Genre : Univers Alternatif

Rating : Pour le moment, T. Mais me connaissant, virera probablement M par la suite.

Disclaimer : Les personnages sont à la base propriété de J.K. Rowling. Ne m'appartiennent d'eux que les élucubrations que j'invente à leur sujet… Notons aussi que le titre est un emprunt à une chanson des Guns.

Avertissement : Slash en devenir. Ceux que les relations homosexuelles masculines incommodent trop sévèrement peuvent donc aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte.

Résumé : Une tempête de neige, les Beatles et le verglas mèneront Harry à une assez étrange et fascinante rencontre…

Note de l'auteur : Bon. Ceci est ma première fic sur le thème d'Harry Potter…et surtout ma première fic publiée sur dont je découvre à chaque instant les subtilités. D'où de très possibles vasouillages, dans la mise en page notamment. Je réclame donc humblement votre indulgence… Bonne lecture !

You can't put your arms around a memory.

Chapitre I

Je déteste la neige.

Pas dans l'absolu, non, bien sûr. Juste quand elle souffle en tempête et que je me retrouve en dessous, au volant d'une vieille Austin au moteur poussif et au système de chauffage plus qu'approximatif, sur une route de campagne paumée à dix heures du soir, dans un pays dont je parle à peine la langue.

Ca fait largement une heure que je roule dans ces conditions. J'ai été idiot, je sais, j'aurais dû rester dormir dans ce village dont je ne me rappelle déjà plus le nom – Chiavene, quelque chose comme ça – où je me suis arrêté pour casser la croûte en début de soirée, mais la simple vision du seul hôtel du coin a suffi à me coller le cafard, et comme le temps ne laissait pas présager…ça, j'ai préféré continuer jusqu'à Côme. D'ailleurs, je suppose que ce sont les rives du lac que je suis en train de longer, et qu'en temps normal, je serais censé bénéficier d'un magnifique panorama réunissant toutes les grâces de l'Italie du nord dans l'union de la montagne majestueuse et de la beauté apaisante de l'eau, comme le disait si bien le guide. Pas forcément texto, mais l'idée est là.

En tout cas, j'espère que je les longe, ces rives, parce que si en plus j'ai réussi à me paumer, je suis vraiment dans la merde. Et je me connais assez pour savoir que j'en suis bien capable. J'ai un don particulier pour me mettre dans la merde. Quelque part, je me dis que je dois le faire exprès, une sorte de masochisme latent et instinctif, dont je refuse à prendre conscience. Ou alors, je suis maudit, c'est au choix. Mais je ne vois pas d'autre alternative.

Le machin qui me tombe dessus n'est pas à proprement parler de la neige, en fait. Si c'était le cas, la route serait déjà ensevelie et moi au milieu d'une congère. C'est plus fin que de la vraie neige, plus dur aussi, ça bouffe tout autant la visibilité, mais ça a en plus le mérite de se transformer en glace dès que ça atteint le sol, et la chaussée est une vraie patinoire.

Je dépasse à peine le 30 au compteur, et je commence à me demander si mon moteur va me lâcher avant ou après que je me sois retrouvé dans le fossé. Si j'étais schizophrène, je pourrais lancer un pari. Mais je ne le suis pas. Pas faute d'avoir essayé, ça doit être distrayant quand on se retrouve tout seul…

Je me les gèle, bon sang, c'est inhumain un temps pareil, et cette route semble interminable. Entre deux bourrasques, mes phares réussissent à accrocher quelques éléments du décor. Quelques troncs d'arbres bordant la route, des buissons qui semblent impénétrables dans l'obscurité, des fragments de mur… un grand portail, à un moment, comme une apparition vite avalée par l'ombre et la tourmente. Il doit y avoir des chouettes baraques, par ici, d'après les photos que j'ai pu voir. Villas Renaissance ou néo-classiques, avec vue imprenable sur le lac et profusion de fleurs…quoique les fleurs, en ce moment….

Quelques minutes après le portail, je vois enfin un panneau et je ralentis encore pour essayer de déchiffrer. Côme est encore à perpète-les-oies, mais il y a un bled à 17 km. Celui-là, je le bénis, même l'hôtel le plus pouilleux commence à m'apparaître comme une vision paradisiaque. Mes pieds sont tellement engourdis par le froid que je sens à peine les pédales, j'ai une vague migraine qui commence à pointer et les yeux qui me brûlent à force de me concentrer pour y voir quelque chose, et j'ai un mal de chien aux épaules et dans la nuque à force de me crisper sur mon volant.

