Bonsoir bonsoir, c'est encore moi!

Je m'excuse encore pour le retard et l'attente qu'il y a eu entre le chapitre 1 et 2. Encore une fois, j'ai eu beaucoup à faire entre le travail, la vie personnelle et tout ce qui va avec...

Et oui, il semblerait que je sois prise d'une grande motivation pour finir ce que j'ai commencé... Incroyable du cul, n'est-ce pas? Sauf que voilà. Vous vous souvenez lorsque j'ai parlé d'un one-shot? Et d'un two-shot? Et que je voulais que ce soit court?

Bah moi non.

Du coup, on se retrouve cette fois-ci avec la suite de notre enquête et d'un chapitre de... 11 000 mots... Ah... Sincèrement désolée. Je pensais simplement faire un gros OS, ou un gros two-shot, mais il semblerait que je sois partie pour une fic à rallonge. J'espère quand même en faire un three-shot au final, mais je ne promets rien du tout. Vu ce que j'ai prévu, il se peut que cela prenne des grosses proportions... Enfin, je ne dois juste pas rajouter des passages. Pas comme ce que j'ai pu faire avec ce chapitre 1.

Enfin bref.

Je vous laisse lire, tranquillement, à votre rythme!


Deuxième partie

Voilà maintenant plusieurs jours que le meurtre de Chisaki avait eu lieu, et Enji n'avait toujours pas réussi à prendre contact avec Tobita ou Shigaraki. L'un était la plupart du temps absent, Tobita participait à des conférences sur l'expressionnisme au XXIème siècle ou était à des gala de charité pour les enfants malades – ce type faisait réellement des dons à l'UNICEF – et Shigaraki était tout bonnement injoignable. Ils étaient allés à son domicile la veille, mais personne n'avait répondu. Et sans mandat, ils ne pouvaient forcer la porte pour fouiller son appartement sans risquer de se retrouver avec un procès aux fesses. Plus jeune, Enji aurait certainement foncé dans le tas sans se préoccuper de la procédure et aurait ensuite usé de ses nombreux pouvoirs afin de dissimuler ses abus et ses bavures policières…

Mais Enji avait changé, et ce genre d'attitude le faisait maintenant vomir. Bien qu'il ne puisse changer ce qu'il avait pu faire dans le passé – et certainement moins se racheter, quoi que disait Hawks – il pouvait au moins empêcher d'autres connards comme lui de profiter de leurs maigres pouvoirs à des fins égoïstes et totalement inutiles. Mais pour le moment, le problème n'était pas ses collègues à la morale douteuse ou il ne savait quel renégat de quartier.

Le problème, c'était que l'enquête n'avançait presque pas. Il avait peut-être pris contact avec Tensei Iida, mais un suspect en plus n'allait pas vraiment l'aider. Quoi que, avec du recul, Enji espérait sincèrement avoir plus de réponses que ça… Ce policier était tout bonnement parfait – casier judiciaire vierge, CV excellent, apprécié de par ses collègues et ses supérieurs – si bien que sa présence à la réception était tout simplement étrange. Trop étrange pour ne pas être soulignée en tout cas. Et cette histoire de dispute qu'Hawks lui avait décrit… Mais le commissaire avait beau creuser encore et encore dans sa mémoire, dans ses papiers, dans ses notes, il n'arrivait pas à trouver le lien entre tous ces personnages.

« Il n'y a peut-être pas de lien, déclara Hawks en se penchant par-dessus son épaule. C'est peut-être un pur hasard.

- Je ne crois pas au hasard… Il y a forcément quelque chose. Qu'est-ce qui les intéressaient tant, à cette foutue réception ? Overhaul ? Ce tableau moche ? Le tableau volé peut-être ? Je commence à en avoir ras-le-bol de cette mascarade. »

Hawks ne répondit rien, mais Enji devina non sans mal qu'il tirait la grimace. Le journaliste avait tenu à l'aider dans cette enquête, ou plutôt : le journaliste n'avait eu aucun scrupule à venir squatter son appartement alors qu'il travaillait, et ne pouvait pas s'empêcher de mettre le nez dans ses affaires. Il est vrai qu'un peu de compagnie le soulageait – jamais il ne l'avouerait, surtout pas à Hawks – mais il aurait préféré avancer dans cette enquête infernale plutôt que de traîner une andouille dans des restaurants bien trop chic pour lui. Il avait osé lui dire que les huîtres étaient un plat écœurant ! Ce gamin n'avait décidément aucun goût.

« Endeavor… »

Enji ne répondit pas, trop occupé à vérifier encore et encore les liens entre chaque acteur de la pièce.

« Endeavooooreuh… »

Oui, il l'entendait geindre dans son oreille. Non, il ne réagirait pas. D'autant plus qu'il ne comprenait toujours pas d'où venait ce surnom « Endeavor » que Hawks s'acharnait à lui donner.

« ENDEAVOR !

- Nom de… Quoi à la fin ? Qu'est-ce qu'il y a ? fulmina t'il en se retournant pour le fusiller du regard. Tu ne vois pas que j'ai du travail ?

- Il est 22h passée.

- … et dooonc ?

- Et tu n'as pas encore mangé. »

Enji haussa un sourcil. Lui, qui devait batailler pour que Hawks mange correctement trois fois par jour et sainement, se faisait rappeler à l'ordre ? C'était l'hôpital qui se foutait de la charité. Mais, son petit regard sévère était plutôt amusant – et pourrait presque être efficace si il ne gonflait pas les joues comme une grenouille vexée – alors il décida de laisser couler et de ne pas répondre. Il se contenta de l'interroger du regard, l'invitant à poursuivre.

« Donc, il faut que tu manges, conclut Hawks.

- Tu sais, soupira Enji, ce n'est pas grave de louper un repas le soir, c'est même parfois bénéfique pour la santé… Mieux vaut ne pas manger que de trop manger. Et mieux vaut louper le repas du soir que le petit déjeuné…

- Mais je n'ai pas faim le matin !

- Eh bien tu te forces ! Enfin bref, prends-toi un truc si tu veux, mais moi j'ai encore du travail, finit-il par grommeler.

- Ça fait un milliard de fois que tu relis tes notes, la solution ne va pas te sauter aux yeux hein. Prend une pause non ? Souffle un coup ? Ça va sûrement s'accélérer avec l'interrogatoire de Iida.

- Certes mais… Une seconde, comment tu es au courant de ça ?

- Tu en parlais avec Tsukauchi il y a une heure… Au téléphone. J'étais juste à côté. »

Le commissaire se retint de frapper sa tête contre la table, se maudissant de ne pas avoir fait plus attention. C'était le genre d'erreur qui pouvait lui coûter très cher et qu'il essayait de ne jamais reproduire, mais il fallait croire que Hawks avait un don pour le perturber. Cependant il devait admettre que son oiseau de malheur avait raison : il tournait en rond et ne pouvait qu'attendre le lendemain pour pouvoir interroger Iida. Il poussa un long soupir, retira sa paire de lunette qui commençait à peser sur son visage et la posa délicatement sur le coin de la table.

« Bon, qu'est-ce que tu veux manger ? demanda t'il d'un ton las. C'est moi qui offre, prend tout ce que tu veux.

- Tout ce que je veux ?

- … oui, même tes espèces de déchets de poulet fris et dégoulinants d'huile… Je ne sais même pas comment tu fais pour apprécier ça.

- C'est un met que seuls les palais raffinés savent apprécier. »

Enji ne prit même pas la peine de répondre à cet affront et lui tendit son téléphone pour qu'il puisse commander son horrible plat. Ces trucs étaient tout ce qu'il avait en horreur en termes de nourriture : mauvaise qualité, que de la viande, incroyablement gras et ridiculement bourratif. Et vu la quantité qu'en avalait Hawks, il venait sérieusement à se demander comment il faisait pour ne pas avoir des problèmes de cholestérol. Quoi que dans quelques années, il allait certainement en faire les frais… Enji jeta un coup d'œil à Hawks qui chantonnait en sélectionnant les plats à commander et finit par se lever afin d'aller se chercher un verre d'un quelconque alcool un peu revigorant.

« Tu parles de moi et de ma qualité de nourriture, mais s'enfiler des verres de bourbon n'est pas mieux tu sais… se moqua le journaliste sans même lever son nez du téléphone.

- J'ai 53 ans Hawks, je pense pouvoir agir en connaissance de cause. Et puis ce n'est pas du tout la même chose.

