Quand même, je n'allais pas vous laisser mariner plus longtemps vu le sadisme de la fin du chapitre précédent... Voici donc le chapitre "délicat" que vous attendiez tous, bande de polissons XD

Je ne vous remercierai jamais assez pour toutes vos lectures, vos messages toujours adorables et bienveillants. J'en suis toujours très touchée. Sans vous, cette fiction n'irait pas bien loin, voir qu'elle vous plait me motive vraiment à continuer !

J'ai un peu le trac pour ce chapitre, je sais qu'il est très attendu, aussi j'espère ne pas vous décevoir...


Réponse à jade: Au moins ça a le mérite d'être clair hahahaha XD

Réponse à drou: Merci à toi pour ta review, je suis ravie que tu aies aimé !

Réponse à Carneige: Eh bien tu vas vite savoir ce que « délicat » voulait dire hahaha XD Ravie que tu aies aimé, merci de ta review !

Réponse à Cam: Merci, ravie que tu aies aimé ! Oui je sais, c'était très méchant hahaha (j'ai pas pu m'en empêcher, je trouvais que ça faisait bien de couper à cet endroit XD). Oh merci beaucoup, je suis super contente que tu aies aimé la description des émotions, c'est toujours difficile, surtout dans des situations pareilles, avec un couple pareil…

Réponse à Audrey: Hahaha, j'avais cru comprendre dans ta dernière review que tu attendais cette scène avec impatience ! XD Merci beaucoup pour tes compliments ! Et j'espère que la suite sera à la hauteur :)


- Il est très intelligent, dit Claude. Mais je reconnais qu'il ne fait pas toujours un usage sympathique de ses facultés. En tout cas, tu lui plais beaucoup, je ne m'en étais jamais douté, mais ce soir il te regardait sans arrêt. Dès que tu ne le voyais pas, il t'observait de cette façon inapaisée qu'a le désir.

Alice Ferney, Les Autres.


Hermione avait mis toutes ses craintes de côté. Qu'il ait pu la rejeter violemment, lui hurler dessus, la mettre à la porte, tout cela lui était égal. Seul comptait l'instant, laisser éclater l'orage qui grondait en elle depuis des semaines maintenant.

L'homme en face d'elle, sous ses lèvres, voulut résister. Une fraction de seconde, il fut lucide et lui saisit les bras avec la ferme intention de la repousser de lui. Il en fut incapable. La passion qu'il tentait désespérément de mettre en cage venait d'éclater violemment dans son corps, répandant ses ondes dans chacun de ses membres. Rogue serra Hermione contre sa poitrine, le cœur sur le point d'éclater. Ses longs doigts vinrent courir dans les cheveux fous en face de lui. Il pesa de tout son poids sur Hermione, qui finit par s'appuyer sur le bureau. Mais, lorsque leurs lèvres s'ouvrirent ensemble et que la langue d'Hermione vint caresser la sienne, le poids de la réalité s'affaissa soudain sur ses épaules. Un frisson agita brutalement son corps. Ses mains prirent place sur les épaules de la jeune femme, et il l'écarta de lui, l'air mortifié.

- Hermione…, souffla-t-il dans un murmure rauque. Je ne… Je ne peux pas… Nous ne pouvons pas…

Ses cheveux noirs lui barraient le visage, et au travers des mèches brillaient des prunelles encore brûlantes de désir. Hermione, essoufflée, peinait à reprendre sa respiration. Rogue lâcha finalement ses épaules et détourna les yeux. Elle avança une main vers lui, mais il fit un pas en arrière, comme s'il risquait de s'y brûler.

- Arrête… Je t'en supplie, arrête…, siffla-t-il entre ses dents serrées. Tu ne te rends pas compte de l'effet que tu as sur moi…

Hermione se mordit la lèvre pour se retenir de lui dire qu'elle le savait parfaitement. Elle n'était tout de même pas innocente à ce point… Un soupir souleva les épaules crispées de Rogue, qui osa finalement croiser de nouveau le regard d'Hermione. Les onyx ondoyaient comme des braises, et Hermione dut se faire violence pour ne pas se jeter une nouvelle fois sur sa bouche. Elle respira profondément. Un pas à la fois. Ne pas tout brusquer. Ne pas tout détruire. Rogue passa une main sur son visage pour en dégager les mèches folles.

- Je ne vais pas t'apprendre que j'ai une déontologie, asséna-t-il. Et tu es si jeune…

- Je suis majeure depuis plusieurs mois, Severus.

Une moue étrange déforma les lèvres de Rogue.

- Majeure et inexpérimentée, souffla-t-il.

Hermione roula des yeux.