Et la voix cassée de Billie Holiday qui enchaîne ses romances au parfum mélancolique ne contribue pas vraiment à égayer mon humeur. Surtout que la cassette passe en boucle depuis un bon moment, que je la connais par cœur, et je sais que dans quelques secondes, je vais avoir droit à Gloomy Sunday. Cette chanson me déprime déjà assez en temps normal, elle évoque des sensations et des souvenirs bien trop sombres… si je l'entends maintenant, je suis bon pour aller me jeter dans le lac.

J'éjecte la cassette au moment où retentissent les premières notes – cette putain de musique me fait toujours penser à une marche funèbre – et je la balance sur le siège passager où elle atterrit avec un bruit sec sur une de ses semblables. Il y a un bazar monstrueux sur ce fauteuil, mais je ne peux pas me permettre de quitter la route des yeux une seule seconde, alors je fouille à l'aveuglette. Ramène successivement des symphonies de Mahler, du Led Zeppelin, Janis Joplin et un quelconque album des Doors, qui retournent aussi vite d'où ils viennent. Je ne voudrais pas avoir l'air d'adhérer aux jugements de ma chère tante, mais ma « musique de drogués » n'est pas idéale au vu des circonstances ; les tourbillons blanchâtres qui fouettent les ténèbres devant moi ont un côté déjà assez hallucinogène pour que ce ne soit pas nécessaire d'en rajouter. J'ai besoin d'un truc qui me réveille sans m'assommer, si possible susceptible de m'insuffler un soupçon de bonne humeur…

La réponse s'impose d'elle-même, j'ai besoin des Beatles. La bande originale de Yellow Submarine se ballade quelque part dans cette voiture, elle sera parfaite, et à peine y ais-je pensé qu'elle devient mon Graal.

Rien d'autre n'aura grâce à mes yeux, c'est celle-là que je veux.

Et bien sûr, impossible de mettre la main dessus.

Cinq autres cassettes défilent, entre des raccrochages ultimes au volant qu'il est plutôt périlleux de ne manier que d'une seule main. Jamais la bonne.

Ca m'énerve. Je sais, je m'énerve pour rien parfois, mais là, c'est le détail en trop. Il me faut cette saloperie de cassette.

Je me risque à jeter un rapide coup d'œil. Rien sur le siège, apparemment. Une bourrasque plus violente me fait revenir à ma route pour quelques secondes. Puis au second coup d'œil, je la découvre enfin. Par terre, bien sûr.

Yesss !

Ni une, ni deux, je plonge. Le contrôle de la situation m'échappe, une fraction de seconde. Je sens la voiture partir un peu trop vers la droite et lorsque j'émerge, il y a un truc noir devant moi qui m'a tout l'air solide.

Merde.

Je tente de rétablir sur la gauche, en espérant que c'est bien la direction de la route, mais mon geste a dû être un poil trop sec et mes roues abandonnent toute velléité d'obéissance pour se lancer dans une valse endiablée avec le verglas. Pour le coup, il n'y a plus rien à rétablir, mes réflexes ne sont pas exceptionnels et en plus, je n'y vois strictement rien, juste du noir et des tourbillons blancs balayés de faisceaux de lumière derrière lesquels il doit y avoir une route, un fossé, des arbres et des buissons, impossible de savoir où est quoi… Après quelques vaines tentatives qui ne font qu'empirer les choses, je renonce et laisse aller le tout. Vu la vitesse à laquelle j'allais, je ne risque pas de me faire trop mal… J'ai l'impression de glisser pendant des minutes entières, comme si la danse ne devait jamais s'arrêter, puis tout à coup, je tombe. L'arrière de la voiture tombe, plus exactement, s'encastre dans quelque chose de dur avec un délicieux grincement de tôle froissée, je suis projeté en avant, bloqué par la ceinture de sécurité qui me coupe le souffle, me rejette aussi sec contre le dossier, et tout s'arrête enfin.

Je crois que je viens de faire une connerie

Merde. Merde, merde, merde, merde, merde, et re-merde.

Je suis le dernier des abrutis, c'est officiel, et je maudis les Beatles jusqu'à la trente-sixième génération.

