Titre : La pièce vide

Fandom : Fullmetal Alchemist

Disclaimer : l'univers et les personnages ne m'appartiennent pas.

Le prompt initial (que je ne peux pas révéler maintenant :)) m'a été donné par Shirenai

Spoilers : commence deux ans après la fin du manga.

Content Warning : Cruauté animale


Chapitre 1

Au final, Mme Bradley ne comprit jamais ce qu'elle avait fait. Une veilleuse, une simple petite veilleuse parfaitement inoffensive. Mais rien n'était jamais simple dans ce bas monde et surtout pas lorsqu'il s'agissait de Sélim.

Mme Bradley referma la porte derrière elle aussi doucement qu'elle le put et soupira. Elle n'en pouvait plus. Epuisée, tant physiquement que mentalement, elle regagna sa chambre en espérant ne plus devoir en ressortir pour cette nuit. Cette folle situation ne semblait pas vouloir se calmer : depuis quelques mois qui lui semblaient à présent être une éternité, le petit Sélim ne dormait plus que d'un sommeil entrecoupé de cauchemars qui ne manquaient jamais de le faire crier dans son sommeil. Oh bien sûr, tous les enfants avaient des périodes de sommeil agité – elle avait d'ailleurs pensé que cela passerait - mais cela, cela n'avait rien à voir avec un sommeil agité, des monstres sous le lit ou dans le placard. Toutes les nuits sans exception, Sélim se débattait dans son sommeil, gémissait, appelait à l'aide, pleurait et immanquablement, finissait par hurler à vous en glacer le sang. Hurler de terreur et de désespoir. Mme Bradley n'avait jamais vu ça. Elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour le réconforter, le calmer. Le serrer dans ses bras, lui assurer que tout allait bien, rester avec lui et chanter une berceuse. Mais cela ne changeait rien. Sélim se calmait, se rendormait, épuisé par toutes ces nuits de sommeil entrecoupé et à peine Mme Bradley commençait-elle à croire qu'il n'y aurait pas de crise que déjà, Sélim gémissait de nouveau, pleurait de nouveau. Et Mme Bradley n'y pouvait rien.

Tout dans son instinct de mère lui disait, lui hurlait, que tout cela n'était pas normal et que sans aucun doute, tout cela ne pouvait qu'avoir un rapport avec son passé. On lui avait dit ce que Sélim était. Un homonculus, elle se souvenait du dégoût avec lequel l'alchimiste d'état le lui avait expliqué, un être qui ne serait jamais humain, une copie ratée. Et tout cela lui importait peu. Oui, Sélim avait des choses terribles mais tout le monde avait le droit à une seconde chance : aucun être, humain ou non, ne pouvait être entièrement mauvais. Sélim pouvait être bon, il y avait cela en lui : une douceur et une bonté que jamais personne n'avait cherché à encourager.

Madame Bradley était intiment convaincue que son fils pouvait repartir de zéro et commencer une nouvelle vie. Pour autant, elle n'était pas stupide. Cette partie sombre de Sélim ne le quitterait jamais et ne cesserait jamais de le hanter. Elle-même ne pouvait rien y faire.

Assise sur son lit, elle profita des derniers moments de répit. La prochaine crise ne tarderait pas à arriver. Bientôt, Sélim recommencerait à appeler dans son sommeil et elle était impuissante.


Roy avait envie de tout envoyer valser. Mieux, de tout faire brûler d'un claquement de doigts comme il savait si bien le faire. Malheureusement, il ne pouvait pas. Hawkeye le lui avait dit, répété et promis une torture lente et douloureuse le cas échéant. Son regard perçant à ce moment précis lui suggérait d'ailleurs fortement de se reconcentrer. Sentant la migraine poindre, Roy soupira intérieurement. Souvent, il se demandait ce qui l'avait bien pris de vouloir devenir Généralissime.

"Ça suffit"

Sa voix forte et claire arrêta net ses deux conseillers qui n'étaient pas loin d'en venir aux mains. Roy capta le regard de Remington, un regard qu'il n'était pas sûr d'aimer, mais le militaire recula sur sa chaise et cessa d'accuser Vernet – de quoi au juste ? il ne savait même plus vraiment.

"Toute annonce publique de soutien aux familles sera interprétée comme un traitement de faveur envers les militaires. Nous ne pouvons pas prendre position trop clairement contre ces actes de vandalisme sans quoi nos détracteurs ne cesseront jamais. Et malheureusement, nous ne pouvons les censurer.

- A qui la faute ?"

Roy ignora Remington et poursuivit : « Néanmoins je veux quelqu'un, un militaire de préférence, qui aille assurer à chaque famille le soutien sans faille du gouvernement. Je veux qu'on leur dise que nous ferons tout pour retrouver les coupables, que la situation est injuste et que nous le percevons bien, mais que nous leur demandons pour le moment de garder le profil bas. Qu'en tout cas, le gouvernement est derrière eux. Tout ceci dans la plus grande discrétion. Pas de mention dans la... presse, pas de commentaire public et personne au courant.

- Avec tout mon respect, monsieur, le vandalisme ne cesse d'augmenter ces derniers mois et en particulier les actes visant les militaires. Nos hommes n'en peuvent plus. Croyez-vous réellement que votre… message de soutien suffira ? demanda Remington avec une pointe de défiance dans la voix. Des sanctions plus sévères...

