oui, sa voix, aussi. Grave et nonchalante.
Sans que le blond n'ait pu s'en rendre compte, trop perdu qu'il était dans sa contemplation, son compagnon s'était approché, et maintenant leurs nez se touchaient presque ; alors Hizashi inclina le visage et se pencha jusqu'à ce que leurs lèvres s'effleurent, les yeux mi-clos mais toujours rivés dans ceux de l'homme qu'il aimait. Qu'il aimait de tout son être. Juste, so freaking much. Tellement qu'il ne comprenait toujours pas comment il avait pu ne pas le réaliser plus tôt.

« Shouta, laissa-t-il échapper plus qu'il ne murmura, j'ai envie de t'embrasser-
– Tu viens de le faire, abruti. »

Et sans le moindre remords à l'idée de l'avoir interrompu (mais Hizashi s'en foutait un peu, pour être honnête), il élimina à nouveau toute distance qu'il restait encore entre eux deux. Le baiser fut chaste, une simple pression de la bouche de Shouta contre la sienne, et pourtant Hizashi en savoura chaque milliseconde, puis le répliqua encore et encore, jusqu'à ce que leurs lèvres soient humides et leurs souffles courts.
Lorsqu'ils s'éloignèrent un instant, le blond retira ses lunettes et les glissa dans la poche de sa veste – après quoi sa main droite remonta jusqu'au visage de Shouta, l'une de ses phalanges caressa sa joue, son index se glissa sous son menton, et lorsqu'il l'embrassa à nouveau il n'eut qu'à passer la langue sur ses lèvres pour que l'autre homme les entrouvre docilement.

D'ordinaire, ou du moins jusqu'ici, Hizashi avait toujours été du genre à embrasser comme il vivait au quotidien : avec énergie, avec toutes les émotions qu'il ressentait, dans le genre rock'n'roll avec les mains de son ou sa partenaire qui s'attaquaient à sa ceinture en même temps et la tête qui se mettait à leur tourner vite. Mais Shouta préférait à la fougue et à l'excitation frénétique la lenteur, l'intensité – prendre le temps de redécouvrir sa bouche à chaque nouveau baiser, d'avaler ses soupirs, de lui arracher gémissement de frustration après gémissement de frustration…
Et Hizashi ne savait plus où il en était.
Ou plutôt si, au diable tout ce qu'il avait cru aimer jusqu'ici – to hell with it ! –, parce qu'il n'y avait rien de meilleur que de sentir le désir s'accumuler lentement au creux de son estomac ; d'ouvrir les yeux pour trouver Shouta les paupières closes et les joues rouges ; de les fermer pour l'entendre murmurer son prénom avec envie.

« Tu t'améliores », finit-il par souffler, une seconde qu'ils tâchaient tous deux de reprendre leur respiration, et le blond sentit un long frisson le parcourir des épaules au bas du dos.

Puis son meilleur ami- Non, son petit ami- Non, son futur mari glissa sa main gauche entre eux deux, la leva jusqu'à ce que son index se pose contre sa lèvre inférieure, l'empêche de plaquer à nouveau sa bouche contre la sienne, l'oblige à le regarder droit dans les yeux-

« Continue comme ça, et- »

Il ne termina pas sa phrase ; il dut juger plus intéressant de renouer le contact, finalement, et les quelques instants (secondes ? minutes ? whatever) suffirent à sa langue pour faire perdre à Hizashi toute notion de… à peu près tout ce qui existait en dehors de Shouta, à vrai dire.
Lorsque le blond reprit ses esprits, les doigts de son compagnon s'étaient perdus dans le tissu de sa chemise et lui-même était à bout de souffle, les pupilles dilatées et le cœur battant – mais pas parce que chaque parcelle de son corps lui criait de ramener Shouta tout contre lui au plus vite, enfin, pas seulement. Il ne tarda pas à se calmer un peu, d'ailleurs, assez pour appuyer son front contre celui de l'autre homme ; sans pour autant le lâcher du regard.