- Si c'est ce qui vous dérange tant, je vous signale en passant, ou devrais-je dire vous rappelle, que je ne suis pas vier…

- Je sais, merci, la coupa brutalement Rogue, comme s'il ne voulait pas entendre le mot qu'elle s'apprêtait à prononcer.

La jeune femme eut soudain envie d'éclater d'un rire nerveux. Jamais elle n'aurait pensé avoir un jour pareille conversation avec un Rogue essoufflé, les cheveux en vrac, au milieu de son laboratoire. Elle tira son tabouret vers elle et s'y laissa tomber. Rogue ne tarda pas à l'imiter et ils se retrouvèrent bientôt assis côte à côte, contre le bord du bureau.

- Je pense honnêtement, commença prudemment Hermione, que ça devait inévitablement arriver.

- Mmh…, marmonna Rogue. Tout est évitable avec un minimum de volonté.

Hermione haussa un sourcil et tourna la tête vers Rogue.

- Ah oui ? Et je suppose que vous allez me dire que, dans l'histoire, je suis la sorcière perverse qui manquait le plus de volonté et qui a fait sombrer le terrible Severus Rogue dans les affres de la concupiscence ?

- Exactement.

Hermione éclata franchement de rire. L'atmosphère qui régnait dans le laboratoire à cet instant était étrange. Le désir planait encore autour d'eux, quasiment palpable entre leurs corps qui se touchaient presque. Et pourtant, le ton entre eux semblait tout à coup léger, comme si céder à leur pulsion pour quelques secondes leur avait soudain offert un peu de répit dans la tension permanente qui les tourmentait. Le Prince de Sang-Mêlé, Harry et Malefoy, la colère de Rogue, tout cela semblait loin d'Hermione à cet instant. Cependant, elle savait que le fardeau lui retomberait dessus à peine aurait-elle mis le pied hors du laboratoire. Elle souhaita faire durer cet instant hors du temps le plus longtemps possible.

- Et maintenant ? souffla-t-elle.

- Maintenant, je ne sais pas, maugréa Rogue. Mais demain, ne t'avise plus de… m'embrasser.

Il sembla prononcer le mot avec toutes les difficultés du monde.

- Et après-demain ? murmura Hermione dans un sourire.

Rogue se tourna soudainement vers elle comme si elle avait dit la chose la plus scandaleuse au monde.

- Ce n'est pas un jeu, Hermione. C'est grave. C'est interdit.

- Toi aussi tu aurais fini par céder.

- Non.

- Tu n'y crois pas toi-même, remarqua Hermione. Cela s'entend dans ta voix.

- J'ai encore le droit de te mettre à la porte avant minuit. Fais attention.

- Tu ne m'as pas repoussée immédiatement.

Rogue expira un peu d'air par le nez, comme s'il avait trouvé la dernière remarque d'Hermione amusante.

- J'aurais dû, marmonna-t-il. C'était une grave erreur de ma part.

- C'était tout de même une erreur agréable, lança Hermione avec toute la légèreté du monde.

Sans laisser à Rogue le temps de répondre, elle se leva, décala son tabouret et s'assit à sa place habituelle. Le Maître des Potions lui jeta un regard étrange.

- Qu'y a-t-il ? sourit Hermione. Tu ne vas pas me reprocher de faire ce pour quoi j'étais venue initialement, non ?

Rogue pencha légèrement la tête sur le côté.

- Je suppose que non, marmonna-t-il.

Après un instant suspendu, il se tourna lui-même sur son tabouret, saisit sa plume et se plongea dans ses notes. Tout du moins en donna-t-il l'impression.

Rogue n'avança cependant pas grandement dans son travail ce soir-là. Son esprit divaguait sans cesse entre deux sujets épineux : Hermione et le Prince de Sang-Mêlé. Il préféra se concentrer sur ce dernier problème pour faire barrage aux réminiscences du baiser qui venaient tourmenter son corps.

Évidemment, Hermione avait vu juste en devinant qu'il savait déjà d'où venait le sort. Mais l'idée que Rogue lui-même et le Prince ne fassent qu'un lui avait-elle seulement effleuré l'esprit ? Cela ne l'aurait pas étonné, mais il n'y avait aucun moyen de le savoir sans éveiller en Hermione des soupçons qui peut-être n'existaient pas. Pas encore, du moins.

