Bonjour à tous,

Voici ma nouvelle fic, « Fallen angels » (rassurez-vous, je n'oublie pas pour autant La vie quotidienne, la suite est en cours d'écriture). J'espère très sincèrement qu'elle vous plaira, j'ai en tout cas beaucoup de plaisir à l'écrire : mon inspiration est simplement venue des deux mots du titre, et tout le reste est venu, coulant de source.

Les chapitres seront plutôt courts, mais si ça me permet de publier plus régulièrement, tant mieux !

Disclaimer : la plupart des personnages et lieux appartiennent à J.K. Rowling, le reste est à moi.

Rating : pour l'instant K.

Dédicace : un gros bisou à ma Younette qui est débordée en ce moment (mais qui aura peut-être un peu de temps pour faire un petit détour par ici), je te souhaite beaucoup de courage ma puce, je pense très fort à toi !

Bonjour à Moonie et Lucille, les plus fidèles : merci, ça me fait chaud au cœur !

Un coucou aux nouveaux lecteurs qui ont découvert mes textes récemment, et qui m'ont laissé des messages très encourageants (Hagu-chan, Boudibouh et d'autres). Ca me touche beaucoup ...

Et enfin, bienvenue à tous les autres, anciens, nouveaux, égarés sur ce site et cette page par pur hasard … j'espère que cette fic vous plaira !

Bonne lecture : )


Fallen angels

Chapitre 1 : You don't remember my name

Le martèlement, sans fin, qui résonne dans ma tête. Encore et encore. Sourd, comme un orage qui gronde. Puissant, comme un roulement de tonnerre. Vif, comme un éclair qui zèbre le ciel …

Tout autour de moi devient flou, tout perd de sa saveur. Tout …

Et moi, dans ce monde au futur plus qu'incertain, je chavire, je délire, je m'abandonne. Encore, encore un peu de temps, encore un peu de silence. Encore un peu de répit.

Ah, je pars … Tout s'éteint, tout disparaît. Un éclair, blanc cette fois. La chaleur, qui m'envahit des pieds à la tête …

Tout disparaît … Vais-je disparaître aussi ?

La brave Mrs Mupping n'était pas une mauvaise femme, loin de là. Simplement, comme toutes les vieilles filles qui vivent seules depuis des années, elle avait constamment peur. Peur des voleurs, peur des agresseurs, peur des petits voyous, peur des arnaqueurs … Sans personne pour la protéger, elle avait juste appris par elle-même à être méfiante avec le temps.

Et là, depuis vingt bonnes minutes, elle ne cessait de se répéter qu'il serait bon que pour une fois elle mette ses angoisses de côté. Et qu'elle ose.

Elle n'avait pas grand-chose à faire, elle le savait : juste à poser ses aiguilles à tricoter, se lever de son fauteuil et aller jusqu'à son petit buffet, attraper le téléphone, et composer un numéro. Un numéro, pour le sauver. Un numéro, en espérant qu'ils arrivent à temps. Pour le sauver.

Mais elle avait peur. Peur des embêtements, par la suite. Peur des représailles, sait-on jamais. Et surtout, par-dessus tout, peur de se tromper. Ah oui, car après tout, elle n'avait jamais eu à se plaindre de ses voisins. Une famille tout ce qu'il y a de bien, des citoyens très comme il faut. Qui ne l'embêtaient pas, lui disaient bonjour, et ne faisaient pas trop de bruit.

Enfin, d'habitude. Parce que là, quand même, elle avait beau douter de ses facultés auditives, elle entendait bien les cris, le bruit. Et les coups. Parce que du cuir sur la peau, ça claque. Même si on frappe doucement. Surtout si on frappe fort.

C'est vrai, elle n'entendait aucune protestation, aucun sanglot, Mrs Mupping. Mais après tout, elle savait bien qu'il était discret, le petit que ses voisins abritaient. Alors, même si c'était inutile, superflu, qu'elle avait exagéré les choses et peut-être même qu'elle faisait totalement fausse route, elle jugeait quand même souhaitable qu'elle aille voir ce qui se passait.

Juste pour se rassurer, quoi.

Même si au fond, elle savait bien que ce qu'elle verrait ne la rassurerait pas. Elle se doutait même que ça n'allait pas améliorer sa défiance naturelle. Mais pour une fois, Mrs Mupping se dit que ce n'était pas ça, le plus important.

