L'union de Denethor, fils de l'Intendant du Gondor et de Finduilas de Dol Amroth donna trois enfants, deux garçons et une fille, l'aîné Boromir, et le préféré de son père, avait cinq ans de plus que son frère Faramir et huit ans de plus que sa sœur Aurore. Finduilas, leur mère, mourut alors qu'Aurore avait juste cinq ans, les laissant avec un père qui était froid et distant envers les deux plus jeunes. Cela aurait pu créer une séparation dans la fratrie, Boromir aurait pu devenir arrogant et se moquer de son petit frère et de sa petite sœur, mais ce ne fut pas le cas, il était leur protecteur, et les plus jeunes adoraient leur aîné. Quoique Faramir était aussi le protecteur d'Aurore, il était également son confident, les deux plus jeunes étaient très proches, unis par leur fascination pour l'histoire de la Terre du Milieu et des autres royaumes et peuples, une chose qui n'était pas bien vu par leur père. Surtout vu que Gandalf ou Mithrandir, comme il était appelé par les elfes, le Magicien Gris, était leur tuteur et il n'était pas apprécié par Denethor. Le Magicien avait bien trop tendance à s'opposer à l'Intendant et à ne pas lui dire ce qu'il voulait entendre, Denethor ne l'aimait pas et ne lui faisait pas non plus confiance. Et si Faramir faisait tout pour gagner l'approbation de leur père, pour Aurore son point de vu sur Mithrandir n'était qu'une raison supplémentaire pour apprécier ce dernier, les deux garçons étaient certes extrêmement protecteurs de leur sœur mais elle l'était aussi vis à vis d'eux, et Aurore ne supportait pas la manière dont Denethor traitait Faramir.
Le lien entre les trois enfants restèrent forts au fil des années, même avec les missions de Faramir et Boromir qui menaient les deux frères loin de la Cité Blanche de Minis Tirith afin de protéger le Gondor. Boromir était un combattant et un soldat puissant qui s'il n'aimait pas voir ses soldats tomber, avait reconnu à plusieurs reprises qu'il ne saurait pas quoi faire d'autre que d'affronter des orques. Faramir de son côté était plus pacifiste, il était plus érudit, mais il savait aussi fort bien se battre même s'il n'aimait pas ça, cependant pour protéger son peuple, le cadet le faisait volontiers. Les deux frères étaient prêts à tout pour protéger leur Cité et leur peuple, mais surtout ils étaient prêts à tout pour protéger leur sœur, ils refusaient de la perdre.
Ce qu'ils ignoraient c'était que cela faisait des années que le plus grand danger pour Aurore n'était pas Sauron et ses armées, mais Denethor lui même. En grandissant Aurore ressemblait de plus en plus à Finduilas, quoiqu'elle avait les yeux de leur père, il y avait des différences bien sûr, ses cheveux étaient un peu plus foncés, elle était plus grande aussi mais surtout elle était moins fragile que sa mère. Avoir deux frères aînés et être en temps de guerre avait poussé Aurore à apprendre à se battre, l'épée avec Boromir et l'arc avec Faramir et si elle n'était pas au niveau de ses frères, elle était quand même très douée. Mais face à son père, elle n'arrivait pas à se défendre, pas contre tout, pas contre ses phrases blessantes, pas contre ses gifles, pas contre ses coups... Elle n'avait réussi à s'opposer qu'une seule fois mais ça avait été assez, lorsque son père avait jugé qu'elle était assez vieille et qu'elle pouvait passer pour une bonne copie de Finduilas, il avait décidé qu'elle devait parer à tout les devoirs demandé à la dame de la maison de l'Intendant. Y compris ses besoins sexuels.
