Base : tomes 1 à 5

Réponse au défi du mois de janvier lancé par Kyltia sur la ML HP PY : un personnage prend une bonne résolution pour la nouvelle année.

Disclaimer : l'univers d'Harry Potter est la création de J.K. Rowling.


Chocogrenouilles et sorbet citron

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Ce matin-là, le professeur Dumbledore, directeur de l'école Poudlard, membre du Magenmagot, Ordre de Merlin 1ère classe et Grand Manitou Suprême, s'était levé du pied droit, comme toujours. D'une glissade ailée, son pied gauche avait chaussé la seconde pantoufle rouge et or, son corps âgé mais souple s'était redressé d'un coup, une brève formule l'avait entouré d'une robe de chambre d'enchanteur, parsemée d'étoiles.

Quelle délicieuse journée en perspective , avait songé le professeur Dumbledore. Et cette journée, cette première journée de l'année, comment l'aborder mieux qu'en l'accompagnant... de musique de chambre ? Aussitôt, d'un coup de baguette, la platine avait été mise en route.

Un peu d'exercice clôturait communément le réveil. Après quelques pas de danse et l'absorption d'un thé brûlant, Albus Dumbledore, l'esprit et le corps vifs, s'était vêtu puis dirigé joyeusement vers un lieu de Poudlard inconnu d'Argus Rusard lui-même. Cette chambre secrète avait été aménagée plus de vingt ans auparavant en vue d'une activité particulière, rarement pratiquée dans le monde des sorciers mais très prisée par ses amateurs : le bowling. Les elfes de maison s'étant à nouveau surpassés pour le petit-déjeuner, cette mise en appétit n'avait pas été inutile.

L'aube avait été véritablement parfaite. Ainsi, alors qu'une nouvelle année s'ouvrait devant lui, cela avait été empli d'un agréable sentiment de plénitude qu'Albus Dumbledore avait quitté la Grande Salle pour rejoindre ses appartements.

« Nids de cafard ! », s'exclama le directeur.

La porte de l'escalier menant au bureau s'ouvrit. Le vieillard aux cheveux de neige gravit les marches d'une allure tranquille puis pénétra dans le sanctuaire qui avait vu défiler des générations de directeurs.

« Essoufflé ? »

Dumbledore se retourna. Il n'avait pas rêvé, il avait bien entendu une voix... Pourtant, la pièce était déserte.

« À ton avis ? »

Le magicien se dirigea vers les portraits. Les occupants de la plupart des cadres semblaient profondément assoupis. Sauf un.

- Cher Phinéas, dit Dumbledore. Tous mes voeux pour cette nouvelle année.

- Tous mes voeux à toi, Albus, répondit superbement le Serpentard. Je vois que celle-ci commence sous les meilleurs hospices.

- Pardon ?

- Je disais que cette année commençait sous les meilleurs auspices. Deviendrais tu dur d'oreille ? D'ailleurs... Oh, un ami parle toujours franchement... Je te trouve l'air un peu... fatigué.

- Fatigué ?

- Tu souffles.

- C'est l'âge, affirma humblement le directeur.

- L'âge, l'âge... je veux bien, ricana le Sang Pur, mais avec tous les litrons d'élixir de Jouvence que tu t'es sifflé, tu nous feras bien un bicentenaire ! J'ai plutôt l'impression... tu sembles moins flotter dans ta robe. Et ça, au niveau de la ceinture... Ce ne serait pas un peu de ventre ?

- Hum... euh... je ne sais pas... Oui, tu as raison par Merlin, je crois que j'ai un peu abusé de la bonne chère ces derniers temps.

Car ce que les cartes de Chocogrenouilles ne disaient pas, c'était qu'outre la musique de chambre et le bowling, la grande passion d'Albus Dumbledore, grand magicien de notre temps, vainqueur de Grindelwald et compagnon de Nicolas Flamel... était la fine cuisine et tout particulièrement les sucreries.

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Ce matin-là, le professeur Snape, directeur de la maison Serpentard, membre de l'Amical des Beaux Chaudrons, Frustré de l'Ordre de Merlin et Grand Maître des Potions de Poudlard, s'était levé du pied gauche, comme toujours.

Assis dans son bureau morbide, entre deux corrections de copies plus ineptes les unes que les autres, il s'occupait à imaginer sa future carte de Chocogrenouilles pour se détendre...

Severus Snape, 1960 - 2115

Considéré comme l' un des plus grands sorciers de sa génération. Professeur émérite de Potions puis de Défense Contre les Forces du Mal à Poudlard, Severus Snape fut une des figures de proue de la lutte contre Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, ce qui lui valut d'être décoré de l'Ordre de Merlin, la plus haute distinction dans le monde sorcier.