- Hm, tu n'as pas tort… »

Un sourire apparut sur son visage, heureux d'avoir réussi à faire taire Hawks et d'avoir la main mise sur une discussion. Il sortit un verre, attrapa la bouteille et…

« Ce n'est pas la même chose effectivement. Le prix est différent. »

… et il oubliait que cette cervelle de moineau n'en ratait pas une pour l'emmerder. Mais répondre allait lui prouver qu'il avait fait mouche, alors Enji se contenta de souffler de nez et de siroter son verre.

« Et voilà ! Il y a quoi à la télé ce soir ?

- Eh bien regarde, je ne suis pas devin, rétorqua Enji en retournant à son bureau.

- Attend, tu ne vas pas retourner à tes dossiers ?

- Je vais retourner à mes dossiers pour les ranger, je ne tiens pas à les perdre ou à les éparpiller… Tu sais, « ranger », cette chose que tu ne sembles pas maîtriser.

- Je tiens à dire que mon appartement est très bien organisé, c'est toi qui es un maniaque du rangement ! »

Enji leva les yeux au ciel, et vint à se demander si il était très judicieux de partir dans une joute verbale avec le journaliste maintenant. Sur le coup, il en avait un peu plein la tête avec cette affaire qui faisait du sur-place et il n'avait pas envie de se chamailler. Là, tout ce qu'il voulait c'était se poser dans son canapé avec son verre et ne plus bouger jusqu'à ce que le lendemain arrive. Il avait rendez-vous avec l'officier Iida à 10h, mais le commissaire ne voyait pas ce qu'il allait pouvoir lui apporter de plus, si ce n'est cette explication sur sa dispute avec Nemuri. Il avait du mal à les voir complice dans un meurtre à l'empoisonnement – surtout dans le meurtre de fucking Overhaul – mais toutes ses années d'expériences lui avaient appris que parfois, le moins suspect des suspects pouvait être le coupable.

Mais pourquoi un simple officier et un agent de la brigade des stups voudrait-il assassiner l'une des pièces les plus puissantes de la criminalité japonaise ? Pour ne pas dire LE boss final…

Encore une fois, ça n'avait pas de sens.

Soudain, un bruit de sonnette le sortit de ses pensées, et il jeta un coup d'œil à Hawks qui avait commencé à s'installer devant la télé sur il-ne-savait quelle émission débile. Son froncement de sourcil lui confirma que la livraison avait été étrangement rapide, et qu'il était bien trop tard pour recevoir une quelconque visite. Enji fit signe de ne pas faire de bruit, et il attrapa son pistolet avant de se diriger lentement vers la porte d'entrée. Du coin de l'œil, il vit Hawks sortir à son tour une minuscule arme à feu et se cacher à l'opposé d'Enji, de sorte de prendre l'intrus à revers en cas de problème. Le commissaire ne savait pas où est-ce qu'il avait trouvé cette arme – et comment ça se faisait qu'un journaliste ait le droit au port d'arme – mais il ne s'en préoccupa pas plus pour le moment.

Il avait un autre problème à cet instant même…

Le bruit de sonnette retentit à nouveau, plus pressé cette fois-ci. La télé déblatérait en arrière fond, et Enji s'approcha un peu plus avec prudence. Il se posta devant le judas, regarda au travers et…

« Mon dieu, soupira t'il en baissant son arme et en s'écartant pour ouvrir la porte. Tsukaushi, qu'est-ce que tu fiches ici à une heure pareille ? »

En effet, ce n'était pas un criminel ou un assassin venu les faire taire, mais simplement Naomasa Tsukaushi qui avait la tête de quelqu'un qui venait de courir un marathon. Encore un peu essoufflé, l'agent ne parut même pas surpris de voir Hawks apparaître de derrière Enji.

« C'est urgent monsieur le commissaire. Très urgent, dit-il entre deux inspirations. Il fallait que je vous prévienne immédiatement.

- Eh bien, parle !

- C'est Tobita Danjuro. Il est mort. »


Tobita Danjuro, alias « Gentle Criminal » sur le net, était l'un des plus grands collectionneurs d'art – pour ne pas dire le plus grand – de tout le Japon, sa collection telle qu'il faisait baver d'envie les plus grands musées du pays. Amateur confirmé et spécialiste dans l'Histoire artistique de la Grèce antique à aujourd'hui, cet homme était notamment connu pour ses vidéos d'explication et de présentation de ses nouvelles acquisitions. Si Enji avait bien compris, ses débuts en tant que vidéaste d'art avaient été particulièrement difficiles. Millionnaire au caractère exubérant et légèrement condescendant, son étalage de ses richesses sur le net avait attiré un grand nombre de haineux et de voleurs. Heureusement pour lui, personne ne réussit à lui prendre quoi que ce soit, cependant… Les messages d'insultes avaient tendance à fuser à tout va. Mais, Tobita n'avait jamais abandonné et continuait ses vidéos, racontant les techniques utilisées pour une peinture ou tout simplement l'histoire qui se cachait derrière un tableau…

Sa persévérance et ses connaissances avaient fini par attirer du monde, jusqu'à avoir une audience passionnée qui le suivait et commentait chacune de ses transactions…

Tobita avait même organisé plusieurs fois des visites dans sa demeure, dont les fonds avaient été reversés à divers orphelinat du coin.

Mais à présent, le célèbre Gentle Criminal n'était plus, et Enji allait maintenant visiter sa demeure dans une ambiance qu'il aurait préféré autre. La voiture garée devant la grande grille métallique qui servait de défense contre les voleurs ou les petits curieux, le commissaire poussa un soupir et leva le nez pour observer le bâtiment qui se trouvait devant lui.

L'immense maison de Tobita était – Enji devait le reconnaître – tout bonnement impressionnante. C'était une sorte de manoir victorien, le genre de style qu'on ne trouvait certainement pas au Japon, complètement biscornu et aux couleurs bleuâtres qui étaient étrangement agréables à voir. Il était clair que cette œuvre géante n'était que le fruit d'un classique caprice de riche… Cependant, il fallait avouer qu'elle était particulièrement bien réussie, bien qu'Enji serait le dernier à vouloir vivre dans un anachronisme aussi immense et aussi marquant que cela. C'était un coup à se perdre dans sa propre demeure…

Mais, alors qu'il pénétrait dans le manoir, le plus marquant était certainement le nombre incalculable de tableaux qui jonchaient les murs à l'intérieur de la maison. Il n'y avait pas la moindre parcelle vide, pas le moindre mètre carré sans qu'il n'y ait une petite peinture ou un minuscule portrait d'une quelconque personne. Non seulement le plafond paraissait immense, mais avec toutes ces œuvres Enji commençait à avoir le tournis.

« Commissaire Todoroki ! s'exclama l'agent Sansa en se précipitant vers lui. Vous voilà enfin.

- Que s'est t'il passé ?

- On a reçu un appel un peu avant 22h, je dirai ? de monsieur Tobita. Il disait vouloir vous parler immédiatement, que c'était important et que c'était à propos du tableau volé. Il paraissait particulièrement en colère, et c'est lorsqu'il a commencé à parler de Chisaki que des détonations ont été entendues. On a envoyé une voiture immédiatement, cependant…

- Vous êtes arrivé trop tard, maugréa Enji. J'imagine que vous avez fait de votre mieux. Je prends la relève, où est le corps ?

- Dans le grand salon, suivez-moi. »

Le commissaire suivit Sansa jusqu'à un immense salon à la décoration typiquement anglaise et à l'âtre gigantesque. Comme le hall d'entrée de cette maison, les murs de la pièce était encore couvert de tableaux. Mais cette fois-ci, ce n'était pas les tableaux qui les intéressaient, mais bien le cadavre de Tobita. Assis sur le fauteuil et un téléphone à la main, il aurait presque pu paraître endormi si son corps n'était pas coloré de plusieurs tâches rouges, et si un filet de sang ne s'échappait pas de ses lèvres.

« Voilà un costume bien coûteux qui ne pourra être rattrapé, fit remarquer Enji en observant attentivement l'homme mort. Voilà que sa richesse et collection s'envole en un coup de feu…

- Plus que riche même, expliqua Sansa. C'était un amateur d'art qui n'hésitant pas à vendre et échanger des pièces pour sa collection, enfin je crois que vous le savez déjà… Mais, il semblerait que c'était une connaissance de feu Chisaki et qu'ils avaient déjà fait affaire à plusieurs reprises.

- Tiens tiens, voilà qui est intéressant… »

Ainsi donc, Tobita et Chisaki se connaissaient déjà, ce qui n'était pas étonnant après cet appel désespéré du collectionneur. Mais pourquoi avait-il été tué, et par qui ? Un des sbires d'Overhaul peut-être ?