- Ne feront qu'attiser les critiques envers ce gouvernement et la tension sociale, coupa fermement Roy. Je ne tiens pas particulièrement à avoir une autre révolte sur les bras. Surtout si ce n'est pas moi qui la commence."

Son commentaire arracha un sourire à plusieurs de ses conseillers autour de la table.

"Les militaires resteront tranquilles. Tout ce que nous pouvons faire, c'est continuer sur notre lancée. Un point sur l'avancée des travaux, Vernet ?"

L'officier sortit une feuille de son classeur et la lui tendit.

"Le plan de rénovation avance bien, monsieur. Après les routes, nous continuons avec les ponts. De nombreux ouvrages tombent en décrépitude ou sont maintenus par les locaux avec les moyens du bord. Nous reconstruisons, rénovons, modernisons, ce qui contribue à véhiculer le message que le gouvernement est au service de son peuple mais également à relancer le commerce local. Concernant une reprise plus générale, c'est difficile, monsieur. Les commerçants d'influence significative voient d'un mauvais œil toute immixtion justifiée ou non du gouvernement dans l'économie. Ils ne pensent pas les militaires compétents sur ces questions-là et ne font pas confiance à ce gouvernement. En attendant, les indicateurs ne sont pas bons."

Tout comme sa cote de popularité, songea Roy. En deux ans, la situation avait bien changé. Au départ, Roy Mustang était apparu comme un héros : dénonçant les crimes et complots de Bradley, il sauvait le pays d'un régime totalitaire. Généralissime par intérim puis premier Généralissime élu lors des élections organisées un mois plus tard, Mustang incarnait une nouvelle ère sans répression ni corruption. Des procès - publics et équitables - avaient été tenus pour condamner les crimes de l'ancien gouvernement et blanchir le suivant. Mais rapidement, ces grands procès et les scandales ainsi révélés n'avaient pas manqué de se retourner contre lui : la population s'était mise à douter des militaires, et ainsi de Mustang lui-même. Quelle légitimité avait-il pour diriger Amestris ? Pourquoi les civils eux-mêmes ne prenaient pas le contrôle ? Un clivage était alors apparu dans la population entre civils et militaires et la tension n'était allée qu'en grandissant jusqu'à aboutir à des actes de vandalisme contre les militaires ces derniers mois.

Roy avait à l'époque pris le parti radical de trancher définitivement avec les pratiques de Bradley : ouvrir le gouvernement aux civils, mettre fin au service militaire obligatoire et ainsi autoriser la création d'un système éducatif purement civil, cesser tout contrôle sur les journaux. Ceux-ci ne cessaient depuis de remettre en cause ses actions, en particulier dans le domaine économique : l'économie du pays s'effondrait et personne ne savait vraiment pourquoi. D'une légère hausse des prix, ils en étaient aujourd'hui à une inflation galopante et l'incapacité de Roy à trouver une solution remettait d'autant plus en cause sa légitimité : tout héros qu'il soit, Mustang n'était avant tout et surtout qu'un militaire.


"Du thé, Mary ?"

La voix de Grace la tira brusquement de ses pensées. Mary Bradley eut un sourire d'excuse : "Je suis tellement heureuse de les voir jouer ainsi. Les dernières semaines ont été rudes."

Grace hocha la tête et lui tendit sa tasse : « Les cauchemars de Sélim se sont-ils calmés ?

- Ils commencent. La lumière de la veilleuse semble rassurer Sélim et calmer ses cauchemars.

- Sélim a l'air d'aller mieux, confirma Mme Hugues. Plus reposé et moins renfermé."

C'était vrai. A le voir jouer ainsi avec Elysia Hugues, Selim semblait si... normal. Un vrai petit garçon de cinq ans qui courrait, tombait et se relevait en riant. L'enfer des dernières nuits semblait loin à présent et Elysia et Grace n'y étaient sûrement pas pour rien.

Les nuits de Sélim étaient compliquées, marquées par d'innombrables cauchemars. Seulement le jour, l'enfant n'avait tout simplement pas d'existence officielle : Sélim était officiellement mort deux ans auparavant dans l'accident de train qui avait marqué le début des combats. Expliquer la présence d'un autre enfant lui ressemblant à ce point aurait été difficile, d'autant plus que son rythme de croissance ne ressemblait à rien de connu : en à peine un mois, Sélim avait atteint la taille, le poids et le développement mental d'un enfant d'environ deux ans. Après cela sa croissance semblait s'être stabilisée mais personne n'était sûr de rien. Et personne n'avait réellement envie de se pencher sur son cas. Mais plus par punition que par souci de praticité, Mustang avait décidé d'imposer le silence quant à l'existence de l'homonculus. Ce serait là la seule punition aux crimes commis par Sélim, avait-il dit.

Depuis, Mary et lui vivaient reclus dans leur maison. Et seule la rancœur que portaient les militaires envers la famille Bradley avait rendu possible ce secret : dans une caserne, comme dans n'importe quel quartier résidentiel, rien n'était vraiment secret et surtout pas la présence d'un enfant. Toutefois le climat du pays se détériorait. Les militaires étaient tenus pour responsables et complices des génocides et complots fomentés par le gouvernement précédent. Leurs familles étaient également de plus en plus stigmatisées et certains étaient même pris à parti en dehors de la caserne. L'ambiance au sein de la caserne était pesante et si l'armée faisait corps et se montrait solidaire, ils n'en oubliaient pas moins le responsable de leur disgrâce : King Bradley. Mary ne pouvaient pas réellement les blâmer.