« Hizashi ? »

Il y avait… tellement de choses qu'il aurait aimé lui dire, là, maintenant. Tellement d'émotions qui se disputaient au creux de ses tripes et dans sa tête. Et pourtant (oui, oui, une fois n'était pas coutume, et lui aussi il se rendait compte de l'ironie de la situation, merci bien), il n'avait pas les mots. Il était sans voix. Lui, Present Mic, l'animateur radio préféré de la jeune génération et de la moins jeune, the one and only voice hero, il était sans voix – what the hell !

Il aimait Shouta. Il en était amoureux fou, même, à chaque jour un peu plus. Et il avait envie de le lui dire – non, scratch that, de le crier au monde entier, sur toutes les ondes et aussi les web radios. Seulement…

Shouta ne l'aimait pas, si ? Ils allaient se marier pour tenir une vieille promesse, c'était tout. Ils vivaient ensemble, ils s'embrassaient, ils faisaient l'amour parce que c'était agréable, rien de plus. Pour ce qu'Hizashi en savait, il était même probable que son compagnon n'ait pas le moindre intérêt pour l'aspect romantique des relations – et donc, hors de question qu'il le mette mal à l'aise avec ses… sentiments.

« Hizashi, à quoi tu joues. »

Il voulut répondre, mais un bruit attira son attention et lui fit redresser la tête. Presqu'aussitôt, il sentit ses yeux s'écarquiller.

« … Wait. Shouta, le train vient de partir sans nous. »


Dans sa conception absolument sensée et réaliste (« inutilement romantique », avait dit Shouta, mais son avis ne comptait pas parce qu'il n'y connaissait rien en romance – c'était le genre de personne à croire qu'il y avait des incohérences dans Titanic, for heaven's sake !) du mariage et de ce à quoi une cérémonie était censée ressembler, Hizashi avait toujours imaginé qu'il ne découvrirait pas son époux ou épouse avant qu'on l'autorise à se retourner devant l'autel et à poser deux yeux émerveillés sur l'amour de sa vie, plus sublime que jamais dans une tenue parfaite, illuminant toute la salle de sa présence-
Un beau rêve qui vola en éclats, toutefois, lorsque Nemuri lui annonça avec agacement que la séance d'essayage à laquelle elle avait traîné de force son cher et tendre s'était révélée plus qu'infructueuse. Non seulement Shouta avait horreur du shopping, mais en plus il ne supportait pas les costumes (ou toute tenue qui ne soit pas sa combinaison de super-héros ou un ensemble du type t-shirt et pantalon de training, actually) ; alors forcément…

Nemuri était catégorique : elle ne se battrait plus avec Shouta, du moins, pas toute seule.
Et donc, mais c'était vraiment parce qu'il aimait son futur époux, like, a whole freaking lot, Hizashi laissa tomber l'idée de découvrir un nouveau Shouta le jour de leur mariage et remonta ses manches pour l'emmener choisir leurs costumes ensemble.

Malheureusement, ce samedi-là ne tarda pas à le trouver lèvre retroussée et sourcils froncés, les mains sur les hanches tandis qu'il jetait des regards noir au miroir devant lui, et son futur époux – qui avait baissé les bras avant même leur entrée dans la boutique – sagement assis quelque part derrière lui. À côté de lui, Nemuri avait croisé les jambes et lui montrait des photos de chatons mignons sur son portable, sans le moindre souci pour la mission d'importance pourtant cruciale qui les occupait présentement.
À savoir : leur trouver un costume à tous les deux pour leur mariage. Dans trois mois à peine, donc.
Et en même temps, malgré son enthousiasme et son énergie à toute épreuve, Hizashi était forcé d'avouer que ce magasin était un peu… lame. Enfin, rien que la playlist qu'ils passaient était catastrophique ! Le volume n'était pas assez fort pour qu'on en profite bien, et puis ce n'étaient que des morceaux sans saveur qui se ressemblaient les uns les autres ! Aucune variété, aucune recherche musicale ! Aucun effort-

Bref, d'un commun accord avec son âme de DJ, il décida d'emmener ses deux compagnons dans une autre boutique.
Puis il s'indigna de voir que tous les costumes disponibles étaient noirs ou gris ou un mélange triste des deux, et chercha encore une autre boutique (franchement, du noir ? No way !) – et finalement la troisième fut la bonne, car il y trouva une tenue qui lui fit lever un sourcil d'appréciation.