Avec les années, il avait presque oublié ce sort de sa fabrication. Sectumsempra. Contre l'ennemi. Il l'avait destiné aux Maraudeurs à l'époque, sans jamais avoir eu l'occasion de s'en servir. Ou l'audace. Et c'était peut-être mieux ainsi finalement. Le corps ensanglanté de Drago Malefoy, allongé dans l'eau des lavabos fuyants, avait fait remonter en lui de sombres pensées. Il avait compris dans la seconde de quel sort il s'agissait. Lorsqu'il avait vu Potter, pâle comme un spectre, paniqué, les mains pleines de sang alors qu'il essayait d'endiguer comme il le pouvait le flot rouge qui s'échappait du corps de Malefoy, Rogue avait eu la nausée. La nausée contre lui-même. Quel âge avait-il lorsque l'idée de ce sort lui était venue à l'esprit ? Quinze ans, seize ? A l'époque, le Mal avait déjà ancré en lui ses racines, et il ignorait à ce moment la douleur du prix qu'il aurait à payer quelques années plus tard.

Discrètement, il leva les yeux vers Hermione. Les sourcils froncés sur une feuille raturée, elle semblait plongée dans une profonde réflexion, certainement à mille lieues de s'imaginer quelles pensées tournoyaient dans l'esprit de Rogue à cet instant.

Le Maître des Potions ne pouvait s'empêcher de voir en elle une seconde chance. Une chance qui lui permettrait de se racheter. C'était une pensée bien utopique, il le savait. Et égoïste. De quel droit pensait-il encore à la rédemption, après tout le mal qu'il avait causé ? Il risquait de l'entraîner elle aussi dans sa chute. Comme souvent lorsqu'il ruminait ainsi, les cheveux roux qui avaient réchauffé sa jeunesse étincelèrent quelque part dans son champ de vision. Il les chassa d'un battement de cils.

En vérité, il avait dû se faire violence pour repousser Hermione. Cela avait mis tout son être au supplice. Il avait été tenté, réellement, de céder à l'appel du désir.

C'était inévitable, avait-elle dit. Il avait tergiversé pour sauver les apparences. Mais encore une fois, il le savait, Hermione avait eu entièrement raison. Et Rogue craignait profondément d'être lui-même l'instigateur de gestes interdits, dans un futur pas si lointain. Il mourait d'envie de s'abandonner à la passion – car il s'agissait bien de cela, qui l'animait pour la jeune femme venue s'aventurer jusque dans sa grotte.

Certains auraient dit qu'il convoitait la fraîcheur de sa jeunesse. Rogue, lui, savait que c'était bien plus profond, plus puissant que cela. Il y avait en elle un éclat d'intelligence, une clairvoyance, une maturité qu'il n'avait jamais vus chez personne, semblait-il. C'était à ce genre d'esprits rares qu'il aurait véritablement voulu enseigner. La vie lui avait donné une chance en lui présentant Hermione. Il s'en rendait compte à présent, et réalisait du même coup le rôle central qu'elle était amenée à jouer dans la guerre qui approchait.

Rogue avait déjà pensé que leur rencontre aurait pu avoir un sens dans un autre temps, un autre monde. A un autre moment.

Quelque chose se cassa dans sa poitrine à cette pensée et il leva de nouveau les yeux vers Hermione.

Il venait simplement de comprendre que tout cela était faux. Leur rencontre avait déjà un sens. Ils auraient pu passer à côté l'un de l'autre sans l'incident qui avait coûté deux sens à Hermione. Finalement, ils ne s'étaient pas croisés au mauvais moment. Ils s'étaient percutés de plein fouet pile quand il le fallait.

oOo

Hermione sentit son cœur éclater de joie dans sa poitrine quelques jours plus tard lorsque, au milieu des hurlements euphoriques et de la ferveur de la salle commune, Harry et Ginny s'embrassèrent, sous les acclamations de leurs pairs. Gryffondor avait gagné le dernier match de Quidditch de la saison, et ce malgré l'absence de Harry dans l'équipe. Ginny, suite à la punition de Rogue, s'était chargée du rôle de capitaine, et au vu de la victoire écrasante de l'équipe de Gryffondor, avait su remplir à merveille ses nouvelles fonctions. Hermione lui adressa un petit signe quand Ginny tourna la tête vers elle, les bras toujours autour du cou de Harry. Elle irradiait tel un soleil, et ses cheveux roux semblaient s'embraser comme jamais dans la chaude atmosphère de la salle. Hermione lui adressa un sourire entendu, signifiant clairement à Ginny qu'une discussion s'imposerait. Mais ce serait plus tard. Pour l'heure, elle devait rejoindre Rogue.

