Note : Bonjour/bonsoir, j'espère que vous allez bien et que vous prenez soin de vous. Je reprends cette histoire après avoir apporté des modifications scénaristiques et des corrections aux chapitres précédents. Je vous remercie infiniment pour vos retours. Tous m'ont motivée pour la suite. Je remercie en particulier Titou Douh :) si tu repasses par là, sache que tu m'as vraiment vraiment vraiment donné envie de retrouver Marcus, Olivier, Katie... et mes autres chéris. ;)

Sans plus attendre : découvrons ensemble le potentiel Attrapeur de l'équipe des Salamandres !


Chapitre 6 : (R)attrape-moi si tu peux

Terence Higgs était avachi sur une ottomane lorsque le craquement caractéristique d'un transplanage retentit à l'extérieur de sa majestueuse demeure. Il arqua un sourcil circonspect, jeta un coup d'œil négligent à la clepsydre installée sur une desserte en bois de violette, entre deux vases garnis de roses éternelles, et tendit une main paresseuse vers la corbeille de fruits qui trônait sur un buffet. Il opta pour une pomme à peau lisse et mordit dedans, songeur.

Il ne se souvenait pas avoir invité qui que ce soit ce jour-là et, même s'il avait quelque peu perdu la notion du temps du fait de l'ennui perpétuel dans lequel il se vautrait depuis son installation au Manoir Higgs, il ne faisait aucun doute qu'il avait encore toute sa tête. Autrement, il n'aurait jamais eu la présence d'esprit de faire une virée à Gringotts le matin-même, pour vérifier en personne l'état de ses comptes et se féliciter de la coquette somme héritée de ses défunts parents. Terence n'aimait rien tant que le son des pièces s'entrechoquant dans sa bourse. Même s'il devait avouer que celui du whisky que l'on verse dans un verre en cristal était tout aussi satisfaisant…

Marpy, la vieille Elfe de Maison dont Terence avait héritée en même temps que la majeure partie de ses biens, se présenta sur le seuil du séjour, vêtue d'un petit tablier fleuri.

« Maître Terence, il y a un homme devant la porte. Il dit s'appeler Marcus Flint.

— Eh bien, qu'attends-tu, Marpy ? Invite notre bon vieux Marcus à nous rejoindre ! »

Marpy hocha la tête et s'inclina, ses longues oreilles frôlant presque le plancher, puis trotta en direction du vestibule.

Terence, quant à lui, esquissa un rictus intrigué. Il était curieux de savoir ce que lui voulait Flint, qu'il n'avait d'ailleurs plus revu depuis le début de la guerre. Il avait appris le décès de sa mère par le biais d'un article de Skeeter dans la Gazette du Sorcier, puis son séjour à Ste Mangouste, mais ne s'était jamais inquiété de l'état de son ancien camarade de classe. S'il l'avait jadis considéré comme un « ami » – et encore, le mot était fort – ce n'était plus le cas depuis longtemps. Terence avait des préoccupations plus urgentes. Comme retrouver la superbe cape en poil de Zowu appartenant à son père. Elle avait mystérieusement disparu au lendemain de sa visite au cimetière, et il lui était depuis impossible de remettre la main dessus… quel gâchis… un si bel habit…

Les chaussures de Flint râpèrent le parquet ciré de la salle à manger dans un écho lugubre. Terence jeta son trognon de pomme sur un fauteuil, agita sa baguette magique pour ouvrir les lourds rideaux de velours qui ornaient ses fenêtres, et lissa du plat de la main le somptueux peignoir qu'il avait revêtu ce matin. Il ne manqua pas de noter que le regard désapprobateur de Flint s'attardait sur ses jambes dénudées. Marcus avait toujours eu en horreur les manières désinvoltes de Terence, aussi celui-ci ne s'était-il jamais privé de lui en faire profiter. Il fallait bien qu'il s'amuse.

« Marcus, quel plaisir, lança-t-il d'un ton badin. C'est moi ou tu as maigri depuis la dernière fois ?

— Et toi, tu es toujours aussi… aussi… »

Marcus fit un geste de la main, désignant à la fois le luxe dans lequel nageait Terence, et son apparence débraillée, puis secoua la tête.

« Aussi séduisant, répliqua Terence avec un sourire railleur, oui, je sais. Que veux-tu, mon charme s'accroit avec l'âge. A la différence du tien », ajouta-t-il après un silence pensif.