« D'après le médecin légiste, continua le policier, les coups de feu proviendraient de la grande porte, juste là. Le pauvre était encore au téléphone avec nous lorsque l'on a tiré…

- Des vols ? Des disparitions ? demanda le commissaire.

- Rien de notable, mais l'équipe enquête encore. »

Enji hocha la tête et porta de nouveau son regard vers le corps sans vie de Tobita. Le fait qu'il se fasse tuer pile au moment où il avait des informations à dévoiler n'était pas une coïncidence, loin de là. Maintenant, plus il y pensait, plus il avait l'impression que toute cette histoire n'était pas à prendre à la légère et qu'il y avait bien plus d'acteurs que ce qu'on voulait lui faire croire. Cette réception avait un but précis, Overhaul n'avait pas organisé toutes ses mascarades pour simplement présenter un horrible tableau… Mais quelque chose avait mal tourné, et Tobita était au courant. Il faisait affaire avec le criminel, mais pour quelle raison ? Était-il au courant pour ses histoires de mafia, ou n'était-il qu'un simple client qui s'était fait berner par le Grand Vilain Overhaul ?

Il regarda les peintures autours de lui, et repensa soudainement au musée et à cette histoire de drogue. Et soudain, la voix de Nemuri lui revint en mémoire en un étrange écho : « Je sais à quoi vous pensez mais je n'ai jamais rien trouvé dans ce musée, pas la moindre trace de LSD ou de cocaïne. Soit notre informateur nous a menti, soit notre ami Chisaki a nettoyé l'endroit avant que je n'arrive. »

Une minute. Et si…

Tobita mort. Qui avait des informations sur le tableau volé et sur Chisaki. Tobita qui faisait très souvent affaire avec lui et qui collectionnait une multitude de tableaux. Quelqu'un avait tué le collectionneur avant qu'il ne puisse dévoiler quoi-que-ce-soit. Un tableau d'une valeur inestimable que même les plus grands experts n'oseraient toucher de peur de l'abîmer, qui n'avait jamais été exposé et qui faisait partie de la « collection personnelle de Chisaki ».

Chisaki et Overhaul, une seule et même personne. Overhaul expert en passation de drogue.

Bordel.

Enji se pinça l'arête du nez, se maudissant d'avoir été aussi aveugle et d'avoir laissé passer ça. Il n'était pas tout à fait certain, mais pour lui c'était l'hypothèse la plus probable.

Overhaul se servait de Tobita pour faire passer de la drogue en toute impunité. Est-ce que le collectionneur était au courant ? Peut-être, il ne pouvait plus le savoir à présent, mais il était certain que ce musée était réellement un point de vente et d'échange. Ainsi, le fameux tableau, « Le Cri » de Munch, avait dû servir à cacher de la drogue… Mais où était-il à présent ? Est-ce que Tobita avait essayé de le voler ? Ou alors l'un des sbires d'Overhaul l'avait-il caché chez lui pour éviter que la police ne le retrouve ? Dans ce cas personne n'aurait cherché à signaler un vol… De plus, qu'est-ce que Tobita avait voulu révéler ? La véritable nature du musée ? Ou autre chose ? La situation devenait clairement hors de contrôle, plus le temps avançait et plus les questions sans réponse s'entassaient. De plus, il ne pouvait clairement pas s'appuyer sur cette idée de tableau et de passation de drogue sans avoir une preuve concrète, et non sur une simple supposition basée sur un cadavre et une peinture disparue.

Mais c'est pourtant l'explication la plus rationnelle ! explosa t'il en son for intérieur.

Il poussa un long soupir et ne prit même pas la peine de relever la tête lorsque Naomasa s'approcha de lui, visiblement concerné par l'état de fatigue de son commissaire.

« Monsieur le commissaire ? demanda t'il. Quelque chose ne va pas ?

- Je crois avoir compris… »

Et il lui expliqua sa théorie, du début jusqu'à la fin. Naomasa écouta très attentivement, et hocha la tête d'un air très sérieux lorsqu'il eut terminé.

« Maintenant que vous le dites, ça fait sens… Mais ça ne dit toujours pas qui a tué Chisaki, et pourquoi son tableau a été volé.

- Quelqu'un s'est intéressé à la drogue que contenait le tableau, et a profité de la confusion pour venir le voler après notre départ. Peut-être Tobita ? Ou quelqu'un d'autre. Dans tous les cas, notre victime s'est rendue-compte de quelque chose, et a voulu nous prévenir immédiatement. Malheureusement, il devait être surveillé… Et s'est fait tuer avant de pouvoir nous révéler quoi que ce soit.

- Dans ce cas-là, il faudrait fouiller la maison entière, peut-être que nous tomberons sur un indice… ?

- Fais donc ça, Tsukaushi. Et je veux aussi un mandat pour pouvoir fouiller le musée de Chisaki de fond en comble ! Je vous dirai bien d'inspecter tous les tableaux en plus, mais… »

Il fit la grimace, et Naomasa l'imita. Il devait avoir plus d'un millier de tableaux dans ce manoir, tous valant plus chers les uns que les autres, et Enji n'avait pas envie d'infliger cette torture à ses hommes. Mais si ils ne trouvaient rien, ils allaient devoir passer toutes les œuvres au peigne fin…

Peut-être qu'une déité quelconque eut pitié de lui à ce moment-là, car l'un de ses agents accourut vers lui pour venir lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Enji écarquilla les yeux après quelques secondes d'attente, et il se précipita à la suite du policier. Il le suivit jusqu'à une porte qui menait à un sous-sol sombre et humide, puis ils arrivèrent enfin à une grande pièce dont l'éclairage se limitait à une ampoule maladroitement bricolée dans le plafond. Au beau milieu, il pouvait y voir une grande table avec des toiles blanches et des tableaux face contre mur. Et juste à côté, il s'y trouvait des sacs transparents dont la contenance ne faisait presque aucun doute.

De la drogue, avec une note :

« On t'avait prévenu.

- C »

Son hypothèse était donc juste.


« Gentle n'était pas au courant, je vous jure ! »

Il était 7h du matin, et Enji n'était clairement pas au meilleur de sa forme. Il avait passé la nuit au poste de police avec les paquets de drogue – de la cocaïne plus exactement – et à inspecter toutes les toiles et les tableaux qui avaient été trouvé dans la cave de Tobita. Il avait bien sûr prévenu Hawks qu'il avait laissé dans son appartement, et ce dernier avait d'ailleurs été fort contrarié de savoir qu'il ne pouvait pas venir le rejoindre, mais Enji avait été catégorique : il n'avait pas intérêt à venir mettre le nez dans ses affaires, pas lorsqu'il y avait un deuxième meurtre à la clé.

Mais voilà qu'après sa nuit blanche, lui qui pensait pouvoir rentrer chez lui afin de dormir quelques petites heures avant d'aller trouver Tensei Iida, une jeune femme était venue le trouver pour lui parler de Tobita Danjuro, expliquant qu'elle était son « associé ».

« Rappelez-moi, qui êtes-vous déjà ? demanda le commissaire en étouffant un bâillement.

- Manami Aiba, mais je suis plus connu en tant que La Brava. J'ai travaillé avec Gentle… avec Tobita pendant des années, répondit-elle d'une voix brisée. Je viens tout juste d'apprendre sa mort, je… je n'arrive pas à le concevoir, il était si gentil ! »

De grosses larmes coulaient de ses joues, et Enji lui tendit un mouchoir, qu'elle accepta poliment afin d'essuyer son maquillage qui dégoulinait sur son visage. Il patienta quelques secondes, puis il reprit la parole :

« Je suis désolée pour vous, mais je dois vous poser quelques questions avant. C'est pour cela que vous êtes venu me voir, n'est-ce pas ?

- Oui, en effet… Je souhaitais vous dire que Gentle ne pensait pas être mêlé à cette histoire de drogue. Tout ce qu'il faisait, c'était vendre et acheter des tableaux pour Overhaul, c'est tout.

- Attendez, vous êtes au courant de -

- Bien sûr que je suis au courant ! s'emporta t'elle. Gentle savait qui était Overhaul, mais il ne faisait qu'acheter et vendre des tableaux ! Mais tout a dégénéré ce jour-là… »

Le ton agressif agaça Enji, mais il ne fit aucun commentaire. Si cette jeune femme avait réellement des informations sur le meurtre, il ne pouvait pas la congédier ou s'énerver pour un éclat de voix, même après une nuit blanche. Cette « La Brava » était un véritable cadeau du ciel pour l'avancement de cette affaire, il ne devait surtout pas tout gâcher. C'est pourquoi il inspira profondément, avant de déclarer d'une voix douce :

« … racontez-moi tout.