Un peu moins d'une semaine s'était écoulée depuis leur baiser fugace, et fort heureusement, Hermione n'avait constaté aucun changement chez Rogue. A l'exception peut-être de l'avant-veille, où ils avaient encore partagé un rêve. Rogue s'était montré fermé comme une huître, mais cela n'avait rien à voir avec ce qu'il s'était passé plus tôt. Il était revenu au vouvoiement, Hermione aussi. Cela la faisait sourire. Elle aimait comme le langage entre eux reflétait ces brèches qui venaient de temps en temps les ébranler. Elle attendait la prochaine. Elle avait noté une tension plus que jamais électrique. Elle surprenait parfois les regards de Rogue sur elle, son extrême raideur lorsqu'elle était un peu trop proche de lui dans le laboratoire. Hermione savait qu'ils sombreraient de nouveau, et elle espérait secrètement que, cette fois, l'initiative viendrait de Rogue.

L'antidote avançait lentement mais sûrement. Rogue avait semblé faire une avancée la veille dans ses préparations, aussi Hermione attendait-elle avec impatience le moment où elle devrait goûter la potion. Elle avançait dans ses recherches, mais commençait à être limitée par ce qu'offrait la bibliothèque pourtant fournie du laboratoire. Elle avait prévu d'en toucher deux mots à Rogue. Et elle savait d'expérience que ce qu'elle cherchait ne se trouverait certainement pas dans les ouvrages de la bibliothèque de Poudlard.

- Mmh…, fit Rogue en pinçant les lèvres lorsqu'il lui ouvrit la porte. Nous voici au summum de la provocation, Granger.

Hermione suivit la direction de son regard et baissa les yeux vers son pull. Elle se rendit compte qu'elle avait oublié d'ôter le t-shirt au lion rugissant qu'elle avait enfilé pour soutenir son équipe lors du match. Elle arqua un sourcil et ôta l'habit espiègle, puis passa le plat de la main sur le cardigan de son uniforme, qu'elle portait en-dessous, pour le lisser.

- Navrée d'avoir écorché votre rétine, lâcha-t-elle en se dirigeant vers le fond du laboratoire.

- Ma cornée et mon nerf optique avec, ajouta Rogue.

- Cela va de soi.

Elle jeta un regard vers les notes qu'elle avait laissées sur le bureau la veille au soir, tout en sachant très bien qu'elle n'ajouterait rien dessus. Il lui fallait d'autres livres. Elle ouvrit la bouche pour en parler à Rogue, mais celui-ci la devança.

- Le premier essai est bientôt prêt, dit-il simplement.

Le cœur d'Hermione tressauta. Elle regarda Rogue étrangement. Il se tenait debout devant son chaudron, bras croisés, l'air un peu nonchalant.

- Quand pourrais-je le goûter ? souffla Hermione.

Rogue l'observa un instant sans rien dire. Puis, lentement, il saisit un morceau de parchemin qui traînait à côté du chaudron et le parcourut.

- Si j'en crois les notes que vous m'avez laissées mercredi dernier, il serait judicieux d'ajouter un peu d'armoise à la préparation.

Il leva son regard noir vers Hermione par-dessus le papier. Celle-ci opina lentement.

- Très bien. Alors l'échantillon devrait être prêt demain soir.

Les mains d'Hermione, à plat sur le bureau, se mirent à trembler.

- Demain soir, répéta-t-elle.

Elle se laissa lourdement tomber sur son tabouret. Elle peinait à y croire. Elle serait peut-être libérée du fardeau qu'elle portait depuis des mois à peine vingt-quatre heures plus tard. Son cœur se serra soudain. Si l'antidote était le bon, qu'adviendrait-il de ses visites quotidiennes dans les cachots ? Il leur restait encore à refaire la potion sans l'effet secondaire de la perte de sens. Une part d'elle savait Rogue fortement intéressé par le sujet. Mais si le fait de délivrer Hermione de son problème lui donnait brusquement envie de tout arrêter ? De la mettre à la porte, pour de bon cette fois ?

Elle avait elle-même commencé à travailler en amont sur le sujet, lorsqu'elle avait vu que ses premières recherches avaient porté leurs fruits et que Rogue avançait bien dans sa potion. Et c'était justement pour cette partie-là de son travail qu'elle commençait à manquer de ressources.

- Alors, demain soir, tout sera peut-être fini, souffla-t-elle.

Rogue leva un sourcil.

- Vous recommencez, marmonna-t-il.

- Quoi donc ?

- Vous vous emballez déjà.

Il s'éloigna du chaudron et vint se placer juste devant Hermione.

- Inquiétez-vous d'abord de ne pas être empoisonnée par la préparation, avant de vous imaginer des résultats.

Hermione soutint les yeux noirs qui palpitaient au-dessus d'elle.

- Au moment de boire la potion, je serai encore immunisée. Même contre vos poisons maison, j'en suis sûre.