Depuis, toutes les familles l'évitaient comme la peste. La plupart faisait même un détour pour éviter de passer devant sa maison. Confinée au sein de la caserne, Mary Bradley se sentait plus que jamais prisonnière de sa propre maison. Dans ces conditions, l'amitié que Mary avait pu trouver en Grace était inespérée : la seule personne à être au courant de la réelle nature de Sélim – le Fullmetal avait tenu à lui rapporter toute la vérité et pas seulement la version édulcorée – et sans doute la dernière personne à vouloir lui tendre la main. Pourtant, un matin, Grace était venue frapper à sa porte, une assiette de gâteaux dans les mains et Elysia à ses côtés. Parce que personne ne savait à quel point il était dur d'élever seule son enfant après la mort de son mari.

Et réellement, l'amitié qui reliait les deux femmes n'avait pas d'égal. Avec Grace, Mary n'avait plus à mentir, inventer des excuses et prétendre. Elle pouvait parler de Sélim tel qu'il l'était, elle pouvait lui confier ses doutes, ses difficultés. Grace était un cadeau tombé du ciel, un qu'elle n'était pas sûre de mériter. Et pour ne rien gâcher, Elysia et Selim semblaient s'entendre à merveille. Autant que deux enfants de 5 et 6 ans le puissent.

"Alors qu'est-ce qui te tracasse ?" demanda Grace.

Mary eut un sourire triste. Rien n'échappait à son amie.

"Je ne sais pas. Une impression étrange. J'ai le sentiment que Selim n'est pas le même" Elle les laissa son regard vagabonder au loin, là d'où lui provenaient les cris ravis des enfants. "Lorsqu'il est seul, il est plus sombre, plus grave, trop grave pour un enfant de son âge. Et lorsqu'il sourit… tout disparaît. Je ne sais pas si c'était une fausse impression, si je commence à perdre la tête."

Grace secoua la tête : « Personne ne le connait mieux que toi. Si tu as le sentiment qu'il a changé alors c'est probablement le cas. Pour autant cela ne signifie peut-être pas que quelque chose ne va pas.

- J'ai l'impression qu'une part de son passé ressurgi à travers ces cauchemars et qu'une certaine noirceur déteint sur lui.

- Nous ne savons pas ce qui lui reste de son passé, avança prudemment Grace. Nous ne savons pas ce dont Selim se souvient. Il n'est pas impossible que son passé ait des répercussions aujourd'hui. Mais aujourd'hui, il va bien. Il joue, il rit. Pour le moment, il va bien. »

Et les rires des deux enfants qui résonnaient dans le jardin semblaient lui donner raison. Mary hocha la tête.

"Je l'espère."


« Vous avez vu Remington ? » demanda Roy lorsqu'ils furent – enfin – de retour dans son bureau.

Il se posa lourdement sur son fauteuil. La journée avait à peine commencé et déjà les ennuis arrivaient.

« Nous savions qu'il était ambitieux, répondit calmement son colonel. » Roy manqua de rire « à partir du moment où le Généralissime est élu alors tout le monde peut être Généralissime, continua Riza impassible.

- Et tout le monde veut prendre ma place, confirma Mustang. Enfin, Remington a suffisamment à faire pour le moment pour ne pas pouvoir faire davantage que parler dans le vide. Savoir que je lui ai confié le dossier le plus ingrat me suffit pour le moment…

- Je ne suis pas sûre qu'il faille vraiment vous en réjouir, monsieur, rappela Hawkeye. S'il échoue, à travers lui c'est toute votre administration qui passe pour incompétente. »

Mustang hocha la tête. Pour le moment, Remington n'était pas un opposant suffisamment dangereux pour qu'il s'en préoccupe. Il faudrait néanmoins le surveiller.

« Que se passe-t-il maintenant, Major ?

- Votre apparition à l'inauguration de la Nouvelle Ecole Supérieure. »

Roy sourit. Enfin quelque chose d'amusant.

Mettre fin à un régime totalitaire contrôlé par des militaires entraînait nécessairement des revendications et des changements. La réforme de l'éducation avait été l'une des premières, facile, sur laquelle presque tous s'accordaient. À l'image de l'alchimie, tout enseignement jugé stratégique était contrôlé par l'Etat et donc les militaires : la médecine, l'économie, la biologie… pour étudier ces domaines, il fallait s'enrôler. L'Armée contrôlait ainsi toutes les sources de connaissance relatives à ces domaines – bibliothèques, professeurs… - et tous ceux qui y avaient accès. Les civils pouvaient certes étudier par eux-mêmes, mais limités dans les sources de savoir, ils n'avaient qu'une connaissance superficielle, insuffisante de tous ces sujets. L'Etat s'assurait alors par-là une supériorité technique et technologique sur la population civile, prévenant ainsi tout risque de soulèvement.