- Je ne connais pas les détails, commença t'elle d'une voix peinée, Gentle gardait sous silence une grande partie de ses affaires, cependant… C'était peu de temps avant la réception d'Overhaul. Il devait y aller pour pouvoir faire affaire avec lui, mais un soir il est rentré furieux en disant qu'il ne pouvait plus travailler avec un malfrat tel que lui.

- Tel que Chisaki ? demanda Enki.

- Oui. Il a dit qu'il avait été trompé depuis le début, et qu'il allait devoir s'expliquer… Je l'ai entendu menacer quelqu'un au téléphone, disant qu'il allait les dénoncer à la police si il n'obtenait pas de compensation. Mais après la réception, c'était comme si il ne s'était rien passé. C'est là que j'ai compris qu'ils avaient trouvé un accord… Mais voilà, Overhaul est mort et Gentle a commencé à agir bizarrement. Il disait que c'était un piège, qu'il ne le sentait pas et qu'il n'aurait jamais dû accepter ce tableau.

- Ce tableau, ne me dites pas…

- Si. En échange de son silence, Overhaul lui offrait « Le Cri » de Munch, qui était d'une valeur inestimable. »

Ainsi donc pour résumer, si l'histoire était bien vraie : Gentle Criminal avait été trompé par Overhaul qui, par son intermédiaire, réussissait à faire passer de la drogue en les cachant il-ne-savait-comment dans les tableaux. Le collectionneur s'en était rendu-compte, et avait commencé à faire du chantage, et avait ensuite obtenu ce qu'il voulait : son silence contre un tableau à la valeur artistique et monétaire tout bonnement inestimable… Mais visiblement, quelque chose n'avait pas marché durant cet accord.

C'était à s'y arracher les yeux.

« Il a toujours lorgné sur ce tableau, il en rêvait même la nuit pour tout vous dire ! Mais le tableau n'est jamais parvenu à destination et Gentle a décidé de tout vous révéler, persuadé d'être en plein dans un piège. J'ai essayé de le faire changer d'avis, cracha Manami, je lui ai dit que ce n'était pas une bonne idée… Il a toujours été quelqu'un de bon, jamais il n'aurait accepté de faire passer de la drogue ! »

A ce moment-là, elle commença à louanger les œuvres et le comportement parfait de Gentle, à quel point il s'était montré noble et que, malgré tout ce qu'on pouvait dire sur lui, il était quelqu'un de foncièrement bon. Point de vue qu'Enji ne partageait absolument pas. Il y voyait un tout autre tableau – sans mauvais jeu de mot – quelqu'un qui n'hésitait pas à user de sa richesse et de son entourage pour parvenir à son but. Certes, il faisait de nombreux dons grâce à ses transactions, mais c'était principalement de l'argent sali par des passations de drogues et par la collaboration avec un mafieux. Il se doutait que Tobita n'était pas « mauvais », mais il n'était pas un saint, ses actes de charités étaient certainement là pour masquer au maximum ses méfaits.

« Tobita a travaillé avec Overhaul madame, commença Enji d'une voix douce. Il savait ce qu'il faisait, et il savait qui était en réalité Chisaki. Bon ou non, son travail était illégal et il participait au financement d'une des organisations criminelles les plus dangereuses du Japon. Je suis désolé de vous dire ça, mais Tobita Danjuro était un malfrat et la police aurait mis la main sur lui tôt ou tard.

- C'est FAUX ! Il donnait aux associations, il… vous auriez dû le voir avec les enfants, il… »

Elle donna l'impression de vouloir éclater en sanglot, mais elle sembla se retenir. Elle inspira un grand coup et toisa Enji d'un regard noir à faire frémir un géant. Visiblement, l'idée que Tobita soit un criminel ne lui plaisait absolument pas. Il décida donc de ne rien ajouter, et remercia la jeune femme pour toutes les informations qu'elle leur avait fourni.

« Je ne l'ai fait que pour Gentle, souffla t'elle en fermant les yeux. Je ne veux pas qu'il soit considéré comme un truand de bas étage, quoi que vous disiez… C'était un homme bon, avec ses propres convictions, et je ferai tout pour que le monde se souvienne de cela.

- … Si vous le dites, soupira Enji. C'est très noble de votre part en tout cas, Tobita serait touché je pense. »

Manami acquiesça avec l'air de quelqu'un qui le savait déjà. La jeune femme paraissait avoir une certaine fierté, surtout en ce qui concernait son ex-associé… Ou son ex tout court, si il en croyait la passion qu'il pouvait lire dans ses yeux lorsqu'elle parlait de lui. Mais, outre la passion et la criminalité de ce « Gentle », Enji avait tout de même un premier meurtre à régler. Même si il semblerait que les hommes d'Overhaul aient tués le collectionneur, cela n'expliquait pas qui avait bien pu empoisonner le mafieux… C'est pourquoi il demanda d'une voix calme :

« Cependant, j'ai une dernière question à vous poser avant que vous vous en alliez…

- Allez-y.

- Avez-vous une idée de qui aurait pu assassiner Chisaki, enfin Overhaul ? »

Manami plissa des yeux, avant de secouer la tête.

« Certainement pas Gentle. Pour le reste, je n'en ai aucune idée, je n'étais pas à cette réception.

- Je vois, veuillez m'excuser.

- Ce n'est pas grave… J'espère vous avoir été tout de même utile. Si vous voulez bien me laisser, j'ai un enterrement à organiser. »

Et elle quitta la pièce la tête haute et le regard grave. Une fois disparue, Enji s'enfonça dans sa chaise et papillonna des yeux pour tenter de rester éveillé. Toute cette histoire était… Eh bien, il avait raison – comme d'habitude – lorsqu'il disait que ce meurtre et ce vol de tableau avait un lien. Il fouilla dans sa poche et en sortit le message qu'il avait trouvé dans la cave de Tobita. « On t'avait prévenu », qui était ce fameux « on » ? Les sbires d'Overhaul ? Ils étaient forcément à l'origine de ce second meurtre, et avaient certainement très mal vu la trahison de Tobita… Et ce « C »… Le nom de Chronostasis lui vint en tête, et il grimaça à l'idée de s'être fait berner par l'homme de main. Pendant un moment, Enji s'était demandé si le collectionneur avait pu assassiner Overhaul, mais ça ne collait pas avec l'histoire de Manami.

Overhaul en vie, Tobita aurait dû recevoir son tableau et aurait ainsi pu continuer ses petites affaires sans craindre quoi-que-ce-soit… Il n'avait donc aucune raison de le tuer.

Retour à la case départ. Overhaul tué à sa réception. Un tableau promis à Tobita, qui savait des choses sur Overhaul. Tobita assassiné après le vol du tableau et après avoir appelé la police pour révéler quelque chose – certainement toute cette histoire de passation de drogue.

Et toujours pas de tableau en vue.

« Monsieur le commissaire, appela un Naomasa par le haut-parleur de la salle, votre rendez-vous avec le jeune Iida…

- Oui, merci, grommela t'il. J'y vais. Est-ce que tu -

- Tout est enregistré. »

Sincèrement, Enji se disait que sans Naomasa, il se serait retrouvé dans de biens fâcheuses positions à plusieurs reprises. Discret, efficace, respectueux, poli et qui se plaignait rarement, Naomasa était sans conteste l'un des meilleurs policiers qu'il connaissait à ce jour. Il remercia le policier et se releva pour se diriger hors de la pièce, clé de voiture à la main.

Il roula pendant une bonne dizaine de minutes avant d'arriver à un petit appartement du centre-ville. Surpris de voir que l'héritier de l'industrie mondial « Ingenium » vivait dans un taudis pareil, Enji vint même à se demander si il ne s'était pas trompé d'adresse. Pourtant, tout indiquait qu'il était au bon endroit… Il s'était toujours imaginé les descendants de ce genre d'entreprise comme des fils à papa vivant des immeubles bien trop luxueux pour ce qu'ils faisaient, mais il semblerait que Tensei soit l'exception qui confirme la règle. Il s'apprêta à s'approcher du parvis, quand soudain un craquement à sa droite attira son attention. Immédiatement, il attrapa son pistolet et vint se placer derrière l'un des poteaux en bitume qui marquait l'entrée de l'immeuble. Son cœur battait à toute allure et il serra les dents alors que des bruits de pas lents et discrets parvinrent à ses oreilles.

On l'avait suivi.