Aurore craignait son père, elle était terrifiée de lui et il la dégoûtait. Il avait été un bon combattant il y a des années de cela mais ça datait et puis elle avait réussi à le prendre par surprise. Le menaçant de le tuer, elle avait souffert deux ans, les seules périodes où elle avait été tranquille avaient été lorsque ses frères étaient dans la Cité. Elle avait craint leurs départs encore plus qu'auparavant, non seulement ils partaient dans le danger, ils risquaient de se faire tuer mais en plus ils la laissaient seule avec Denethor. Il lui avait fallu du temps avant qu'elle ne réussisse à rassembler assez de courage pour l'affronter mais elle avait fini par réussir. Elle avait eu son épée sur la gorge de celui qui était son père, elle avait voulu le tuer, elle avait tellement voulu lui trancher la gorge, il le méritait ça et plus encore mais elle n'avait pas pu. Non qu'elle l'ait montré, grandir comme la fille de l'Intendant l'avait poussé à apprendre à porter un masque. Un qu'elle n'avait que trop utilisé au fil des années, surtout avec ses frères pour qu'ils ne se doutent de rien, elle avait souhaité les appeler à l'aide si souvent, les supplier de l'aider et elle savait qu'ils l'auraient fait. Elle n'aurait eu qu'à leur montrer les bleus, elle n'aurait même pas eu à leur parler du reste, des visites nocturnes, simplement le fait que leur père l'ait battu aurait suffi, mais elle n'avait pas pu. Ce n'était pas pour le protéger LUI, ça elle le savait, non c'était pour eux dans un sens, elle savait à quel point Boromir l'aimait, malgré tout ses défauts et son attitude envers les deux plus jeunes et Faramir souhaitait tant avoir son affection, son respect. Ses deux frères aimaient Denethor et elle n'avait pas voulu les pousser à choisir entre elle et lui ainsi, douter d'eux même à cause de lui était aussi impensable. Et elle savait qu'ils auraient douté, elle le faisait souvent, comment pouvait-elle être quelqu'un de bien alors qu'il était son père ? Comment pouvait-elle rester forte devant eux si ils savaient ? Comment pouvait-elle rester forte devant le peuple du Gondor si ses frères la regardaient avec pitié ?
Plus que ça elle savait aussi que leur famille devait sembler solide pour le peuple, les temps étaient très graves et le peuple doutait déjà trop à cause de Denethor. L'Intendant du Gondor ne faisait plus grand chose, il ne protégeait que mal leur cité, nombre de soldats étaient morts en trop peu de temps, pour le moment les choses se passaient bien parce que le peuple avait foi en Boromir et Faramir et que malgré sa haine envers son père, elle faisait comme si de rien n'était afin de rassurer les gens. C'était aidé par le fait que Denethor restait le plus souvent sur son siège en bas du trône ou il s'isolait, elle n'avait pas à le supporter souvent. Ce qui était un véritable soulagement.
Mais aujourd'hui n'était pas un jour où elle devait se concentrer sur l'horreur que lui inspirait Denethor, mais plutôt sur la joie qu'apportait cette journée, Boromir et Faramir avaient réussi, avec leurs hommes, à reconquérir Osgiliath, la défense de Minas Tirith. Une cité autrefois magnifique qui était en partie détruite à présent, mais elle appartenait toujours au Gondor et c'était ça l'important. Minas Tirith était une cité magnifique cependant elle n'avait que peu de défense et face aux armées du Mordor, ça n'était pas assez, Osgiliath était vraiment nécessaire. Faramir avait du appeler à l'aide lorsque les orques avaient été trop nombreux, il était un excellent combattant mais aussi un excellent chef, il voulait protéger ses hommes et la Cité, c'était pour ça qu'il avait demandé des renforts. Renforts que Boromir avait été plus qu'heureux de mener, cependant pour Denethor c'était un signe de faiblesse, elle en avait entendu parler et ce très souvent depuis le début du trajet. Lorsqu'elle avait appris que l'Intendant comptait se rendre à Osgiliath, elle avait décidé de l'accompagner, elle avait noté quelque chose dans son comportement qui l'inquiétait, mais même sans ça elle serait quand même venue. Elle voulait voir ses frères, vérifier de ses propres yeux qu'ils allaient bien, elle savait qu'ils étaient vivants, elle en était sûre et en avait eu la confirmation, mais elle avait quand même besoin de les voir. Il n'y avait que comme ça qu'elle pourrait sentir l'inquiétude disparaître, au moins pour un temps, et que son cœur pourrait se remettre à battre normalement. Elle craignait chaque bataille, chaque escarmouche, chaque messager, mais aujourd'hui elle n'avait pas à craindre.
Les soldats s'écartaient sur leur passage, elle devait rester avec l'Intendant pour le moment après tout, avec l'Intendant et sa garde tout comme les deux soldats qui assuraient sa protection à elle, et les sourires sur les visages faisaient plaisir à voir, tout comme leur nombre, il y avait deux sortes d'hommes, ceux liés à Boromir, avec l'armure de la Cité, le symbole de l'arbre sur le poitrail, et ceux de Faramir, les rodeurs d'Ithilien, ils étaient tous aussi dangereux que les autres et aussi loyaux au Gondor.