Oui, celle-ci ne serait pas trop mal... Un sourire mauvais s'affichait sur le visage du Serpentard en même temps qu'un N comme Nul sur la copie d'Harry Potter, lorsqu'on frappa à la porte.

« Qui est-ce ? »

Une voix si faible qu'elle semblait un soupir venu d'outre-tombe répondit à sa question.

« C'est Albus, Severus. Je ne vous dérange pas ? »

Le Vieux... Qu'est-ce qu'il me veut encore ?, pesta Snape en lui-même. Et d'ironiser : « Bien sûr que non, monsieur le Directeur, entrez, je vous en prie... »

Dumbledore s'exécuta, et ne put s'empêcher, en voyant son subordonné classieusement assis jambes croisées dans son grand fauteuil noir, d'admirer sa splendide taille de guêpe. Il était courant que les trentenaires héritent d'un peu de ventre à la faveur des années, mais force était de constater que Severus Snape était aussi mince qu'à l'époque de ses vingt ans.

- Dîtes moi Severus, quel est votre secret ?

- Mon secret ?

- Le secret de votre taille fine.

Severus Snape éleva les sourcils.

- Je ne sais pas... Peut-être parce que je mange peu, étant donné que tout ce qui compose cette existence misérable me dégoûte ?

- Severus, vous ne devriez pas commencer l'année par de telles pensées négatives.

- Vous avez raison, cette année sera celle de la paix dans le monde et du bonheur universel, comme l'a prédit cette chère Sibylle.

- Elle a prédit des catastrophes et la mort dans d'atroces souffrances d'Harry Potter.

« C'est bien ce que je disais, de bonnes nouvelles », pensa le Cinglant. À haute voix : - Pourquoi ces questions sur ma complexion physique, monsieur le Directeur ?

- C'est que... voyez-vous Severus... avec les fêtes... hum, j'ai toujours aimé la bonne nourriture... un des plaisirs simples de la vie et...

- Vous avez pris quelques kilos.

- C'est cela Severus. Je me demandais... étant donné que vous êtes particulièrement svelte... si vous ne connaissiez pas une potion adéquate...

- Il existe bien des potions amincissantes, mais leurs effets ne portent que sur le court terme, répondit Severus Snape, ravi de constater le début d'inquiétude qui paraissait sur le visage du Grand Homme.

- Ah ?

- Oui, fit le sombre professeur, surtout si ce qui vous importe est votre santé et votre forme physique.

Il étira un grand sourire découvrant ses dents jaunes, luisantes et pointues.

- J'ai bien peur que des potions ne vous soient d'aucun secours, professeur Dumbledore. Pour moi, il n'y a qu'un seul remède...

- Lequel ?

- La diététique.

- Précisément ?

- Précisément : pas de sucreries, de plats en sauce, d'assaisonnement excessif... Donc de préférence cuisson à l'eau, grillades - pas d'alcool non plus, et pas de...

Snape stoppa là son énumération : pour la première fois de son existence, il voyait Albus Dumbledore sur le point de défaillir.

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Qu'un génie comme Albus Dumbledore puisse avoir de si... « vulgaires » préoccupations étonnait chaque génération d'apprentis sorciers.

C'est qu'il vous faut savoir, mes enfants, que pour ce célèbre magicien, la vie n'était point une alternance de noblesse et de vulgarité, de belles et de mauvaises choses, mais une palette de différences qui chacune avait leur intérêt.

Cette vision de l'existence, le professeur Dumbledore avait eu de nombreuses occasions de la développer auprès du Maître des Potions lors de leurs longues discussions hivernales dans son petit salon. Severus Snape ne comprenait pas que l'on puisse éprouver un tel intérêt pour la nourriture.

« Comme l'a dit ce Grec Severus, les dieux aussi sont dans la cuisine. » « Il me semble qu'il parlait de la pièce directeur. » « Qu'importe. »

Car pour tout ce qui est unique, pour tout ce qui existe, Albus Dumbledore ressentait un intérêt peu commun depuis son plus jeune âge.

Grand voyageur, il pouvait tout autant demeurer des heures assis au centre de son bureau, pièce chargée de souvenirs et de connaissances couronnée par le vert eau de l'observatoire d'astronomie, lissant sa longue barbe blanche, les yeux étincelant derrière ses lunettes en demi-lunes dorées, méditant sur tout ce qu'il avait vu.