Quelqu'un l'avait suivi, et semblait déterminé à en découdre avec lui, qu'importe l'heure et l'endroit… Peut-être était-ce un piège depuis le début ? Tensei Iida était mort, tout comme Tobita, et on avait voulu l'attirer ici pour -

Mais voilà, alors qu'il s'attendait à voir un malfrat débarquer, l'arme au poing, il ne vit qu'une vieille dame s'avancer sur le trottoir en compagnie de son chien minuscule. En le voyant ainsi caché derrière son poteau, armé de son pistolet, elle écarquilla de grands yeux et recula de quelques pas.

« Excusez-moi, maugréa t'il. Police, j'ai rendez-vous. »

La mamie ne répondit pas, trop surprise, et finit par s'éloigner à grands pas tout en jetant des regards soupçonneux au commissaire, son minuscule cabot grognant et jappant derrière elle.

« Eh bien monsieur le commissaire, vous avez d'étranges manières de venir sonner chez les gens. »

Enji sursauta et se retourna immédiatement pour faire face à un jeune homme de grande taille au visage fatigué et au sourire doux.

« Tensei Iida, se présenta t'il en lui tendant une main. Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous surprendre… Mais on s'est déjà vu n'est-ce pas ?

- Effectivement… »

Enji fut un peu surpris par la mine chaleureuse et par la poigne ferme du garçon. En temps normal, lorsqu'il débarquait chez quelqu'un pour lui poser des questions à propos d'un crime quelconque, l'hôte avait les mains moites, les jambes flageolantes, et l'interrogatoire commençait par des babillages et des bégaiements terrorisés. Les suspects étaient généralement bien moins rassurés lorsque la police venait directement chez eux que lorsqu'ils allaient en salle d'interrogatoire… Le fait de violer leur espace privé, leur chez-eux bien douillet avec des questions morbides et parfois inquiétantes en effrayait plus d'un.

Mais voilà, Tensei paraissait totalement confiant, il était presque heureux de le voir chez lui, comme si il accueillait un vieil ami qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs années. Enji ne savait pas si il devait trouver ça rassurant ou inquiétant…

« Eh bien, je crois que nous avons beaucoup de chose à nous dire, soupira le jeune homme. Je suis désolé de ne pas avoir pu répondre plus tôt, j'étais sur une affaire particulièrement importante.

- Ah bon ? » fit mine de s'étonner le commissaire tout en serrant les dents.

Ce n'était pas qu'il ne le croyait pas, mais il aurait préféré ne pas devoir courir de gauche à droite pour obtenir les témoignages des suspects. Déjà qu'un d'entre eux était mort… Aussi sympathique Tensei avait l'air, il allait devoir lui donner des arguments de poids pour justifier son absence au commissariat. Au même titre que ce Shigaraki d'ailleurs, dont il n'avait toujours aucune nouvelle…

« Entrez donc, ce sera plus pratique pour discuter. »

Enji suivit le jeune homme jusqu'à son appartement, qui était bien plus propre et agréable que le bâtiment miteux qui lui servait d'immeuble. La décoration était sobre et de bonne qualité, des cadres photos avaient été installés sur les commodes, un ficus en bonne santé reposait dans un coin de l'entrée et même si quelques meubles bons marchés traînaient deçà-delà, l'ensemble était d'un bon goût agréable à regarder. Une fois dans la pièce à vivre, Enji dut reconnaître qu'il devait y faire bon vivre et que son immense appartement du centre-ville paraissait bien mort en comparaison à celui-ci. Quoi que depuis que Hawks avait décidé de le visiter tous les deux jours, il paraissait avoir repris des couleurs…

« Un café peut-être ? proposa Tensei après s'être débarrassé de ses chaussures. J'ai eu vent du meurtre de Tobita Danjuro, j'imagine que la nuit n'a pas été facile…

- Je veux bien, merci. Et comment sais-tu pour -

- Des collègues m'en ont informés. L'un d'entre eux soupçonnait Tobita de fabrication de faux, mais il semblerait qu'il se soit trompé. Je vous apporte ça, installez-vous dans le canapé, faites comme chez vous ! »

Si le jeune Iida cherchait à l'amadouer, Enji devait avouer qu'il s'y prenait très bien. Toutefois, au lieu de s'installer dans le canapé comme lui avait proposé son hôte, il se dirigea vers l'une des commodes pour attraper un des cadres photos qui y était posé. La photographie représentait un jeune homme visiblement plus jeune que Tensei et qui lui ressemblait énormément – à la différence qu'il portait des lunettes et paraissait incroyablement crispé, une drôle de grimace en guise de sourire là où l'officier paraissait tout bonnement rayonnant. Enji reposa le cadre pour en attraper une autre, avant de se figer au fur et à mesure qu'il parcourait le cliché des yeux.

« Monsieur le commissaire ? Quelque chose ne va pas ? »

Tensei venait d'arriver, deux tasses fumantes à la main, et l'observait d'un regard curieux et quelque peu inquisiteur – ce qu'il comprenait parfaitement puisqu'il était en train de fouiller sans prétention son appartement. Toutefois, l'image qu'il venait de voir l'avait trop bouleversé pour s'excuser ne serait-ce qu'un minimum. Le jeune homme dut le remarquer puisqu'il s'approcha de lui et jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant de se mettre à sourire tendrement.

« Ah ! s'exclama t'il. La photo de classe de mon petit frère, Tenya. Il est en première année à Yuei, et je dois avouer que j'ai dû batailler des pieds et des mains pour l'obtenir, cette photo…

- Tu apprécies ton petit frère. »

Ce n'était pas une question, mais Enji était incapable de se montrer poli ou même de détacher son regard du cadre.

« Oui, je le colle un peu trop d'après mes parents, mais bon… J'étais assez inquiet pour lui vous savez, il a toujours été… très carré et très strict pour son âge, il a passé ses années de collège sans trop d'amis, du coup je voulais être sûr que tout se passe bien. Enfin, comme vous pouvez le voir, il a l'air de s'en être fait, des amis ! »

En effet, sur la photo de classe, un Tenya un peu tendu était attaqué par d'un blond à la chevelure électrique qui essayait de lui faire faire un sourire forcé, tandis qu'une jeune fille au visage rondelé souriait à pleine dent, un bras passé autours du sien. De l'autre côté, un garçon aux tâches de rousseurs paraissait s'amuser des pitreries de ses amis, quoi qu'un peu embarrassé si il en croyait sa main passée derrière le crâne. Et, tout autours, le reste de ses camarades en train de sourire ou de rire, marquant à jamais une joie de vivre presque aveuglante. Même leur professeur au trait maussade et à l'apparence hirsute esquissait un léger sourire.

Toutefois, ce qui attirait le regard d'Enji n'était pas cette bonne humeur – bien qu'elle soit touchante – mais bel et bien ce jeune homme non loin de Tenya au visage marqué par une cicatrice bien visible.

« Est-ce qu'il… hésita pendant un moment Enji. Est-ce qu'il connaît un certain Shoto, dans sa classe ?

- Shoto ? Absolument ! s'amusa l'officier. Ils sont inséparables, avec Izuku – le garçon aux cheveux bouclés – et Ochaco, la jeune fille à leurs côtés. Pourquoi cette question ?

- … c'est mon fils. »

Un silence prit place tandis que Tensei prenait peu à peu conscience des mots d'Enji. Il cligna des yeux plusieurs fois, avant de le couvrir d'un regard désolé et un peu embarrassé.

« … Oh. Je vois. »

Encore une fois, le silence revint à la charge sans que le commissaire ne sache quoi dire. Il avait un questionnaire à mener, il devait interroger Tensei afin de pouvoir terminer son enquête sur ces meurtres stupides et ce vol de tableau, mais il était tout bonnement incapable de poursuivre. Voir Shoto en photo, avec cet air si serein collé sur le visage lui serrait le cœur autant que ça le rassurait.

« Est-ce que… commença t'il avant de se faire interrompre.

- J'ai entendu deux trois histoires venant de Tenya, mais rien de bien… Enfin ce n'était que des bribes, mon frère n'est pas du genre à colporter des ragots. »

Tensei marqua un temps, puis reprit immédiatement :

« Mais sinon il va bien. Je l'ai déjà vu chez mes parents en compagnie de Tenya et d'Izuku, il paraissait en forme, et… heureux. Vous voulez que je vous raconte ce que je sais ?

- … Je veux bien, merci. »

La question avait un peu surpris Enji, mais entendre que Shoto allait bien l'avait balayé de tous ses doutes et de toutes ses obligations. Alors, il accepta l'invitation de Tensei pour s'asseoir et attrapa la tasse de café qu'il lui tendait tout en écoutant les petites histoires qu'il connaissait sur son fils, sur à quel point il paraissait manquer cruellement d'humour et qu'il était assez bon à l'école. Il savait peu de choses, mais la moindre petite information faisait un bien fou à Enji.

