Bonjour les mômes !

Même pas peur : j'arrive les gencives au vent, la pelure brillante et la morgue aux joues.
Je vous ai manqué ? Ego - un peu heureuse de retrouver le chemin de ffnet après tout ce temps. Presque un an si je ne dis pas de bêtise ! Sauf si je vous avais gratifié d'une quelconque cadeau de noël du genre OS mielleux et plein de mots sirupeux. Au fond, vous vous dites : de l'eau a coulé sous les ponts. Et vous avez raison ! Mais pas suffisamment pour que je mette au rencard « Paix Blanche » et nos braves petits soldats.
A partir de là que dire ? Ah oui…Je sais...

Mea Culpa : D'entrée de jeu et puisque le précédent génère la Tradition, je voudrais m'excuser comme il se doit auprès de tout ceux auxquels je n'ai pas répondu depuis la dernière fois. Nulle vanité là dedans, juste un manque cruel de temps ! Mais sachez que ce sont vos reviews qui m'ont mis un peu de cœur à l'ouvrage pour achever ce chapitre difficile ( comme tous les chapitres, direz vous….) Ainsi donc, merci du fond du cœur pour toutes vos reviews adorables - que je ne mérite sans doute pas, mais qu'importe ! J'espère que la suite vous plaira autant que le précédent chapitre.
Sur quoi je voudrais ajouter…

Remerciements powaaa: A vous tous, une fois encore. Parce qu'à l'outrecuidance avec laquelle je vous ai jeté mon chapitre sur Ron, vous avez répondu par des commentaires fins et avisés. De vrais gourmets. J'ai été plus qu'agréablement surprise. Vous êtes des lecteurs précieux et j'ai été un peu mauvaise langue. Ron n'ayant que rarement droit aux palmes, on me pardonnera peut-être ( qui sait !) ce raccourci de mauvais goût !
Merci, donc. J'ai apprécié ^^ !

Quelques nouvelles de moi ( pour ceux qui ça intéresse) : Je suis heureuse ! La joyce-attitude ! Parce que cartons pleins, si je puis dire. Je viens d'achever mon Master 1 à la Sorbonne avec mémoire et tout le tutti. Résultats cartonesques : extase-je ! J'ai passé mon permis il y a dix jours et depuis dix jours : je ROULE ! Si ma subtilité venait à mettre en péril ma santé et la pérennité de mes jours, sachez que mes premiers regrets de jeune femme refroidie irait à cette fic laissée inachevée.
Pour l'heure, je bosse en bibliothèque. Le mois d'Août est affreusement long quand les gens vous parlent mal et réclament du Le Clezio à n'en plus l'an prochain : j'escompte tenter le CAPES. Je ne peux, ma foi, rien dire de plus pour le moment.
*mode hystérique : on* Oh ! Si ! Je vais à Londres en Septembre ! Tralalilalèreuh ! *mode hystérique : off*

Voilà pour les nouvelles. Passons à l'essentiel…

Résumé : Depuis leur retour à Londres, Mangemorts et anciens membres de l'Ordre ont pris place au sein de la Fraternité qui s'efforce d'opposer une Résistance à la révolution diplomatique mise en place par Tom Jédusort et son Parlement. Les retrouvailles de Draco et Mia auront été semblable à un feu de forêt : fulgurantes, qui laissent dans leur sillage des lésions difficilement discernables. La jeune femme qui redécouvre jour après jour des bribes de ce dont son amnésie l'a définitivement privée semble avoir trouvé en son mystérieux voisin l'épaule solide et charitable dont l'absence de Severus l'a privé. Mais au-delà des apparences, Draco manque… Et la guerre qui semblait définitivement terminée couve…

Rating : M

Remerciements particuliers : Pour Cyrielle, encore – toujours. Parce que tu me supportes quand je viens geindre. Parce que tu es fidèle au poste même après 4 mois d'absence. Parce que toi. Tout simplement. Les miracles ça existe, même sur ffnet.
Pour BN. Parce que BN. Et que ça ne se justifie pas. Ou alors : BN….parce que Noah.

Enjoy !


oOo Chapitre 7 : Derniers souffles oOo


Deux hommes cette nuit-là

Lui murmuraient « Capitule !

De cette vie es-tu las ?

Tu peux vivre Tu peux vivre

Tu peux vivre comme nous

Dis le mot qui te délivre et tu peux vivre à genoux

Rien qu'un mot la porte cède

S'ouvre et tu sors. Rien qu'un mot.

Rien qu'un mensonge

Pour transformer ton destin

Songe songe songe songe

A la douceur des matins.

ARAGON ( Balade de celui qui chanta dans les supplices)

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« Tearlach.
Charles

Il reste trop peu de temps. Depuis le début, tu as toujours été fort pour nous deux si bien qu'aujourd'hui j'ai peur de manquer d'un peu de courage : je vais mourir. Et j'aurais voulu vivre - tellement.

Alors pardonne-moi, mon amour, tha mi duilich.