L'espace d'un instant, je suis à deux doigts de me mettre à pleurer, et finalement, j'éclate de rire. Ceux qui savent rester stoïques en toute circonstance me prendront pour un fou, les autres comprendront. Pour ma part, c'est ma réaction la plus fréquente lorsque mes nerfs sont soumis à un peu trop rude épreuve, je ne compte même plus les fous rire nerveux que j'ai pu collectionner dans mon adolescence face à ma très chère famille. Ou en d'autres circonstances, elles ont été nombreuses. Bref. En l'occurrence, je dois rester cinq bonnes minutes à me gondoler comme un hystérique, la tête posée sur le volant et les larmes aux yeux, avant de réussir à me calmer et de commencer à envisager la situation d'un point de vue un peu plus rationnel.

Vu l'inclinaison de la voiture, elle est tombée dans un fossé d'un bon mètre de profondeur, et je n'ai aucune chance de l'en faire ressortir par mes propres moyens. A moins de disposer d'une bonne baguette magique, mais la magie, c'est aussi un truc que j'ai essayé, et ça n'a pas plus marché que la schizophrénie. Voire encore moins.

Bon.

Je suppose qu'absolument personne ne va venir me tirer de mon trou – je n'ai pas croisé une seule voiture depuis qu'il s'est mis à neiger et ce serait plus qu'étonnant d'en voir surgir une à présent. Et même si quelqu'un était assez fou pour se balader par ce temps, il faudrait un miracle pour qu'il me voie.

Moralité, la voiture reste ici pour le moment.

Il serait certainement suicidaire de tenter à pied les encore-presque-dix-sept kilomètres qui me séparent du prochain village, et vu que l'Austin avec chauffage tenait déjà du congélateur, j'ai presque autant de chances de mourir de froid si je reste dedans que si j'en sors.

Pour résumer, la situation n'est pas brillante.

On pourrait même dire que j'ai encore réussi à me coller dans une merde royale.

J'avais dit que j'étais doué pour ça. C'est peut-être même une des seules choses pour lesquelles je sois vraiment doué, quand j'y réfléchis…

Au bout de quelques minutes d'une intense cogitation qui ne m'avance pas d'un poil, je finis par me décider à sortir de là, histoire au moins de me rendre compte de la situation de visu. Et éventuellement d'aller chercher quelques vêtements supplémentaires dans mon coffre, notamment un énorme pull en laine que j'aurais bien mieux fait de sortir plus tôt. J'attrape mon sac, me bagarre un moment contre la portière qui refuse de s'ouvrir – pour le coup, rien de bien inhabituel, il faudrait vraiment que je pense à changer de voiture, un jour – et lorsqu'elle cède enfin, je me prends une rafale en pleine figure qui confirme mon analyse : ce truc là n'est pas de la neige, ça ressemble à de minuscules fragments de glace dont le contact est aussi agréable qu'une volée d'aiguilles chauffées à blanc.

Au moins, ça a le mérite de me réveiller, mais je suis à nouveau au bord des larmes.

Je me cramponne à ma portière pour descendre, essayant de ne pas déraper sur la pente glissante qui s'offre à mes pieds, me retrouve au fond du fossé un peu plus vite que prévu mais entier. Tout ça pour constater que l'arbre dans lequel j'ai atterri empêche irrémédiablement d'ouvrir le coffre.

Adieu pull en laine et moufles fourrées.

Je suis décidément trop con pour ma propre survie.

L'arbre se prend un coup de pied rageur, qui ne fait pas beaucoup plus de mal à mes orteils qu'à son écorce vu que je ne sens pratiquement plus rien, puis je remonte. Une bonne minute pour gravir une malheureuse pente d'à peine plus d'un mètre de haut.

Normal, gamin, tu fais toi-même à peine plus d'un mètre de haut.

La petite voix moqueuse, au fond de ma tête, a des intonations bien connues. Chaleureuses et un peu bourrues. Aussi douloureuses que réconfortantes.

Elle est toujours présente, cette voix, je suppose qu'elle sera là jusqu'à la fin. Et à chaque fois, elle me fait le même effet. Il y a de la tendresse en elle, la même que dans les yeux bleu de nuit, sombres et brillants, qu'elle évoque aussitôt. Une tendresse qui me réchauffe le cœur, une fraction de seconde, avant de le glacer, parce que je sais que je ne l'entendrai plus, je ne la reverrai plus jamais que dans mon esprit. Et ça me fout en rogne, parce que ce connard n'avait pas le droit de me laisser tomber comme ça, aussi bêtement.

J'en viens à le détester, parfois, et pourtant son souvenir reste ce que je possède de plus précieux. Il me donne envie de me battre, de continuer, de déguster tout ce dont il m'a appris la saveur. Il n'en attendait pas moins de moi…

Je vais me sortir de là.