6 ans.

6 ans depuis le divorce avec sa femme, 6 ans qu'il avait ouvert les yeux sur son comportement de connard et 6 ans qu'il avait fui sa famille pour les laisser en paix. Il n'avait jamais été violent, ou un de ces père alcoolique et malade qui ressentait le besoin de frapper pour avoir l'impression de dominer quelque chose… Mais il n'avait pas été bon, à pousser ses enfants à un élitisme ridicule tout en ignorant leur envie ou leur joie de vivre, ne leur adressant la parole que pour les rabaisser ou leur dire quoi faire. Il ne s'était même pas rendu-compte, à cette époque, que son aîné Touya passait de moins en moins de temps à la maison, que sa fille unique Fuyumi était tombée dans une profonde dépression et que son benjamin Natsuo avait pris une dizaine de kilo à cause du stress, ni que son plus jeune était incapable de se faire le moindre ami à son école. Il n'avait pas vu les regards horrifiés de sa fille lorsqu'il haussait le ton, ni ceux attristés de sa femme alors qu'il s'enfermait le soir pour travailler après une énième dispute avec Touya ou Natsuo.

Et puis il y avait eu l'incident. Dans un geste rageur, il avait fait mine de vouloir frapper, frapper oui, Touya après une parole insolente. Il se souvenait que ça avait été simplement un geste d'intimidation, mais…

Il n'avait aucune excuse.

La bouilloire avait volé, l'eau encore fumante s'était échappée et s'était écrasée sur le côté gauche du visage de Shoto. Que ce soit Rei, sa femme, Natsuo qui était présent à ce moment-là ou même lui, personne n'avait eu le temps d'agir. Shoto avait hurlé et la brûlure l'avait marqué à vie. C'était un accident, mais un accident qui aurait pu aller bien plus loin si il était resté avec cette famille. Alors il avait ouvert les yeux sur son comportement, sur ses qualités inexistantes de père et sur ce qu'il leur avait infligé.

Mais il était trop tard. Tout s'était enchaîné, et Rei avait demandé le divorce avant même qu'il ne puisse faire quoi-que-soit. Il avait accepté bien-sûr, et n'avait demandé aucune défense, mais il avait été effrayé par la quantité de preuves qu'il y avait contre lui. Médecins, avocats, proches et amis, tous avaient témoigné contre lui.

Alors, après que Rei ait obtenu la garde des enfants, lui était parti de façon à les laisser respirer, horrifié de n'avoir vu les atrocités qu'il avait pu commettre. Pour beaucoup, il n'avait fait que de bêtes erreurs parentales – il était le commissaire Todoroki voyons, et « tout le monde pouvait se tromper » – mais Enji savait que c'était faux. Il n'aurait pas dû se « tromper », et il méritait sa mise en exile loin de sa famille. Même si il avait quelques contacts avec Fuyumi, la seule qui acceptait encore de lui adresser la parole par message, il ressentait une profonde tristesse à l'idée de ne pouvoir les voir.

Même si il était conscient qu'il n'en avait pas le droit, qu'il ne pouvait pas, il avait envie de leur parler juste un instant, de prendre de leur nouvelle directement, et peut-être de s'excuser convenablement.

Mais il ne voulait pas, pas après ce qu'il avait fait. Alors il se contenterait des brefs messages de sa fille, et de l'histoire contée par Tensei. Ce n'était pas grand-chose, mais Enji sentit une flamme et une certaine fierté naître dans son cœur – une véritable fierté – alors qu'il écoutait l'officier tout en trempant ses lèvres dans sa tasse de café.

« … entraîné dans une drôle d'histoire de règlement de compte et de sauvetage, je vous avoue que je n'ai jamais vraiment compris ce qu'il s'était réellement passé… rit Tensei.

- Eh bien, je ne l'aurai jamais cru capable de s'embarquer dans de telles situations, sourit doucement Enji. J'imagine que je ne le connais pas si bien que ça…

- Je ne peux malheureusement pas répondre à votre place, monsieur le commissaire… Mais, peut-être pourriez-vous essayer de le connaître ? »

Enji fronça les sourcils et Tensei leva immédiatement les mains en signe d'excuse, soudainement un peu mal à l'aise.

« Pardonnez-moi, je n'avais pas à faire ce genre de réflexion. Je me disais juste… Enfin, je ne connais pas les détails donc ce que je dis est certainement déplacé, mais… avez-vous déjà essayé de reprendre contact avec votre famille ? »

Le commissaire avala une gorgée de son café et fit la grimace. Il avait déjà des contacts avec sa famille, et il ne pensait pas que ce soit judicieux d'essayer de tous les revoir. Sa stupidité et son égoïsme avait manqué de les détruire, et il ne voulait pas recommencer. Qu'ils refassent leur vie chacun de leur côté, et les moutons seront bien gardés. C'est pourquoi il se contenta d'une réponse franche et rapide, non sans mentir d'une certaine manière :

« Oui. »

Et il se tut. Il ferma les yeux un instant, puis il inspira un grand coup. Parler de Shoto, de sa famille, et de son passé était quelque chose, mais il avait une enquête à terminer – ou du moins à continuer. Il devait des remerciements à Tensei pour ces histoires sur son fils, toutefois il ne devait pas oublier qu'il avait deux meurtres sur le dos et que l'officier en face de lui avait des choses à lui avouer… Notamment cette dispute avec l'agent Kayama. Et cette histoire de verre qui n'avait pas été touché.

Il rouvrit les yeux, puis déclara d'une voix plus sévère :

« Merci pour tout Tensei. Mais j'ai bien peur de devoir mettre fin à cette discussion et de passer à un interrogatoire un peu moins agréable…

- Absolument, je m'excuse de m'être égaré, déclara Tensei ; à présent plus sérieux. Que voulez-vous savoir ?

- Déjà, que faisais-tu à une réception comme celle-ci ? »

L'officier reposa sa tasse et pinça des lèvres. Son sourire doux et amusé de lorsqu'il parlait de son frère et de Shoto avait disparu, laissant place à une mine plus impliquée et plus grave.

« Bon, j'imagine qu'il vaut mieux tout reprendre depuis le début… déclara t'il. Outre le fait que je viens d'apprendre par mes collègues que Chisaki était bel et bien un mafieux d'une puissance colossale, j'enquêtais – ou devrais-je dire – j'étais chargé de surveiller Shigaraki Tomura.

- Shigaraki ? s'étonna Enji. Qu'a t'il encore fait ?

- Rien. Pour tout avouer, rien. Mais son passé de criminel est tristement connu dans notre commissariat, et lorsque l'on a appris par une source extérieure qu'il y avait des histoires entre Chisaki et Overhaul… sans vraiment savoir que ces deux-là étaient une seule et même personne bien-sûr, et que Shigaraki s'est mis à bouger, on m'a chargé de jeter un coup d'œil à ses agissements. »

Il marqua une pause, avala une gorgée de son café et reprit :

« Sauf que Chisaki est mort et Shigaraki a disparu. »

Enji fronça encore une fois les sourcils. Il savait que Shigaraki avait trempé dans des affaires plus ou moins louches et qu'il connaissait « Chisaki », mais il avait stoppé toutes activités illégales depuis un certain temps. Il s'était renseigné sur ce jeune homme peu de temps après son interrogatoire avec Kurono, et tout ce qui en était sorti était qu'il était un ancien truand de bas-étage et qu'il avait bel et bien essayé de magouiller avec Overhaul. Sinon, il n'avait rien obtenu d'autres… Ce qui faisait qu'il était particulièrement intrigué par cette disparition et sur le fait qu'un commissariat ait envoyé un policier pour le filer.

« Disparu ? demanda t'il. Explique-moi ce qu'il s'est passé.

- Shigaraki est connu pour ses petits vols, ses tentatives d'arnaques et pour ses règlements de compte… rien de bien méchant en soit. Il a passé quelques mois en prison et une grande partie de sa vie en garde à vue, et était sur notre liste-noire de personne à surveiller, expliqua Tensei en s'avançant dans le canapé. Ensuite, on a appris qu'il avait eu des contacts avec le tristement célèbre Overhaul et là on ne l'a carrément plus lâché. Mais il y a eu un désaccord entre ces deux-là, sans qu'on ne sache pourquoi, et Shigaraki a coupé tous les ponts avec Overhaul. Par la suite, il a vécu sa petite vie sans aucun dérapage et se montrait même étrangement sage… Jusqu'au meurtre de Chisaki et sa disparition.

- Un désaccord, puis un meurtre ? Voilà qui est bien fâcheux… pour lui.