Pardonne-moi si j'ai compris trop tard le Devoir dont Mikhaïl et toi parliez. Ne m'en veux pas.

C'est qu'auparavant la Liberté ne m'avait jamais mis le feu au ventre, à Moi. Et finalement, ton réseau aura eu raison de nous. Mais je crois enfin qu'il en valait la peine, Charles, pour que la cause soit entendue.

Je dis « je crois », mais non : j'en suis sûre. J'ai les ai vu, tous. J'ai compris la différence entre ceux qui ploient et ceux qui choisissent de résister. Je me souviens des mots de Mikha', je n'ai pas oublié.

Alors, vous qui restez, soyez dignes de moi, mo chridhe. Soyez digne de ceux qui vont mourir.

Et crois bien que je m'avancerai sans trembler. Crois bien que Blu sera plus grande que jamais, et droite : fière de mourir un peu pour ta Liberté. Tha gu math…juste : aime-moi encore un peu de temps. Aime-moi comme une petite parcelle de toi qu'on aurait retirée trop vite, quand elle était encore pleine de vie et un peu trop insouciante.

Je regrette. J'aurais voulu vous « aimer » plus. Au moins, vous ai-je aimé du mieux que j'ai pu.

Je ne suis pas ingrate – je ne l'ai jamais été.

Prenez soin des Dispersés, prends bien soin de toi, Charles. Et malgré tout ce que j'ai pu dire : fais bien attention à Rafael, mo ruin. Souviens-toi qu'elle n'est pas toi ; elle non plus n'a pas toujours ton courage. Dis lui…tellement de choses. Mais surtout dis lui que je ne lui en veux plus : elle avait raison.

Tha ghoal agam ort.

Blu »

L'eau goutait dans la grande vasque en inox, qui fléchissait le silence à son rythme languissant. Sur les consoles humides, la vaisselle s'accumulait, sale depuis plusieurs jours déjà : une odeur rance de légumes trop cuits flottait dans la cuisine. Et c'était l'inertie ambiante qui sautait à la gorge. Glauque.

Assise à l'extrémité de la crédence, les genoux repliés contre la poitrine, Ava essuya ses joues d'un revers de manche, puis elle replia la missive, la replaçant dans la poche de la veste froide et chiffonnée. Rafael – c'était comme une balle qui perçait la poitrine. Un nom qu'elle n'avait pas entendu depuis cinq ans. Et c'était singulièrement douloureux.

La porte s'ouvrit sur le profil brouillé de sommeil de Tearlach et la portoricaine lui glissa un sourire vaguement défaillant. Dans la lumière aigre du plafonnier, son second lui semblait soudain un peu moins grand que la veille.

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- Non. La vérité, c'est que Jédusort est un corrupteur. Dans sa tête, c'est encore trop facile d'être acclamé pour ce qu'il est. Même un homme ordinaire pouvait y parvenir. Mais être acclamé pour ce qu'il n'est pas : ça, c'est une vraie puissance, baragouinait-il à demi-penché sur le poêlon.

Hermione admira avec quelle dextérité leur voisin était parvenu en l'espace d'un quart d'heure à traiter de sujets aussi différents que les revers de la météo, la recette de la soupe à la lentille…et l'habileté de la politique du Ministère. Mikhaïl prodiguait ses enseignements au milieu de la chambrée, tout en boutonnant sa chemise et en remuant le petit déjeuner avec une cuillère en bois, se penchant par moment pour enfiler une botte ou remonter une chaussette – tranquille. Son enthousiasme facile déconcertait la jeune femme autant qu'il la fascinait.

- Au final, il a fait vouloir au peuple ce qu'il ne voulait pas, marmonna-t-il tout en se frottant les joues, les yeux ancrés sur les toits que le jour commençait à faire blanchir.
Il n'est pas seulement craint parce qu'il détient le pouvoir et qu'il a l'appui de la DSA…Dans le fond, je crois qu'il est aimé pour ce qu'il est, pour ce qu'il ose montrer de lui.
La largesse, la magnanimité, l'Aggiornamento, la paix blanche…tout ça.

L'odeur du potage emplissait la pièce, qui lui faisait monter l'eau à la bouche, et l'estomac de la sorcière se mit subitement à gronder. Depuis quelques instants déjà, elle sentait qu'elle salivait de façon indécente et ce réflexe bassement trivial comparé aux considérations lumineuses de son hôte la fit rougir. Elle grimaça – l'homme esquissa un rictus d'excuse en empoignant deux bols.

- Je parle…
Au temps pour moi.