« Alors ? » demanda-t-il, fier de lui, une fois qu'il eut enfilé le costume en question – blanc, parce qu'après tout, quelle couleur plus adaptée à un mariage que le blanc immaculé, right ? Bon, il aurait apprécié une petite touche de couleur en plus, mais…

Lorsqu'il se tourna pour jeter un coup d'œil interrogateur au principal intéressé (Shouta, donc, son futur mari, pour ceux qui n'avaient pas suivi, c'était à lui qu'Hizashi avait envie de plaire !), cependant, l'autre homme se contenta de le fixer platement. Ce qui, en langage Shouta, signifiait je m'en fous.
Nemuri eut l'amabilité de se montrer un tantinet plus efficace, heureusement.

« Hm, tourne-toi ? lui lança-t-elle, une ombre de malice dans le regard et dans la voix, et Hizashi s'exécuta. Oooh, c'est bien ce que je pensais, ça te fait un très joli petit cul. Pas vrai, Shouta ? »

Dans le miroir, il la vit mettre un petit coup d'épaule amusé à son futur époux, mais celui-ci se contenta de marmonner quelque chose et de croiser les bras. Cela dit… Il sembla bien à Hizashi qu'il avait l'air un peu gêné ; et il n'en était pas sûr, mais si c'était bien le cas, c'était carrément bon signe, non ? Ne serait-ce que parce que ça présagerait peut-être d'une nuit de noces du tonnerre !

Son sourire retrouvé, il poursuivit les essayages un moment encore, mais son choix était fait, no doubt ; alors il se mit en tête de faire enfiler le même costume à son bien-aimé, mais Shouta refusa parce que le blanc, c'était salissant (mais ça ne le serait pas autant s'il faisait un minimum attention à ses vêtements, aussi ! Enfin, c'était de Shouta dont on parlait, évidemment qu'il allait s'asseoir partout sans faire gaffe à rien), et de toute manière il ne porterait que du noir ou du gris, seulement Hizashi tenaient vraiment à ce qu'ils soient assortis-

Tant et si bien que l'employée du magasin lui apparut presque comme un ange salvateur lorsqu'elle finit, timidement, par leur proposer le même costume que celui d'Hizashi, mais en noir, chemise comprise.
C'était… un bon compromis, étonnamment. Chacun dans la couleur qu'il affectionnait, mais le modèle était le même – et force était d'avouer que le noir allait sacrément bien à Shouta, n'empêche. Ne leur manquait plus qu'un petit détail…

« Excusez-moi, miss ! interpella-t-il la vendeuse. Je peux voir ce que vous avez comme nœuds papillon, s'il vous plaît ?
– Des nœuds papillon ? demanda Shouta, l'air peu convaincu.
Of course, mec ! C'est ennuyant, les cravates ! »

Il ne releva pas, heureusement, et laissa l'autre homme observer l'assortiment à loisir pendant qu'il retournait auprès de Nemuri (et de sa collection de photos de chats, probablement). Cela ne lui prit pas bien longtemps, cela dit – car tout de suite deux modèles attirèrent son regard, et il se hâta de demander à les essayer.
Une seconde, encore, et un nœud papillon doré à paillettes venait compléter son ensemble déjà sublime, tandis que Shouta regardait sans conviction la petite vendeuse l'aider à revêtir le modèle identique, mais de couleur argent. La voilà, la petite touche de folie qu'il leur manquait, le something special qui rendaient leurs tenues magiques ! Et quand il pivota sur ses talons il était sûr qu'il découvrirait son futur mari plus beau que jamais-

oh god. Shouta était… tout ce qu'il avait toujours voulu. Enfin ! Cela faisait longtemps qu'il le savait – mais en ce moment précis, tout particulièrement, avec son air un-peu-gêné-un-peu-agacé dans le costume qu'il porterait à leur mariage, il était-
Hizashi n'avait pas les mots pour le décrire, mais lui-même, en tout cas, il était amoureux. Et la vision qui s'offrait à lui faillit bien faire monter quelques larmes à ses yeux, tandis qu'un large sourire prenait possession de son visage.

