Titre anglais: Malfoy, P.I.

Titre français: Malfoy, Détective Privé

Auteur: Nancy

Traductrice: Jess HDH

Catégories: Mystère, Action/Aventure, Romance, Suspense

Couple: Harry/Draco

Rating: M

Spoilers: les six premiers livres de HP

Etat actuel de la fic: en cours d'écriture. 11 chapitres sont pour le moment disponibles.

Où trouver la fic anglaise: Schnoogle . com

Résumé: "Je suis Draco Malfoy, détective privé. J'ai vu beaucoup de choses...j'ai fait beaucoup de choses, et je ressemble beaucoup à un gentil garçon de dix-sept ans. Je croyais avoir tout vu, jusqu'à ce qu'une paire de yeux verts entre dans mon bureau". Un Univers Alternatif (AU) à la manière des romans policiers noirs situé à Los Angeles où la passion et la magie se rencontrent. Slashy et sexy.

Disclaimer: cette histoire est basée sur des personnages et des faits crées et appartenant à J.K. Rowling. Aucun argent n'en est retiré. L'histoire de cette fic appartient à son auteur, Nancy, et la traduction à sa traductrice, Jess HDH.

Note de la traductrice : Voici le dernier chapitre écrit par Nancy, j'espère qu'elle postera vite le prochain, car la fin de ce chapitre est particulièrement ignoble, je vous avertis ! Merci à tous ceux qui ne m'ont pas oubliée, ça fait chaud au cœur. Merci également à ceux qui ne connaissaient pas cette fic d'avoir pris la peine de la lire, j'espère qu'elle ne vous a pas déçue. En attendant la suite, je continue à traduire Espace-Temps Décalé. Dites-moi ce que vous en pensez ! Et une petite review pour me donner vos impressions sur ce chapitre ne serait pas de refus ;). Bonne lecture !

NOTE IMPORTANTE CONCERNANT LES RAR : FFNet interdit désormais les RAR dans les chapitres, vu qu'ils ont instauré un système de RAR via message privé pour les membres enregistrés. Je répondrai donc dorénavant aux membres par ce biais, pour ne pas me faire supprimer mon compte. J'espère d'ailleurs que tout le monde a reçu sa RAR pour le chapitre 10. Pour les anonymes, s'ils souhaitent une réponse de ma part, qu'ils me laissent leur mail afin que je puisse le faire. Si vous ne me laissez pas de mail, j'en déduirai que vous ne souhaitez pas de réponse. Merci.

Pour cette fois, je réponds aux reviews anonymes, puisque la « loi » n'était pas encore passée quand je les ai reçues. Mais c'est la dernière fois que je pourrai le faire.

Lisylys : oui, c'est une fic très originale, c'est d'ailleurs pour ça que je l'ai choisie. Même si elle a été commencée alors qu'il n'y avait que les 4 premiers tomes de sortis, on n'a pas l'impression (à part la présence de Sirius évidemment, mais c'est courant qu'il soit toujours là, même dans les fics plus actuelles, étant donné que c'est un perso très aimé) qu'elle date, et l'auteur elle-même s'adapte aux nouvelles sorties, puisque maintenant la fic contient des spoilers des 6 premiers tomes. Il est vrai que c'est un UA assez spécial, puisqu'au début on se dit que ça n'a aucun rapport avec la magie, mais là, surtout dans ce chapitre, il n'y a plus aucun doute. On est bien dans un possible futur de Harry Potter. Attention toutefois, la fin de ce chapitre est particulièrement forte...L'auteur n'ayant pas encore posté d'autre chapitre, l'attente risque d'être insoutenable...Néanmoins, j'espère que ça te plaira ! Si tu veux que je puisse continuer à te répondre, laisse moi ton mail ;)

Aella : contente que tu trouves cette histoire intéressante ! Elle est très originale, c'est sûr, et j'adore le personnage de Draco, c'est vrament comme ça que je le vois. J'espère que la fin du chapitre ne te sera pas trop insoutenable...Mais accroche-toi quand même ! Bonne lecture, et laisse-moi ton mail si tu veux que je puisse te répondre à l'avenir !

Je remercie également brièvement Origine, Falyla, Alana Chantelune, Procne Aesoris, Petrus, Egwene Al'Vere, Demoniac Cat's, Cachou, Shima-chan et Tiayel à qui j'ai tous répondu, normalement.


CHAPITRE ONZE

Mon père me sourit. « Draco. J'espérais bien que tu allais t'arrêter en passant, vu que tu étais dans le coin. »

Je déglutis. Des souvenirs, désagréables pour la plupart, m'assaillirent, et je ne sus que dire. Il pencha la tête, tel un rapace, et ouvrit davantage la porte. « Entre, je t'en prie. »

« D'accord ». Je pénétrai dans un énorme hall d'entrée, dallé de marbre noir et blanc. Du marbre vert était marqueté au centre et représentait un étrange motif. Ca ressemblait presque à--

« Une tasse de thé ? »

J'arrachai mon regard de l'étrange forme imprimée sur le sol. « Oui, avec plaisir. »

« Je suggère que nous le prenions dans le petit salon ». Il me conduisit à travers la maison ; nous dépassâmes un gigantesque escalier en colimaçon, puis nous traversâmes une salle remplie d'armures, une autre remplie de tableaux, un jardin d'hiver, une salle de bal, et nous finîmes par arriver dans une petite pièce à l'arrière de la maison avec d'immenses baies vitrées qui donnaient sur une pelouse pentue. On voyait une forêt au loin, et sur la droite se trouvait la roseraie bien-aimée de ma mère. J'eus un petit sourire en la voyant. La table était mise : théière, tasses et sous-tasses, plusieurs assiettes de petits fours et un vase de lis blancs. Il s'assit et me regarda avec l'air d'attendre quelque chose, jusqu'à ce que je me sois moi-même assis. Il me remplit une tasse de thé et y ajouta un morceau de sucre.

« Ca fait longtemps. Tu as bonne mine. »

Je bus une gorgée de thé. De l'Earl Grey. « Oui, ça fait longtemps. Vous, euh, vous avez l'air en forme vous aussi ». Etant donné que je ne me souvenais pas trop de quoi il avait l'air autrefois...Non pas que je voulais vraiment le savoir...

Il sourit, mais son sourire était froid. Je ne pouvais me rappeler un quelconque type d'émotion émanant de lui, autre qu'une colère qui s'enflait lentement. « Nous vieillissons très lentement dans la famille. Un héritage parmi tant d'autres. »

« Comment avez-vous su que j'étais ici ? »

Mon père se contenta de rire, d'un petit rire bas et nonchalant. Si un lion pouvait rire après avoir abattu une antilope, c'est ce genre de rire qu'il aurait. « Tu es mon fils. Je suis bien évidemment tes faits et gestes. Comment avance l'affaire de M. Potter ? »

« T-Très bien ». Je jetai un coup d'oeil à la pièce, pour voir les issues possibles, en espérant que ça passerait inaperçu.

Il se versa une autre tasse de thé, et j'aperçus brièvement un tatouage sur son bras gauche, sous la chemise en soie qu'il portait. Il ressemblait un peu à une star du porno des années 70, mais je me retins de faire des commentaires là dessus. Je ne pense pas qu'il apprécierait.

« Tu n'as pas l'air à l'aise. »

Ma flasque était dans ma poche, mais je n'osais pas la sortir. Je savais que je devais garder les idées claires, et avec davantage de bourbon, ça n'aurait plus été le cas. « Eh bien, c'est juste que...ça fait longtemps, comme vous dites. »

« En effet. Je suppose que tu es ici parce que tu es prêt à accepter ton héritage. »

Mon héritage ? Je me souvins que ma mère parlait de ça aussi. Des nuages sombres commençaient à s'amonceler et j'avais l'impression que mon cerveau carburait à cent à l'heure.