Elle avait voulu faire une boutade, mais se rendit compte que Rogue avait l'air très sérieux. Hermione haussa les sourcils.

- Vous… pensez vraiment que je pourrais… euh… avoir des problèmes en buvant la potion ?

Rogue regarda subrepticement le chaudron, dont le contenu mijotait doucement sur le feu, avant de reporter son attention sur la jeune femme.

- Le risque est toujours présent. Toujours.

A ces mots, il se détourna d'elle et se replaça derrière le chaudron. Hermione demeura immobile, les bras ballants, ce qui ne tarda pas à lui valoir une réflexion.

- J'aimerais autant ne pas être le seul à travailler, Granger.

- J'ai besoin d'autres livres, répondit-elle.

- D'autres livres, répéta Rogue de sa voix grave. Ne me faites pas croire que vous avez épluché chacun des ouvrages présents ici.

- Chacun des ouvrages qui m'intéressaient, le corrigea-t-elle. Il me faut un livre sur la Dissociation de potions.

Rogue lui jeta un regard étrange.

- La Dissociation ? répéta-t-il. Vous voulez dire, la technique qui consiste à décomposer une potion en sous-unités ?

Hermione acquiesça.

- Expliquez, asséna Rogue.

- J'ai pensé que ce serait une piste intéressante pour réussir à isoler la partie de la potion qui crée la perte de sens. Je sais que les effets peuvent être complexes entre tous les ingrédients, mais après tout, peut-être que cet effet négatif n'est dû qu'à l'association d'un petit groupe d'ingrédients.

Rogue tapota doucement sa lèvre supérieure du bout de son doigt.

- D'expérience, Granger, je sais que c'est une technique peu employée par les Maîtres des Potions. Moi-même, je ne me souviens pas l'avoir utilisée une fois mon apprentissage terminé. La raison est exactement celle que vous avez mentionnée : cette technique se base sur l'hypothèse que l'effet que vous recherchez n'est dû qu'à un groupe réduit d'ingrédients, et non à un effet global de tous les éléments que vous associez dans votre préparation. L'approche usuelle se fait plutôt sur la globalité de la potion, cela évite de se fermer des portes.

- Je sais. J'ai trouvé quelques éléments là-dessus dans vos livres. Mais… les tentacules des strangulos. Vous savez. Leurs actions sur les différents éléments de la potion se fait plutôt au cas par cas. C'est une de leurs propriétés phares. Ce qui les amène souvent à s'associer de façon élitiste, si je puis dire, à certains ingrédients.

Elle vit au regard de Rogue qu'elle venait de marquer un point.

- Cela vaut peut-être la peine d'essayer, non ? insista-t-elle. Et puis, je sais que l'approche globale, le travail sur l'intégralité de la potion a aussi ses désavantages. Notamment celui d'être moins précis dans les interactions entre ingrédients, ce qui parfois mène à isoler de façon moins nette les effets secondaires.

Hermione se retint de sourire. Elle voyait qu'elle avait piqué l'intérêt de Rogue.

- Certes, dit-il.

Il n'ajouta rien de plus.

- Et donc ?..., l'encouragea doucement Hermione. Auriez-vous des références à me conseiller sur le sujet ?

Rogue se renfrogna étrangement. Puis il prit une inspiration et plongea son regard abyssal dans celui de la jeune femme.

- A vrai dire, oui. Mais pas ici.

Il détourna les yeux avant de terminer :

- J'ai quelques ouvrages sur le sujet dans ma collection personnelle. Dans mes appartements.

Le ventre d'Hermione se tordit de façon étrange, et elle mit par réflexe la main sur son estomac. La seule et unique fois où elle était allée dans les appartements de Rogue, tout avait viré au drame. Ils avaient tous deux été violemment ébranlés par la Résonance. Rogue regardait sur le côté, pianotant nerveusement du bout des doigts le bois usé du bureau. Hermione se mordit l'intérieur des joues. Avait-elle réussi à le convaincre ?

Rogue finit par pousser un soupir exaspéré. Il se leva d'une façon très raide, presque à la manière d'un automate.

- Allons-y, asséna-t-il.

Quelque chose ondula lascivement dans le ventre d'Hermione. La respiration un peu tremblante, elle suivit Severus Rogue dans le couloir des cachots.

Bien qu'elle fût déjà venue dans les appartements de Rogue, Hermione se trouva une nouvelle fois frappée par la chaleur des lieux, en total contraste avec leur occupant. Les couleurs chaudes de la pièce et le grand feu qui crépitait dans l'imposante cheminée la firent se sentir bien. Elle s'avança à la suite de Rogue vers l'immense bibliothèque, qui couvrait l'intégralité du mur du fond. Rogue se posta devant les étagères, un doigt sur les lèvres, et consulta d'un air pensif les tranches des livres devant lui.