« Hizashi ? » l'appela l'autre homme, décontenancé.

Je t'aime, eut-il envie de répondre.
Mais il ne pouvait pas, ne voulait pas le mettre mal à l'aise ; alors il fit un pas dans sa direction, ajusta son nœud papillon avec tendresse, et se pencha sur lui pour l'embrasser jusqu'à sentir sa paume pratiquement s'enfoncer dans son visage.
Ouch, c'était quoi cette trahison ?!

« Shoutaa ! geignit-il aussitôt.
– Pas ici. »

D'accord, c'était vrai, son futur époux avait horreur des démonstrations d'affection en plein jour dans des endroits publics, surtout alors qu'ils avaient des spectateurs (dont Nemuri, présentement morte de rire non loin d'eux), mais…
Enfin.
Ravalant sa moue boudeuse, Hizashi se consola en se disant qu'il aurait droit à tous les bisous qu'il voudrait lorsqu'ils seraient rentrés, sans doute. Et le jour de leur mariage.


Jour qui, à vrai dire, ne cessa plus de s'approcher encore et encore à partir de là – et bientôt tous les invités furent, well, officiellement invités, tous eurent répondu, sa mère lui ayant gentiment demandé au passage comment cela se faisait qu'il ait mis autant de temps à épouser Shouta (et ça voulait dire quoi, ça ?!)…
En bref, tout fut prêt. Ne leur restait qu'à vivre ensemble, semaine après semaine, jusqu'au jour J ; et c'est précisément ce qu'ils firent.

C'était un rêve éveillé, to be honest. To be really freaking honest.
Tous les matins, Hizashi se réveillait aux côtés de l'homme qu'il aimait, superbement mal rasé et tout grognon dans leurs draps défaits, et puis ils se préparaient ensemble : le petit-déjeuner, qu'il s'arrangeait pour que Shouta prenne quitte à le lui servir au lit, la douche, ces moments où ils se brossaient les dents côte à côte dans la petite salle de bain, suivis d'une longue journée à l'école ou au studio ou sur le terrain… Et c'était pénible, des fois, fatigant et interminable, mais le soir le blond rentrait toujours pour retrouver Shouta à la maison, ou l'y attendre, même jusqu'au bout de la nuit, et ensuite ils discutaient ou ils s'embrassaient ou ils corrigeaient des copies ou ils jouaient avec les chats ou ils faisaient l'amour ou ils se disputaient ou ils allaient se coucher sans même s'être dit bonne nuit.
Tout était parfait, vraiment.
Et à chaque fois qu'Hizashi posait les yeux sur son futur époux il sentait son cœur se serrer d'affection à son égard. Il était parfait.

C'était un peu stupide, du coup, ou carrément stupide même, mais il aurait dû le voir venir.

Le jour où ils se retrouvèrent dans la cuisine, Shouta occupé à lire la recette pendant qu'Hizashi épluchait les légumes, et qu'il sifflotait slash fredonnait (oui, en alternant) à bas volume un de ces vieux morceaux de disco qu'il aimait bien lorsque son compagnon se tourna vers lui.

« Je connais ce morceau, lui dit-il. Comment ça va, déjà… »

L'espace d'un instant, il se mit à fredonner à son tour, comme il essayait sans doute de retrouver la suite de l'air ; puis, les sourcils froncés, il dut soudain se rappeler les paroles car il se mit à chanter. Seulement, c'était une vieille chanson, une du genre de celles… qu'Hizashi aimait beaucoup bien sûr, mais dont il ne croyait pas avoir écouté le CD si souvent que ça sur la vieille chaîne hi-fi qu'il avait apportée en emménageant ici… non ?

« Yep, that's it, mais… Comment tu connais les paroles ? demanda-t-il, honnêtement surpris.
– Tu la passais tout le temps à la radio, pendant un moment, répondit son compagnon sans même le regarder. Pendant ton quart d'heure disco ou je sais pas quoi. »

… et Hizashi manqua de se couper avec son économe.
Alors oui, d'accord, le « quart d'heure disco ou je sais pas quoi », c'était en fait la minute eighties, une petite habitude sur Put Your Hands Up! Radio qui consistait à passer un grand classique des années 80 à chaque heure, mais-

« … Shouta. Ça fait quatre ans que je fais plus ça. »

Quatre ans qu'il avait changé la programmation et qu'il ne diffusait donc plus cette chanson régulièrement du tout – mais du coup…
Non seulement Shouta écoutait son émission de radio, mais en plus il l'écoutait déjà quatre ans auparavant ?!