Il continua. « Après tout, il y a Jessica à prendre en considération. »

Quelque chose en moi se glaça. Jessica. S'il connaissait son existence, alors elle n'était pas à l'abri. Il était peut-être son grand-père, mais j'étais certain qu'il n'avait pas à coeur ce qu'il y avait de mieux pour elle. Il me lança un regard en coin, à nouveau le sourire aux lèvres, et tira une longue corde de velours qui pendait du plafond. Ca devait être pour sonner un serviteur, mais la créature qui se précipita dans la pièce où nous étions ne ressemblait à aucun serviteur que j'avais vu. Il mesurait une soixantaine de centimètres, avait d'énormes oreilles et des yeux gigantesques, de la taille d'une balle de tennis. Il ressemblait à une sorte d'elfe et soudainement, de manière spontanée, je me souvins de ce que c'était. Un elfe de maison. C'était ce dont j'essayais de me souvenir à propos des serviteurs que nous avions quand j'étais enfant. Mon père était en train de lui parler.

« Tinka, tu te souviens de Draco ? »

La créature me regarda. « Tinka se souvient de Maître Draco. Maître Draco a été absent un long moment, mais c'est bon de le savoir de retour désormais ». La voix était aiguë et éraillée, et je devinai que c'était une femelle.

« Ah, mais Tinka, nous ne savons pas si Maître Draco va rester à la maison. Maître Draco est un très grand détective aux Etats-Unis et je ne sais pas si nous pourrons le convaincre de rester ». Son visage était parfaitement impassible mais un léger dédain colorait ses mots. Il fallait que j'apprenne à faire ça.

Je posai ma tasse. Il était temps d'aller droit au but. Je n'étais pas intéressé par ses petits jeux mondains. « Vous jouez à quoi ? »

Mon père fit preuve d'un amusement poli. « Un jeu ? »

« Oui. Votre jeu. Vos intentions ». Tout le monde en a. « Il se passe quelque chose de louche ici, et vous le savez. Vous jouez avec moi. Dites simplement ce que vous avez à dire et arrêtez de tourner autour du pot. Vous ne vous intéressez pas à moi, ni à Jessica, sinon on aurait eu de vos nouvelles depuis longtemps. Vous ne vous êtes même pas manifesté quand Maman est morte. »

Il traçait négligemment le contour de sa tasse avec son doigt, tout comme Tom l'avait fait, et je plissai les yeux. « Ah oui, Narcissa. Sa mort est vraiment regrettable. Toutefois, je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle ait été vaine. »

Je luttai pour que ma voix reste égale, et j'affichai mon air de détective. Si ce n'était pas pour Harry, je serais sorti de cette maison sur le champ. Mais j'avais une piste désormais, et je restai sous le vent, le nez en l'air. « Pas vaine ? Que voulez-vous dire ? »

« Souviens-toi du code d'Hammurabi : 'Oeil pour oeil'. »

Oh non. Non, non, non. Ce n'était pas possible. « Vie...pour vie ? ». Connard fini !

Cela le fit sourire, le premier sourire sincère depuis mon arrivée. « Tu es un garçon intelligent, hein ? Oui, c'est ça. Mais autre question à présent, petit génie : laquelle ? »

Quelle vie...pour quelle vie ma mère avait-elle payé de la sienne ? Je regardai la roseraie au dehors, me rappelant un matin d'été où ma mère avait bu une tasse de thé au milieu des fleurs tout en faisant des mots croisés.

Des mots croisés. Tom faisait des mots croisés. Et il était sorti de nulle part voilà cinq ans. Au même moment, à peu de choses près, que la mort de ma mère. Ca expliquait pourquoi il n'avait pas vieilli depuis 1942. Apparemment, il était mort et on l'avait ressuscité.

Je luttai pour garder une voix égale. « Tom Jedusor, donc. Mais comment avez-vous fait ? »

« Je suis impressionné. Tu fais honneur au nom des Malfoy. »

Je lui lançai un regard furieux. « Je préférerais m'en passer, si ça ne vous dérange pas. Et allez vous faire enlever le bâton que vous avez dans le derrière, ça améliorerait peut-être votre caractère. »

« Je n'ai que faire de tes sarcasmes, Draco. »

« Ouais, je sais bien, j'en dors pas de la nuit, j'en pleure même. Mais que puis-je y faire ? Bon, dites-moi comment vous avez fait. Et pourquoi. ». Si sa voix était pareille à une main de fer dans un gant de velours, la mienne était du fer chauffé à blanc.

Il soupira avec exagération et plia sa serviette. « La magie, Draco. »

« La magie ». Je ne savais pas ce qu'on avait mis dans ce thé, mais le peyotl (cactus qui provoque des hallucinations) ne lui arrivait pas à la cheville.

« Tu ne crois pas en la magie ? »

Non, mais ma mère y avait cru...Je relevai la tête, et il eut un rictus triomphant. Il croyait avoir un atout en réserve, et ça le démangeait de le jeter sur le tapis. J'acquiesçai et lui tendis la perche. « Je ne sais pas. Je n'en ai jamais vu. »

« Oh si, tu en as déjà vu, Draco. Tu ne t'en souviens pas, c'est tout. Ta mère t'a emmené et t'a coupé de ton héritage légitime ». Ce type commençait à ressembler à Dark Vador. J'attendais juste qu'il me dise qu'on pourrait diriger la galaxie ensemble, le père et le fils. Je serais parti dans ce cas, mais cette histoire aurait été alors considérablement raccourcie.

« Bien. Faites de la magie, alors. Mais laissez mes couilles là où elles sont, merci. »

« Tu n'es pas comme je me l'étais imaginé. Mais, soit ». Il fit un mouvement du poignet, et un bâton long et fin apparut dans sa main. Je réalisai alors que c'était une baguette. Il la pointa sur la théière, marmonna quelque chose et, là où se trouvait la théière auparavant, se tenait désormais un lapin noir et blanc. Il me regarda, le nez frémissant. Je le touchai, d'une main tremblante. Il était chaud, doux et réel. Un lapin. Ma tête devait être amusante, car mon père se mit à rire et, d'un autre mouvement de baguette, changea radicalement de tenue.

« Je ne...ce n'est pas...mais si vous pouvez... ». Encore une fois, j'en perdais mon anglais. Je n'étais pas simplement hors-jeu, je n'étais même pas dans le stade.

« Tu réalises donc ce que ça veut dire, n'est-ce pas, Draco ? Je suis un sorcier. Tu es un sorcier, toi aussi. Et Jessica aussi, très probablement. Enfin, techniquement, c'est une sorcière. »

« Je peux faire de la magie » répétai-je avec stupeur. D'accord. Et Gino Nardone ne voulait pas me blesser quand il m'avait tiré dessus. Il voulait juste ajouter du fer à mon régime.

« Enfin, pas tout de suite, vu que tu n'es pas entraîné. Mais tu n'as jamais vu des choses étranges se produire ? Tu n'as jamais souhaité quelque chose qui s'est ensuite réalisé ? Réfléchis. »

Et je réfléchis. Bien sûr, je ne tombais jamais sur des feux rouges, ou des embouteillages, et je trouvais toujours une bonne place de parking. Mais ça ne voulait rien dire. Et si cet homme était fou, eh ben, est-ce que c'était héréditaire ? Etais-je fou également ? Qu'est-ce que j'avais transmis à Jessica ?

Jessica. Il fallait que j'aille la chercher. Ce type était une vraie pourriture et il savait où elle était. Ma panique grandit, bien que je ne la montrât pas. Mais derrière moi, un vase rempli de fleurs explosa et je faillis pisser dans mes froques. Mon père ronronna. C'était un bruit fort désagréable à mes oreilles.