Les excuses qu'elle chuchota se perdirent dans le fumet du potage et dans l'indifférence avec laquelle les accueillit Mikhaïl. Son indifférence. Le manque de considération total qu'il réservait à ce qu'il jugeaitnon essentiel quoi que le commun des mortels le tint pour primordial, et en cela, aux convenances plus qu'à tout autre chose. Globalement, l'homme donnait l'impression de se tenir un cran au dessus du reste du monde. « Détaché » fut encore le mot qui lui sembla le plus approprié. Combien de fois avait-elle pressenti que celles de ses formules qui étaient destinées à meubler le silence, à badiner ou à modaliser son véritable propos n'avait d'autre but que de la satisfaire, elle. De la mettre à son aise. Car de toute évidence, ces formules-là étaient encore celles qui avaient l'air de coûter le plus à son voisin.

Au départ, c'était le tour élégant et posé qu'il donnait la plupart du temps à sa voix qui l'avait rendu sympathique, et en-deçà du timbre extrêmement grave, ce qu'elle trouvait de charme à sa manière de rouler les « r » et de traîner sur les « s ». Plus encore, Mikhaïl tenait salon dans son taudis avec l'aisance de l'orateur plaidant en assemblée : ça et là, les livres de rhétorique et de philologie, le tapis entièrement détapissé en son centre et la facilité insolente avec laquelle l'autre semblait y monter en chaire. Elle jaugeait d'ordinaire d'un air circonspect la posture qu'il adoptait pour discourir, cette négligence faussement calculée avec laquelle il s'appuyait contre le portique en stuc où pendaient des coupures de journaux. Philosophe intarissable : Mikhaïl lui fermait la bouche avec une facilité déconcertante. Au fond, il lui avait suffit de faire le deuil de son silence – l'homme parlait.

Elle le remercia du bout des lèvres. Le breuvage brûlant lui tapissait le fond de la bouche avant de venir lui appliquer son épaisse caresse au creux de l'estomac. Une vérité nouvelle se faisait jour au rythme des cuillérées qu'Hermione engouffrait : au fond, il suffisait de si peu…

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- Chiche.

L'eau de pluie charriait la boue dans les caniveaux de la bordure – l'averse avait finalement cessé après six semaines consécutives de déluge, laissant derrière elle une ville comme sinistrée. Londres était un égout. Embusqué sur l'un des hauts-murs, le vent lui rabattit un pan de sa cape dans les yeux et Draco la repoussa pour jauger son interlocuteur.

- « Chiche » quoi…marmonna-t-il en tirant sur le filtre tordu de sa cigarette.

Sa voix était rauque de n'avoir pas articulé un mot depuis plusieurs heures. Il se concentrait sur le froid dans ses bottes, sur la raideur de sa nuque que l'immobilité aiguisait seconde après seconde. Et le pire depuis quelques jours : sur l'onglée quand la température tombait trop bas. L'onglée qui vous congelait toutes les extrémités du corps, impitoyable. Le jeune homme recroquevilla ses doigts dans la doublure de ses manches.
Contre son flanc, Théo gardait le regard ostensiblement braqué en direction de la brigade – elle venait de boucler le premier bâtiment et quelques aurors s'attardaient dans les étages. Désormais, il y avait tout un tas de monde sur la place.

- Chiche : une souricière, lança-t-il et l'autre reconnu le ton extrêmement sérieux que prenait Blaise lorsqu'ils étaient à Poudlard.

Une souricière.

Sur le coup, un vague sourire traversa le visage de Draco, puis il se mit à rire. Tellement inattendu. La nuit le quittait transi et fourbu – il n'y eut bientôt plus que les soubresauts dans ses épaules et la fatigue extrême que laisse au ventre un fou-rire qui se prolonge. Les larmes coulèrent sur ses joues un instant avant qu'il ne les balaye d'un revers de manche et l'impassibilité de Théo qui patientait à ses côtés, visiblement étranger à l'euphorie du moment, ne parvint qu'à redoubler pour un moment le fou-rire du sorcier.

Pour finir, le sérieux de son vis-à-vis l'emporta, Malfoy renversa sa tête en arrière et s'efforça de reprendre son souffle.

- Sans déconner, Nott… A certains moments, je ne peux pas m'empêcher de me demander dans quel monde tu vis, murmura-t-il enfin en rajustant sa capuche et en secouant la tête avec dédain.

Un silence. Théodore eut un rictus furtif qui se perdit dans le col de sa cape : le blond était encore le dernier à refuser d'employer leurs nouveaux patronymes. Parce qu'au fond un type de la trempe de Draco Malfoy eût sans doute moins bien dormi de savoir qu'il pouvait éventuellement se conformer à la règle et faire les choses de manière consensuelle. D'un air absent ses doigts redessinèrent la tonsure blanche sous l'aile de son corbeau tandis que l'oiseau claquait furtivement du bec.

En contrebas, les aurors venaient de pénétrer dans le second bâtiment – des cris ne tardèrent pas à retentir.