- En effet, avec ces informations tout se tourne vers lui, cependant… Il y a quelque chose qui m'échappe, dans cette histoire de disparition. Au moment de la mort de Chisaki, il m'a paru… surpris, je dirai même effrayé, comme si ce n'était pas prévu. J'imagine qu'un meurtrier se réjouirait de la mort de sa cible, n'est-ce pas ?

- Certes, mais il peut très bien jouer la comédie… » réfléchit Enji.

Voilà un point intéressant qu'il ne manqua pas de noter dans un coin de sa tête. Shigaraki était un peu passé à la trappe depuis le début de l'enquête et le mettre en lumière pouvait peut-être lui apporter des réponses… Mais Enji avait appris à ne pas se précipiter, et il laissa Tensei continuer.

« C'est ce que je pensais aussi, soupira t'il. Mais le lendemain même de la soirée – j'avais pour ordre de le suivre – j'ai surpris une conversation entre lui et une personne inconnue au téléphone. J'étais malheureusement trop loin pour entendre, mais Shigaraki avait l'air tout particulièrement paniqué. Depuis, impossible de le trouver. Il n'est plus à son domicile, et le gérant du bar dans lequel il travaillait ne l'a pas vu depuis quelques jours.

- Hm, vous le suiviez au lieu de venir à votre convocation au commissariat, c'est ça ? grommela le commissaire.

- Vous n'avez pas reçu d'appel ?

- Du tout. »

Tensei se crispa un instant, l'air passablement mécontent, et Enji devina que cette information ne lui plaisait pas. Sa surprise lui paraissait sincère, mais il ne pouvait s'empêcher de trouver ça étrange.

« Ce n'est pas normal, vous auriez dû être prévenu…

- Effectivement.

- Je vous envoie mon ordre de mission dès que possible, cela vous va ? »

Le commissaire hocha la tête, puis lui demanda :

« Par contre, parle-moi un peu de toi et de ce que tu faisais le soir du meurtre – outre le fait de surveiller Shigaraki – et pourquoi tu n'as pas touché à ton verre. »

Parler de Shigaraki était intéressant, et Tensei avait beau être quelqu'un d'apparence charmante, il restait un suspect dans cette affaire aux proportions ridicules. Il avait déjà fait une erreur en le laissant voir une de ses faiblesses avec les discutions sur son fils, il ne pouvait pas se permettre d'en faire d'autres en n'épluchant pas consciencieusement le point de vue de l'officier.

« Je surveillais Shigaraki, effectivement, ce qui explique pourquoi je n'ai pas voulu toucher à ce verre, se défendit Tensei. C'était bien trop dangereux, surtout avec les soupçons autours de Chisaki.

- Donc vous pouvez dire si Shigaraki a disparu lors de la réception, ou… ?

- Il n'a pas bougé. Il s'est simplement contenté de rester non-loin d'Overhaul, sans jamais le quitter des yeux. Ce qui était un peu effrayant d'ailleurs… En tout cas je crois qu'il ne s'est jamais approché de lui, pas même pour le saluer. »

Ce qui collait avec la version de Kurono, si il s'en souvenait bien. Shigaraki était resté à l'écart d'Overhaul, non sans jamais le quitter une fois des yeux. Hawks et Nemuri ne lui avaient rien dit sur lui par contre, ou du moins rien de suspect ne leur avait sauté aux yeux. La seule chose qui revenait était « le côté effrayant de Shigaraki ». Et ce n'était pas ça qui allait faire avancer l'enquête… en tout cas, il ne pouvait pas se baser sur un simple aspect alors que plusieurs témoins avaient vu que le petit criminel rester loin sans jamais montrer des signes de nervosités ou d'intérêt pour le meurtre. Au contraire, d'après Tensei, ce meurtre l'avait même fait paniquer…

Avait-il eu peur d'être soupçonné ? Ou peut-être que le poison n'avait pas été destiné à la bonne personne, ce qui expliquerait sa frayeur ?

Il poussa un soupir et pinça les lèvres alors qu'il se rendait compte qu'il n'avait rien de rien, si ce n'est un Shigaraki qui avait pris la fuite après un meurtre. La possibilité qu'il se soit fait descendre n'était pas improbable… Si Gentle s'était fait tuer pour en savoir trop, Shigaraki pourrait-il être ciblé lui aussi ? Peut-être que l'entourage d'Overhaul liquidait toutes personnes susceptibles d'avoir tué leur saint patron, par vengeance ou par pur désir de nettoyage.

L'hypothèse comme quoi Kurono était dans le coup était bien trop facile, mais elle devenait de plus en plus probable…

« Tout ceci me paraît bien compliqué, dit-il après un instant de réflexion. Mais dis-moi, à part Shigaraki, tu n'as reconnu personne d'autres… ?

- Non, répondit immédiatement Tensei. Personne, mais je dois dire que -

- Donc votre petite dispute avec mademoiselle Kayama Nemuri n'était que le fruit de mon imagination ? »

Au même moment son téléphone sonna, et Enji le coupa avant même de regarder qui cela pouvait bien-être. Il devait jouer franc jeu maintenant, et ce n'était pas les yeux écarquillés de Tensei qui allaient l'en dissuader.

« Je… bredouilla l'officier ; avant de se faire interrompre.

- Ça ne sert à rien de me mentir, je sais que tu as une une dispute avec mademoiselle Kayama ce soir-là. Je demande donc : pourquoi m'avoir menti, et quel était le sujet de la dispute ? »

Son téléphone sonna encore une fois, et il le recoupa une deuxième fois, ses yeux sévères toujours fixés sur le jeune adulte. Cette fois-ci, ça devenait intéressant…

« Écoutez, ce n'est pas…

- Tensei, tu es intelligent, tu sais ce qui peut se passer si tu ne coopères pas, gronda Enji. Si tu caches quelque chose ou si tu cherches à défendre -

- Jamais ! Je veux dire… Nemuri et moi sommes amis depuis longtemps, nous étions au lycée ensemble, grimaça t'il. Je sais qu'elle n'a pas tué Overhaul, ce n'est pas possible. Si on s'est disputé, c'est parce qu'elle n'aurait jamais dû participer à cette réception.

- Et pourquoi donc ?

- Parce qu'elle recevait des menaces commissaires. Des menaces anonymes, mais qui venaient clairement de Overhaul – ou du moins l'un de ses proches. A l'époque, nous pensions que Chisaki travaillait pour Overhaul, et… à force de fouiller, j'étais persuadé qu'elle s'était mise dans un mauvais pétrin. Je conçois que c'était déplacé de ma part, mais… J'ai voulu la faire partir, et elle l'a mal pris.

- … Ce n'est pas étonnant. C'est une policière de la brigade des stup, pas un chaton à protéger.

- Je sais ! Je sais… je me suis excusé, j'ai agi sous le coup de l'inquiétude et je n'ai pas réfléchis.

- Et j'imagine qu'elle vous expliqué pourquoi elle n'a pas touché à son verre… soupira Enji d'un ton las.

- Elle est enceinte. »

Enki releva la tête d'un seul coup et s'apprêta à poser une énième question quand son téléphone sonna pour la troisième fois. Agacé, il le tira définitivement de sa poche et sentit ses oreilles chauffer en voyant le numéro de Hawks s'afficher sur l'écran, et raccrocha l'appel. Par contre, il déchanta bien rapidement lorsqu'il vit la multitude de message que ce dernier lui avait envoyé.

De : Hawks

Endeavor, il faut que je te parle !

De : Hawks

Je crois que j'ai un problème.

De : Hawks

C'est sérieux, tu vas me tuer mais c'est sérieux.

De : Hawks

Enji, je crois que je suis suivi. Ce n'est pas une blague, répond s'il te plaît !

Et plein d'autres messages du même genre, tout aussi inquiétant les uns que les autres. Par la suite, il n'y avait plus que des appels manqués et des « Réponds par pitié ! » avec des fautes de frappes, synonyme de messages écrits à la va-vite. Il sentit son cœur s'emballer, mortifié de n'avoir pas répondu, quand enfin un nouvel appel de Hawks fit son apparition. Il s'excusa rapidement auprès de Tensei et se leva pour s'éloigner un peu avant de répondre au téléphone :

« Hawks, qu'est-ce qu'il se passe ? rugit-il à moitié. Tout va bien ? C'est quoi ces messages ?

- Bonjour ! fit la voix mélodieuse – mais tremblante – du journaliste. J'aimerais commander une pizza hawaïenne, de taille moyenne s'il vous plaît.

- Hawks, je suis en train de travailler, dis-moi ce qu'il se passe ?! Qu'est-ce que c'est que cette histoire de pizza ?