« Voilà. Une preuve. Tu es troublé, nerveux, et ton énergie magique ne peut s'empêcher de se manifester. C'est assez courant. La seule raison pour laquelle je me sers d'une baguette est pour concentrer mon énergie magique. La tienne n'a pas un objectif précis. D'où le vase qui a explosé. Alors maintenant, ne me dis pas que ça ne t'est jamais arrivé auparavant ». Il sourit. « CQFD. »

Des vases qui explosaient. Oh, c'était arrivé. Plusieurs fois.

Et c'était arrivé à Harry. Ce qui voulait dire que si j'étais un sorcier, lui aussi.

Je secouai la tête. « Je ne...Ecoutez, je ne suis pas intéressé. J'ai ma vie, je la vis comme je la vis, et ça me suffit. Je ne sais pas pourquoi je suis venu ici, mais si vous avez tué ma mère, ou en êtes par quelque moyen responsable, je veillerai à vous le faire payer. Et si jamais vous vous approchez de Jessica ou de Harry, je vous le ferai regretter, compris ? Peut-être que je ne peux pas combattre vos petits tours de magie de pacotille. Mais j'ai plein de ressources, ça oui ! Alors ne vous approchez pas de moi, ni d'eux. Regardez-vous, tout seul. Une cage est toujours une cage, peu importe à quel point elle est jolie. Ca doit faire mal, de savoir que toute votre famille vous a abandonné. Vous mourrez vieux et seul. Mal aimé. Dites-moi, ça vous empêche de dormir la nuit ? ». Je me levai. Si j'avais touché un point sensible, il ne le montra pas.

Mon père se leva également, en retroussant les manches de sa chemise. Je finis par voir le tatouage sur son bras gauche.

Un crâne, avec un serpent qui sortait de la bouche. Exactement ce que le révérend avait vu au-dessus des ruines de Godric's Hollow. Glacé, je levai les yeux vers lui et me préparai à me battre.

« Avez-vous quelque chose à voir avec la mort de James et Lily Potter ? »

« Moi. Oh non. Je l'ai su, mais je n'y ai joué aucun rôle, je peux te l'assurer. Je les connaissais, évidemment, de l'école. »

« L'école ? »

« Oui, Draco. Poudlard. C'est là où la plupart des sorciers de Grande-Bretagne vont à l'école. »

Et Harry était allé là-bas...alors il devait savoir qu'il était un sorcier, mais il ne me l'avait pas dit. Il y avait beaucoup de choses qu'il ne me disait pas et je commençais à en avoir marre d'être traité comme un champignon, comme Sam Pirelli disait. Gardé à l'ombre et nourri de merde.

Ou peut-être qu'il ne s'en souvenait pas. Mais il n'était pas celui que j'imaginais, ça au moins je le savais.

« Comment connaissez-vous Harry ? »

Ses yeux s'assombrirent jusqu'à devenir presque noirs. Je me demandai si les miens avaient déjà fait ça. « Harry est un sujet très délicat. Tu es sûr de vouloir en discuter avec moi ? Après tout, ça serait dommage de perdre un amant si tôt...Vilain garçon. »

Un amant...oh mon Dieu, il savait tout. Je me fichais de savoir comment il l'avait su. Pour une raison qui m'échappait, je m'emparai du lapin et m'en allai. J'étais sûr d'être sorti calmement et dignement, exactement comme Bogart aurait fait, mais le rire moqueur de mon père me poursuivit jusqu'à ce que je sois revenu à l'hôtel. On aurait dit Tom.

&&&&&&&&&&

Harry n'était pas là quand je rentrai à l'hôtel. Le lapin était redevenu une théière en chemin, et je ne pouvais m'empêcher de la toucher. Je ne me souviens pas du retour jusqu'à l'hôtel, mais je l'avais manifestement fait d'une traite. Je quittai la chambre, à cran, et marchai dans les rues, laissant une traînée de mégots derrière moi. J'avais la tête rentrée dans les épaules, pour lutter contre un vent mauvais, et les trottoirs étaient vides. Des taxis et des bus me dépassaient, leurs lumières intérieures révélant impitoyablement les sièges vides. Des néons bleus et rouges se reflétaient sur les flaques d'eau par terre, et je m'interdis de penser au passé. Je finis par rentrer à l'hôtel et bus du bourbon, les lumières de la ville scintillant dans le brouillard.

L'obscurité était réconfortante et je pouvais faire semblant d'être chez moi, de ne jamais avoir rencontré Harry et que ma vie suivait tout banalement son train-train quotidien : suivre des gens à la trace, et prendre des photos de rendez-vous illicites dans des chambres d'hôtel sordides. La vie du côté louche de la rue. Je n'aurais jamais pensé considérer ça normal mais, comme je l'avais déjà dit, les tristes histoires urbaines étaient ma spécialité. Evidemment, ce que je considérais comme normal désormais était un tout autre problème.

Je ne sais pas combien de temps je restai assis dans le noir, confortablement engourdi, mais quand Harry entra dans la chambre et alluma la lumière, j'eus un mouvement de recul.

« Draco ? ». Il vint vers moi. « Tu bois ». Sa voix recelait une note de déception, et je me demandai pourquoi. Je jetai un coup d'oeil à la bouteille, qui était aux ¾ vide.

« Juste un peu. »

« Plus qu'un peu, je dirai ». Il enleva la bouteille. Je protestai faiblement, mais il la déplaça hors de portée et se lever de ma chaise demandait trop d'effort. « Qu'est-ce qui s'est passé ? »

« Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu veux dire aujourd'hui ? Ou il y a cinq ans ? Ou quand tu es allé dans une école appelée Poudlard ? Tu vois, je sais beaucoup de trucs, mais il y a beaucoup de choses que je ne sais pas, alors pourquoi tu ne me mettrais pas au parfum, hmm ? »

« Draco...Qu'est-ce qui ne va pas ? »

Je vidai le reste de mon verre ; le bourbon avait bon goût. « Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu étais un sorcier ? »

Il eut l'air si surpris que c'en était presque comique. « Un...quoi ? ». Il était sincèrement surpris, ou le meilleur putain d'acteur que j'avais jamais vu.

« Un sorcier. Que tu pouvais faire de la magie. Parce que mon père peut, et selon lui, nous aussi. »

« De la magie. »

« Oui, Potter. De la magie ». Je lui tendis la théière que j'avais fini par sortir de la voiture. Il se contenta de la regarder.

« C'est une théière. »

« Mais c'était un lapin quand j'ai quitté la maison de mon père. »

« Un lapin qui s'est changé en théière ? »

« Non, non. C'était une théière qui s'est changée en lapin, puis qui est redevenue une théière ». Apportez donc des drogues psychotropes. J'espérais que les camisoles de force étaient amincissantes.

« Je vois ». Mais c'était clair qu'il ne voyait rien. Je regardai ses yeux remarquables, et ils étaient tristes et résignés. « Tu as besoin de repos. »

« On fait exploser des vases. C'est notre énergie magique qui pète un câble sans objectif précis. Il ne t'est jamais arrivé des choses étranges ? Tu as déjà souhaité que quelque chose arrive, et c'est vraiment arrivé par la suite ? »

Il hésita et, à ce moment-là, je sus la réponse. Je continuai. « Tu ne te souviens pas de ton passé, apparemment. Tu es allé dans la même école que tes parents et que mon père. Il connaissait tes parents. La nuit où ils sont morts, il y avait une marque dans les airs au-dessus de Godric's Hollow. Un crâne avec un serpent qui sort de la bouche. Cette marque est également sur le bras de mon père. Son bras gauche ». Exactement à l'endroit où Tom Jedusor avait laissé ce bleu bizarre sur mon bras, réalisai-je un peu tardivement.

Harry devint d'une pâleur mortelle, mais je ne m'arrêtai pas. « Et, je ne sais comment, Tom est revenu à la vie. Ma mère est morte et apparemment ça l'a ressuscité. Une vie pour une vie ». C'était drôle de voir comment ma devise dans la vie était revenue me hanter. Je pense que c'est ce qui arrive quand on vit selon ses propres codes de conduite. Je pris le bourbon des mains de Harry et avalai une autre gorgée ambrée.