Marcus le fusilla du regard. Le sourire de Terence s'accentua davantage. Il était conscient de mener un train de vie royal, mieux que ça, même, majestueux, impérial. Une vie si délicieuse devait combler ses vœux. Mais on se lasse de tout, le plus grand bonheur devient fade quand il est continuel, qu'il roule toujours sur la même chose, et qu'on se retrouve exempt de crainte et d'espérance. Aussi Terence fût-il ravi de pouvoir briser la monotonie de son quotidien en chatouillant l'égo de son ancien camarade de classe.

Il le fit asseoir sur une méridienne en acajou massif, demanda à Marpy de leur servir à tous les deux un verre d'hydromel, et se laissa aller contre le dossier de son siège, les pans de son peignoir flottant négligemment sur son torse nu. Marcus redoubla d'efforts pour ne pas regarder dans sa direction, préférant inspecter l'agencement absurde du mobilier. Une lampe à huile était posée en équilibre sur un monticule de livres poussiéreux, des plantes grimpantes s'enroulaient autour d'un cabinet marqueté, et l'argenterie était exposée dans un bric-à-brac de plumes, de rouleaux de parchemin, de bouteilles de brandy ou de bourbon issues des meilleures caves du monde. Terence aimait autant les belles choses qu'il méprisait l'ordre ou les convenances. C'était ce qui l'avait conduit dès son plus jeune âge à suivre les pas de son père, un homme excentrique et aimant, qui avait travaillé pour Gringotts avant de se reconvertir en archéomage passé la cinquantaine afin d'effectuer des fouilles en Colombie. Cependant, il y avait deux choses fondamentales qui différenciaient Terence de son père : le premier était encore en vie, et le second avait passé la sienne à se passionner pour d'innombrables sujets. Terence, lui, n'avait jamais réussi à s'intéresser à quoi que ce soit au point d'en oublier de dormir, de manger ou de se livrer à des activités « répugnantes » – pour reprendre les dires de ses ancêtres dont il avait remisé les tableaux au grenier – avec des coups d'un soir. Activités auxquelles il ne mêlerait jamais Marcus Flint, car celui-ci lui avait trop de fois répété qu'il n'aimait pas les hommes « de cette manière » pour qu'il en ait l'idée. Toujours était-il qu'à certains égards, Marcus Flint lui rappelait son père.

Comme lui, les gens le pensaient froid, idiot et vil, alors qu'il était rusé et plutôt bienveillant dans le fond et, comme lui, Marcus avait des passions. Parmi lesquelles figuraient le Quidditch, et la Métamorphose. Si Terence s'était souvent moqué de la deuxième – par jalousie, il fallait bien l'avouer – c'était la première qui lui avait causé le plus de tort. En effet, Terence avait eu le malheur d'afficher ses talents en cours de vol, et Marcus avait insisté pour l'inscrire dans son équipe à Poudlard. Il lui manquait un Attrapeur, or il se trouvait que Terence possédait le physique parfait pour cela : il était élancé sans être grand, rapide, léger, et plutôt beau garçon – et Flint soutenait que, pour avoir du succès, une équipe devait comporter son lot de « jolis cœurs ». C'est ainsi que Terence était devenu l'Attrapeur permanent de l'équipe (jusqu'à ce que Malefoy et ses Nimbus 2001 ne le remplacent pour son plus grand bonheur), et qu'il avait rencontré Miles Bletchey, gardien de son état, et d'un an son cadet. C'est ainsi que, pour la première fois de sa vie, Terence avait espéré que quelqu'un s'intéresse vraiment à lui pour ce qu'il était, et pas pour ce qu'il avait à offrir. C'est ainsi qu'il s'était perforé le cœur et décrété que plus jamais il ne laisserait qui que ce soit s'immiscer dans sa vie comme il l'avait permis à Miles. Terence n'avait peut-être pas de passions, d'amis, ou de bonnes notes en Métamorphose, mais il avait des principes. Et il s'y raccrochait, férocement.

Il plongea sa main dans la poche de son peignoir, et en sortit une allumette Moldue, qu'il coinça entre ses lèvres.

« J'attends toujours tes explications. »

Marcus se renfrogna.

« Je viens te proposer un poste d'Attrapeur dans une équipe semi-professionnelle.