- Oui, je sais. Mais 12H30 serait parfait ! »

Et le sang d'Enji se glaça. C'était une vieille astuce qu'utilisait les femmes battues pour demander de l'aide lorsque leur mari était dans le coin. Elles faisaient semblant de commander une pizza, tout en donnant le plus d'informations possible à la police, le tout en étant le plus discret possible. Si Hawks utilisait cette méthode, c'était qu'il n'était pas seul.

Et en danger.

« Hawks, dit-il d'une voix plus grave, tu es chez toi ?

- Oui, avec de la sauce pimentée s'il vous plaît !

- Es-tu seul ? Est-ce que tu penses que tu es en danger ?

- Non, pas de supplément, merci. Mais oui, je prendrais un coca en plus.

- … redonne-moi ton adresse, j'arrive immédiatement. Entre temps, ne fait rien de suspect ou de dangereux !

- Absolument ! Alors j'habite à Okina Tori, bloc 5, immeuble 13, au quatrième étage. Mais sonnez, je vous ouvrirai. A tout à l'heure ! »

Enji nota d'abord son adresse dans sa tête, la répétant en boucle pour ne pas l'oublier avant de l'écrire sur son carnet où était inscrit toutes ses informations sur l'enquête, le tout sous le regard inquiet de Tensei. Une fois terminé, il attrapa son manteau dans la foulée, puis il se rua vers la porte d'entrée sans même jeter un regard à son hôte.

« Attendez ! le poursuivit l'officier. Que-ce-passe t'il ?

- Il semblerait que quelqu'un cherche à se débarrasser des invités d'Overhaul, déclara t'il d'une voix blanche. Fait attention à toi, barricade-toi si besoin, mais attend mon appel avant de faire quoi-que-ce-soit. Si tu n'as pas aucune information dans les heures qui suivent, envoie une voiture à Okina Tori. »

Il lui redonna l'adresse, puis s'engouffra dans sa voiture et écrasa l'accélérateur de toute la force dont il était capable. Le bolide vrombit avec un grondement monstrueux et sauta sur la route. Il ne savait pas si quelqu'un cherchait réellement à se débarrasser des invités, mais Hawks était en danger. Tobita mort, Shigaraki qui semblait fuir quelqu'un, et maintenant Hawks ? Il y avait forcément un lien, et Enji n'attendrait pas de trouver un autre cadavre pour le découvrir. Et encore moins celui de cette foutue cervelle d'oiseau. Il ne savait pas comment il avait fait pour se mettre dans une telle situation – encore une fois – mais il allait définitivement le sortir de là. Il lui avait dit pourtant, de ne pas se mêler de cette affaire… !

Les paumes moites et la bouche sèche, Enji n'hésitait pas à allègrement dépasser les limites de vitesse pour rejoindre l'immeuble au plus vite. Au diable les radars et les klaxons des conducteurs furieux, il avait littéralement la vie d'un homme entre les mains. Son homme. Il pouvait sentir le sang battre furieusement contre ses tempes, son cerveau parfaitement concentré sur la route qui s'ouvrait devant lui. Ses mains étaient tellement crispées sur le volant que les jointures commençaient à blanchir, sa mâchoire tellement serrée qu'elle commençait à lui faire mal, et ses muscles étaient tellement contractés qu'il avait l'impression de se transformer en statue de marbre. Mais ton esprit, tout son être étaient dirigés vers Hawks, à tel point qu'il ne ressentait plus rien, si ce n'est une inquiétude glaciale lui dévorant le cœur.

De toute sa carrière, de simple policier à commissaire, de son divorce, de sa séparation avec sa famille, de sa solitude, de tout ce qu'il avait pu vivre en un demi-siècle de vie, c'était la première fois qu'il réagissait de cette manière. La première fois qu'il sentait son crâne bourdonner de cette façon, la première fois qu'il avait le cœur au bord des lèvres, la première fois qu'il refusait d'imaginer la découverte d'un cadavre.

C'était la première fois qu'il avait réellement peur pour quelqu'un.

Même lors son divorce, il n'avait pas eu peur pour sa femme. Il n'avait pas eu peur, puisqu'il était le danger pour sa famille, et que c'était lui qui partait afin de les laisser se reconstruire petit à petit. Mais à présent, le danger venait d'un autre et Enji ne pouvait pas supporter la perte d'une personne qui lui était chère. Il ne pourrait jamais l'accepter comme il avait pu accepter le départ de Rei. Hawks ne pouvait pas, il refusait de le voir partir aussi vite, et pour une raison aussi… aussi ridicule qu'était la mort.

Ce n'était pas possible.

Il arriva sur place en un temps record, et jaillit de sa voiture tel un fou furieux, l'arme au poing et le visage fermé. Il appuya sur la sonnette plusieurs fois, et le silence qui en résulta lui parut tout bonnement insoutenable. Les rues étaient vides, tout le monde mangeait à cette heure-ci, et il était à deux doigts d'enfoncer la porte d'un méchant coup de pied lorsqu'un « bip » significatif se fit entendre. On venait de lui ouvrir la porte. Sans même réfléchir, il entra et jeta un rapide coup d'œil aux boites aux lettres et aux numéros d'étage. Hawks, 4ème, appartement 06. Tant pis pour l'ascenseur, il savait qu'il allait être bien plus rapide par les escaliers. Grimpant les marches 4 par 4, Enji ne ressentait ni la fatigue, si l'effort de monter des escaliers à une telle vitesse. Il ne savait pas si c'était dû à son entraînement draconien qu'il s'infligeait tous les jours, ou si parce que la peur lui faisait pousser des ailes, mais il arriva à destination en à peine deux minutes.

La porte était ouverte.

D'un coup de pied sec, il l'enfonça et bondit dans l'appartement, l'arme pointé sur l'inconnu qui oserait s'en prendre à Hawks. La pièce était sombre, si bien qu'il ne parvint pas immédiatement à distinguer les ombres immobiles qui se tenaient devant lui, ses yeux ayant encore un peu de mal à s'accommoder à l'obscurité.

Enfin, c'est là qu'il le vit.

Assis sur le sol dans la pénombre, les mains sur la tête et le regard paniqué, Hawks se tenait droit, bâillonné mais bel et bien vivant. Enji voulut lui parler, ou tout simplement faire un pas vers lui quand des applaudissements résonnèrent dans le minuscule séjour. Il releva son arme immédiatement, et observa avec colère la personne sortir de l'ombre de la cuisine, un petit pistolet pointé sur son otage.

« Félicitation commissaire ! se moqua allègrement l'agresseur d'une voix pincée. J'avais parié 12h45, mais vous voilà à 12h pile… ! Vous m'impressionnez.

- Toi, siffla Enji, comment est-ce que tu… »

Il ne finit pas sa phrase, le laissant se dévoiler dans la pâle lumière du salon que laissait apparaître le rideau, son arme face à lui et prêt à tirer si besoin.

« Je crois que vous vous méprenez sur mes intentions, commissaire… J'ai bien peur de vous avouer que la personne à viser n'est pas moi mais -

- Je pense surtout que vous parlez beaucoup pour quelqu'un qui va avoir des problèmes avec la justice… gronda t'il avec colère. Usurpation d'identité, faux et usage de faux, faux témoignage… Je savais que quelque chose clochait avec vous.

- Je me répète, mais je ne suis pas la personne à attaquer… »

Il avança lentement dans la pièce, son arme encore pointée sur Hawks qui jetait des regards tout autour de lui, comme pour chercher une porte de sortie. Il croisa celui de Enji, et ce dernier sentit son cœur manquer un battement lorsqu'il y lut une peur pure s'y refléter. A cet instant il ne pouvait que haïr la personne qui se tenait en face de lui. A cet instant, il ne pouvait que se faire violence pour ne pas cribler de balle le corps de la personne qui visait Hawks.

A cet instant, il ne pouvait que prier pour espérer que cette scène ne finisse pas dans un bain de sang. Car, membre du gouvernement ou non, Enji était prêt à tirer en cas de besoin, et personne n'en faisait l'exception.

Pas même Nighteye.

à suivre...


Dernier blabla:

:D

Bon, plus sérieusement: pardon. Encore pardon pour la future attente, encore pardon pour la longueur, encore pardon pour les possibles coquilles qui y restent. Je n'ai pas grand chose à dire, si ce n'est: je prend toutes vos hypothèses sur ce qui est en train de se passer! Car j'aime les hypothèses.

Enfin, si vous avez la moindre remarque, la moindre question, n'hésitez pas! Sur ce, des bisous et à la prochaine!