Ils durent s'en rendre compte en même temps, car sitôt qu'Hizashi ouvrit la bouche pour lui poser une nouvelle question son compagnon referma le livre de cuisine d'un claquement sec et lui jeta un regard- pris à défaut. Gêné. Embarrassé. Avec les joues un peu rouges et l'air de ne plus savoir comment se tirer de pareille situation et-
Oh bon sang, Shouta écoutait sa radio. Shouta s'intéressait à son travail. Et Shouta ne voulait pas que ça se sache, mais ça faisait des années, probablement – des années qu'il ne le montrait jamais mais qu'il restait le meilleur ami qu'Hizashi ait jamais eu, le meilleur qu'il n'aurait jamais, et…

« … Je t'aime, tu sais », s'entendit-il dire. « Je t'aime vraiment. »

Il fallut la réaction de l'autre homme pour qu'il se rende pleinement compte de ce qu'il venait d'avouer, en fait.
C'est-à-dire, Shouta écarquilla les yeux, tout embarras envolé, et recula d'un pas et laissa tomber son pauvre livre qui s'écrasa au sol dans un boum disgracieux ; alors seulement le blond lâcha son ustensile et sa patate à moitié épluchée et se mit à agiter nerveusement les bras.

« Enfin, I mean, c'est que-
– Tu… son compagnon le coupa-t-il toutefois. Tu m'aimes. »

C'était… une question. Ou en tout cas, ça en avait l'intonation, vaguement, mais pas la conviction. Et comme Hizashi, paralysé, ne parvenait qu'à fixer l'autre homme avec des yeux grands ouverts de merlan frit et la bouche bée, ils se dévisagèrent pendant de longues, longues secondes avant que l'un d'eux ne finisse par parler à nouveau.
Ce fut le blond – parce qu'une fois qu'il eut à peu près digéré l'information que Shouta savait, maintenant, eh bien… Il fallait bien qu'il essaie de se rattraper. More or less.

« Je… Okay, Shouta, écoute-moi, fit-il, les paumes à nouveau levées et le ton aussi sérieux que possible, même si le sérieux, ce n'était toujours pas son fort. Oui, d'accord, je t-t'aime, sure. Mais on n'a pas besoin d'en tenir compte ! Je suis très heureux avec ce qu'on a maintenant, alors si la romance, c'est pas ton truc, et je sais que c'est vraiment pas ton truc, on n'est pas obligés de changer quoi que ce soit ! Je- Si je peux juste, I don't know, vivre avec toi comme on le fait là, pas besoin que… tu m'aimes en retour… »

Même si ce serait carrément cool, n'ajouta-t-il pas.
De toute manière, ce qui importait, dans l'immédiat, c'était qu'il n'ait pas mis Shouta suffisamment mal à l'aise pour qu'il… s'énerve, se moque de lui, lui mette une baffe, appelle la mairie pour annuler leur mariage, whatever- Aaah, n'importe toi, plutôt qu'il le quitte ! Qu'il le laisse là, dans sa cuisine, avec son livre par terre et sa patate qui avait roulé jusque sous la table, et qu'ils perdent… ça, quoi ! Leur génialissime vie à deux, la coolissime cérémonie qui devait avoir lieu, la fantastiquissime perspective que ça dure forever and ever !

Malheureusement, Shouta était resté immobile en face de lui, le fixant toujours avec l'air un peu ébahi, et ça ne lui disait rien qui vaille.

« Shouta, j'insiste, me déteste pas, s'il te plaît- Écoute, on a qu'à faire comme si j'avais rien dit, alright ? Tu oublies que j'ai parlé, j'oublie que j'ai parlé, de toute manière je fais que ça de ma journée, parler et faire du bruit, tu le dis tout le temps ! Alors un peu plus, un peu moins, c'est... »

Cette fois-ci, par chance, ses mots parurent faire réagir son compagnon ; car il finit par cligner des yeux une fois, deux fois, puis enfin lui répondre.