- Regardez les livres de Williams, Drawn et Jasper, dit-il à Hermione sans se tourner vers elle. Ces Maîtres des Potions ont été particulièrement connus pour leurs recherches sur la Dissociation en leur temps.

Hermione acquiesça et se mit à la recherche des précieux ouvrages.

Elle ne tarda pas à en extirper une demi-douzaine. Chaque livre avait l'air plus passionnant que son voisin. Un épais volume ouvert en équilibre sur ses avant-bras, les autres posés à ses pieds, Hermione se tourna vers la droite pour poser une question à Rogue. Il n'était plus là. Hermione le retrouva deux mètres derrière, non loin de la cheminée, assis en tailleur sur le tapis, plusieurs livres ouverts sur les genoux et autour de lui.

Hermione s'approcha lentement. Il consultait avec attention différents chapitres sur la Dissociation, notamment appliquée aux anti-poisons. La jeune femme sentit une émotion étrange envahir sa poitrine. Elle se sentait fière d'avoir attisé ainsi l'attention de Rogue. Sa posture, qui semblait inconfortable, trahissait l'intérêt soudain qu'il avait éprouvé sur le sujet, et l'envie impérieuse d'abreuver son esprit de connaissances. Hermione le trouva touchant.

Il ne tarda pas à s'apercevoir qu'elle l'observait, debout, un livre sur les bras, un sourire léger aux lèvres.

- Eh bien ? maugréa-t-il. Ces livres ne vont pas se mettre à parler, Granger, qu'attendez-vous pour vous mettre au travail ?

Hermione fut prise au dépourvu.

- Je… Ici ?

Il lui indiqua de se taire d'un geste de la main. Il s'était déjà replongé dans sa lecture. Hermione, perturbée, s'assit sur le canapé de cuir élimé qui trônait au milieu du salon. Elle prit une profonde inspiration, et s'abîma dans les chapitres du livre qu'elle avait choisi.

Deux heures plus tard, Rogue n'avait pas bougé. Seule la pile de livres à côté de lui s'était allongée, et arrivait à présent au niveau de sa tête. Hermione, elle, avait fini par adopter une position confortable. Elle était étalée de tout son long sur le canapé, et ingurgitait avec avidité les livres passionnants de la bibliothèque privée de Rogue. Chaque nouvelle découverte sur la Dissociation lui mettait le cerveau en ébullition, et faisait jaillir à la surface bouillonnante de son esprit un nombre non négligeable d'idées. Hermione s'appliquait à en prendre note au crayon sur un carnet de poche qu'elle gardait toujours sur elle. La voix de Rogue s'éleva un instant entre les crépitements des bûches qui se consumaient dans l'âtre.

- Granger, venez donc voir une seconde.

Il avait à ces mots levé la tête vers elle. Il haussa un sourcil en voyant la jeune femme affalée dans le canapé - son canapé, mais s'abstint de tout commentaire. Il se contenta de renifler avec un certain dédain, ce qui fit sourire Hermione. Elle obtempéra et vint s'agenouiller à côté de lui, sur le tapis. Il lui indiqua certains passages de la page qu'il était en train de lire.

- Cela me semble plutôt pertinent, déclara-t-il. Voyez comme la méthode employée ici fait usage de la Dissociation pour l'isolement des effets secondaires principaux et seconds. Je pense que nous pourrions nous baser là-dessus pour commencer les expérimentations.

Il continua ses explications tout en passant une main sur son front pour dégager les mèches de cheveux qui s'y étaient collées sous la transpiration. Hermione nota que la chaleur de la cheminée irradiait particulièrement à cet endroit. Et Rogue avait chaud.

Tandis qu'il parlait, les yeux baissés vers le livre, ses mains vinrent déboutonner sa redingote qu'il tenait toujours fermée jusqu'au cou, dévoilant peu à peu la chemise blanche qu'il portait en-dessous. Ce n'était pas la première fois qu'il avait ce geste devant Hermione. Dans les vapeurs entêtantes du laboratoire, Rogue évoluait souvent en bras de chemise, et ce particulièrement quand les préparations demandaient un effort particulier de concentration.

Mais ici, ce n'était pas le laboratoire. Ici, alors qu'ils étaient assis côte-à-côte, à même le sol, dans un cocon de chaleur, le geste n'avait pas la même amplitude, la même connotation. Hermione suivait avidement des yeux les gestes souples des longues mains pâles qu'elle avait si souvent contemplées dans leur minutieux travail. Dans l'aura de la cheminée, le corps d'Hermione réclama alors ces mains.