« C'est pour ça qu'il n'a pas vieilli depuis 1942. Donc lui aussi il est mêlé à tout ça. Il est ici, quelque part, et si seulement je pouvais le trouver...Je sais qu'il connaît les réponses. C'est sûrement lui qui a tué Mike, mais je ne sais pas comment il a fait ça. Mais mon père a changé complètement de tenue, rien qu'en se servant de la magie, donc Tom a très bien pu se changer en toi, ou se faire passer pour toi. Je ne sais même pas si c'est possible, mais d'une manière ou d'une autre, il l'a fait. Quelqu'un veut ta mort. Gary m'a dit que le fait de te faire coffrer enlèverait une épine du pied de quelqu'un. Alors pourquoi ne pas te faire porter le chapeau d'un meurtre ? Tu vois ? Ca commence à coller. Tom a effacé ma mémoire je ne sais comment cette fameuse nuit, alors peut-être qu'on t'a effacé la mémoire à toi aussi. Et qu'on l'a remplacée, ou un truc dans le genre ». Cette affaire ne contenait que des 'quelqu'un', des 'quelque chose' et des 'peut-être', mais rien de concret.

Harry avait l'air très jeune et très effrayé, mais il déglutit, leva le menton et continua là où j'avais arrêté. « Donc je ne suis pas celui que je pense être. Et Sniffle le sait, apparemment. Il me connaît, mais moi je ne me souviens pas de lui. Tom me connaît aussi. »

Je repensai aux petits indices que j'avais reçus tout au long de l'affaire. Les mots mystérieux sur mon bureau, Sniffle, Marlowe...« Quelqu'un essaie de m'aider. Je ne sais pas qui. Mais peut-être que je ne suis pas le seul à être de ton côté ». Je dis la dernière phrase un peu à contrecoeur, mais je ne pouvais dire si Harry l'avait remarqué.

Le visage de Harry s'éclaira et ses épaules tremblèrent de soulagement. « Tu es toujours de mon côté alors ? »

« Tu me paies pour l'être, non ? ». C'était sensé sonner sec et dur, et pour moi, c'était le cas, mais Harry sembla y voir autre chose, car il m'attira à lui et m'embrassa de tout son coeur. Je lui rendis son baiser et tentai de garder mon équilibre, mais la gravité n'était pas coopérative.

« Viens, Draco. Allons au lit. On résoudra tout ça demain matin. »

Je n'avais aucun argument contre ça.

&&&&&&&&&&

Je me réveillai à côté de Debbie. Je roulai sur le côté et enroulai un bras autour d'elle, mais elle était raide.

Et froide.

Ca me réveilla d'un coup et je m'assis. Elle était couchée sur le dos, les yeux ouverts, le teint violacé. Des marques de doigts blêmes se détachaient sur son cou ; je gémis de peur et sautai hors du lit. A côté d'elle, sur le lit, reposait une unique rose rouge. Je ne sais comment, j'arrivai à m'habiller et à aller chez Harry. Il leva les yeux lorsque, paniqué, je fis irruption sur son patio. Il était assis sous une tonnelle couverte de roses grimpantes écarlates. Le tonnerre grondait tout près et le vent soufflait en rafales.

« Debbie...c'est...elle est...étranglée...et je ne me souviens de rien... »

Harry se leva et vint vers moi. « Qu'est-ce qui s'est passé, Draco ? »

L'orage approchant, le rosier grimpant cinglait violemment l'air, libéré de ses attaches, et les doigts de Harry s'enfonçaient douloureusement dans la chair de mes bras. Je fis mine de m'éloigner de ces yeux accusateurs, mais cela ne lui fit que resserrer sa prise. Une partie de mon esprit se demanda comment j'avais pu trouver ces yeux beaux.

« Dis-moi, Draco. Dis-moi ce que tu as fait ». Sa voix était rauque, mais ce n'était pas à cause du whisky.

« Ecoute, je n'ai pas...J'ai bu quelques verres et tout est...flou ». Et c'était bien flou. Je repensai à la nuit que j'avais passé chez elle – la chaleur du bourdon dans la fraîcheur de sa chambre bleue, et l'odeur des fleurs -, mais quelque chose n'allait pas. Elle ne soupirait pas de contentement sous moi. Elle agrippait mes poignets et ses yeux me suppliaient d'arrêter, mais je ne pouvais pas. C'est comme si j'étais hors de moi-même, et que je regardais, sans pouvoir faire quoi que ce soit. Ses yeux se brouillaient, sa poigne s'affaiblissait, jusqu'à ce que ses mains finissent par retomber à ses côtés, et la froide vérité s'insinua en moi. Je levai les yeux vers Harry, mais je ne savais pas comment le lui dire.

Il eut l'air de comprendre. Il prit une grande inspiration et redressa les épaules. « Dis-moi, Draco. Tu l'as tuée ? »

Et, sans la moindre hésitation, j'acquiesçai. C'était trop tard pour combattre ce que je savais avoir commis.

« Oui, je l'ai tuée. Ce n'est pas ton combat. Ne t'en mêle pas ». Tom vint se mettre à côté de moi, sa voix étrangement calme. Il posa une main sur mon avant-bras gauche, et il explosa de douleur.

Je m'assis, haletant. Harry dormait à côté de moi, et la pièce était plongée dans l'obscurité. Je jetai un coup d'oeil alentour, pour me repérer. Londres. J'étais à Londres. Ce n'était qu'un rêve.

Je me levai, bus un verre d'eau et allai faire un tour sur le balcon. Les lumières de la ville flottaient au-dessous de moi, et j'agrippai la balustrade jusqu'à ce que mes mains arrêtent de trembler. En retournant dans la chambre, je m'arrêtai près du lit, haletant. Harry dormait toujours ; le clair de lune entrait à flots par la porte que je venais de franchir, brillant sur lui de façon à ce qu'il soit totalement illuminé. Il semblait presque éthéré. Il finit par bouger, déplaçant les ombres argentées, mais ne se réveilla pas. Je le regardai dormir et songeai à Debbie sous le clair de lune.

Ma pauvre Debbie, morte. J'avais conduit Tom droit sur elle. Il me suivait, et s'il avait tué Mike pour faire épingler Harry, alors il avait sûrement tué Debbie pour me faire épingler. Ou peut-être que c'était un avertissement. Toutefois, j'avais joué un rôle dans sa mort et ça n'allait pas être facile de vivre avec.

Encore une autre chose à ajouter à la liste. Je trouvai la bouteille et me servis un verre.

La culpabilité est un fardeau très lourd à porter parfois.

&&&&&&&&&&

Je me réveillai tôt le matin suivant. A côté de moi, Harry dormait toujours, mais son front était plissé, et il marmonnait dans son sommeil. Je me glissai hors du lit en faisant attention de ne pas le réveiller, et pris une douche rapide. Il ne s'était toujours pas réveillé quand j'en sortis et je le regardai dormir un moment.

« C'est trop tard pour arrêter maintenant » murmurai-je, et je l'embrassai doucement. Si j'avais su ce qui allait arriver, je l'aurais réveillé et je l'aurais embrassé comme il faut, mais je l'ignorais. Je m'habillai et descendis à la réception. Je pris le petit déjeuner en jetant un oeil sur le journal. Rien d'extraordinaire. Ironie du sort que le monde extérieur continue comme si de rien n'était alors que le monde de Harry et le mien s'effondrait.

Je voulais être à nouveau dans mon bureau, à me rembrunir en voyant les factures et à me demander comment j'allais payer le loyer ce mois-là. Je voulais rentrer chez moi, Marlowe blotti sur mes genoux, qui ronronnerait et ferait des boulettes. Je voulais taquiner Jennifer sur son dernier amour. Partout, sauf sur ce chemin qui me conduisait tout droit à des choses que je ne comprenais pas et que je n'arrivais pas à expliquer. Magie ? Sorciers ? Je pensai à Tom et aux choses qu'il avait certainement accomplies. Effacer ma mémoire, se rendre invisible, et arriver à convaincre les flics que Harry s'était confessé auprès de lui.