Pour rompre avec cet Etat autoritaire, Roy avait alors mis fin au monopole militaire sur l'enseignement et libéralisé l'accès. Cette mesure, bien que décriée par un pan du corps militaire, avait alors été saluée par toute la population civile et rééquilibrait la position de Mustang : il n'était plus seulement le héros d'Ishbal, il était au service du peuple. En ces temps troublés, l'ouverture d'une nouvelle aile de cette Nouvelle Ecole Supérieure tombait à pic. Roy avait besoin de redorer son image, rappeler son engagement en faveur du peuple d'Amestris, civil ou militaire.

« Votre discours est dans le dossier bleu que je vous ai remis ce matin, rappela Hawkeye, bien consciente que ledit dossier pouvait se trouver n'importe où à l'heure actuelle. Evans y a également glissé le plan du bâtiment et de la scène ainsi que l'organisation prévue.

- Elle n'est pas encore arrivée ?

- Elle m'a dit nous rejoindre sur place. Vous désiriez revoir les points du discours avec elle ? »

Mustang secoua la tête. S'il y avait bien une chose qui pouvait faire pencher la balance de son côté et dont il était certain, c'était son charisme.


Le discours se passait bien. Les discours de Mustang se passaient toujours bien. Riza Hawkeye se tenait dans son dos, sur l'estrade et l'écoutait parler. Il y avait bien longtemps, lorsque Roy avait commencé à parler de devenir Généralissime, Riza n'y avait pas réellement prêté d'attention. Ils n'étaient alors que deux soldats sur la ligne de front, fatigués et désabusés par un conflit qui n'en finissaient pas. Devenir Généralissime pour changer tout cela ? Beaucoup d'autres en parlaient et ce n'étaient souvent que des paroles en l'air. Pas pour Mustang.

Il avait cette lueur au fond des yeux, cette ambition qu'on ne pouvait ignorer et, en le suivant à travers sa carrière, Hawkeye avait pu constater que Mustang était né pour cela. Il avait su naviguer entre les jeux de pouvoir au sein de l'armée, cerner les personnalités et attentes de chaque supérieur qu'il avait croisé pour en retirer le meilleur profit. Certes, Mustang s'était illustré à travers chaque dossier qu'on lui avait confié mais ses promotions étaient également dues à des alliances savamment nouées. Aujourd'hui, en le regardant, Riza le voyait : Mustang était fait pour diriger.

La foule tombait sous son charme à chaque discours. Mustang avait le charisme, l'aura et les mots. Même s'il était critiqué par de nombreuses catégories de la population, même si sa légitimité pouvait être remise en cause, son capital sympathie empêchait toute tentative de soulèvement. Cette nouvelle démocratie ne tenait qu'à cela. Un leader charismatique jouant les équilibristes entre les populations civiles et militaires du pays. Le rôle de Riza n'avait pas alors pas changé : elle était là pour le protéger mais également pour l'empêcher de glisser de l'autre côté de la ligne. Machinalement, ses yeux balayèrent l'audience à la recherche de reflet suspect qui aurait pu signaler la présence d'armes, d'un mouvement de foule qui annoncerait des ennuis. Rien à signaler. Jusqu'à présent, aucune menace de mort suffisamment sérieuse pour les inquiéter elle et Roy.

Applaudissements, saluts et sortie de scène.

« Comment étais-je, major ? »

Quelqu'un se dépêcha de lui apporter un verre d'eau tandis que Mustang défaisait les premiers boutons de son uniforme d'apparat. Il s'éloigna rapidement de l'estrade, peu désireux de retomber sur des admirateurs.

"Très bien. Convainquant, charismatique. La foule est tombée sous votre charme.

- Et vous, colonel? demanda Roy avec un sourire malicieux.

- J'ai peur qu'il n'en faille plus que cela, monsieur, répondit à la place de Riza une jeune femme rousse qui s'était frayé un chemin jusqu'à lui. En tout cas les étudiants ont adoré votre visite au sein de l'établissement et l'intérêt que vous leur avez porté. Vu de la foule, votre discours était parfait.

- Espérons que cela suffise pour qu'ils cessent de me critiquer.

- J'ai bien peur qu'il n'en faille également plus que cela. »

Hawkeye eut un sourire. Evans, la jeune femme en question, n'avait jamais la langue dans sa poche. Généralissime ou pas, elle faisait partie du cabinet de Mustang et organisait ses apparitions publiques, lui en donnait un retour et prenait la température de l'opinion publique, sans jamais le ménager. A elles deux, Mustang était réellement malmené.

« A présent, il vous faut rejoindre le directeur de l'école pour la photo de presse. » Après un coup d'œil elle rajouta : « Je vous suggère de reboutonner votre uniforme. Sauf si vous espérez par-là charmer le directeur.»

Comme promis, la photo de presse, prise par trois photographes, ne fut pas longue. Sourires, mains serrées et peu de temps après, ils étaient de retour au Quartier Général.

« Le discours s'est relativement bien passé, commença Evans.