— C'est non. Tu sais bien que je déteste le Quidditch. »

Ce n'était pas vrai. Terence n'accordait pas suffisamment d'importance à ce sport pour le détester. Voler était agréable. Récolter quelques applaudissements en fin de match l'amusait. Cependant, Terence se délectait de voir Marcus se rembrunir, alors il décida que sa réplique abrupte en valait la chandelle. Après tout, s'il n'y avait pas eu Marcus et sa passion pour le Quidditch, il n'y aurait pas eu cette rencontre avec Miles, et s'il n'y avait pas eu Miles, son cœur serait encore intact. Peut-être même que sa foi en l'humanité aussi. Et encore, cela restait à voir.

*.*.*

De tous les joueurs qui avaient un jour fait partie de son équipe de Quidditch à Poudlard, Terence Higgs était certainement le plus talentueux et le plus intègre, quoique ce dernier statut était disputé par Adrian Pucey. Toutefois, Terence n'était pas seulement un Attrapeur habile. Il était aussi un modèle d'apathie et d'indifférence, doté de drôles de manies. Par exemple, lorsque quelque chose le chiffonnait, l'amusait ou suscitait sa curiosité, il jouait avec des allumettes. Eteintes, la plupart du temps. Allumées, lorsqu'il s'emportait.

Aujourd'hui, l'allumette qu'avait glissée Terence entre ses lèvres était intacte. Pour combien de temps encore, cela, Marcus l'ignorait.

Marcus joignit les mains sur ses genoux et s'autorisa un regard dans la direction de Terence, de sa tenue fantaisiste – ou plutôt, de son manque de tenue – et du verre d'hydromel qu'il sifflait à une vitesse ahurissante, sans paraître s'en rendre compte. Ses gestes semblaient automatiques. Il portait une main à sa bouche, grignotait le bâtonnet de l'allumette, l'aspirait, la faisait virevolter à hauteur de ses yeux ou la coinçait derrière son oreille, et le ballet continuait ainsi, inlassablement. Si Marcus n'avait pas distingué cette petite étincelle de curiosité qui brillait au fond des yeux bleu roi de son ancien camarade de classe, il aurait pensé qu'il avait affaire à un clone, ou aurait abandonné toute tentative de persuasion.

Mais voilà. Il s'agissait de Quidditch, il s'agissait de Terence, et il s'agissait de Marcus. La partie d'échecs était engagée depuis que la porte du Manoir Higgs s'était ouverte sur lui. Dès lors, il ne s'agissait plus que de remporter sur l'autre une énième victoire, minuscule, édifiante. Une victoire pour laquelle Marcus sacrifierait sa santé mentale, s'il le fallait.

« Je ne t'ai même pas expliqué en détails…

— Pas besoin, trancha Terence avec un sourire goguenard. Je te l'ai déjà dit, Marcus. Ton Quidditch, tu peux te le mettre où je pense. »

Marcus se sentit bouillonner de l'intérieur.

« Si c'est à cause de ce qui s'est passé à Poudlard…

— Non, assura Terence, quand bien même ses yeux hurlaient qu'il mentait. Ça n'a rien à voir avec… Poudlard. »

Marcus baissa les yeux sur son verre toujours plein, agacé. Poudlard. Poudlard, Terence et le Quidditch. Déjà à Poudlard, il avait fallu batailler avec Terence pour qu'il accepte de faire partie de son équipe. Il était doué. C'était indiscutable. Même ce satané Dubois l'avait reconnu, entre ses dents serrées. Oui, il était doué… mais il s'en fichait. Il ne désirait ni gagner, ni perdre. Il se contentait d'enfourcher son balai et de voler. C'était aussi simple que ça. Terence volait. Ses doigts se refermaient seuls sur le Vif d'Or. Il esquivait les cognards et riait quand on le félicitait pour ses exploits. Il envoyait balader ceux qui l'admiraient. Il ne trichait pas, jamais. Quand Marcus et ses amis préparaient des coups en douce pour « taquiner » leurs adversaires avant le match, Terence haussait les sourcils, moqueur, et s'amusait de les voir enchaîner les retenues tandis que lui se prélassait sur les canapés de leur Salle Commune. Pendant les entraînements, son comportement variait entre indolence – ce qui avait le don d'irriter Marcus – et frénésie totale. Marcus avait très vite compris qu'il ne servait à rien de crier sur Terence. Les hurlements, les menaces et les suppliques n'avaient pas d'effet sur lui. Au mieux, ça le distrayait. Au pire, ça le faisait fuir. En réalité, il n'y avait qu'une personne qui avait une emprise sur l'humeur changeante de Terence. Miles Bletchey.