Tom avait tué Mike. Je tournai et retournai cette idée dans ma tête. Un coup monté sacrément bien organisé, si c'était le cas. Si on voulait la mort de Harry, pourquoi ne se contentait-on pas de le tuer ? Et si on ne voulait pas que je fouine partout, pourquoi ne se contentait-on pas de me tuer ? J'étais sûr qu'il y avait eu plein d'occasions pour le faire.

Je soupirai, pris une longue gorgée de bourbon, et me dirigeai vers le Métro, dans l'intention d'aller au Bureau d'Etat Civil. Mon esprit dérivait, et le bourbon m'apaisait. Une fois arrivé au Bureau, un vieil homme m'attendait, moi qui étais mort mais n'avais pas encore été mis en terre, et je réussis enfin à découvrir qui était le propriétaire de la Maison de Jedusor.

Et - c'est tout à mon honneur - je savais déjà la réponse avant d'avoir les documents sous les yeux. Je cherchai mon bloc-notes pour noter tout ça, mais j'avais dû le laisser à l'hôtel. Pas de problème. Je savais comment aller à Wiltshire.

&&&&&&&&&&

Il y avait du brouillard sur la route du Manoir Malfoy. Comme je roulais, le brouillard s'était de plus en plus épaissi et ça me rappelait les photos qui dataient des années 1880 : un brouillard à couper au couteau et Jack l'Eventreur tapi dans l'ombre. Je soupirai et sortis de la voiture, après avoir avalé quelques gorgées réconfortantes. Il y avait une autre voiture dans l'allée – un petit truc vert d'une marque étrangère – et rien ne bougeait alentour. Pas d'oiseau, pas de vent, pas de bruit. Parfois, le brouillard grondait sourdement, et c'était sinistre. Les poils de ma nuque se hérissèrent mais je m'approchai néanmoins de la porte d'entrée. J'allais frapper, quand la porte s'entrouvrit. Je la poussai un peu plus et j'entrai.

« Y'a quelqu'un ? »

Pas de réponse. Je jetai un coup d'oeil autour de moi : tout semblait normal, mais pourtant, quelque chose n'allait pas. Un lourd parfum de lis emplissait la maison. Tout mon instinct me disait de sortir de là, mais j'étais un détective coriace. On ne m'effraie pas facilement. Je longeai des couloirs plongés dans la pénombre. Pas de Tinka. Pas de Lucius. Alors que je passai devant une pièce, j'entendis quelqu'un chantonner La Donna è mobile à voix basse, mais le son fut vite étouffé lorsque je m'éloignai de la porte de quelques pas.

J'étais arrivé au niveau du jardin d'hiver, quand j'entendis des éclats de voix sur ma droite. Je suivis le son, traversant une pièce remplie d'armures, dont les yeux vides me suivaient du regard. Un souvenir me revint alors. J'étais terrifié par ces machins, étant enfant, alors mon père m'avait enfermé une nuit entière dans cette pièce, pour que je puisse surmonter ma peur. J'avais toujours peur de ces armures après ça, mais j'avais appris à le cacher. Je frémis, puis fis une pause et écoutai. Les voix résonnaient, donc ça devait être une pièce peu meublée, et je me remis en marche, m'arrêtant que lorsque je me sentis proche du but. Avec stupeur, je reconnus la voix de Harry.

Alors c'était ça l'explication de la disparition de mon bloc-notes. Ce petit con l'avait volé et avait eu l'adresse de mon père de cette façon. Têtu.

« Que m'avez-vous fait ? »

La voix de mon père était amusée. « Moi ? Je ne t'ai rien fait. »

« Que signifie cette marque sur votre bras ? Pourquoi c'était au-dessus de la maison de mes parents la nuit de leur mort ? »

« Oh, ça ? C'est une sorte de carte de visite. Tu es sûr de ne te souvenir de rien ? »

Harry dut secouer négativement la tête, car mon père émit un petit rire. « Petit impétueux. Je ne vois vraiment pas ce que Draco trouve de si attirant chez toi, mais là n'est pas la question. Je ne voulais vraiment pas en arriver là, mais ça commence à devenir assez ennuyeux. As-tu quelque chose à dire pour ta défense ? »

J'entrai en courant dans la pièce. Quelqu'un rit dans l'ombre, mais je ne regardai pas. Mon père et Harry se tenaient l'un en face de l'autre, yeux verts contre yeux gris, au centre d'une pièce qui semblait être en cours de rénovation. Tous les meubles étaient recouverts de draps et les murs étaient nus, excepté une couche d'apprêt. Mon père eut l'air amusé ; il pointait une baguette sur un Harry que je ne reconnus pas. Ses yeux verts flamboyaient et, durant un instant, je me demandai s'il n'était pas devenu fou. Il ne m'accorda pas un regard, gardant les yeux fixés sur mon père qui lui, au contraire, me sourit.

« C'est si bon de te revoir, Draco. Je suis navré de ne pas pouvoir t'offrir un verre à l'instant même. Je sais à quel point tu aimes boire un bon coup ». Tiens, la remarque que je lui avais faite un peu plus tôt sur le fait qu'il allait mourir tout seul l'avait fait chier apparemment.

« Qu'est-ce qui se passe ici ? » demandai-je.

Quelqu'un s'approcha de moi par derrière. « Quelque chose qui a commencé longtemps avant que tu n'acceptes cette affaire. »

Tom. Je fermai les yeux et il posa une main fraîche sur mon épaule. « C'est entre eux. Tu ne peux plus aider Harry désormais. »

Je regardai Harry et mon père, et me mis en garde. Le motif du sol en marbre ressemblait à un échiquier. La cérémonie des cavaliers.

Et même le pion doit jouer un rôle. Je me souvins des paroles d'Evans. Parfois, nous, dans nos vies de tous les jours, jouons le rôle d'un pion, bien que sans le savoir. Je comprenais à présent que c'était un avertissement.

Je me tournai vers Tom. « Qui est le pion ? »

Il me sourit. « Hmm ? »

« Tu as dit que c'était entre eux. Depuis combien de temps est-ce que ça dure ? »

« Oh, environ 34 ans, à peu près ». Il fit courir un doigt froid le long de ma joue, et ses yeux étaient d'un bleu glacial. « Mais ce n'est pas ton combat. »

Mais qui était le pion ? Et qui était le maître du jeu?

« Dites-moi ce qu'il s'est passé ! ». La voix de Harry enfla, prenant un ton presque aérien, et j'eus un frisson. Il faisait très froid dans la pièce et l'air palpitait d'énergie. On aurait dit que de l'électricité crépitait autour de nous, et je n'aurais pas été surpris de voir un feu vert entourer Harry.

Mon père soupira avec élégance. Le seul signe extérieur d'une quelconque détresse de sa part était peut-être quelques mèches de cheveux qui s'échappaient du ruban noir qui retenait sa chevelure. « Mon petit plan n'a manifestement pas marché. Très bien, Harry. Tu veux savoir ? Tu veux te souvenir de tout ? Très bien. Souviens-toi alors. »

Echec.

Il marmonna quelque chose qui ressemblait à du latin ; une lumière bleue jaillit de sa baguette et enveloppa Harry. Harry resta immobile, stupéfait, puis lentement, tandis que la lumière s'écoulait en lui, son visage changea. Il fut d'abord troublé, puis choqué, puis tourmenté et, pour finir, horrifié. Le temps semblait s'être arrêté tandis que je le regardais. Il vacilla et je fis mine d'aller vers lui, mais Tom me retint.

« Lucius est en train de rendre la mémoire à Harry. Ne t'en mêle pas » murmura-t-il.