- Relativement bien ? Vous voulez rire…

- Relativement bien, oui, le coupa-t-elle. J'étais dans la foule, monsieur. Oui, vous êtes charmant, convainquant, vous apparaissez digne de confiance et à l'écoute de la population civile. Mais cela ne suffira pas. »

Roy eut l'air franchement incrédule mais la jeune femme ne plaisantait pas. Editorialiste dans un petit journal inconnu de Central, Evans avait passé des années à insinuer le doute concernant le régime de Bradley, de manière suffisamment habile pour ne pas disparaître un soir en rentrant chez elle. La chute du Führer ne l'avait pas rendue moins méfiante envers un gouvernement, militaire une fois encore. Et Roy devait l'admettre, Audra Evans était indiscutablement douée pour décrypter toutes les opérations de communication, plus ou moins foireuses, du gouvernement.

Plutôt que de l'empêcher de parler, qu'elle leur montre ce qu'elle ferait à leur place, avait déclaré Mustang. La convaincre de rejoindre ce gouvernement potentiellement corrompu n'avait pas été une mince affaire : la jeune femme avait passé trop de temps à saper discrètement le pouvoir d'un état miliaire pourri jusqu'à la moelle pour leur faire confiance. Et tout le charme de Roy Mustang n'y pouvait rien. Il avait fallu que Riza fasse preuve de toute sa détermination à maintenir ce gouvernement en place pour convaincre Audra Evans de les rejoindre. Et Audra était maintenant une compétence indispensable à son cabinet. Elle contribuait à renforcer cette position précaire que Roy occupait pour empêcher le pays de sombrer dans la guerre civile.

Alors oui, certes, Evans savait ce qu'elle faisait, Roy faisait confiance à son expertise, dans la plupart des cas. Il n'empêche qu'il était également plus que sûr de sa capacité à charmer son auditoire.

« Cela ne suffira pas parce qu'une partie de la population pense toujours que vous n'êtes qu'un beau parleur et ils n'ont pas tout à fait tort. Vous parlez à la foule, vous savez que vous leur plaisez, seulement vous avez toujours l'air de courtiser une femme plutôt que de diriger un pays. Et votre réputation de coureur de jupon n'arrange rien. Il faut travailler sur cet aspect-là.

- Et que proposez-vous ? »

Pour la première fois, Evans eut l'air ennuyé. Elle avait cherché, s'était creusé les méninges et rien ne lui venait à l'esprit.

« Vous n'auriez pas par hasard une relation de longue durée, à concrétiser par un engagement que l'on pourrait rendre publique prochainement ? »

Riza se retint de rire, face à l'expression abasourdie de Mustang.

« Je n'ai pas ça sous la main, non.

- Dommage. Les gens aiment les hommes engagés dans une relation stable. Cela inspire confiance et c'est plus que recommandé dans votre cas, commenta tristement Evans en jetant un coup d'œil à sa montre. Je crois que mon temps touche à sa fin, colonel Hawkeye ? Je reviendrai avec un plan. Bonne journée. »

Il fallut un moment à Roy après le départ de la jeune femme pour recouvrer ses esprits. Le fiancer publiquement, c'était ça son plan ? Une partie de son cerveau trouvait l'idée intéressante et habile en tant que manœuvre politique mais…

« Elle ne prévoit quand même pas de me trouver une fiancée, major ?

- Je ne sais pas, monsieur. Mais rien n'est à exclure, je pense. »

La tentation d'embêter Mustang était trop forte. Lui faire payer toutes ces fois où il avait baillé aux corneilles au lieu d'effectuer son travail. Riza sourit tant son supérieur avait l'air à la fois catastrophé et résigné.

« Que se passe-t-il ensuite, Major ? Avec quoi avez-vous prévu de me torturer ?

- Juste Reynes, monsieur. »

James Reynes, jeune, blond, charismatique, charmant, bien sous les rapports, faisait partie des nouvelles têtes de son cabinet. Un jeune lieutenant à peine promu de la section économie de l'école militaire dont l'ambition n'était pas sans rappeler à Roy la sienne au même âge. Il avait en plus eu le bon goût de tomber au parfait moment.

Environ six mois après l'instauration du nouveau régime, des problèmes économiques avaient commencé à apparaître et entacher l'aura de héros attribuée à Roy. Au début ce n'était pas grand-chose et personne ne s'en était alarmé : des hausses de prix mais rien d'anormal. Toutefois cette inflation avait rapidement pris des proportions conséquentes et avant que quiconque ne réagisse, le prix du pain avait tripplé. A ce moment-là, aucun membre de son cabinet n'avait su attribuer d'explication à cette conjoncture inquiétante de l'économie et encore moins comment y remédier, précisément ce que tout Amestris attendait de lui. Les journaux n'avaient alors pas hésité à critiquer : le héros d'Ishbal n'avait jamais su que détruire les pays. Pas les diriger.

Ils n'avaient pas totalement tort. Roy Mustang si brillant fût-il était officier de l'Ecole de Guerre. Il n'avait pas la moindre notion d'économie et les conseillers recrutés par ses soins et l'aide incommensurable de sa subordonnée dataient du siècle dernier. Ils n'avaient pas plus de réponses à lui donner.

De ce point de vue-là, Reynes était apparu pile au bon moment et Roy avait été amusé par l'audace de l'élève-officier.

« 2ème classe James Reynes, monsieur. »

Roy Mustang ne put que sursauter face à ce salut impromptu.

« Que faites-vous ici, soldat ?

