Chapitre 5

Ils se regardèrent en silence quelques instants. Snape semblait toiser le jeune sorcier. Si sa voix était affaiblie, son regard n'avait rien perdu de son arrogance.

« Je m'étonne que vous n'ayez pas détruit cette lettre, Potter. »

« Ce n'est pas l'envie qui m'en manquait », répondit honnêtement Harry. « Mais je ne pouvais pas faire ça.»

« Griffondor… » murmura l'homme en secouant la tête.

Harry sentit sa vieille colère bouillonner en lui. Après tout ce temps, l'homme savait encore le faire sortir de ses gonds en moins d'une minute.

« Si j'étais vous, je la ramènerais moins. Vous alliez vous vider de votre sang si Rusard ne vous avait pas trouvé. A moins qu'un Auror ne vous ait trouvé d'abord ! »

« Et si vous croyez que je vais vous baiser les pieds pour vous remercier de votre aide, vous pouvez toujours… »

Une nouvelle quinte de toux l'interrompit. Après avoir hésité, Harry lui tendit un verre d'eau. Snape le prit, mais ses mains tremblaient et il manqua d'en renverser le contenu. Harry referma les mains autour des siennes et guida le verre jusqu'à ses lèvres. En se tenant aussi proche de lui, il ne put que remarquer les quelques cheveux blancs qui étaient apparus au milieu des longues mèches, les rides d'épuisement et d'amertume qui marquaient le visage. L'année écoulée avait été visiblement dure pour lui.

D'un regard, Snape fit comprendre qu'il avait assez bu et Harry reposa le verre. Pour se donner une contenance, il enfouit ses mains dans ses poches.

« Pourquoi êtes-vous à Poudlard, seul avec Minerva ? » interrogea Snape.

« Tout le monde fait la fête, ici on est tranquille. »

« Et vous ne vouliez pas fêter votre succès ? Vous êtes le héros du jour, vous devriez en profiter avant que tout le monde ne vous oublie. Ou est-ce le seul moyen d'échapper à votre fan-club ? »

Harry se détourna légèrement. C'était un point douloureux et Snape avait immanquablement appuyé dessus.

« Nous n'avions pas le cœur à ça, le professeur McGonagall et moi. Trop de morts, trop de… »

Il s'arrêta, serra les mâchoires. Snape le scrutait et il n'aimait pas ça.

« Où sont Weasley et Granger ? »

« Au Terrier. Chez les Weasley, je veux dire. »

« Pourquoi n'y êtes-vous pas ? »

Cela suffisait. Harry donna libre cours à la rage qui couvait en lui depuis un an.

« C'est pas vos foutus oignons ! Je vous en pose des questions, moi ? Est-ce que je vous demande ce que vous avez fait pendant que l'Ordre cherchait les Horcruxes ? Où vous étiez quand tout le monde se battait ? »

Le visage de Snape prit une teinte rouge brique, et il eut l'air moins faible soudain.

« J'ai passé l'année à démanteler les protections magiques des Horcruxes, Potter ! Vous avez réellement cru que vous pouviez les détruire aussi facilement par votre seul talent ? »

« Vous vous figurez que je vais vous croire ? »

« C'est le cadet de mes soucis, Potter. »

Harry ne répliqua rien et la tension retomba quelque peu.

« Quand vous avez parlé à Dumbledore pour la dernière fois… » commença Harry. « Quand vous vous êtes regardé avant de… Vous avez fait de la Légilimancie, n'est-ce pas ? Il vous a demandé de tenir votre promesse. »

« Remarquable déduction. Vous êtes moins idiot que vous ne le paraissez, finalement. »

Harry décida de ne pas relever la provocation. Il pensait au geste que Snape avait été forcé d'accomplir. Cela avait dû être un tel crève-cœur. Si lui-même avait été obligé de tuer Ron ou Hermione, de sa propre main…

« J'ai beaucoup appris cette année », dit simplement Harry.

« J'en suis sûr. Vous avez changé. »

Snape le fixait avec une étrange intensité. Harry sentit trembler ses jambes. Il approcha une chaise et s'assit au chevet de l'homme, qui prit un air hautain.

« Rien ne vous force à rester là. Je doute fort que vous me soyez d'une quelconque utilité. »

« Je veux rester. Je veux comprendre. Il y a tellement de choses que je n'ai jamais comprises. »

« A quoi bon, maintenant ? » dit Snape d'une voix lasse.

« A quoi bon ? Je peux encore déchirer la lettre, vous savez. »

Snape rit franchement, et ce son inhabituel détendit un peu les nerfs à fleur de peau du garçon.

« Vous ne le ferez pas, nous le savons tous les deux. »

« Non, je ne le ferai pas, mais pas pour les raisons que vous imaginez. »

Harry planta les yeux dans ceux de son ancien professeur. Il lui fallait pour parler ainsi autant de courage que pour affronter Voldemort.

« Toutes ces années, je vous ai cru capable du pire. J'ai toujours dit que vous n'étiez pas réellement de notre côté. J'ai toujours soutenu que Dumbledore avait tort de vous faire confiance…»

« Vous avez dû triompher après mon départ », l'interrompit Snape avec ironie. « Vous aviez enfin raison. »

« Ne venez pas me dire ce que j'ai ressenti ! Vous n'en savez rien ! Vous n'avez pas idée… à quel point j'étais désespéré et fou de rage. Je voulais avoir tort à votre sujet. J'aurais voulu croire en vous. Et voilà que vous étiez tout à coup la pire des ordures ! »

Snape écoutait, attentif et indéchiffrable. Harry tourna la tête en se mordant les lèvres. Il ne pleurerait pas. Il ne se rendrait pas ridicule.