« Quant à toi, Draco… ». La voix de mon père s'estompa et il pointa sa baguette sur moi. Ses yeux brillaient dans les ombres qui emplissaient la pièce et je sentis le sang se retirer de mon visage, mais je ne pouvais pas bouger. Il commença à dire quelque chose, mais fut interrompu.

« Attendez ! ». Harry finit par lever les yeux vers mon père, pâle comme un linge. « Comment avez-vous fait ? Comment avez-vous effacé si totalement ma mémoire ? »

« C'est un sort assez compliqué. Effacer ta mémoire n'a pas été le plus compliqué, à vrai dire. C'était de remplacer tes souvenirs et de te donner un nouveau passé qui a été le plus difficile. Toute cette paperasse, tu sais. Heureusement, le FBI a de l'expérience en la matière. Tout comme la NSA ». Mon père connaissait des gens dans le programme de protection des témoins ? La pensée de mon père dans le même pieu que les Fédéraux ne me réjouissait pas franchement. Et la NSA fait peur à tout le monde. Il me jeta un coup d'œil, puis revint à Harry et continua. « Je pensais que si tu repartais à zéro, en Californie, sans aucun souvenir de moi, ni de Voldemort, peut-être, peut-être que tu aurais vécu en paix pour accomplir ce que je souhaitais. J'aurais dû te tuer. On m'en a dissuadé, mais je le regrette profondément, je peux te l'assurer. »

Harry déglutit. « J'ai tué Voldemort. »

« Oui en effet. Et ce fut un sacré spectacle. Tu as un vrai sens de la mise en scène. Je ne t'ai jamais remercié pour ça, à propos. Mais je te suis vraiment redevable. Tu as bien plus de ressources que quiconque le disait. »

« La Marque des Ténèbres… »

Mon père me regarda. « La Marque des Ténèbres ». Il fit quelque chose avec sa baguette, et un symbole apparut dans les airs, flottant au-dessus de nous tous, vert et menaçant. Un crâne avec un serpent qui sortait de la bouche. La même forme que j'avais vue sur la mosaïque du hall d'entrée du Manoir. « C'est la marque de Lord Voldemort. Le Seigneur des Ténèbres, comme on l'appelait. Je la trouve plutôt...sordide. Moi, au moins, j'ai du style. Harry était le seul sorcier de notre époque à pouvoir le tuer. J'étais assez ambitieux, dirons-nous, donc j'avais tout intérêt à ce que Voldemort meure. Harry ici présent fit du très bon boulot et me permit d'atteindre quelques buts que je m'étais fixés il y a bien longtemps. J'aurais vraiment dû tuer Harry mais, comme je l'ai dit, on m'en a dissuadé. Alors j'ai effacé sa mémoire, je lui ai donné un nouveau passé grâce à quelques faveurs qu'on me devait, et je l'ai envoyé en Amérique. »

Ma voix, quand je la trouvai, était tremblante. « Qui vous en a dissuadé ? »

« Oh, tu ne dois pas le connaître. Mais Harry, si. »

Harry plissa les yeux. « Qui était-ce ? »

« Severus. »

« Rogue ? ». Surprise, choc et confusion se succédèrent sur son visage.

« Oui. J'ignore ses raisons. Cependant, il m'a fourni des arguments très convaincants, alors j'ai fait preuve de merci et t'ai laissé vivre. Mais tu as commencé à te souvenir de certaines choses. Tu te souviens d'avoir vu le Chaudron Baveur il y a quelques jours ? C'est tout à fait inacceptable. Et sachant à quel point tu es têtu, je ne pouvais pas me permettre ce genre de choses. Alors Tom est entré en scène, et je l'ai mis au travail. Il devait te surveiller et déterminer si tu étais une menace. Si tu devenais trop incontrôlable, il devait se débarrasser de toi. J'attendais une mort rapide, mais Tom a insisté sur le sens théâtral. »

Je pris à nouveau la parole. « Donc Tom a fait inculper Harry pour meurtre. Parce que si Harry se faisait coffrer et condamner à mort, il ne serait plus dans vos pattes ». C'était les paroles de Gary, prononcées il y avait bien longtemps. Je me demandai si lui aussi était un sorcier.

« Un garçon si intelligent » ronronna mon père, et j'en eus la chair de poule. « Toutefois, je ne m'attendais pas à ce que Harry t'embauche. Tu t'es impliqué dans l'affaire et alors, ça a été la pagaille. »

« Vous auriez dû changer le nom de famille de Harry. Ca aurait été beaucoup plus difficile de retrouver sa véritable identité. Cependant, je vous donne un bon point, car c'était bien tenté. Mais ça se voit que vous débutez ». Un jour, j'apprendrai quand il faut fermer sa gueule. Un jour.

Il me décocha un regard glacial, puis reposa ses yeux gris sur Harry, et une idée me traversa l'esprit : je ressemblerais à ça quand je serais plus vieux. « Pourquoi as-tu employé mon fils, et non quelqu'un autre ? »

« Je...je...On me l'a recommandé. »

« Qui ? »

« Quelle importance ça a maintenant ? »

« Je suis curieux. »

Tom prit la parole. « Harry a été aidé tout du long. Tout comme Draco. Alors évidemment, ça ne vient pas de moi ». Son souffle sur mon cou était froid et je devais rassembler tout mon sang-froid pour ne pas me retourner et m'enfuir en courant loin de ce cauchemar. J'avais déjà pris la fuite, et ce n'était dur à faire.

Lucius – je refusais de le considérer plus longtemps comme mon père – haussa élégamment un sourcil. « Ah, très bien. Ca n'a pas d'importance. Je suis navré Draco, mais les dommages collatéraux ne me sont d'aucune aide. Il fallait s'y attendre ». Il pointa à nouveau sa baguette sur moi, le sourire cruel et le regard vide, et Harry écarquilla les yeux. Tom se tendit derrière moi et se décala sur le côté. Un million de pensées me vinrent à ce moment-là, et une notamment : Je suis désolé, Jessica. Je ne peux plus t'aider. La maison de mon enfance allait devenir mon tombeau.

« Avada Ked-- »

« Ne vous avisez pas de le toucher ! ». Harry se mit devant moi pour me protéger et Lucius fut projeté contre le mur opposé. Il y eut un 'crac' et il glissa sur le sol. Harry courut vers lui, lui prit sa baguette et la pointa dans sa direction.

Echec et mat.

« Je me souviens du Sortilège de Mise à Mort, M. Malfoy. Je me souviens de tout. »

L'homme étendu au sol ne bougea pas. Un profond silence régnait dans la pièce, à part le léger roucoulement d'une colombe dehors. Ses yeux étaient fermés, et un filet de sang écarlate s'écoulait du coin de sa bouche. On aurait dit un jouet qu'un gamin qui ne le voulait plus aurait jeté au loin.

Je m'avançai et, cette fois-là, Tom ne me retint pas. « Il est...? »

« Je ne sais pas ». La voix de Harry était tendue et ses épaules voûtées. Je fis mine de le toucher, mais me ravisai. Je m'accroupis, touchai le cou de mon père et levai les yeux vers Harry en hochant la tête. Mort. Je ne savais pas comment le dire, mais Harry comprit et recula en lâchant la baguette. Il était tellement tendu qu'il était susceptible de craquer à tout moment. J'eus une vision de lui se mettant à hurler, sans jamais s'arrêter. Et je ne savais pas ce qu'il était capable de faire à présent. L'homme que j'avais connu était mort. Et mon père, cet espèce de psychopathe, était mort lui aussi.

D'un seul coup, les démons de mon enfance furent balayés, et remplacés par quelque chose d'entièrement nouveau, tout aussi effrayant. Je jetai un coup d'œil circulaire à la pièce. Les meubles sous les draps occupaient des places menaçantes, et j'avais le sentiment sinistre d'être observé. Un prédateur était tapi quelque part, dans l'attente de bondir.