- Je vous attendais, monsieur. »

Sur le chemin des toilettes, pas moins. Au moins ce blanc-bec avait-il eu la décence d'attendre que Roy en revienne. Mustang ne savait pas réellement s'il devait se sentir amusé ou agacé par tant d'attention.

« Dans quel but ? »

Ce deuxième classe ne devait pas être promu depuis bien longtemps à en juger par son âge. Vingt, vingt-deux ? Et suffisamment de cran pour tenter de lui parler seul, sans la présence de ses gardes.

"J'aimerais vous rendre un rapport, monsieur.

- Soldat c'était à ma secrétaire qu'il fallait le donner. Cela aurait sans doute été beaucoup plus rapide et fructueux que de me guetter ici.

- J'aurais voulu être sûr que vous le lisiez bien, monsieur", rétorqua Reynes avec le peu d'impertinence que le protocole lui permettait.

Cette réponse ne manqua pas d'amuser Mustang bien qu'il ne le montrât pas. De l'audace, de l'ambition et une confiance en soi qui confinait à l'arrogance. Les cheveux du jeune homme étaient bien blonds et pourtant Roy voyait une certaine ressemblance avec l'officier qu'il était dix ans auparavant.

« Je vous écoute.

- Que contient donc ce rapport si précieux ?

- Un moyen de redresser la situation économique, monsieur. »

Voilà, le charme était rompu. Pour l'aider dans sa tâche de dirigeant, le Généralissime formait généralement un cabinet de conseillers dont la tâche était l'aider dans tous les domaines autres que celui de son expertise. Tous ceux qui ne concernaient pas le corps militaire, donc. Depuis qu'il avait été élu, Roy Mustang en avait vu passer des candidats, tous se targuant d'être plus savants que le précédent, plus moderne, de pouvoir apporter la réponse aux problèmes du pays et en particulier économiques. Mais voilà aucun n'avait réussi à apporter de réponse satisfaisante. Ce n'était pourtant pas d'économiste dont Roy manquait. Reynes, s'il s'aperçut de la soudaine perte d'intérêt de Mustang, fut prompt à réagir.

« C'est sans doute ce que l'on vous dit sans arrêt, monsieur. Pourtant tout est là, dit-il en désignant son dossier. Tous les calculs sont ici et il ne s'agit que de pure logique : le président Bradley faisait financer par l'état toutes les activités militaires. Il injectait des sommes conséquentes dans l'économie locale. La fin de certains conflits aujourd'hui, le retrait de la présence militaire dans certaines zones et l'amincissement du corps militaire aujourd'hui conduisent à des dépenses d'Etat moindres. Les fournisseurs qui auparavant recevaient des commandes importantes de l'Etat n'ont aujourd'hui plus de revenus et ne consomment donc plus. Voyez-vous où je veux en venir, monsieur ? C'est mathématique. L'Etat donne de l'argent à des fournisseurs qui vont le dépenser et le redistribuer. Arrêtez ce flux de monnaie et vous coupez la demande, et c'est une crise générale de consommation. Si au contraire, l'Etat recommence à redistribuer sa monnaie alors l'économie reprend."

L'explication était simple, oui, mais était-elle vraie ? Etant issu de l'Ecole de Guerre, Roy n'en avait pas la moindre idée et restait la question de…

"Le problème, élève officier, c'est que le gouvernement ne va pas provoquer des conflits armés uniquement pour relancer l'économie.

- Ce n'est pas ce que je propose, monsieur. L'Etat n'est pas obligé de continuer à financer l'armée, il peut choisir d'investir dans les infrastructures, la rénovation du pays… peu importe, tant qu'il finance. Donnez du travail à ceux qui n'en ont pas et ils consommeront. En consommant, ils redistribueront la richesse autour d'eux. Et ce, peu importe le travail que vous leur confiez. Faites leur creuser un trou pour le leur reboucher plus tard, cela n'a pas d'importance monsieur. »

Cette phase fit mouche. Employer des hommes à creuser un trou pour le reboucher ensuite. Mustang n'avait pas de trou à faire creuser. En revanche, il en avait un énorme sous ses pieds à reboucher et Roy pouvait au passage tenter de sauver l'économie du pays.

- Votre dossier, élève-officier ?"

Une lueur de triomphe s'était alors allumée dans les yeux de Reynes et Mustang s'était dit que cet élève-officier était à surveiller.

Mustang eut à peine le temps de retrouver le dossier qu'il réservait à son prochain rendez-vous que celui-ci était annoncé par son secrétaire. Le jeune homme entra et exécuta un garde-à-vous impeccable.

« Lieutenant Reynes au rapport, monsieur.

- Je vous écoute, lieutenant. »

Roy écouta d'une oreille distraite le rapport du jeune officier sur sa mission tout en feuilletant le rapport qui lui avait été remis : conformément à la théorie économique qu'il lui avait exposée, Reynes avait été chargé de dépenser au nom de l'Etat. Mais pas n'importe comment : l'image du gouvernement était à redorer, les investissements étaient donc faits pour servir le peuple. Ecoles, routes, ponts, bâtiments publics, canaux fluviaux… tout ce qui pouvait être restauré, rénové, amélioré l'était, en engageant des artisans et travailleurs locaux. Et jusqu'à présent, cette politique fonctionnait relativement bien.