Le geste se suspendit soudain à mi-chemin et la voix de Rogue résonna sèchement.

- Granger, vous m'écoutez ?

- Non, souffla-t-elle sans aucune hésitation.

Elle leva les yeux vers Rogue. Quand il croisa son regard, il comprit. Il ne bougea pas. Il ne dit rien. C'était trop tard.

Ses mains, restées un instant en suspens, quittèrent finalement les boutons de sa redingote à moitié ouverte, et vinrent se poser à plat sur ses cuisses. Rogue et Hermione demeurèrent quelques secondes immobiles. Leurs souffles s'accéléraient dans la chaleur épaisse du salon. Il suffisait d'un geste, un seul geste, pour déclencher le séisme.

Lentement, Hermione se décala et vint se placer face à Rogue. Il l'observait avec une telle intensité qu'elle cligna brièvement des yeux pour se soustraire à l'emprise de ce regard ardant. Ils étaient tous les deux rongés par un désir dont les flammes étaient plus brûlantes que celles qui chauffaient la pièce depuis de longues heures. Un désir qui les consumait comme l'enfer. Leur propre enfer.

Hermione prit une profonde inspiration, puis leva ses mains tremblantes vers les boutons encore fermés de la redingote de Rogue. Elle acheva ce que le Maître des Potions avait entamé, puis, d'un geste maladroit, fit glisser la redingote des épaules de Rogue. Il avait beau être encore complètement habillé, l'intimité du geste et les froissements des deux tissus qui glissaient l'un contre l'autre la troublèrent encore plus qu'elle ne l'était déjà. Rogue se débarrassa de sa redingote dans un dernier mouvement, et observa Hermione de son regard électrique.

- Je ne suis pas celui qu'il te faut, souffla-t-il.

- Je sais, répondit Hermione sur le même ton.

- Je suis détestable et détesté.

- Je sais.

- Je suis professeur.

- Je sais.

- Je suis dangereux.

- Je sais.

Un silence.

- J'ai envie de toi, avoua-t-il finalement, dans une expiration douloureuse.

Hermione sourit.

- Je sais.

Rogue leva lentement une main et suivit du bout des doigts le contour de la mâchoire d'Hermione. Sa main descendit ensuite dans son cou. A l'aide de son autre main, il vint défaire délicatement le nœud de la cravate d'Hermione. Puis, il tira sur un des pans pour la faire glisser le long du col de chemise. Il l'enroula autour de ses mains et contempla les lignes rouge et or qui l'ornaient, et qui ne paraissaient que plus vivaces à la lueur jaune des flammes. Rogue haussa un sourcil.

- Je serais vraiment tenté de la jeter au feu, murmura-t-il dans un demi-sourire.

Hermione ne répondit pas, se contentant de l'observer avec un regard de plus en plus explicite, de plus en plus avide. Rogue posa la cravate sur la redingote. Puis, il attrapa Hermione par les hanches et l'attira vers lui. Le mouvement d'Hermione sur le tapis retroussa complètement sa jupe, qui ne cacha plus grand-chose. Mais Rogue n'y prêta pas attention. Il n'avait d'yeux que pour ses yeux à elle. Il se pencha et vint chercher du bout des lèvres la bouche d'Hermione.

Ils s'embrassèrent durant de longues minutes, assis face à face sur le tapis. C'était un baiser lent, un ballet langoureux entre leurs langues. Si Hermione promenait ses mains sur le dos sec du Maître des Potions, celles de Rogue étaient restées ancrées à la taille de la jeune femme, comme s'il craignait de la toucher plus. Pourtant, elle entendait, dans le souffle erratique de Rogue qui se mélangeait au sien, les vagues lancinantes du désir qui s'abattaient sur lui à chaque instant.

Comme une tempête qui ferait céder les digues.

Hermione savoura chaque instant du baiser si précieux qu'il lui donnait, ce baiser, ce vrai baiser qu'elle avait tant attendu. Elle était consciente de tout ce qui se jouait sur sa peau. Les cheveux de Rogue qui venaient chatouiller ses joues. Son long nez qui venait parfois se cogner doucement sur son visage.

Puis, la bouche de Rogue se sépara de la sienne. L'appel de leurs corps devenait trop fort, ils le sentaient tous les deux. Rogue contempla un instant Hermione dans les yeux, lui demandant silencieusement si elle le voulait vraiment. Elle sourit.

Le Maître des Potions lui attrapa les mains, et l'invita à se lever.

- Viens…, souffla-t-il dans son oreille.