Marcus l'avait recruté en même temps que Terence, pour le poste de Gardien. A l'époque, Miles était en Deuxième Année, et Terence en Troisième Année. Miles s'était présenté aux sélections de Quidditch, l'air prêt à en découdre avec ses concurrents. Il avait soif de vaincre. Marcus avait tout de suite senti chez lui cette volonté de faire partie de quelque chose de plus grand. D'être respecté. Il avait aimé ça. Il s'était reconnu en lui. Chez Terence, en revanche, Marcus n'avait discerné qu'un léger intérêt et une certaine contrariété. Pourtant, il avait été le meilleur – de loin – face aux élèves qui prétendaient eux aussi au poste d'Attrapeur. Ses deux nouvelles recrues en poche, Marcus s'était promis de remporter la Coupe de Quidditch chaque année. Son entreprise avait été couronnée de succès. Marcus ne savait pas pourquoi, exactement, mais quand Miles demandait à Terence de jouer – de jouer vraiment, pour gagner – ce dernier obéissait. A contrecœur, peut-être. Mais ça fonctionnait. Ils avaient grandi. Marcus avait obtenu ses BUSEs de justesse, grâce à ses excellents résultats en Métamorphose qui compensaient le reste. Terence était rentré en Cinquième Année. Il était beau garçon. Marcus se souvenait avec un brin de nostalgie des éclats de rire dans les vestiaires, d'Adrian Pucey qui donnait des conseils à certains d'entre eux pour sortir avec des filles. Marcus les avait écoutés, religieusement. Terence, lui, avait ri. Ces conseils, il n'en avait pas besoin. Les garçons comme les filles lui tournaient déjà autour, il n'avait qu'à coincer une allumette entre ses lèvres pour attirer les regards, ou passer une main négligente dans ses cheveux châtains cendrés. Toujours avec ce détachement qui lui était propre, comme une seconde peau. Nonchalant, il ne l'était pas avec Bletchey. Marcus n'était pas un fin psychanalyste, ça ne l'avait pas empêché de remarquer qu'entre eux, les silences étaient plus tendus, les regards plus lourds, et les sourires plus furtifs. Parfois, il surprenait des éclairs de colère dans les yeux de Terence. D'autres fois, il se heurtait à un masque d'indifférence. D'ordinaire, il était aveugle. Peut-être se plaisait-il à l'être. Marcus ne voulait rien savoir des émotions de ses joueurs. Mais quand le ton était monté entre Terence et Miles pour des raisons qu'il ignorait – et voulait continuer d'ignorer – il avait bien fallu se rendre à l'évidence : Terence était insupportable quand il n'allait pas bien. L'équipe de Serpentard souffrait de ces non-dits, de ce venin qui circulait entre Miles et lui. Leurs sourires autrefois sincères se chargeaient de mépris, leurs paroles devenaient acerbes, et il ne se passait pas une séance d'entraînement sans que l'un ou l'autre ne soit blessé. Si bien que lorsque Terence avait donné sa démission à Marcus pendant l'été, ce dernier avait été partagé entre le soulagement à l'idée de retrouver son influence antérieure sur les membres de son équipe, et le dépit de perdre un aussi bon joueur. Il s'était consolé avec l'acquisition des Nimbus 2001 offerts par le père du nouvel Attrapeur de l'équipe, Drago Malefoy. Terence s'était de nouveau retranché derrière son flegme. Miles l'évitait. Marcus se concentrait sur les points qu'il arrachait à Dubois. Tout allait bien, dans le meilleur des mondes.

« J'ai besoin de toi. »

Son aveu n'ébranla pas un instant l'imperturbable Terence.

« C'est pas nouveau, rétorqua-t-il. Mais moi, je n'ai pas besoin de toi, Marcus Flint.

— T'es ridicule, Terence. T'as quoi, vingt-ans…

— Vingt-et-un.

— Ouais, c'est ça, continua Marcus sans l'écouter, vingt ans et tu t'enfermes dans un Manoir qui pue la poussière avec un Elfe pour seule compagnie.

— Elle s'appelle Marpy, dit froidement Terence. Et compte tenu de tes antécédents – oui, je lis les journaux, Flint – tu n'as rien à me dire.

— Si, justement, répliqua Marcus d'un ton glacial. Parce que je sais ce que c'est, de s'auto-détruire. C'est moche, Terence. Crois-moi. C'est dégueulasse, même. Tu gâches ton talent. Tu vas quand même pas passer ta vie à boire et à coucher à droite et à gauche sans jamais faire ce pour quoi tu es doué…

— Tu critiques mon mode de vie ? Ce n'est pourtant pas moi qui ai fait un détour au service « lavage d'estomac » de Ste Mangouste…

— Mais bordel, Terence ! Regarde-toi ! T'es pire que mort, tu te laisses sombrer ! Ressaisis-toi ! Tu crois que ton père serait fier de te voir allongé sur le canapé à longueur de journée, à rien faire, comme ça ?