Parce qu'après tout, quand même, ce n'était qu'un enfant … Un tout jeune homme. Qui n'avait jamais fait de mal à personne. Pas comme tous ces petits voyous qui traînaient tard le soir dans les rues …

Le temps de réfléchir à tout ça, la brave petite grand-mère était arrivée devant le seuil de la maison de ses voisins. Mais avant qu'elle ait pu tenter de sonner à la porte, un grand courant d'air s'éleva, faisant voltiger son pauvre brushing qu'elle avait mis tant de temps à faire ce matin, ainsi que sa vieille blouse écossaise. Se retournant, effarée, Mrs Mupping hoqueta de surprise face au spectacle dont était témoin la petite rue de Privet Drive : plusieurs hiboux battaient furieusement des ailes, claquetant du bec d'un air menaçant, en s'approchant. Certains se posèrent dans un bruit sourd tout autour de la maison, les autres, encore dans les airs, s'écartèrent pour laisser apparaître une créature comme la petite dame anglaise n'en avait jamais vu, en dehors de ses livres d'enfant : ses plumes de feu l'auréolant d'une majesté imposante, Fumseck frondait vers la porte, déterminé, comme s'il espérait la traverser – ou la faire voler en éclats par la simple puissance de sa colère. Mais il n'eut le temps de mettre en pratique ni l'un ni l'autre, car derrière lui apparut, dans un halo pâle, un très vieil homme à en juger par son immense barbe blanche, et les rides profondes qui creusaient son visage. S'avançant d'un pas vif, étonnant pour quelqu'un de cet âge, il rejoint rapidement Mrs Mupping sur le seuil de la maison. Mrs Mupping, un peu décontenancée en cet instant : dans l'affolement de l'arrivée de tous ces oiseaux –dont celui qu'elle prenait pour un paon (rouge), faute de pouvoir mettre un autre nom dessus-, elle avait un peu raté l'arrivée de cet étrange bonhomme.

Mais il lui semblait bien qu'il était venu de nulle part. Il était en tout cas assurément mystérieux, avec sa longue cape qui lui recouvrait les épaules jusqu'au bas des jambes, et ses yeux qui brillaient d'une lueur singulière, dont la brave dame n'aurait su dire en cet instant s'il s'agissait de malice, de colère ou de tristesse.

Un peu des trois, sans doute …

A l'arrivée du vieil homme, Mrs Mupping, tellement surprise –et fascinée- n'avait pas bougé d'où elle était. Et maintenant qu'elle réalisait ce qui se passait, elle regrettait de ne pas s'être enfuie en courant. En même temps, l'homme avait quelque chose de rassurant, même si tout ce qui l'entourait apparaissait étonnant et étrange.

Et Mrs Mupping n'aurait su dire pourquoi elle s'était sentie rassurée quand il s'était tourné vers elle et lui avait dit d'une voix douce et ferme à la fois :

« Ne vous inquiétez pas, on s'en occupe. »

Mais le fait était là : elle se sentait rassurée.

Ce qui fut un peu moins le cas quand, sans qu'elle puisse dire là non plus précisément d'où il était sorti, elle vit apparaître un deuxième, plus jeune celui-là, mais à l'aspect beaucoup plus glacial et effrayant, impression renforcée par sa longue robe noire et son visage sévère encadré de cheveux sombres.

Lui ne fit guère attention à la petite voisine, et s'adressa directement à l'autre :

« Et bien, qu'attendons-nous ? Il faut agir, nous avons trop attendu … »

« Je sais. Passez devant, mon ami. Je reste un instant avec madame. »

Mrs Mupping sursauta légèrement au rappel de sa présence, mais ne se sentit pas menacée. Elle ne savait vraiment pas pourquoi, mais elle était prête à accorder toute sa confiance à cette personne.

L'autre homme daigna enfin lui accorder un regard, qui glaça le sang de la vieille dame anglaise, puis il s'adressa de nouveau à son interlocuteur, lâchant seulement :

« Oubliettes ? »

L'autre soupira, et acquiesça : « Oubliettes. »

En cet instant, Mrs Mupping eut la brève pensée qu'elle devait peut-être craindre quelque chose de ces hommes. Mais elle songea également que peu importait, au fond, ce qui pouvait bien lui arriver : du moment que ces hommes étaient arrivés pour aider son jeune voisin, le reste n'avait pas d'importance. Elle songea qu'après tout, ce n'était pas si grave si les services sociaux n'étaient plus comme ceux qu'elle avait connus, de son temps. Tant qu'ils faisaient leur travail …

Oui, le reste n'avait pas d'importance, vraiment.

oOoOoOoOoOo

Ce silence … Quel silence ! C'en est presque assourdissant, étouffant, tant je le sens autour de moi.