La lascivité qu'elle décela dans la voix de Rogue mit le corps d'Hermione au supplice. Il la guida jusqu'à la première des deux portes closes de l'appartement, et l'ouvrit.

La pièce était plongée dans la pénombre, mais la lueur orangée du salon eut le temps de montrer à Hermione un lit au carré, aux draps entièrement noirs. Pour le coup, cette partie de ses appartements était complètement en accord avec le personnage. Il referma lentement la porte, et ils se retrouvèrent bientôt plongés dans les ombres. Une fois que les yeux d'Hermione se furent habitués à l'obscurité, aidée par la faible lueur de la lune qui filtrait par les volets de l'unique fenêtre, elle put distinguer les contours des meubles, et surtout, ceux de la silhouette qui lui faisait face. Dans la nuit, les mains de Rogue perdirent leur immobilité, et ne tardèrent pas à suivre chaque contour du corps de la jeune femme, comme si elles voulaient en mémoriser la moindre ligne.

Dans ces gestes de plus en plus avides, Hermione ne tarda cependant pas à déceler quelque chose qui la bouleversa. Une hésitation maladroite, comme s'il ne savait pas s'y prendre, plus s'y prendre.

Elle se demanda, au milieu de ses caresses, depuis combien de temps il n'avait pas touché une femme. Elle oublia bien vite ses interrogations et se concentra de tout son être sur cet homme qui la touchait jusqu'au fond du cœur. Elle sentait dans le moindre de ses gestes qu'il craignait de lui faire du mal, qu'il craignait de la brusquer. Elle comprit que lui aussi, à cet instant, était mortellement vulnérable. Hermione serra fort ses bras autour de Rogue.

Elle regretta un instant la pénombre. Elle aurait voulu voir encore la lave en fusion dans les yeux de Rogue, voir son corps aussi. Mais elle avait compris qu'il y avait une raison aux ténèbres dans lesquelles ils restaient plongés. Elle avait appris que cet homme n'était fait que de secrets. Elle faisait simplement face à une autre de ses énigmes.

Elle ferma les yeux, et s'abandonna complètement aux longues mains de Severus Rogue.

La mémoire d'Hermione sembla s'exacerber, comme pour graver dans ses souvenirs, avec le plus de précision possible, le moment qu'ils partageaient enfin. Elle s'imprégna de la sensation de la peau de Rogue sous ses mains, du poids de son corps sur le sien, de la fraîcheur du lit tout autour d'eux lorsqu'ils s'y laissèrent tomber ensemble.

Elle mémorisa la cadence du souffle de Rogue contre sa gorge, la sensation de leurs corps qui se mêlaient enfin pour ne faire plus qu'un. Hermione ressentit l'explosion au creux de son ventre, la douleur aussi, que son corps crispé et neuf n'avait pas encore dissipée. Elle sourit des excuses haletantes de Rogue face à son gémissement d'inconfort, le rassura de sa main dans ses cheveux.

Ils s'embrassèrent encore et encore, jusqu'à ne plus savoir où finissait leur corps et où commençait celui de l'autre, ne pouvant se raccrocher qu'à lui dans les ténèbres et la passion.

Lorsque leur union atteignit son terme et que le râle sourd de Rogue retentit dans la pièce embrumée par leurs ébats, Hermione s'agrippa à lui de toutes ses forces. Elle venait de sceller avec Rogue ce qu'ils avaient tenté de repousser avec tant de hargne. Elle regrettait cette frustration, mais elle savait que l'attente, l'insupportable attente avait une part importante dans la fougue qui venait de les emporter.

Accrochée à Rogue, Hermione se laissa porter sur les rives de son désir, tandis que les dernières vagues balayaient lentement son corps transi et fatigué.

A présent, pourrait-elle seulement exister sans Severus Rogue ?


J'ai peur XD

Quelques mots sur ce chapitre. Déjà, le côté pragmatique: pensez-vous qu'il faille changer le rating à M ? Je trouve que ça reste quand même soft mais bon, je ne voudrais pas choquer si quelques âmes un peu jeunes passaient par là... J'ai jamais été au point avec les ratings, et ce malgré la description donnée par le site. XD

Ensuite, je dois dire que j'ai hésité à écrire une scène plus hard (sachant que je ne l'ai jamais fait). Mais je n'ai pas réussi vraiment, je trouvais que ça brisait un peu le charme. Je ne voulais pas faire une ellipse de la scène, mais je voulais que ça reste très intime et doux. Après tout, Hermione n'est pas expérimentée, comme le dit Rogue, et je n'arrivais pas à m'imaginer une description crue de cette scène. Voilà, j'espère que vous avez aimé tout de même. A bientôt !