« … Moi aussi. »

Et quelle réponse.
Hizashi écarquilla les yeux à son tour.

« Comment ça, toi aussi ? »

Du genre, lui aussi il parlait à longueur de journée ? Il avait fichu son meilleur ami en l'air, avec sa déclaration, ou bien ? C'était pas du tout le genre de Shouta, de s'exprimer souvent et d'être super bruyant ! Mais c'était encore moins son genre de dire des choses aussi insensées, alors-

« Non, sombre crétin. » La voix de l'autre homme lui fit redresser la tête et défroncer les sourcils. « Moi aussi, je t'aime. De- Depuis longtemps, même. Probablement. »

Tout en parlant, il avait tourné la tête, et maintenant il camouflait ses joues rouges d'un bras nerveusement relevé devant son visage, une main dans ses cheveux noirs, avec un grognement mi-frustré mi-désespéré mi… content, peut-être, et de son côté le blond ne trouva rien de mieux à faire que de rester complètement abasourdi.
Shouta… l'aimait.

How. Why. Since when.

« … Sorry, what ? demanda-t-il très intelligemment. Attends, tu veux dire que… tu m'aimes aussi ? Pour de vrai ? Depuis le début ?
– … Je viens de te le dire. » Cette fois-ci, l'autre homme leva un sourcil sceptique. « Depuis… Depuis le lycée, en fait. Je – il s'éclaircit la gorge – Je pense. »

Oooooooh my GOD.

« C'est pas possible, Shouta, it can't be ! C'est génial ! Enfin non, c'est pas génial que ça fasse depuis le lycée, parce que je me rends compte que j'ai dû me comporter comme un abruti avec toi tellement souvent, mais… Oh for god's sake Shouta, je- Il faut qu'on se marie. Maintenant. Tout de suite. »

Il en avait les larmes aux yeux.
C'était stupide, parce que c'était six heures et demie un lundi soir et qu'ils étaient en pantoufles en train de profiter qu'ils commençaient tous les deux tard le lendemain pour préparer le repas ensemble, et d'ailleurs Hizashi n'avait même pas pris la peine de coiffer ses cheveux après sa douche et Shouta portait un vieux t-shirt qu'un de leurs chats (leurs chats) avait à moitié déchiré, mais-

Shouta l'aimait et il fallait qu'il l'épouse au plus vite. Il ne pouvait rien y faire, okay ?

Et à en juger par la façon dont son futur mari le laissa l'embrasser juste après, malgré ses remontrances et ses grognements… Deal, baby.


Le soir même, donc, leur passage à la mairie se déroula un peu comme ça :

« Heu, Shouta… rappelle-moi comment on a fait pour obtenir un rendez-vous aussi tard ? »

Hizashi avait pris la peine de mettre quelque chose qui ressemblait à un costume et d'attacher ses cheveux, quand même, mais il n'avait pas l'ensemble qu'il s'était choisi pour la cérémonie et il n'était pas passé chez la coiffeuse, évidemment ; quant à Shouta, il avait appliqué la politique du moindre effort, avec son pantalon et son t-shirt d'état à peu près acceptable enfilés à la va-vite sous son blouson d'hiver.

Mais bon.
Il l'aimait, Hizashi l'aimait, il était magnifique, whatever.

« Facilité scénaristique. Et quelque chose comme quoi on est des super-héros, donc on risque de mourir du jour au lendemain, et cetera. »