Il fait chaud, il fait sombre … Je devrais être plutôt bien ici, et pourtant … Pourtant, je me sens mal. Mal à l'aise peut-être.

Ma tête me lance. J'ai la gorge sèche.

Et le corps douloureux.

Ca va être dur de bouger, de partir. De m'enfuir. Tant pis, je reste encore un peu … Un petit moment … Je vais peut-être encore sombrer, qui sait ?

Libby Brestford n'avait rien contre Mme Pomfresh. Au contraire, c'était même une femme très gentille, que tout le monde adorait. Mais honnêtement, il fallait reconnaître que ce n'était pas vraiment passionnant de passer tout son temps libre à aider la médicomage à mettre des pansements sur des genoux sanguinolents, distribuer des cuillerées de sirop pour les toux grippées et donner par-ci par-là quelques cachets colorés pour des maux de tête ou de ventre souvent fictifs.

Tout ça parce que le professeur Flitwick l'avait surprise le lendemain de la rentrée dans les bras de son petit copain dans une salle de classe censément vide … Beaucoup de bruit pour rien, songeait la jeune fille, et la voilà punie depuis maintenant 10 jours pour ça. Dix longs jours qu'elle devait venir aider à l'infirmerie de l'école dès qu'elle avait fini les cours.

Libby commençait sérieusement à déprimer sur son propre sort, quand un évènement imprévu était venu mettre du piment dans sa morne existence. La veille au soir, alors que Pomfresh venait juste de lui dire qu'elle pouvait rentrer dans son dortoir, elles avaient vu entrer avec fracas (enfin, telle était la vision de Libby Brestford, car à vrai dire tout s'était au contraire passé avec discrétion) le professeur Dumbledore, suivi du maître des potions qui tenait dans ses bras, non moins que le grand Harry Potter, inanimé.

Inconscient, et contusionné.

Enfin, pour le peu que la jeune fille avait pu en voir, car on l'avait proprement mais fermement mise dehors. Et on ne proteste pas face à l'autorité combinée du directeur Albus Dumbledore et du terrifiant Severus Rogue.

Mais, Libby est une personne curieuse. Et désobéissante. Aussi, bien qu'elle ait compris à demi-mot qu'elle n'était plus la bienvenue à l'infirmerie, elle s'y rendit le lendemain matin, à la première heure. Pomfresh n'étant pas encore présente –elle laissait le soin à l'étudiante de faire le ménage en début de journée dans la salle-, la jeune fille put tout à son aise observer dans quel état se trouvait le Survivant.

Et c'est à sa meilleure amie, Carla Densington, qu'elle raconta qu'une fois de plus le jeune homme n'avait pas volé son surnom. Même si cette fois il n'avait pas dû passer loin, vu son état.

Carla ajouta à Terence Kelliah, quand elle lui glissa la nouvelle entre deux baisers mouillés, que d'ailleurs, le Gryffondor devait être dans le coma …

… Ou bien qu'en tout cas il ne se réveillerait pas avant plusieurs jours, vu la gravité de ses multiples blessures, précisa Terence à Karim Newcombs, dans les vestiaires après le match Poufsouffle-Serpentards.

Il sortait sûrement d'un combat contre des Mangemorts, voire contre Vous-savez-qui lui-même ! suggéra par la suite Karim à son compagnon de dortoir, Charles Jennies.

Ce même Charles qui débattit un moment avec sa cousine Julianne pour pronostiquer des chances de rémission totale du leader des Gryffondors.

C'est en échangeant avec elle ses derniers conseils beauté que Julianne songea à faire part de son inquiétude –teintée d'une admiration pleine d'excitation- à sa grande amie Lavande Brown.

Lavande, qui le rapporta sans attendre à sa confidente de toujours, Parvati Patil.

A deux mètres seulement de Ron et Hermione.