"Où est-il ? Où est le meilleur du Gondor ?" demanda l'Intendant une fois que Boromir et Faramir furent en vue. "Où est mon aîné ?"
"Père." s'exclama Boromir avec un léger sourire tandis que Faramir restait en retrait.
"Ils disent que tu as vaincu l'ennemi d'une main, une seule." commenta l'Intendant.
"Ils exagèrent." dit Boromir en se dégageant de l'embrasse de Denethor et en se tournant vers leur frère. "La victoire revient aussi à Faramir."
"Sans Faramir cette cité serait encore debout." commenta Denethor, ses propos stoppant net Faramir qui s'était avancé. "N'étais-tu pas chargé de la protéger ?"
"J'aurai réussi, mais nous étions trop peu." répondit Faramir sans perdre son calme, même si Aurore pouvait voir la douleur dans ses yeux, une vague de colère pour l'Intendant jaillit à nouveau en elle.
"Trop peu. Tu as laissé l'ennemi y pénétrer et la prendre à sa guise. Tu renvois toujours une piètre image à ton père." dit Denethor méprisant. Aurore sentit ses ongles s'enfonçaient dans ses mains tellement elle serrait les points, elle adorait ses frères et voir une telle expression sur celui de son confident, ça la dévastait mais elle ne pouvait rien dire. Pas sans avoir à en payer le prix plus tard et ce douloureusement. Denethor ne la touchait plus ainsi, mais il était toujours violent.
"Ce n'est nullement intentionnel." répondit Faramir.
"Vous ne lui accordez aucun crédit." dit Boromir avec colère, plaçant une main douce sur l'épaule de sa sœur avant de l'embrasser sur la joue. Il savait que quoiqu'il dise, rien ne toucherait leur père, pas au sujet de Faramir, le seul moyen pour le protéger qu'il avait était d'attirer l'attention de Denethor sur lui, au moins pendant un temps. Il alla dans un des bâtiments, suivi par l'Intendant.
"Ne l'écoute pas, face à l'armée qui vous menaçait, il n'y avait aucune chance de salut. Le seul responsable est l'homme à la cape noire. Il aurait du envoyer plus d'homme comme tu le demandais." dit Aurore en s'approchant avec un sourire triste.
"Tu es trop gentille. Je suis heureux de te voir." dit Faramir en la prenant dans ses bras.
"Pas autant que moi." avoua Aurore, profitant volontiers des bras de son frère qui la sentit trembler.
"Aurore, tu vas bien ? Es tu souffrante ?" demanda de suite Faramir inquiet.
"Ce n'est que la peur des dernières heures et le soulagement, ne t'en fais pas. Je vais bien." affirma la jeune femme aux cheveux châtains clairs.
"Tu es sûre ?" il insista néanmoins.
"Oui, mais et toi, tu n'es pas blessé ?" elle demanda en se reculant un peu.
"Non, je n'ai rien. La bataille a été rapidement menée, nous étions presque trop nombreux." sourit légèrement Faramir.
"Tant mieux. Tu mérites cette victoire autant que Boromir, tu as mené les hommes tout comme lui, cette victoire est aussi la tienne et je suis fière de toi." assura Aurore, voulant que la lueur de vulnérabilité disparaisse du regard bleu azur de son frère.
"Si seulement il pouvait aussi le penser." soupira Faramir.
"Ignore le." dit fermement Aurore. "Tu es un homme loyal et un des meilleurs hommes du Gondor, voire peut être de la Terre du Milieu. Tes hommes le savent, ceux de Boromir aussi, tout comme le peuple, Boromir et moi. Ignore l'opinion d'un vieil homme aigri."
"Ma place est ici avec mon peuple, pas à Fondcombe." dit Boromir, la voix haussée en sortant d'une maison.
"Désobéirais tu à ton propre père ?" demanda l'Intendant en le suivant.
"S'il faut vraiment aller à Fondcombe, envoyez moi à sa place." proposa Faramir.
Aurore qui s'était figée en entendant les paroles de l'aîné de la fratrie, regarda avec horreur Faramir. Pourquoi l'Intendant voulait-il envoyer Boromir à Fondcombe, elle ne niait pas avoir un intérêt pour la culture elfique, intérêt que partageait Faramir. Mais faire le voyage alors que les choses étaient aussi graves, que la route était aussi dangereuse, c'était de la folie. Cela voulait dire des semaines, voire des mois de voyage et sans nouvelles.