Il n'aimait pas les visages et les caractères pour leur beauté de critères, mais il les aimait et les goûtait parce qu'aucun n'était absolument semblable à un autre, et il avait beau laisser courir son imagination, il était toujours surpris par l'infinie profusion du monde. Sa vie était une longue suite d'étonnements, et il aimait ce qui l'étonnait, peut-être par gratitude pour le plaisir que les choses lui fournissaient, ou peut-être parce que tout amour intarissable et immortel est au fond émerveillement et admiration. Toute chose possédait une qualité particulière, la saisir pour être à même de l'aimer requiérait un oeil et des pinces fines, aussi Albus Dumbledore était persuadé que cet amour, celui du gastronome et du naturaliste, était inconciliable avec la folie sectaire.

« J'ai beaucoup réfléchi Severus... Tout au long de ces années... Et je suis parvenu à une conclusion. Certes pas la plus brillante, mais amusante tout de même. » « Laquelle ? » « Si Tom Jedusor avait daigné aimer les glaces au citron, beaucoup de souffrances nous auraient été épargnées. »

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Dumbledore n'était cependant pas le seul professeur de l'école à être un fin gourmet. Qui aurait en effet soupçonné l'austère compagnon de ses causeries d'avoir, lui aussi, son péché mignon ?

Le professeur McGonagall devait commencer à soupçonner une relation secrète un jeudi du mois de janvier.

Ce jour-là, au moment de la distribution du courrier, une lettre cachetée de bleu tomba près de l'assiette de son collègue. À la vue du nom de l'expéditeur, le visage de cet homme silencieux et secret s'éclaira, ce qui était assez rare pour être remarqué. Plus étrange encore : il fourra immédiatement le pli dans sa poche, comme s'il craignait des regards indiscrets.

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Ce ne fut qu'une fois revenu dans son bureau et la porte soigneusement fermée que le directeur de Serpentard décacheta le papier : la missive était courte, les lettres tracées par la plume à la fois belles et sans vanité. Le maître des potions commença à lire... un sourire bizarre se dessina sur son visage.

Mon amour,

comment vas-tu ? Tu me manques tellement. J'en appelle à mes souvenirs de toi pour me consoler. Nos longues conversations, nos baisers, le reste, tout cela est si vif dans mon esprit.

Je t'aime.

Le professeur Snape caressa les lettres du pouce comme si elles avaient été l'émanation directe de l'âme de la personne qui les avait tracées ; il ferma les yeux quelques instants, puis se saisit d'une belle plume d'oie et de son meilleur papier pour y répondre. Il trempa la pointe dans l'encrier, et commença à écrire ; penché au-dessus de la table, ses longs cheveux charbonneux revenaient devant son visage. La plume crissait, traçant rapidement des lettres fines et régulières, aux majuscules classiques.

Mon coeur,

que ta lettre m'a fait plaisir ! Au milieu de cette vie m...

Severus Snape hésita un instant, puis poursuivit.

Au milieu de cette vie monotone, ces quelques lignes de ta main ont été pour moi le rayon de soleil de la journée. Je pense à toi à chaque instant, à ton merveilleux sourire qui me brûle le ventre, à ta douce peau dont j'ai soif, au patchwork chéri de tes robes. C'est si difficile d'être à jeun du meilleur des êtres...

À propos de jeûne, cela va te faire rire, notre directeur s'est mis à la diète, il a pris la résolution solennelle d'arrêter les sucreries et les plats en sauce pour la nouvelle année. J'ai parié avec Flitwick qu'il ne tiendrait pas trois jours.

Pour ma part,

Le sourire s'intensifia sur le visage du professeur et une légère roseur colora ses joues arrondies.

Pour ma part, c'est de toi dont je ne puis me passer.

Je t'embrasse mille fois mon amour.

Ta chauve-souris.

P.S. : je t'envoie quelques mornilles pour que tu puisses t'acheter de la poudre de cheminette.

Le maître des potions relut ces quelques lignes, répandit puis dissipa sur le texte de la poudre anti-bavures, le plia, fit brûler le bâton de cire. L'épais liquide sombre scella la lettre, Severus Snape y apposa la marque de sa bague puis se dirigea vers la cage de son hibou.

à suivre...

Que nous dira donc la suite de cette histoire ? Les bonnes résolutions diététiques de Dumbledore tiendront-elles ? Le professeur Snape goûterait-il lui aussi aux "plaisirs simples de la vie" ? Et quelle est l'identité de cette mystérieuse personne à qui sont destinés ces mots doux ?