Qui se retrouvaient six minutes plus tard à tambouriner comme des fous à la porte de l'infirmerie. Ce fut un elfe de maison qui leur entrouvrit, leur murmurant qu'il était désolé, mais qu'il ne pouvait laisser entrer personne. Il était à deux doigts de se taper la tête contre le mur après leur avoir dit ça, quand Hermione se pencha vers lui et le supplia :

« Allons Dobby, c'est nous. Nous devons voir Harry, s'il-te-plaît … »

L'elfe leva des yeux déjà larmoyants vers ses amis, mais ne céda pas –bien qu'il en mourrait visiblement d'envie :

« Je suis vraiment confus, Miss Granger, Monsieur Weasley. Je voudrais bien, mais les ordres sont les ordres. Et j'aurais des ennuis si … »

Ron intervint à son tour :

« Ne t'en fais pas, nous nous expliquerons avec Dumbledore après. Ca ira. »

L'elfe était à présent complètement en larmes, mais n'ouvrit pas davantage la porte à ses amis.

« Je t'en prie, Dobby. Ca faisait dix jours que nous étions sans nouvelles de Harry, et nous venons d'apprendre qu'il est à l'infirmerie ! Nous devons savoir comment il va, ce qu'il a … » Hermione s'emportait presque, à présent, si bien que son camarade roux fut obligé de la calmer. D'autant plus que quelques personnes qui passaient par là

« Arrête, Mione. Ne parle pas si fort, je ne pense pas que tout le monde soit au courant, alors évitons de l'ébruiter … »

« La belle affaire, que tout le monde le sache ! Si ça se trouve, il est déjà mort ! »

Comme quelques curieux commençaient déjà à s'attrouper non loin d'eux dans le couloir, Ron rougit furieusement, puis tenta de se reprendre et dit tout haut à son amie, d'un ton qui sonnait faux :

« Mais non, Hermione, n'exagère pas ! Pattenrond ne va pas y rester, c'est un chat solide, tu verras, dans deux jours il sera sur pattes ! Ha ha aha ! »

Cette diversion, si minable fut elle, eut tout de même le mérite de décourager les badauds et d'apaiser la brune un moment. C'est plus découragée que vindicative qu'elle se tourna de nouveau vers l'elfe :

« Ecoute, je comprends que tu obéisses aux ordres, mais nous sommes si inquiets pour notre ami. Et puis, tu sais, je suis sûre que Harry lui-même serait ravi de nous voir … Nous devons lui manquer. »

« Oh ça oui, vous devez sûrement manquer à monsieur Potter, même si les rares moments où il se réveille, il n'a pas le temps de dire grand-chose avant de replonger dans le sommeil. » Se rendant compte qu'il en avait trop dit, il se tut, et jeta un coup d'œil angoissé derrière lui.

Mais la voix de Pomfresh lui parvint, très douce :

« C'est bon, Dobby, tu peux les laisser entrer. »

C'est avec soulagement que la petite créature s'effaça enfin pour laisser passer les deux Gryffondors. L'inquiétude la plus sincère se lisait sur leurs traits quand ils pénétrèrent dans l'infirmerie. La médicomage vint à leur rencontre et les conduisit jusqu'au lit du fond où elle avait placé leur meilleur ami.

Etendu, pâle, le visage et les bras couverts de bandages ou pansements, il affichait un air défait, décomposé. Une grande souffrance se peignait sur tout son être, et l'on pouvait deviner à quel point la douleur qu'il ressentait devait être grande.

Même s'il dormait, et ne disait rien. Même sa respiration était discrète, presque éteinte elle aussi …

Les larmes aux yeux, Hermione demanda à grand peine : « Que … que lui est-il arrivé ? »

« Il y a parfois des choses qu'il vaut mieux ignorer. » fit Pomfresh, grave. Elle haussa les épaules après un petit silence, et ajouta, sans quitter des yeux son malade : « C'est en tout cas ce qu'a dû estimer le professeur Dumbledore, puisqu'à moi non plus, il n'a rien dit. »

Comme Harry s'agitait dans son sommeil, elle attrapa une compresse humide et la lui appliqua sur le front.

« Mais je n'ai pas besoin de savoir pour guérir. Pour moi, peu importent les raisons, le mal est là. A moi de le réparer. »

« Et … comment va-t-il ? » demanda Ron d'une toute petite voix, comme s'il craignait de briser son ami en brisant le silence.