En me raccrochant à la carrosserie, je finis par réussir à reprendre pied sur la route et je regarde autour de moi.

Rien.

Rien d'autre que les ténèbres et le mugissement du vent qui transperce mon blouson, s'insinue dans mon cou malgré mon écharpe et me fouette le visage de mille grêlons invisibles. Avec les tête-à-queue que j'ai fait, je ne sais même plus dans quelle direction je suis censé aller. Peu importe, au fond, j'avais bien vu un portail tout à l'heure, je suppose que ça ne doit pas être le seul. Je finirai bien par découvrir une maison quelconque où trouver refuge… J'ai horreur de débarquer chez les gens sans prévenir, mais là, c'est ce qu'on peut appeler un cas de force majeure.

Les mains enfoncées au fond de mes poches, les épaules courbées sous les bourrasques, j'essaie d'avancer le plus vite possible, pour me réchauffer un peu, pour arriver au plus tôt quelque part. Mais ce foutu verglas ne facilite pas les choses et le vent glacé me coupe la respiration. Au bout de quelques minutes – sans doute même pas quelques minutes, les secondes ressemblent à des heures, dans ces moments là – je suis à bout de souffle et ma gorge se remplit d'un arrière-goût métallique, une saveur de sang, se contracte d'une vague nausée… Je continue. Je n'ai pas le choix. Mes lunettes se sont si vites couvertes de neige glacée que je suis moins myope sans elles, je les enfouis dans une poche, à côté de mon poing serré. Je marche sur le bord de la route, longeant ce fossé dans lequel repose ma voiture, le seul point de repère qui me soit disponible. J'espère que la baraque la plus proche se trouve de ce côté – je préfère ne pas penser que je pourrais bien passer devant sans même la voir, si je commence à devenir pessimiste, je n'ai aucune chance de m'en tirer.

Je continue.

J'avance comme dans un rêve – un immense cauchemar sans fin ni début où toutes notions de temps et d'espace se sont abolies. J'ai tellement froid que je ne sens même plus le froid, juste une brûlure lancinante dans mes pieds, mes mains, mes oreilles, mon nez, et chaque millimètre de peau découverte de mon visage. Je dérape, manque de tomber tous les trois pas, me casse la figure une première fois…puis une seconde, puis je renonce à les compter.

Je pense à lui. Bien plus intensément qu'au cours de ces derniers mois, pendant lesquels le souvenir avait fini…non pas par s'affaiblir, c'est impossible, ou c'est trop tôt, mais par s'apaiser. Un peu. J'aurais mieux fait de rester avec Billie, tiens, puisqu'au final j'en reviens toujours à la même chose…

Sa présence en moi n'est rien d'autre que son absence à mes côtés, et je me sens plus seul que jamais. Abandonné, plus que je ne l'ai jamais été. Et je lui en veux de ne pas être là, de n'avoir pas su comprendre que la meilleure chose qu'il pouvait faire pour moi était de rester à mes côtés. Ce serait si facile, si tentant, de me laisser aller, d'abandonner la partie. De le rejoindre.

Mais il a donné sa vie à cause de moi, et je ne peux pas me permettre de ne pas me battre pour la mienne. Ce serait faire offense à sa mémoire. C'est ce que m'a dit Remus, ce qu'il m'a répété jusqu'à finir par m'en convaincre, alors même qu'il aurait pu – qu'il aurait – m'en vouloir, au moins autant que je m'en voulais à moi-même. Et je crois aussi que lui, il serait triste si je ne revenais pas de ce foutu voyage…

Allez, il me reste au moins encore quelqu'un.

Je continue.

Je ne sais pas combien de temps je continue d'avancer en aveugle, jusqu'à ce que je bute contre quelque chose. Je me retrouve par terre, encore une fois, et je tends la main pour identifier l'obstacle. On dirait une borne…une borne en pierre…sculptée. Une sorte de forme arrondie sur un piédestal. Je m'accroche à elle pour me relever et j'explore les alentours, une vague lueur d'espoir au fond de la tête. Elle est au moins une présence de civilisation, cette borne, et elle ressemble beaucoup, au toucher du moins, à celles qu'on peut trouver à l'entrée des châteaux… Je finis par déceler la présence d'une sorte de chemin qui prend sur la route, juste à côté d'elle, et je m'y engage, priant toutes les divinités en lesquelles je ne crois pas pour qu'il y ait bien une maison au bout. Je rencontre déjà une grille, dont je distingue vaguement les barreaux de fer forgé sous mes doigts qui la poussent en vain, puis l'explorent fébrilement à la recherche d'une poignée quelconque – je ne peux pas rester coincé là devant, c'est impossible, il faut que je passe…