"Toi ?" demanda moqueur Denethor "Oh je vois, une chance pour Faramir, capitaine du Gondor de prouver sa valeur. J'en doute, je ne peux confier cette mission qu'à ton frère. Celui qui ne me décevra pas."
Aurore était toujours accroché au bras de son frère et ressentit sans mal sa réaction, mais elle ne réagit pas, elle ne regarda pas avec fureur l'homme qui était supposé être un père, occupée à la place à observer Boromir. Boromir qui allait sans aucun doute partir, qu'importe ses sentiments à ce sujet, il ne désobéirait pas à Denethor, même pour ça.
Elle avait raison puisqu'à peine deux heures après cette conversation, Boromir avait enlevé son armure pour enfiler une tenue plus confortable pour le voyage et était prêt à partir.
"Pourquoi t'envoi-t-il maintenant ? C'est trop dangereux." protesta Aurore dans les bras de son frère ainé cette fois. L'heure des au revoir était malheureusement arrivée et elle ne voulait pas qu'il parte. Aurore avait certes 32 ans, mais l'idée d'être séparée de son frère, de l'éternel protecteur, surtout avec Faramir qui serait sans aucun doute en mission, cela pesait lourd sur son cœur. "Reste, on a besoin de toi ici."
"Je ferai aussi vite que possible. Tu as ma parole petite lumière." assura Boromir en la serrant fort contre lui. "Je vous confie la Cité Blanche à tous les deux, protégez là."
"Tu n'as pas besoin de le demander." dit Faramir, la peine dans ses yeux en voyant son frère partir mais aussi dans le chagrin de leur sœur, visible.
"Protégez vous l'un l'autre et soyez prudents." demanda ensuite le plus vieux.
"Promis." répondirent ensemble les plus jeunes.
"Mais fait attention toi aussi, j'attendrai ton retour." ajouta Aurore, les yeux noyés de larmes.
"N'ai je pas le droit de voir un sourire de ta part petite sœur ?" demanda Boromir.
"Prends soin de toi, et reste bien le postérieur sur ta selle d'accord ?" demanda en guise de réponse Aurore, faisant de son mieux pour satisfaire la demande de son ainé.
"C'est arrivé qu'une fois." protesta d'ailleurs ce dernier. Il était tombé de cheval, une fois, il y a longtemps lorsqu'ils se rendaient chez leur oncle, Imrahil, et ni Faramir, ni Aurore ne l'avaient laissé oublier cette mésaventure. Sa réaction gagna un rire léger de la part d'Aurore, et un plus marqué de Faramir.
"Une fois était assez." assura Aurore, luttant pour conserver son sourire. "Tiens, pour te rappeler de ta famille qui attendra ton retour." elle dit ensuite en ôtant un des rubans qui retenait ses longs cheveux en un chignon, comme le demandait l'Intendant. "Puisse-t-il te protéger loin de chez toi."
"Je t'aime petite sœur." dit doucement Boromir en l'embrassant sur le front, tenant dans son poing le ruban vert qu'elle venait de lui offrir, il offrit une accolade à son frère et monta en selle.
"Souviens toi de ce jour petit frère." et après les avoir regardé un moment, leurs yeux échangeant milles paroles, il partit.
"J'ai peur Faramir, une ombre est posée sur mon cœur." chuchota Aurore.
"Il reviendra, tu verras." dit doucement Faramir, voulant réconforter sa petite sœur. "Tu sais à quel point il est têtu, il affrontera une armée entière pour tenir sa promesse."
"Oui tu as raison." acquiesça Aurore en retenant ses larmes, c'était des propos vides de sens, ils ne pouvaient rien garantir mais c'était agréable à entendre et en attendant, c'était tout ce qu'ils avaient à offrir. "Tout ce que je demande c'est que vous me revenez tout les deux."
"Et tu sais qu'on ne peut rien te refuser." dit Faramir avec une pointe d'amusement, et c'était vrai, leur petite sœur n'avait qu'à faire une demande et ils essayaient de la réaliser.
Leurs cœurs étaient lourds, les temps sombres approchaient à grand pas mais pour un moment, Faramir et Aurore du Gondor pouvaient se détendre.