La femme leva alors les yeux vers les deux adolescents, et les observa longuement avant de répondre :

« Il ne se réveille pas souvent, mais suffisamment pour que je puisse évaluer son état. Dans les grandes lignes, du moins. »

Elle s'arrêta, comme si les mots étaient trop insupportables pour être seulement pensés.

Mais le regard avide et angoissé des deux jeunes gens ne lui laissait pas d'échappatoire. A ce « Et ? » muet mais si évident qu'elle croyait presque l'avoir entendu, elle devait une réponse. Elle redressa alors la tête et ajouta :

« Les enfants, il faut que je vous parle … »

oOoOoOoOoOo

Mon corps est froid, si froid. A d'autres moments, j'ai eu la sensation d'avoir si chaud que je me croyais en train d'étouffer, et là … J'ai froid.

Mes membres sont engourdis. Depuis combien de temps je suis immobile ? Silencieux ?

Depuis combien de temps mon corps me meurtrit ? Me lance ? Me tance ?

Qu'est-ce qui m'arrive ? J'ai froid … et chaud … j'ai la … nausée …

Une fois de plus, je sens mon corps dériver.

Je suis reparti pour une plongée dans le noir. Où il fera sans doute chaud, à en suffoquer. Ou bien froid.

Oui, peut-être froid, après tout.

Draco Malefoy était un jeune homme empreint d'une grande dignité. D'une classe inimitable. Et d'un sang-froid tout reptilien. Le plus beau spécimen de l'espèce des Serpentards, en fait.

Mais il ne pouvait pas gagner face au plus digne représentant de cette caste. Un combat inégal, quasiment perdu d'avance.

Et effectivement, le jeune homme blond fut le premier à baisser les bras. Il se leva de sa chaise et posa les mains sur le bureau devant lui, s'exclamant :

« Bon, parrain, ça suffit ! Nous n'allons pas continuer à nous fixer ainsi pendant des heures ! »

Le grave Severus Rogue décroisa les bras sur sa poitrine, pour finalement les recroiser dans un geste d'une lenteur calculée :

« Oh, mais moi, j'ai tout mon temps, j'ai fini mes corrections de copies. » fit-il d'un ton où était à peine dissimulée son ironie. « Mais il me semble vous avoir donné des devoirs, tout à l'heure, et je ne te vois pas en train de les faire … »

« Comme si je m'en préoccupais ! » rétorqua l'héritier des Malefoy, en se rasseyant. « De toutes façons, même en les faisant à la dernière minute, j'aurais la meilleure note, vous le savez bien … »

Rogue eut un rictus : « Tu te plains de mon favoritisme, maintenant ? »

« Ce n'est pas par favoritisme que j'aurais la meilleur note, mais parce que je suis le meilleur. »

Le maître des Potions se redressa sur sa chaise, se leva et fit quelques pas dans son bureau, déplaçant distraitement un flacon ou deux sur une étagère.

« Moui … Mais qui sait, Granger pourrait te dépasser dans ma matière, pour une fois … »

Draco renifla de mépris et fit : « Mmph, ça vous ferait trop mal ! Mais vous faites bien de parler d'elle. Revenons en au sujet qui nous intéresse … »

Cette fois, c'est un regard mauvais qu'il reçut de son parrain.

« Draco, je t'ai déjà dit que je ne reviendrais pas là-dessus ! »

Ce fut au tour du jeune homme de se lever de sa chaise, si fort qu'il la renversa :

« Et pourquoi vous obstinez-vous à ne rien me dire ! Je sais pertinemment que Potter est revenu à Poudlard, et qu'il est à l'infirmerie. Toute l'école grouille de ces rumeurs, comment pouvez-vous nier ? » Il prit une seconde pour se calmer, et ajouta : « Pourquoi ne voulez-vous rien à me dire à ce sujet ? J'ai bien le droit de savoir ce qui s'est passé ? »

« Et en quel honneur ? »

La voix de Rogue claqua dans l'air, comme un coup de fouet.

Draco écarquilla les yeux. Comme s'il avait reçu ce coup.

« Hein, en quel honneur ? » reprit Rogue d'un ton sourd, presque menaçant, tout en s'approchant de son filleul.

Celui-ci recula imperceptiblement, le bas de son dos rencontrant le bureau derrière lui.