Perfect. Il n'y avait pas d'autre terme, vraiment.
Quand Shouta soupira mais qu'il ne put empêcher ses lèvres de s'arquer en l'ébauche d'un sourire rien que pour Hizashi et qu'il prit sa main, qu'il le guida dans le bureau de l'officiant ; quand ils se retrouvèrent assis côte à côte en face d'un homme à l'air aussi épuisé que blasé et qu'Hizashi voulut lui offrir un sourire désolé mais qu'il n'arriva pas à lâcher Shouta des yeux ; et quand ils se dirent oui avec un grand sourire et les larmes aux yeux, même si Shouta essayait de le réprimer et de ne pas le montrer en tournant la tête-
Dans la petite salle clairement prévue pour laisser la place à quelque assistance mais sans personne pour les observer, juste eux, genou contre genou du même côté d'un bureau de bois foncé et leurs doigts fermement entremêlés, sous le regard las d'un employé de la mairie auquel ni l'un ni l'autre n'avait accordé la moindre attention. Shouta dont la main tremblait un peu lorsqu'il attrapa le stylo qu'on lui tendait pour signer les papiers de leur union, de leur union, for heaven's sake, ils étaient sur le point de s'unir à jamais, et-

L'espace d'un instant, Hizashi songea à signer de la main gauche. Puis il se rendit compte que sa signature n'aurait pas de valeur si elle ne ressemblait à rien, alors il se résolut à lâcher les doigts de l'homme qu'il aimait, inspira à fond – à jamais, for better or worse
Mais sa relation avec Shouta n'avait jamais été pour le pire, et l'amour à ses côtés ne présageait que du meilleur.
Alors il signa et tout fut… perfect, simplement.

« Pourquoi faut-il toujours que-, commença Shouta en un murmure lorsqu'ils furent rentrés et que le blond le plaqua contre la porte fermée de leur chambre, que tu m'embarques dans des trucs pareils. »

Pour toute réponse, Hizashi sourit.

« Shoutaaa, fit-il, d'un ton qu'il avait voulu geigneur mais en fait ça n'avait pas marché et en fait il s'en foutait, finalement. C'est comme ça que tu m'aimes. » Il pouffa de rire. « I'm yours. »

À son tour, l'autre homme laissa échapper un début de rire amusé. L'ébauche d'un sourire satisfait.

« Pff, faut croire, ouais… »

Et puis il glissa ses mains froides contre la mâchoire du blond, le gratifia d'un air moqueur lorsqu'il le sentit frissonner sous ses doigts, et ferma les yeux pour l'attirer à lui en un baiser lent, passionné, juste comme il les aimait, juste… Encore plus wow que d'habitude – ou du moins c'est l'impression qu'eut Hizashi, mais c'était peut-être parce qu'ils étaient mariés, cette fois-ci. Ou bien c'était quand même parce que sa langue savait exactement comment jouer avec la sienne, parce qu'il ne faisait même pas semblant d'essayer de retenir les soupirs et les grognements qui lui échappaient, parce que-
Brusquement, il s'éloigna du blond et ses deux paumes se plaquèrent contre son torse, le temps pour ses yeux sombres de lui jeter un regard intense, lourd de promesses – un instant, encore, et Hizashi sentit son compagnon le pousser doucement, le faire reculer, le faire basculer sur leur grand lit. Il n'eut pas le temps de réfléchir, toutefois, de s'intéresser à la signification du tremblement qui parcourait soudain son échine, que Shouta s'installait à califourchon sur ses jambes, retirait son t-shirt d'un geste fluide et se penchait par-dessus lui pour l'empêcher de se relever.
(Pas qu'il en ait franchement envie, cela dit.)

Il était perdu quelque part entre sa contemplation du torse musclé de son époux et la chaleur qui se consumait lentement mais sûrement au creux de ses entrailles lorsque la main de Shouta trouva la sienne, et aussitôt les sourcils de celui-ci se froncèrent.

« … Hizashi, murmura-t-il, sérieux, et c'était sexy mais trop sérieux pour quelqu'un d'aussi hot dans une position aussi excitante, alors le blond ne l'écouta qu'à moitié. On a oublié les alliances. »

What ?
Il écarquilla les yeux, mais Shouta disait vrai – pas de bague à son annulaire gauche, ni à celui de Shouta, et… En temps normal, il aurait paniqué, probablement ; il se serait dit that's terrible ! et il n'aurait pas pris de repos avant d'avoir trouvé une solution ; mais il était marié à l'homme qu'il aimait, à son meilleur ami de toujours, désormais, et toute l'histoire de leur couple n'avait été qu'un bazar sans nom, alors…

Il éclata de rire, et se redressa pour embrasser Shouta en même temps que ses mains attrapaient sa ceinture – ils finiraient bien par trouver un truc, pour les alliances, mais en attendant… il y avait beaucoup, beaucoup plus important.