Si le réseau les avait affectée à la surveillance de la bordure, c'était moins pour garder un œil sur les perquisitions et les rafles qui s'y multipliaient que pour s'assurer de la véracité de la rumeur dans laquelle s'encoconnait Londres. La rue jacassait. Rumeur avait dit que les coups portés par le réseau au cours des dernières semaines semblaient avoir ébranlé la belle assurance du Ministère. Jédusort, président du conseil, passait pour sombrer dans la paranoïa. Ça avait épinglé Voldemort? Les chambres avaient l'air d'hésiter sur l'appui à lui apporter. Le vice président lui-même, Lucius Malfoy, n'avait pas dissimulé son mépris pour ce qu'il appelait le « laxisme » du Ministère : ce que la rue ne tarderait pas à reconnaître pour de la faiblesse.

Ça chuchotait. Et la rue murmurait Conspiration.
Il est, en de telles situations, une espèce de mots particulièrement dangereux, de ceux qu'il ne faut prononcer qu'avec une prudence extrême, du bout des lèvres. Car leur effet est souvent aussi subit qu'inouï. Depuis quelques jours, Londres était toute bruissante de ces mots là.

Draco Malfoy étira son corps endolori. A présent qu'il avait écrasé sa cigarette, ses doigts froissaient et refroissaient avec une insistance nerveuse un tract prélevé sur le mur, entre ses genoux : c'était un avis de recherche qu'une main anxieuse avait tracé à la hâte, avec une adresse effacée par la pluie et le visage brouillé d'une femme entre-deux âges. Singulièrement optimiste. Tant de naïveté l'exaspérait. Le blond s'efforça d'y mettre le feu – la flamme jaillit du briquet, toute petite, mais le papier détrempé ne parvint qu'à fumer en dégageant une forte odeur d'urine.

A présent, la fatigue pesait lourd sur ses épaules.

- Ça pue, la misère…admit l'ancien mangemort alors qu'il rétablissait son équilibre précaire sur le mur et tentait de dissiper le nœud dans sa nuque.

L'odeur de la cigarette froide lui collait à la peau, superposée à celle de la crasse ambiante et du béton humide. Latente, elle lui donnait par moment l'impression de se décupler au point qu'il sentait la nausée lui retourner l'estomac.
Le tract dégringola jusque dans le caniveau.
Et Théo regarda la boue faire disparaître la face anonyme sur le papier mutilé. Au fond, cette planque le tuait à petit feu. Il sentit l'oiseau vibrer doucement sous sa paume.

- Solal…

- Arrête avec ça, cracha le jeune homme avec une lassitude extrême et il se frotta les yeux en laissant un sillon de crasse sur sa joue.
Toi et moi, on sait que c'est pas le nom que m'a donné ma mère.

Contre son flanc, le corbeau claqua du bec, puis ébroua avec raideur ses longues ailes écharbotées.

- Le réseau l'exige, ânonna froidement Théodore.

Il y eut une seconde de battement, puis Draco fit volte face et empoigna son ami par le col. Leurs regards se croisèrent sous le feston de leur capuche respective. Mâchoires contractées. Dans le poing que le blond crispa sur le tissu roide autour du cou de son vis à vis, Théo sentit toute la volonté de faire mal et inconsciemment, cela le mit en joie. Cette réaction qui venait enfin. Un sourire sardonique auquel l'autre répondit par un sifflement excédé. En cet instant, la cohabitation leur était un supplice.

- Parce que si le réseau exige de toi que tu vendes ton cul au Ministère, tu le feras aussi, Théodore ?

Il y eut un bruit sourd, derrière eux, sur la place – un temps – un mouvement de recul. Soudain le corbeau pinça violemment la main qui lui flattait la tête.

Son cri fut bref.
Draco l'étouffa en écrasant du tac au tac sa paume glacée contre la bouche de son ami. Silence. Son regard dérapa avec urgence en direction de la brigade. Le sang perla. Un temps encore. Personne n'avait bougé : à ses côtés, Nott avait fermé les yeux, les doigts crispés autour de sa baguette. Il pouvait sentir la respiration suspendue contre sa paume.

La lenteur avec laquelle il se dégagea de la poigne qui enserrait sa mâchoire et sa gorge, tandis que la douleur et la surprise lui marbraient les joues. Sur son bras, le pinçon violacé recouvrit peu à peu la marque, faisant couler un peu de sang entre les sillons noirs.

- Branle-bas de nuit pour les rats, gronda-t-il entre ses dents serrées.

Alors, avant que Draco n'ait put esquisser le moindre geste :

- Doloris !

L'éclair, furtif. Le corbeau en contrebas.
Sur la place, il y eut un sursaut. Et soudain, la terre était chaude.

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- « Chaque sorcier doit travailler à rendre la société toujours meilleure. Il ne doit pas s'indigner qu'elle soit encore imparfaite. La vraie hiérarchie est celle du talent et du mérite. Le Ministère a pour fin la sécurité, le bonheur et la prospérité de la sorcellerie. Il doit au criminel le châtiment, à l'innocent la protection, à tous, la souveraineté du pouvoir, des lois et des assemblées. Quiconque offrira asile et protection à l'ennemi périra de male mort. », cita-t-il de mémoire tandis qu'Hermione lisait l'avis qu'il venait de lui mettre entre les mains.