Reynes termina son rapport et parut hésiter : « Permission de parler franchement, monsieur ?

- Vous l'avez.

- La conseillère Vernet, ma supérieure, vous a déjà fait son compte-rendu ce matin, monsieur. Pourquoi me demander de vous refaire un rapport ?

- Parce qu'il y a une autre mission que j'aimerais vous confier, lieutenant", répondit calmement Mustang.

Tout allait se jouer maintenant. Pendant les six mois qu'il avait rejoint le cabinet, Reynes n'avait fait que travailler sur le menu fretin. Mustang voulait le sonder, tenter de lire l'homme avant de lui confier le dossier le plus brûlant du pays. James avait maintenant l'occasion de montrer qu'il lui était dédié jusqu'au bout ou bien disparaître – Roy n'hésiterait pas, la survie du pays était en jeu. Le lieutenant s'était tendu à l'annonce. Le ton grave de Mustang avait suscité son intérêt et il sentait que le Généralissime allait lui donner la vraie raison de son entrée au cabinet.

- Que savez-vous des groupements au sein du gouvernement qui ont cherché à faire tomber Bradley ?

- L'histoire officielle, monsieur, énonça James lentement. Des groupements militaires haut-placés ont piégé le train du président alors qu'il supervisait les manœuvres conjointes de l'Est et du Nord. Le président Bradley y a survécu mais a malheureusement été pris entre deux feux à son retour à Centrale et est mort durant les combats.

- Alors vous ne savez rien, affirma calmement Roy. Les informations dont vous allez prendre connaissance, lieutenant, sont classées secret défense. Laissez la moindre information sortir et ce n'est pas seulement vous, mais tous les militaires du pays qui risquent leur vie. Les familles de militaire également, sans aucun doute. Je ne crois pas exagérer en disant que la survie du pays dépend également de votre discrétion. Dans ces conditions, vous l'aurez compris, vous menacer avec la Cour Martiale n'a aucun sens. Le jugement de la population civile suffirait largement à tous nous condamner."

La surprise se peignit sur le visage du lieutenant Reynes. A son investiture, le président Mustang avait tenu à purger le corps militaire de tous les opposants au pouvoir du Généralissime et rendu public tous les complots internes afin d'assurer une base solide à ce nouveau gouvernement. Pendant environ un an, des scandales avaient régulièrement éclaté, ternissant l'image de l'armée mais renforçant la confiance du peuple envers le gouvernement de Mustang. Reynes n'était pas suffisamment naïf pour croire que tout avait été rendu public, même si Mustang s'était mis en danger en affirmant le conflit Ishbal comme génocide, mais le gros des scandales avait éclaté et la lumière sur la mort du président Bradley avait été faite. Que pouvait-il encore rester ?

« Vous parliez de faire creuser un trou pour le reboucher, lieutenant, rappela Mustang avec un sourire. Je n'en ai pas à faire creuser. En revanche, j'aimerais que vous en rebouchiez un pour moi. Un cercle, plus précisément, ajouta-t-il en laissant tomber ses gants sur le bureau »

Keynes n'était pas stupide.

« Un cercle d'alchimie, monsieur, avança-t-il prudemment. »

Mustang hocha la tête. Personne ne pouvait les entendre, Roy et Riza avaient pris soin à leur arrivée dans ce bureau d'orienter la reconstruction de façon à ce que cette pièce soit inespionnable, même pour des alchimistes. Cependant un peu de paranoïa ne pouvait faire de mal à personne. Il sortit une feuille de son bureau et griffonna rapidement dessus.

« Que savez-vous sur l'alchimie, lieutenant ?

- Peu de choses, je le crains, monsieur.

- Allons, ce symbole doit bien vous évoquer quelque chose »

Le lion dévorant le soleil, symbole universel de la pierre. Tout le monde, même les civils, était capable de le reconnaître.

"Il ne s'agit que d'un mythe, monsieur ?

- Pas vraiment, répondit Roy tandis qu'il réduisait cette feuille à un tas de cendre. Le gouvernement Bradley travaillait sur un moyen de recréer la pierre.

- Y sont-ils parvenus ? demanda Reynes avec scepticisme.

- Ils y sont parvenus. Et bien plus facilement que vous ne le pensez.

- Mais comment ?

- En utilisant ce pays. L'ensemble des habitants contre cette pierre."

Les informations semblèrent assommer Reynes. Roy regarda l'horreur se peindre peu à peu sur son visage. Le jeune officier n'était pas alchimiste et n'en avait que peu de notions. Toutefois l'idée de sacrifier le pays tout entier parlait pour elle-même.

« Pour la vie éternelle ? Bradley ?

- Tout à fait. »

Il n'était pas forcément utile de lui révéler toute la vérité. Du moins pas maintenant.

« Et vous avez laissé un cercle géant sous nos pieds pendant deux ans, monsieur ?

- Ne soyez pas ridicule, lieutenant, répondit Roy d'un ton calme et sûr de lui. Des travaux ont été entrepris à divers endroits pour boucher le cercle et l'entrée se trouve littéralement sous mes pieds. Je suis donc relativement bien placé pour en surveiller l'accès. Je vous demande aujourd'hui d'en condamner définitivement l'accès. Reboucher entièrement le cercle pour qu'il ne puisse jamais être réutilisé.