« J'ai toujours fait ce que j'avais à faire, Potter. Tout le reste était secondaire. Même si cela demandait des sacrifices. Et vous, vous n'avez pas idée… Vous n'avez pas la plus petite PUTAIN D'IDEE de ce qu'il m'a fallu endurer… »

La vie revenait dans les yeux sombres, qui savaient toujours transpercer jusqu'à l'âme.

« … Vous ne savez pas ce que ça fait de jouer un rôle tous les jours de son existence. De ne faire confiance à personne. De ne jamais baisser la garde. Je devais être haï et redouté, par vous particulièrement. »

« Vous voulez dire que vous avez tout fait pour que je vous haïsse ? Vous l'avez fait délibérément ?»

« Evidemment. Je ne pouvais pas être vu comme votre allié. Je n'aurais pas survécu. »

Harry, désemparé, se passa la main dans les cheveux, les ébouriffant un peu plus. Il soupira :

« Si seulement vous ne l'aviez pas fait si bien. Si seulement j'avais pu croire que je représentais quelque chose pour vous. »

« Alors vous auriez été en grand danger. »

Harry ne put retenir un éclat de rire.

« Et à part ça, quoi de neuf ? »

« Qu'est-ce que vous voulez, Potter ? »

« La guerre est finie. L'autre taré est mort. Vous n'avez plus à faire semblant. Vous me haïssez ? »

Snape sembla peser sa réponse.

« Cela changerait quoi si je disais non ? »

« J'ai toujours voulu votre respect. Toutes ces années où vous m'avez humilié et rabaissé sans cesse, sachez que pour un mot gentil, pour un encouragement, c'est moi qui vous aurais baisé les pieds. »

« Je ne le pouvais pas », dit Snape, la voix rauque. « Il y avait trop de choses en jeu qui nous dépassaient.»

Le silence tomba, dura. Ils se regardaient comme s'ils se voyaient pour la première fois.

Snape dit doucement :

« Vous voulez savoir ce que j'aurais fait si j'avais eu ma liberté ? Alors, aidez-moi à me redresser.»

Harry, surpris, se leva. Il saisit l'homme par les épaules et, avec précaution, le rétablit en position assise.

Leurs visages étaient proches. Harry n'eut pas le temps de faire un geste. La main ferme se posa sur sa nuque et des lèvres prirent possession des siennes.

Sous le choc, Harry ne réagit pas tout de suite. Puis il entendit un gémissement étouffé et réalisa qu'il venait de sa propre gorge. Snape y vit une invitation à poursuivre et glissa sa langue contre la bouche close. Les lèvres d'Harry s'entrouvrirent et leurs langues se mêlèrent.

Pendant de longues minutes, ils s'embrassèrent, alternant la douceur et la violence. Finalement, ce baiser disait mieux que des mots qu'ils avaient toujours été du même côté.

Ils se séparèrent et restèrent silencieux, ne voulant pas encore contempler l'incongruité de la situation dans laquelle ils se trouvaient à présent.

Sentant qu'Harry ne voulait pas s'éloigner, Snape referma les bras autour de lui.

« Vous vous embarquez dans une drôle d'aventure, Monsieur Potter. »

« C'est toute l'histoire de ma vie. »

« Je vais bientôt partir pour les cellules du Ministère, vous en avez conscience ? »

« Je vous sortirai de là », s'exclama Harry avec fougue. « Ils vous relâcheront rapidement, parce qu'ils n'auront pas le choix ! »

La bouche de Snape se retroussa légèrement.

« Le monde sorcier ne peut rien refuser à Celui-Qui-A-Vaincu-Voldemort. »

Il n'y avait ni dérision ni amertume dans la voix grave, alors Harry sourit franchement.

« Et vous ferez bien de vous en souvenir. »

Le regard de Snape se posa sur la porte.

« Minerva ne va pas tarder. Vous devriez reprendre vos distances. »

« Alors lâchez-moi. »

Snape n'en fit rien. Harry se pencha et posa un baiser sur la pommette.

« Cela m'est égal, ce que tout le monde en pensera. Je n'ai pas honte. Vous êtes quelqu'un de bien et je le crierai sur tous les toits. »

Ses lèvres s'attardèrent ensuite sur le front et la tempe.

« Vous serez innocenté. Vous reprendrez votre place parmi nous. »

Puis le regard vert se planta, déterminé, dans les yeux noirs, que l'on ne pouvait plus comparer à un tunnel froid car y crépitait un feu ardent.

« Et lorsque vous irez mieux, avant que les Aurors ne vous emmènent, il y a une chose que je veux faire. »

Pour ne laisser aucune place au doute, Harry colla sa bouche contre celle de son ancien professeur et laissa ses mains descendre le long du torse. Snape gémit doucement. Etourdi de sa propre audace, Harry caressa avidement la peau blanche, lécha la base du cou, tritura les mamelons durcis.

« Harry… »

Snape semblait ne pas avoir assez de volonté pour stopper le garçon dans ses explorations. Mais il se raidissait. Harry fronça les sourcils : au niveau de la taille, la peau était à vif, et les gouttes de sang se mêlaient à d'anciennes cicatrices. Un témoignage du passé douloureux de Severus Snape. Harry comprit que la honte, et non la souffrance, empêchait Snape de se laisser aller. Il regarda celui-ci dans les yeux.

« On va réparer ça. Tout ça. »

Il attendait que Snape lui fasse une remarque ironique sur son éternel optimisme. Mais rien ne vint.

Peut-être que le temps était venu pour l'optimisme.

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