Assis en tailleur sur le plancher, Mikhaïl s'amusait à faire des roses avec la pelure de sa pomme – il ne vit pas le tressaillement qui parcourut la jeune femme.

L'ennemi. Parce qu'à prononcer, le nom du réseau était difficile, qu'il réveillait chez les Londoniens des trésors de servilité à l'égard du système. Ils auraient bientôt leurs visages sur tous les murs. Des avis pour jouer de l'effet de peur chez les passants. Comme les Lestranges en leur temps. Ces visages hirsutes de fatigue, ces faces de révoltés indignées. Dès lors, combien de personnes seraient crédules face à de telles menaces ? Combien avaient déjà montré qu'elles pouvaient l'être pendant la guerre quand il s'agissait de donner son assentiment au Survivant ? Au fond, il suffisait de si peu... Si la concierge, un client du Nid ou même un voisin voyait clair dans leur jeu, de combien de temps disposeraient-ils tous ? Son regard glissa jusqu'à la silhouette massive de l'homme étendu sur le plancher. Si Mikhaïl, un cran au dessus de tous les autres, n'était pas dupe…

- La délation est la clef du nouveau système, balbutia-t-elle en lui rendant l'avis, pour paraphraser les mots qu'Harry n'avait eu de cesse de répéter depuis leur retour.

Les yeux noirs accrochèrent les siens pour ne plus les lâcher, forts de ce silence qui se prolongeait plus qu'il n'aurait dû. Puis Mikhaïl se redressa pour aller fixer l'avis au portique qui jouxtait son lit, entre plusieurs autres coupures de journaux.

- Pour autant, l'homme n'est fait ni pour vivre seul, ni pour aller contre la bourrasque, May. L'homme vit au milieu des hommes même s'il a la conviction que ce qu'il y a d'humain en l'homme est en train de se dérober. Parce que la conviction que l'homme est fait pour l'homme l'emporte sur le reste.
Délation ou pas, ce qui doit arriver finit toujours par arriver. Rien n'est moins digne de l'homme que de tourner le dos à la Fortune. Mais à partir de là, tout un chacun est libre de mesurer sa prise de risque. Par exemple, qui sait si je n'offre pas le boire et le manger à un de ces terroristes, murmura-t-il d'une voix atone.

Un temps. Hermione soutint son regard tandis qu'il revenait s'asseoir à ses côtés.

- Je ne t'ai jamais demandé, May…ce que tu fais dans la vie.

Elle déglutit faiblement.

- Médicomagie.
Du moins, avant la guerre. Désormais, c'est plus…compliqué.

Il hocha la tête en passant une main sur la grêle noire de ses joues.

- Et la petite rouquine ?

Comme un coup de cravache. Puis l'effort soutenu pour dissimuler la tension dans sa mâchoire, avec cette certitude qui soudain lui desséchait la bouche. Il les avait observés. Un silence, encore. Hermione fouilla dans ses poches jusqu'à trouver le paquet de cigarettes confisqué à Blaise. Pour se donner du temps. La jeune femme en alluma une et tira dessus avec lenteur. La fumée chatouilla son palais. Elle fit craquer le briquet à plusieurs reprises, feignant d'observer l'éclat projeté par la flamme sur les lames du plancher.

- Pareil, médicomagie.

Des études commencées avant la guerre, à la sortie de Poudlard, et laissées en plan depuis : parfois, les circonstances…n'aident pas beaucoup, grimaça-t-elle en se tordant les doigts.
Entre temps, la guerre et le BSDR, le bloc…Formées pour « panser les héros de la nation », comme ils disaient à l'époque. C'était tellement plus dur que la belle théorie…Voir mourir les gens, j'entends.

L'homme s'étira en grognant.

- La source de toutes les misères de l'homme, ce n'est pas la mort : c'est la crainte de la mort, récita-t-il. Et le grand brun, il fait quoi, lui ?

Ses dents se serrèrent autour du filtre tandis que la jeune femme s'efforçait de garder les yeux ouverts. Elle expira la fumée entre ses lèvres mi-closes. Le goût doux-amer. Elle se fit la réflexion qu'elle s'était habituée singulièrement vite à la saveur du tabac dans sa bouche. Plus vite qu'elle n'aurait cru… L'air de rien, elle se retourna les doigts sur l'une des rainures du plancher, ses yeux perdus dans le vague qui poignardaient le mur des combles. Il y avait cette boule dans sa gorge et cette fois, la cigarette ne parvenait pas à la dissiper.

- Il continue de survivre ?

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POV Draco

A l'époque, c'était un jeu.