« On...on devrait y aller. »

« C'est le moment de jouer ». La voix de Tom était basse et étrangement calme. Il parla sur un ton neutre. Harry commença à répondre, mais Tom disparut, un peu comme le Chat d'Alice au Pays des Merveilles. Il s'évanouit dans les airs, tout simplement. Harry finit par se tourner vers moi, tremblant.

« Draco... »

Je l'entourai de mes bras. Je ne voulais pas le toucher, mais il le fallait. Si je ne le touchais pas maintenant, je ne le ferait plus jamais fait. « Tout va bien. C'est fini. On va découvrir le fin mot de l'histoire, ok ? Allez, viens. »

« Je suis désolé, je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas t'embarquer dans tout ça. Je ne savais pas. Je ne savais pas. »

« Viens. Rentrons à l'hôtel. »

« N-non. »

« Où alors ? »

Harry secoua la tête et regarda autour de lui, comme s'il voyait la pièce pour la première fois. « Il a parlé du Chaudron Baveur, non ? »

« Hum, oui. »

« C'est le pub que nous avons vu, l'autre jour. Sur Charing Cross Road. On pourrait peut-être trouver quelques réponses là-bas. »

« Ok ». Je ne discutai pas. Il était au bord de la crise de nerfs. Je le guidai à travers les ombres du Manoir jusqu'à ce que nous soyons dehors ; la tempête faisait rage ce soir-là. Le vent hurlait et de gros nuages noirs s'amoncelaient devant la lune. Une flaque d'eau s'était formée juste au-dessous de la dernière marche de la porte d'entrée. Harry réussit à sauter par-dessus, mais moi je trébuchai et tombai en plein dedans. C'était bien plus profond qu'il n'y paraissait et j'étais presque entièrement immergé. Je me relevai en jurant et rejoignis Harry. Je le fis entrer dans ma voiture et lui donnai ma flasque. « Bois ça ». Un rossignol chantait non loin de là.

« Et ma voiture ? ». Il montra le machin vert garé dans l'allée.

« On enverra quelqu'un la chercher. Tu n'es pas en état de conduire ». Moi non plus, à vrai dire, qui venais d'assister à la mort très probable de mon père, mais je marchais au radar et ne me permettais pas de penser à ce genre de choses. Je suis un professionnel, après tout.

J'allumai la radio, histoire de combler le silence. Barber. Adagio For Strings.

Soudain, je fus pris d'une colère inexplicable : j'éteignis la radio et nous roulâmes en silence. Le brouillard se levait petit à petit au fur et à mesure que nous nous rapprochions de Londres. Ne sachant pas où me garer, je me dirigeai vers l'hôtel.

« On n'a qu'à laisser la voiture ici et prendre le métro. Et marcher jusqu'au...euh, pub ». Je n'arrivais pas à en dire le nom. D'une certaine manière, en dire le nom rendrait réel tout ça, et je ne le voulais pas. Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas revenir en arrière qu'on ne le souhaite pas.

« J'ai pris ton bloc-notes. Pardon. »

Je lui jetai un coup d'œil. « Tu es têtu, hein ? »

Il baissa la tête, et je me rendis compte qu'il avait toujours la baguette de mon père. J'eus un haut-le-cœur, et j'avais envie de lui dire de la jeter par la fenêtre, mais ça m'étonnerait qu'il le fasse.

Il parla très doucement. « Il faut que je sache. Tu comprends ? »

« Je fourre mon nez partout pour vivre. Evidemment que je comprends ». Et c'était vrai. Sauf quand ça devenait personnel. Je n'aimais pas l'idée d'être le fils d'une personne comme Lucius Malfoy, et à présent je comprenais pourquoi ma mère l'avait quitté. Je me demandai ce qu'elle aurait dit si elle avait su tout ce qui s'était passé. Pas étonnant qu'elle ne m'ait pas parlé de lui, même si souvent, le fait de protéger un enfant pour son propre bien finissait par plus les blesser que les aider. C'est ce que j'avais découvert.

Ma voix était hésitante, et ça m'énerva. « Merci de m'avoir sauvé la vie tout à l'heure. Je ne sais pas comment tu as fait ce que tu as fait, mais si tu ne l'avais pas fait-- »

« N'y pense plus. J'ai fait ce que j'avais à faire et j'en suis heureux. »

Il n'y avait rien à répondre à ça.

Nous finîmes par arriver à l'hôtel et je tendis avec gratitude les clés de voiture au valet de chambre. Harry trébucha en sortant de la voiture et je lui pris le bras. « Montons. »

« Mais le pub-- »

« --sera toujours là demain » finis-je. « Tu es en état de choc. Viens. »

Il ne protesta pas quand je le conduisis jusqu'à notre chambre et que je l'assis sur le lit. Je nous versai à tous les deux une bonne rasade et lui tendis son verre. Il le but docilement, puis tourna ses yeux verts vers moi.

« Viens ici » dit-il à voix basse, et je savais exactement ce qu'il voulait. Mon sexe remua et, alors que le sexe était le cadet de mes soucis deux heures auparavant, à présent ça me semblait être une sacrément bonne idée. Je me rendis compte également que Harry ne voulait pas simplement du sexe, mais aussi du réconfort. Pour lui, les deux revenaient au même, apparemment.

Je vidai mon verre cul sec et vint vers lui ; je l'allongeai sur le lit et l'embrassai. Il me rendit mon baiser, les mains enfouies dans mes cheveux, et enroula ses jambes autour de ma taille. Nous arrivâmes je ne sais comment à nous déshabiller, et je le repoussai sur le lit, me mis sur lui et l'embrassai à nouveau. Je pris mon temps, parcourant tout son corps de ma bouche, jusqu'à ce qu'il frissonne et halète sous moi. Quand il jouit, il ferma les yeux et murmura mon nom. Il finit par les rouvrir et il me regarda.

« Dis-moi que tout ira bien. »

« Tout ira bien, Harry, je te le promets ». Je ne sais pas comment un homme qui venait de faire voltiger un autre homme à travers la pièce pouvait ressembler à un petit garçon perdu, mais là c'était le cas. Il eut l'air peu convaincu, mais quand je me mis sur lui, l'embrassai et plongeai en lui, il agrippa mes épaules et murmura que tout allait bien désormais.

&&&&&&&&&&

Nous dormîmes quelques heures, moi enroulé autour de Harry d'une manière presque protectrice. Si j'avais rêvé, je ne m'en souvenais pas, mais un vague pressentiment planait sur moi et quelque chose me titillait. Il me fallut un moment pour réaliser ce que c'était. Il restait encore beaucoup de questions sans réponse dans cette affaire. Et beaucoup de détails inexpliqués.

Tom, par exemple. Il était en liberté, et il avait parlé d'affaires. Je me souvins de ses paroles : « C'est le moment de jouer ». Je n'aimais pas ça, connaissant la nature des jeux de Tom. Mais peut-être que quelqu'un nous aidait. Je pensais soudainement à Peter le chien.

Harry remua à côté de moi, puis embrassa mon épaule. Il faisait toujours cela en se réveillant.

« Bien dormi ? »

Il s'étira. « Oui. Je me sens mieux. »

« Tu te souviens toujours de tout ? »

Il acquiesça, soudain sur ses gardes. « Pourquoi ? »

« Du calme. J'aimerais juste satisfaire ma curiosité à propos de certaines choses ». C'était un autre genre de préliminaires, cette fois-là.

Il but un peu d'eau. « Ok ». Il se redressa et s'adossa contre quelques coussins.