Je trouve enfin une sorte de loquet. Pas de verrou, aurais-je un milliardième de chance ? Le portail s'ouvre avec un grincement qui parvient à couvrir les sifflements du vent. Parfaitement sinistre, mais j'y fais à peine attention, je ne pense qu'à l'abri qui doit se trouver quelque part devant moi. Je continue selon la même stratégie que j'ai adopté depuis le début – marcher en suivant la ligne où la surface plane de la route ou du chemin s'interrompt pour laisser place à l'accotement, au moins je suis sûr d'avancer à peu près droit. Sauf qu'il est sacrément mal pavé, ce chemin, en plus de glisser, je n'arrête pas de trébucher dans des creux et sur des bosses… J'aperçois des arbres, au-dessus de moi, je crois que la neige s'est un peu calmée…ou peut-être est-ce moi qui ai fini par m'habituer aux ténèbres et à la sensation sur ma peau ?

Je ne sais pas combien de temps je dois encore marcher avant d'apercevoir une vague lueur devant moi. Je ne voudrais pas m'enfoncer dans les clichés à deux pennies, mais l'expression « lueur d'espoir » prend tout à coup à mes yeux une signification insoupçonnée … Sans plus me soucier de ma fatigue, du verglas, du vent ou de quoi que ce soit d'autre, je me met presque à courir dans sa direction, et je me retrouve bientôt devant la masse noire, imposante, d'une maison que je devine immense.

La lumière provient d'une fenêtre du rez-de-chaussée, située à un bon mètre du sol et à demi étouffée par les feuilles luisantes de glace d'un massif qui n'a pas du connaître le contact d'un sécateur depuis des lustres… Je ne m'attarde pas à la contempler et longe la façade à la recherche de la porte d'entrée, qui se niche entre deux buissons tout aussi monstrueux mais dénudés par l'hiver. Quelques marches branlantes, usées, en dessous d'un portique aux colonnes dévorées par quelque chose de noir qui doit être du lierre… Le peu de détails que je perçois du décor me donne l'impression que la végétation a tout envahi, ici. Si ce n'était cette lumière, preuve indubitable d'une présence humaine, on pourrait presque croire que cette baraque est abandonnée. L'ensemble est plutôt lugubre, mais encore une fois je n'y fais pas vraiment attention, trop obnubilé par la perspective de me mettre enfin à l'abri. Et puis ce n'est pas à quelqu'un qui a passé la moitié de sa vie dans un pensionnat écossais multiséculaire qu'on fait le coup de la maison hantée avec une malheureuse villa italienne, aussi mal en point soit-elle…

Je tâtonne un moment à la recherche d'une sonnette, d'un heurtoir, de quoi que ce soit qui me permette de manifester ma présence, mais je ne trouve rien et me résout à la bonne vieille méthode du tambourinage.

Pas de réponse.

Je frappe à nouveau, de toutes mes forces, cette porte a l'air épaisse… Attend un moment. Puis alors que je m'apprête à récidiver, le battant s'ouvre brusquement et une haute silhouette sombre surgit devant moi.

Là, bien sûr, je suis censé expliquer mon cas et demander asile dans un langage cohérent, mais je perds soudain lamentablement tous mes moyens. La lumière, qui ne doit pourtant pas être bien violente, m'éblouit complètement, des papillons brillants se mettent à voltiger devant mes yeux, et je ne distingue rien d'autre que deux yeux obscurs posés sur moi, encadrés d'un double rideau de longs cheveux noirs. Sur le coup, j'ai l'impression que c'est lui qui se tient devant moi, et l'illusion est si forte que je crois que je prononce son nom, sans même m'en rendre compte.

L'homme lève un sourcil interrogatif et je me rends compte que c'est absurde, je bredouille quelques mots, probablement incompréhensibles. L'espace d'un instant, j'ai l'impression qu'il va me refermer la porte au nez, puis il s'écarte légèrement.

« Entrez. »

Les papillons tournoient de plus en plus vite alors que je pénètre à l'intérieur, mes jambes semblent s'être transformées en une matière infiniment lourde mais incapable de me soutenir plus longtemps.

Ce n'est que lorsqu'une poigne de fer me rattrape que je comprends que je suis en train de m'effondrer…

A suivre…

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