La sourcière. Le jeu de la grande majorité des Serpentards lorsque les soirées se faisaient trop longues et que plus rien ne trouvait grâce à nos yeux. Le principe en était fort simple : il consistait à détourner l'attention de nos préfets pour déserter les dortoirs après le couvre-feu. La complexité de la chose ne parvenait qu'à rendre le challenge plus excitant encore. Parvenu en un lieu du château fixé au préalable, l'un d'entre nous lançait un sort. Chacun disposait d'une minute. Une fois Rusard et les préfets avertis, puis lancés à nos trousses, le but était de ne pas se faire prendre. Ou plutôt de faire prendre les autres. Invariablement. Quiconque échouait était sanctionné par Rusard pour commencer, pourri par Snape ensuite et enfin humilié par le reste de son dortoir. A l'époque, c'était sans conséquence. « Branle-bas de nuit pour les rats. » C'était le rituel pour initier chaque partie : Blaise-le-vénérable lançait un Spero Patronum qui tétanisait les moins téméraires. Je me souviens de la silhouette opalescente de son renard dans la pénombre de la bibliothèque, du pigeonnier ou du grand Hall. Je me souviens de l'ambiance électrique de ces soirées là. Quand Pansy se tenait frémissante à côté de moi, sa main rendue moite par l'excitation rivée à la mienne.

C'était un jeu. Pour tous.

Mais entre Théo, Blaise et moi, la vraie souricière était une guerre.

Courir.

Comme une seconde nature.

Avec le sang qui me bat tellement vite aux oreilles que j'ai les tympans qui pourrait exploser. L'adrénaline – un shoot fulgurant. Meilleur que mon premier vol en balais. Plus bandant que de faire trembler mon unité au moment du rappel, que de quitter la Coalition à la barbe de Jédusort et que de lancer un impardonnable sans baguette. Excitant comme la première fois avec Greengrass…ou comme la dernière avec Elle. Meilleur que toutes mes gueules de bois, que toutes mes nuits blanches, que toutes mes missions de merde…

Six ans et la battue a repris sur les chapeaux de roues – comme si elle n'avait jamais cessé. Simplement courir.

Depuis cinq minutes, j'ai une irrépressible envie de me marrer. Ça me tord le bide au point d'avoir les côtes qui se croisent les doigts. Courir jusqu'à tuer l'Envie.
Théo dérape sur les pavés humides, radieux. Il n'y a que chez lui que j'ai jamais trouvé un sourire effrayant. Effrayant parce que foutument inapproprié.
Et derrière nous, les Aurors nous talonnent.

L'éclair vert aura fusé entre nos deux têtes. Pour le coup je ne rigole plus du tout. Théodore lance un sortilège d'Illusion : les pavés font comme un renflement sous nos pieds, soulèvent leurs jupons noirs à la face du ghetto et en quelques secondes, on ne voit plus rien.

Derrière nous quelqu'un jure, quelqu'un tombe.

Une ornière. Je trébuche : le sol manque à mes pieds soudain…
…Théodore nous rabats sous une porte cochère et plaque la capuche devant mon visage. Sa main sur ma bouche. Il jubile – je viens quasiment de me faire prendre. Contre mon nez, sa paume moite sent l'excitation mal contenue.

- On se sépare, chuchote-t-il à mon oreille.
Au bout de la traboule, tu prends à gauche et moi à droite.

Ses yeux brillent comme jamais. Foutu connard.

Dans un petit coin de ma tête, je crois que Théodore Nott avait toujours été un doux-dingue. Un de ces types que l'excitation seule parvient à tenir debout. Inoffensif par nécessité plus que par principe. Théo était un doux-dingue, mais Samaël est un grand malade.

- Au bout de la traboule…j'halète.
Arrête un peu tes conneries, Nott : il n'y a que dans ta tête que tu as encore deux pieds ! Tu tombes, tu crèves à côté : j'irai pas ramasser…

Le ton est goguenard malgré tout. Comme un petit jeu à la con. Il plaque sa main sur ma bouche. Au bout du petit sentier de traverse, deux aurors entre les limbes du sortilège d'Illusion. Son regard croise le mien. C'est inévitable. Comme la certitude de l'impact quand on se jette du haut du mur.

- Spero patronum !

Le cœur me tombe au fond de l'estomac.
Le rapace aveugle et opalescent se heurte aux murs en piquant vers les deux hommes – Théodore a déjà décampé.

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Mikhaïl lui tendit le volume passablement fatigué. Son pouce frôla les marques de dents sur la tranche et elle croisa le regard de l'homme. C'était aussi simple que cela : de la soupe et de la philosophie. De quoi remplir la Dispersée en elle.

- Il est temps, murmura-t-il en détournant le regard.

La porte claqua, qu'il ne ferma pas à clef : comme d'habitude. Et au fond d'elle-même, elle se sentit cette envie aussi fugace qu'incongrue de retenir l'autre qui se dérobait.

- C'est-à-dire… Le temps d'aller où ? De faire quoi ?

Il sourit de cette curiosité audacieuse, vaguement maladroite, et sortit une pomme de sa poche. Ses questions. Comme un prêté pour un rendu. Avec ses yeux de petite fille directs et sans détours ; des yeux qui hurlaient « Trahis moi et
tu es un homme mort » Depuis six semaines, les premières vraies questions.