« Qui est Sniffle ? »

« Sniffle...oh. C'est Sirius. Mon parrain. C'est un Animagus. Un chien. »

« Un...quoi ? »

Il sourit. « Un sorcier qui peut se changer en un animal. Je peux le faire moi aussi. »

« Tu peux ? »

« Ouais. Je suis un chat noir et blanc. Je connais plusieurs sorciers qui peuvent se changer en chat. J'ai même connu une sorcière qui se changeait en cafard. Ca lui allait pas mal, il faut dire. Mon père était un cerf. »

« Je parie que tu as les yeux verts. »

« Ouais. Rappelle-moi de t'expliquer un jour pourquoi les chats lèvent le cul en l'air quand on leur fait des papouilles. Sirius est ton cousin, au fait. Du côté de ta mère. Son nom de famille est Black. Comme le nom de jeune fille de ta mère. »

« Alors c'est lui qui nous aide ». Je songeai à la complicité naturelle qu'il y avait eu entre Harry et Sniffle.

Harry acquiesça. « Ouais. Je ne sais pas si c'est le seul. »

« Mais pourquoi ne s'est-il pas montré en personne ? Pourquoi tout ce mystère ? »

« Je ne sais pas. Il devait avoir ses raisons, à mon avis. Je suis quasi sûr que c'était pour ne pas te faire flipper. »

« Super. Parce que suivre un chien bizarre dans les bois ne me fait pas du tout flipper. Qui est Rogue ? »

« Oh. Severus Rogue. C'était un professeur de Poudlard. L'école où je suis allé. C'est en Ecosse. Il enseignait le cours de Potions. Autrefois, c'était un Mangemort – un partisan de Voldemort -, et puis il s'est rangé du bon côté. Ou peut-être qu'il a joué les agents doubles tout du long. Je ne sais pas. Toutefois, il me détestait. »

« Alors pourquoi aurait-il épargné ta vie ? »

« Oh. Eh bien, il l'a déjà fait une fois. Il était à Poudlard en même temps que mon père, et mon père lui a sauvé la vie face à un loup-garou. Alors il m'a rendu la pareille, j'imagine. »

« Un loup-garou ? »

« Oh, hum. Ouais. Les loups-garous existent vraiment. »

Je le toisai de la tête aux pieds. « Tu n'en es pas un, hein ? »

Il rit. « Non, bien sûr que non. »

« Ca expliquerait certaines choses, pourtant. Comme ton haleine en ce moment. »

« Très bien, je vais aller me brosser les dents ». Il se leva et alla dans la salle de bains, nu. Jolie vue.

« Alors comme ça, je suis un sorcier moi aussi ? »

Harry sortit, la bouche pleine de dentifrice, ressemblant ainsi à un chien enragé. Il hocha la tête, puis retourna à la salle de bains pour se rincer la bouche. « Tu veux que je t'apprenne ? »

« Que tu m'apprennes quoi ? »

« A faire de la magie. »

« Je...hum...Contentons-nous d'élucider cette affaire pour le moment, ok ? ». Je ne voulais pas apprendre la magie. Je ne voulais rien avoir à faire avec tout ça : sorciers, loups-garous et magie. J'ai toujours crû en ce que je pouvais voir, sentir, goûter et toucher. Ca m'avait bien suffi pendant trente-cinq ans et je ne voyais aucune raison pour que ça change. C'était juste que je ne savais pas comment dire tout ça à Harry. Cependant, il ne me questionna pas. Il commença à s'habiller et je me traînai hors du lit, pour faire de même. Nous étions silencieux, mais ce n'était pas un silence inconfortable.

C'était le crépuscule lorsque nous nous dirigeâmes vers le Chaudron Baveur. Les gens rentraient chez eux après une journée de travail, et les signes de vie que je voyais autour de moi me réconfortaient, d'une certaine façon. La vie continuait bel et bien. Harry devenait de plus en plus nerveux au fur et à mesure que nous approchions du pub : il parlait avec animation et riait un peu trop fort. On aurait dit qu'il y avait un air de fête dans le coin, bien que je ne sache pas d'où me venait cette impression.

Harry posa le pied sur la chaussée, pour traverser. Je commençai moi-même à traverser la rue, mais je sentis une secousse et baissai les yeux. Je dus m'arrêter car mon lacet s'était défait.

J'entendis la voiture avant de la voir. Le temps défila au ralenti à partir de ce moment-là. Harry se figea sur le passage clouté comme une voiture déboulait sur lui après un virage. J'aperçus brièvement l'homme derrière le volant et ne fus pas surpris le moins du monde. Nos yeux se rencontrèrent et il hocha la tête. Je ne pouvais l'entendre, mais je pus lire sur ses lèvres lorsqu'il regarda Harry et qu'il dit : « C'est le moment de jouer ». Harry ne pouvait, ou ne voulait pas bouger, et j'étais trop loin pour faire quoi que ce soit. C'était encore une autre triste histoire urbaine.

&&&&&&&&&&

Los Angeles brûlait. Je regardais les informations depuis des jours, et observais avec nervosité le ciel jaune brouillé, tendu par une sensation de danger imminent. Les incendies approchaient, et l'alarme d'évacuation sonna. A peine capable de respirer à travers la fumée suffocante, j'attrapai Marlowe et tentai de le fourrer dans son panier de voyage. Il me griffa les bras et s'échappa en miaulant de terreur. J'avais mal aux bras ; je regardais la fumée s'épaissir et je n'arrivais plus à respirer, tandis que les cieux s'assombrissaient, éclairés de l'intérieur par des étincelles oranges et rouges, qui dansaient avec malveillance. Le nuage de fumée descendait, et je suffoquais sous son poids ; chaque respiration devenait de plus en plus pénible, et je me demandais si je n'allais pas subir le même sort que les gens de 79 avant J.C (explosion du Vésuve qui engloutit entre autres la ville de Pompéi)…

Je me réveillai. J'étais dans un lit, et la douleur était apocalyptique, particulièrement dans ma jambe et mon bras gauches. Au-dessus de moi et sur ma gauche se trouvait un porte-intraveineuses, d'où pendaient différents sacs ; on aurait dit des seins vus par Dali. Quelque chose bipait à un rythme régulier et j'avais quelque chose d'autre dans la gorge, qui m'empêchait de respirer ou de parler.

« Chuuut. Détends-toi ». Une main me caressa les cheveux et je levai les yeux vers Harry. Il n'était pas rasé, avait les yeux rouges et les cheveux sales. Un homme se tenait derrière lui, plus grand, aux yeux noirs et tristes. Il avait dû être beau autrefois, mais à présent il avait l'air épuisé. Mes yeux avaient dû poser une question, car Harry répondit : « Tu es sous respirateur artificiel. C'est pour ça que tu ne peux pas parler. Tu es à l'hôpital. »

J'essayai malgré tout à nouveau de parler. Il secoua la tête. « Tu as eu un accident. Tu as été renversé par une voiture. »

Renversé par une voiture ? J'avais mal à la tête, mais je levai à nouveau les yeux vers lui.

« Il y avait une voiture qui se dirigeait sur moi. Tu m'as poussé hors de son chemin, mais tu as été touché ». Il me prit la main et la serra. « Mais tu vas te remettre très vite. Très vite. Très vite ». Il répétait ces mots, comme un enfant qui pense que si on le dit suffisamment de fois, c'est que ça devait être vrai. Sa voix trembla, tout comme sa main dans la mienne, et ça me fit peur. Soudain, un voile me recouvrit la vue et j'entendis vaguement une sorte d'alarme se déclencher, puis tout devint noir.

D'en haut, je vis Harry retenu par l'autre homme. Des médecins affluèrent dans la pièce, glissèrent une planche sous moi et aboyèrent des ordres frénétiques. Harry se jeta dans ma direction, mais fut retenu encore une fois. Il finit par se laisser glisser sur le sol, la tête basse et les épaules tremblantes.

A ce moment-là, je me demandai si ma vie allait défiler devant mes yeux, mais je voyais rien d'autre que Harry et moi, debouts sur une plage. Nous nous tenions côte à côte et, tandis que je regardais le soleil doré se coucher, lui regardait la lune argentée se lever.

TBC…