« Heu … mais … »

Rogue se pencha vers lui, presque à le toucher.

« Le fait que tu en aies fait ta bête noire justifie-t-il que je te tienne au courant de son état ? »

Le blond était si surpris de l'attitude de son parrain qu'il ne pouvait prononcer un mot.

On ne sait pas si un serpent reste hypnotisé quand il se trouve face à un congénère, ni si l'un des deux peut prendre le dessus sur l'autre, mais Draco n'était pas sûr de gagner ce combat-là.

Surtout sans réponse valable à donner.

Et c'est bien dans ce silence que Rogue y lut sa victoire. Esquissant un pâle sourire, il murmura au jeune homme :

« Oui, c'est bien ce que je pensais. Rien ne le justifie. » Et il s'en retourna vaquer à ses occupations, comme si la conversation était finie.

Et de fait, elle l'était.

Mais il en faut plus pour arrêter un Malefoy. Si une Libby Brestford avait pu désobéir à un ordre, que dire d'un Prince des Serpentards persuadé que les règlements ne le concernaient pas, et qu'il régnait en toute-puissance dans ces lieux.

Draco eut tout de même la sagesse d'attendre le soir pour se rendre au chevet de la plus grande énigme de sa vie, mais également de la plus grand erreur de cette terre, selon lui : Harry Potter.

Qui sait à quel point le trouble du jeune homme fut grand quand il contempla le corps meurtri et défait du brun.

Qui pourrait démêler la part de fascination de la dose d'excitation et de plaisir mêlée à un soupçon de pitié dans ce qu'il éprouva face à ce spectacle.

Qui aurait pu dire combien de temps il serait resté à le regarder, passant mille scénarios dans sa tête, élaborant mille hypothèses, si Harry ne s'était pas réveillé à ce moment-là …

La chandelle posée sur la petite table de nuit près du lit suffit à révéler leur surprise à tous deux quand leurs regards se croisèrent. Draco fut le premier à se reprendre, se recomposant un masque d'ironie et de cruelle condescendance. Celui qu'il réservait au brun, pour les grandes occasions.

« Potter, allons bon … Mais dans quel état te voilà. Dans quelle galère t'es-tu encore fourré ? Tu es tombé dans l'escalier, ou c'est encore plus crétin que ça, dis-moi ? »

Harry cligna des yeux un moment, puis répondit, tout en tâtonnant à côté de lui pour récupérer ses lunettes :

« Heu, non, je … Mais, qui … qui êtes-vous ? »

Draco soupira et fit :

« C'est pas possible, t'es encore plus bigleux que je ne le pensais ! Je vois bien que t'es dans le cirage, mais de là à ne même pas reconnaître ma voix, faut le faire … »

Comme les gestes du Gryffondor étaient hésitants et malhabiles –à force d'immobilité-, ce fut Draco lui-même qui lui mit ses lunettes sur le nez, après les lui avoir prises des mains.

« Bon, et là, tu vois … C'est moi, ton cher Draco Malefoy, qui vient te voir ! Surprise ! » continua le Serpentard sur un ton ironique.

Mais l'air vraiment perdu de son vis-à-vis lui fit perdre son sourire narquois.

« Quoi, Potter ? Qu'est-ce qu'il y a ? » Il lui passa la main devant les yeux, comme pour s'assurer que le jeune homme était bien éveillé.

Mais malgré son air affaibli, le Survivant était cette fois parfaitement conscient. C'est d'une voix peu assurée, légèrement incertaine, qu'il dit :

« Ha … tu viens me rendre visite ? Tu … tu es un de mes amis, c'est ça ? »

Cette fois, la patience du blond semblait avoir atteint ses limites :

« Bon, là t'es franchement plus drôle ! Les meilleurs blagues sont les plus courtes … » Il s'arrêta un instant et avisant l'air perdu de l'autre, ajouta tout de même : « Ou alors, ils t'ont tellement shouté aux médocs que même ton humour est devenu vaseux … »

« Non, c'est que … parfois … Mais, si tu es un ami, merci d'être venu, je … Comment tu m'as dit t'appeler, déjà ? »

Le monde de Draco venait de s'écrouler, à cette seconde précise. C'est d'une voix blanche qu'il réussit à articuler, dans un état second :

« Tu … Tu ne te souviens pas de moi ? Tu ne te rappelles pas de mon nom ! »