- Ce qui est beau…ce qui est noble…le devoir : voler défendre ses parents, ses amis, ses enfants, ses concitoyens à la seule voix de la volonté, du jugement et de la prévoyance.
C'est ça, ce que je fais. Et le reste du temps, j'apprends aux autres, la railla-t-il en frottant le fruit contre sa manche. Errôso beltista.

Un sourire. Et il s'éloigna de la démarche lourde et rapide que la jeune femme avait appris à reconnaître à travers les murs. Mikhaïl et l'odeur de cannelle sur ses vêtements. Dans ses bras, le livre de Sénèque faisait comme un poids délicieux.

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POV Draco

Une souricière. L'excitation dans les yeux de Théo : ça avait l'air bon, comme un jeu dangereux et sur le coup, j'ai dis oui. Maintenant, ça a juste l'air de ce que c'est : un jeu de con. Et je sens le cœur qui me cogne dans la poitrine à me faire exploser les côtes flottantes. Sous mes pieds, le faîte du toit est glissant comme une ornière pleine de boue, les tuiles brillent comme du marbre noir passé à grande eau et au fond, quelque chose me dit que ce serait bien con de choir sur du marbre qui n'en est même pas.

Derrière, le type vient de dégringoler jusqu'aux gouttières et ça fera comme une trouée dans la boue, tout en bas. Les mains moites et la nausée. Putain Mia.

Gauche et vidé, j'entame un numéro d'équilibriste. Ma cape fait comme un poids mort sur mes épaules et si j'ai su voler dans une vie antérieure, mon karma se garde bien de me le rappeler. Ça fait comme un mantra dans ma tête : ne pas regarder en bas, comme le soir de la prise du Ministère. Blaise et moi, nos deux unités sur les toits des bâtiments officiels, avec la marque des Ténèbres qui nous faisait des flaques vertes et bleues sur le visage. Ce soir là, pour deux gallions, ma parole : nous volions.

En contrebas, on a bloqué les rues.

La souricière se referme sur le gros rat.

Dans le fond, je crois que le jeu reprend inconsciemment le dessus : l'excitation impérieuse. L'Envie, celle qui fait marcher le pays – l'envie d'y croire encore un peu. J'étends les bras pour garder mon équilibre, tout en riant comme un hystérique. Je voudrais m'en empêcher, mais c'est plus fort que moi – les larmes sont toutes proches. Soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour devenir un méchant. Le truc, c'est qu'il faut juste se donner les moyens de ses ambitions !
A ma droite, par delà la cime du mirador, Théo aura jailli d'un coup. Comme un beau diable. Le mangemort me voit et m'adresse entre ses dents ce sifflement si particulier. Celui du temps de la Coalition, quand il pensait encore à me sauver la peau face aux Noirs des Hébrides plutôt qu'à me jeter dans la gueule des hommes du Ministère.

Et la bordure n'est pas tellement loin pour qui sait enjamber les toits du ghetto.


Quel jeu de con
. Dans le sillage de Théodore, le corbeau est reparu…et avec lui un Auror.

- Derrière-toi...Sam !

Je vacille sur mon toit. Il fait volte face.
C'est drôle comme il a l'air vif malgré son pied en moins. Tellement plus que moi. Le faîte est glissant comme une ornière pleine de boue. Les semelles de mes bottes…dérapent.

L'instant où le corps bascule.

Le silence avant l'impact.

A la seconde suivante, le choc contre l'ardoise trempée est brutal. Je sens l'air s'échapper de mes poumons avec la violence d'un coup de cognard. Et glissse. Le voile blanc devant les yeux…je m'arrache le flanc sur la pente du toit. Merde. Le goût du sang sur ma langue. C'est métallique. Chaud. Foutrement absurde.
Devoir se hisser à la force des bras : tellement facile quand on a dormi plus de deux heures la nuit précédente. Sous mes pieds, je perçois le tumulte de l'attroupement qu'a dû provoquer ma chute. Invisible à mes yeux autant que moi aux leurs. La sueur m'obstrue la vue. J'halète – le goût des tuiles grasses s'englue à mon palais. Vaseux, humide et froid. Et la nausée. A la force des poignets, je regagne quelques centimètres qui m'arrachent un râle stupéfait…avant de glisser à nouveau.

L'éclair vert percute le toit à l'endroit où se trouvait ma tête une seconde plus tôt. Fortuna.

Mon cœur me remonte dans la gorge.

Il y a cet homme : en équilibre sur le fronton du bâtiment. Sans uniforme. Le SCV. Je vais vomir. Mes ongles s'enfoncent dans l'interstice entre les tuiles.
Je glisse un peu plus. L'ardoise qui déchire. Un râle encore. Au dessus de moi, l'homme ne fait pas un geste, cramponné à la cheminée, qui calcule s'il peut faire l'économie de son impardonnable, si le terroriste va choir sans l'aide de personne, s'il peut garder les mains propres. La nausée devient comme effroyable.