— Je t'interdis de parler de mon père.

— Et moi, je t'interdis de te foutre en l'air ! »

Ils s'affrontèrent du regard, chacun déterminé à ne pas céder à l'autre. Marcus se retint de ne pas avaler sa coupe d'hydromel d'un coup. Terence fit craquer son allumette. Une petite flamme dansait sur son extrémité ronde et rouge, dévorant la clarté du bois. Il la regarda se consumer presque entièrement avant de lui lancer un regard perçant :

« Qu'est-ce que ça peut te foutre, la façon dont j'occupe mes journées ? On n'est pas copains, Marcus.

— Non, admit Marcus. On n'est pas amis. Ça ne t'a pas empêché de m'aider à plusieurs reprises quand je galérais sur mes devoirs à Poudlard…

— T'as toujours été nul en Potions.

— Et toi, t'as toujours été bon.

— Je sais. Je suis beau. Je suis doué. Je suis le meilleur.

— Et t'es aussi incapable de te faire des amis.

— Ça sert à rien, les amis, Marcus. Ça sert à rien. C'est comme tout, ça sert à rien.

— Tu parles comme un mec dépressif.

— C'est pour ça que tu comprends ce que je dis. »

Marcus se mordit l'intérieur de la bouche. Ne pas le frapper. Ne pas l'insulter. Garder son calme. C'était toujours plus facile à dire qu'à faire. Il avait le sang chaud, Marcus. Le sourire narquois de Terence excitait ses pulsions colériques. Combien de fois s'était-il retenu de l'envoyer au tapis, dans sa vie ?

« Alors tu vas te laisser mourir ici, avec ton Elfe.

— Marpy, le coupa Terence, agacé.

— Ouais. Avec Marpy. Tu vas juste passer ton temps à te morfondre dans ton salon, à te perdre dans les couloirs de ta maison, à t'oublier dans les bras de gens trop éméchés pour qu'ils se souviennent seulement de ton nom…

— Parce que tu crois que je me souviens des leurs ?

— C'est nul, Terence.

— Je sais, Marcus. »

Marcus se leva, faussement résigné. Terence le suivit des yeux tandis qu'il déambulait entre les guéridons, les miroirs de plain-pied, les vaisseliers surchargés, les vases ébréchés et les chandeliers en or brut. Marcus le vit sortir une autre allumette du coin de l'œil et la fourrer dans sa bouche. Il songea que Terence était comme une allumette. Il suffisait de provoquer une étincelle pour le faire flamber. Sans quoi, il restait impassible à jamais.

Marpy apparut dans un « pop » sonore pour lui donner son manteau. Arrivé sur le pas de la porte, Marcus se tourna une dernière fois vers Terence qui le fixait d'un air absent.

« Je pensais que je pourrais compter sur toi une dernière fois. »

La porte claqua dans son dos. Marcus rabattit le col de sa cape sur ses oreilles et remonta l'allée gravillonnée qui serpentait jusqu'au portail de fer forgé délimitant la propriété des Higgs. Un léger sourire étira ses lèvres lorsqu'il entendit des pas résonner derrière lui. Il pivota. Terence se trouvait là, blafard à la lumière du jour, mince dans son peignoir qui découvrait son corps nu. Ses yeux bleus se perdirent dans le vert des sapins qui bordaient l'allée. Il détonnait dans le paysage comme il l'avait toujours fait. Son allumette se brisa en deux entre ses doigts. Il murmura :

« J'accepte. »

Et Marcus sut qu'il avait gagné.


NDA : Merci de votre lecture.

*« Une vie si délicieuse devait combler ses vœux. Mais on se lasse de tout, le plus grand bonheur devient fade quand il est continuel, qu'il roule toujours sur la même chose, et qu'on se retrouve exempt de crainte et d'espérance » La Belle et la Bête de Madame de Villeneuve. J'ai écrit ce chapitre pendant le Combat à Mort organisé par Catie sur HPFanfiction, et il fallait introduire une citation d'une femme de lettres française à notre extrait. J'ai choisi celle-ci. ;)

Le titre du chapitre est, bien sûr, une référence au (très bon) film de Spielberg "Catch me if you can" (2002) avec Leonardo Di Caprio.