- Des travaux d'une telle ampleur vont forcément attirer l'attention, monsieur.

- C'est pourquoi je vous ai confié le dossier des rénovations il y a un moment, Reynes. Vous prétendrez que les travaux réalisés sont en relation avec des travaux de terrassement ou de prolongation des voies ferrés que vous faites actuellement en surface, peu importe. Débrouillez-vous.

- Mais le silence des travailleurs, monsieur ? objecta Reynes. Aucun travailleur ne se taira, l'information fuitera forcément.

- Les repris de justice. »

Reynes ouvrit la bouche sans rien pouvoir dire. La manœuvre était faisable, plus que faisable et même habile. Le régime autoritaire de Bradley avait mis en place une législation implacable. Enormément de civils avaient été emprisonnés pour divers crimes : articles de journal un peu trop libéraux, vols à l'étalage, insultes publiques du président… la population carcérale était conséquente et pour partie complètement inoffensive. En libérer une partie en leur faisant miroiter un travail et un salaire en échange de leur silence montrait à la fois la rupture avec le gouvernement président mais également un engagement social de Mustang. Le président gagnait sur les deux tableaux.

« Vous n'avez pas besoin de leur expliquer et aucun d'entre eux n'aura une vision suffisamment complète pour comprendre, continua Mustang. Du moins, vous devez y veiller. Inventez une histoire crédible, rendez-les reconnaissants, Reynes, et tout fonctionnera à merveille.

- Compris, monsieur.

- Inutile de préciser que ce dossier est bien sûr hautement confidentiel ? précisa Roy en le lui tendant. Que personne d'autre que vous n'y ait accès ? »

Reynes secoua la tête : que l'information fuite et toute la population voudrait leurs têtes sur des piquets. Pas seulement les alchimistes, mais toute l'armée au vu de sa popularité actuelle, et la sienne incluse.


Un petit bruit attira l'attention de Sélim. Il se détourna alors de la balançoire de laquelle il poussait Elysia. Quelque part, pas loin, il y avait un oiseau. Probablement blessé.

« Mais qu'est-ce que tu fais Selim ? »

Celui-ci l'ignora et chercha l'origine des cris. Là-bas, dans l'herbe, un oisillon appelait à l'aide. Le petit garçon s'en approcha, sans que l'oiseau ne s'envole. Peut-être ne savait-il pas encore voler ? Ou peut-être était-il blessé ? Sélim s'accroupit au-dessus de l'animal pour mieux le regarder. Vraiment un bébé, minuscule. Intriguée par son comportement, Elysia s'en approcha à son tour.

« Oh, il a perdu sa maman ! »

Elle voulut s'en saisir mais le petit garçon l'arrêta.

« Il faut lui rapporter à sa maman, Sélim ! »

Mais il ne répondit pas. Sans lui accorder un regard, Sélim attrapa une fine branche d'arbre tombée pas loin et l'utilisa pour tapoter l'oiseau. Ses cris se faisaient de plus en plus fréquents et aigus. Le petit garçon laissa tomber la branche pour attraper l'oisillon à mains nues. Tellement minuscule même entre ses mains d'enfant. Sélim caressa pensivement ses plumes à peine formées et son duvet. Soudainement, il lui broya une aile. Elysia poussa un cri.

« Arrête Selim ! Mais qu'est-ce que tu fais ?»

En larmes, elle le poussa et tenta de récupérer en vain l'oiseau entre ses mains. « Arrête ça tout de suite ! Je vais chercher ma maman ! ». Face à la résistance du petit garçon, Elysia prit une grande inspiration.

« Ma…

- Tais-toi ! »

La voix impérieuse du petit garçon la coupa alors net. Ce n'était plus la voix de Sélim, pas celle d'un enfant de quatre ans mais une qu'elle n'avait jamais entendue. Elysia ferma la bouche sans pouvoir émettre un son.

« Tu vas te taire et me laisser tranquille. »

Aussitôt, le corps de la petite fille se relâcha et ses yeux se perdirent dans le vide. Elle n'était plus qu'une poupée de chiffon sans volonté. Désarticulée et réduite au silence. Seuls se faisaient entendre les cris stridents de l'oiseau. Grace et Mary étaient loin, beaucoup trop loin pour même les voir. L'enfant reporta alors son attention sur l'animal sans défense entre ses mains. Trop faible.

Sélim l'étrangla alors.


Il était tard et enfin ne restaient plus que Riza et lui dans cette aile du Quartier Général. Mustang ferma les yeux et se pinça l'arête du nez.

« Dites-moi que cette journée est terminée, colonel.

- Elle l'est »

Hawkeye était visiblement tout aussi fatiguée que lui, même si elle ne l'avouerait jamais.

« Avons-nous des nouvelles de notre petit ami ?

- Rien de nouveau, monsieur. Le dernier message de sa babysitter laisse entendre que tout se passe bien.

- Alors cette journée est définitivement terminée, colonel, sourit Roy. »


j'ai du mal à me dire que Shirenai m'a donné ce prompt il y a 10 ans, j'ai écrit ce chapitre i peu près 8 ans et ai repris l'écriture un peu plus régulièrement depuis l'année dernière.

En tout cas, j'espère que ça vous a plu. Tous les commentaires seront énormément appréciés :)