Le matin suivant son mariage avec l'homme qu'il avait toujours aimé, Shouta se réveilla le nez dans une série de mèches blondes éparses avec lesquelles il manqua de s'étouffer – encore, toujours –, mais pour une fois il ne ressentit même pas l'envie de s'en plaindre. À côté de lui, Hizashi (son époux, désormais) était allongé à plat ventre, d'ores et déjà tiré des limbes du sommeil, les yeux mi-clos et un sourire béat à ses lèvres fines, avec ses cheveux détachés et décoiffés qui s'éparpillaient autour de son visage et sur son oreiller, d'une belle couleur d'or sous les premiers rayons du soleil matinal-
Hmph.
Il était vraiment en train de devenir… niais.

« Good morning, Shouta, lui souffla l'autre homme à voix basse, tout en ramenant une main à hauteur de leurs visages pour attraper celle de son mari et entremêler leurs doigts contre les draps. I love you. »

Rectification.
S'il s'était cru niais jusqu'ici, la façon dont son cœur s'emballa aussitôt, et s'emballait toujours au moindre sourire d'Hizashi même quinze ans après d'ailleurs, battait sans conteste tous les records de mièvrerie qui soient. Bon sang, il faisait un bel abruti.

Mais tu es mon bel abruti, entendit-il la voix de l'autre homme lui répondre dans sa tête – et il comprit qu'il était foutu lorsque ce dernier lui offrit un sourire amusé, parce qu'il avait dû lire ses pensées, si ça se trouve, et n'hésita pas un instant à se redresser pour, d'un geste souple, balancer une jambe par-dessus lui et s'installer à califourchon sur lui. Avec ses les mains plaquées sur son torse ; ses interminables, magnifiques, foutus cheveux qui retombaient partout et surtout sur le visage de Shouta ; ses malicieux, superbes, foutus yeux verts qui le fixaient avec tendresse.
Un bras balancé par-dessus son front, Shouta lui jeta un regard qu'il voulut désabusé et haussa un sourcil.

« Puisqu'on est déjà officiellement mariés, fit-il, est-ce qu'on peut annuler la cérémonie de samedi ?
– Ah non, no way ! répondit instantanément son sublime abruti, avant de lui enfoncer un index accusateur dans la poitrine. Je tiens à mon slow sur I don't want to miss a thing, moi, monsieur !
– … Cette vieille chanson aux paroles presque malsaines ?
– Hé, c'est super romantique ! »

Tout en prenant une moue indignée comme il savait si bien le faire, Hizashi croisa les bras ; mais sa colère feinte ne durait jamais bien longtemps, et il le prouva à nouveau lorsqu'il se désintéressa de leur différend relatif à la qualité (ou non qualité) d'une de ses chansons préférées, clairement trop romantique au goût de Shouta, pour attraper son téléphone sur la table de chevet.
Et soudain il s'immobilisa comme un idiot et son mari lui jeta un coup d'œil interrogateur.

« … Wait, Shouta, dit-il. On est le 15 février. »

Et ? voulut aussitôt demander l'interpellé – c'est alors qu'il comprit.

« Si c'est le 15 février, reprit Hizashi, et qu'on s'est officiellement mariés hier
– … Si tu me dis qu'on s'est mariés le jour de la Saint-Valentin- »

Il commençait d'ores et déjà à grogner, mais son nouvel époux le fit taire d'un éclat de rire.

« Okay, je te le dis pas, alors. You're welcome ! »

Il n'était rien du tout, en fait, à part un parfait abruti amoureux ; Hizashi ne lui en demandait pas plus, cependant, et s'il pouvait être un parfait abruti amoureux marié à ce type-là, celui qu'il avait toujours aimé… Il supposait que sa situation n'était pas si terrible, en fin de compte.


... Eh oui, je suis le genre de grosse nerd qui trouve que les mariages improvisés en minuscule comité c'est ultra mignon. J'espère que ça vous aura plu du coup, et à bientôt pour d'autres Erasermic j'imagine ! /o/