Glisse encore
. Sous mes talons, je viens d'atteindre la gouttière.

L'autre hésite. Et c'est trop tard. La baguette a glissée dans ma manche, coincée contre mon thorax. Sous le feston de la cape, nos regards se croisent.
Traqués. Les forces qui s'échappent, poisseuses : sur mon menton, au bout des doigts.


Tu es soldat et tant que tu es soldat, tu es encore soldat. Nous vivons une grande époque. Chacun remplit son devoir jusqu'à la dernière extrémité. Vivre. Coûte que coûte…et jusqu'aux derniers souffles.

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Le mangemort lâcha soudain prise.

En contrepoint sur le ciel trop gris, la silhouette de l'homme du SCV eut un sursaut qui lui fit lâcher sa baguette.


- Sectum sempra
!

Il faisait froid. Il gelait très fort. Et le sang jaillit qui eut le temps de laisser son sillon écarlate sur le visage sans couleur de l'homme qui basculait dans le vide. L'homme du SCV s'écroula sans comprendre.

Un peu plus bas, le terroriste agrippait le parapet et brisait la fenêtre en projetant ses dernières forces à l'intérieur du bâtiment. Le parquet inhospitalier, avec le regard hagard des occupants des lieux. Le dernier coup dans la mâchoire. L'homme s'affaissa, inerte.

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« PYRRHUS : Aucune loi ne protège les prisonniers.
Aucune loi n'interdit de les tuer…

AGAMEMNON : Aucune loi, peut-être,
Mais l'honneur sûrement.

PYRRHUS : Au vainqueur tout est permis !

AGAMEMENON : Un homme à qui tout est permis doit ne rien se permettre :
J'ai préféré ma patrie à mon enfant…Tel est le devoir d'un roi ! »

L'honneur. Est-ce que l'honneur avait sauvé Draco quand il croupissait au BSDR ? Ou donné des ailes à Blaise quand ils avaient fui la Coalition ? Avait-il empêché Sean de violer Padma ? Au fond, l'honneur les avait-il rendus plus intelligents, moins sournois, plus raisonnables… Après trois ans, en étaient-ils devenus meilleurs ? En sortiraient-ils plus forts ? La désillusion était épouvantable. Jusque dans la moelle de ses os, cette impression terrible que c'était désormais tout ce qu'il leur restait à faire : renoncer.

L'eau retenue dans la gouttière se déversa soudain avec fracas sur les toits en zinc et Hermione sursauta.

Non : il fallait tenir. Encore.

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La première chose qu'il perçut en ouvrant les yeux fut l'ombre des silhouettes recroquevillées dans un coin de la pièce. Puis, la chevelure rousse du gaillard d'une quinzaine d'années qui brandissait un tisonnier dans sa direction. Un tisonnier contre l'intrus qui venait de fracasser la fenêtre de la pièce unique. Un tisonnier contre le SCV et contre les Aurors. Rien qu'un tisonnier. Et contre sa joue, le bois sentait la violette et c'était follement douçâtre après l'odeur fangeuse de la bordure qui recouvrait sa peau et imprégnait sa cape.

Il toussa – la douleur se propagea dans ses côtes.
La
souricière. Le temps compté des hommes qui devaient d'ores et déjà le chercher. Le mangemort se redressa et le sang lui donna soudain l'impression d'affluer jusqu'à son crâne. Ses yeux roulèrent dans ses orbites. Il râla de douleur en portant la main à son front.

- Merde...ahana-t-il en se raccrochant à un guéridon.

La femme tressaillit.
Draco vacilla un instant, redressant un cadre en péril sur le meuble malmené, il esquissa un rictus à l'adresse de la famille embusquée derrière la table.

- C'est propret chez vous.
Non, en toute sincérité…j'aime beaucoup.

Le jeune homme essuya sa lèvre dans sa manche et tituba jusqu'à la porte.

- La différence entre un terroriste et un con, c'est qu'un terroriste de temps en temps ça se repose. Théodore, lui, il arrête jamais…marmonna-t-il en ses dents.

Sa main glissa dans l'échancrure de sa cape, fouilla les pans inertes du tissu roide jusqu'à en extirper sa baguette. Ses mâchoires se contractèrent en un sourire jubilatoire. Au moment de franchir le seuil, il se retourna, encore fragile sur ses jambes.

- Je suis ravi que nous ayons eu cette conversation.
Et vue comme il est malaisé de faire confiance aux honnêtes gens en cette période troublée, de vous à moi, on peut dire que vous êtes foutrement bien tombés.


Titube
. La porte claqua.

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"CASSANDRE : Dieux ! Grands dieux ! Terre et ciel ! Apollon ! Apollon !

APOLLON LOXIAS, dans l'ombre : Je suis là. Tu vivras, afin que ton œil voie
Le flamboiement d'Argos plein des cendres de Troie."

Le vent pénétrait dans la pièce par grandes vagues qui assainissait l'atmosphère viciée de la petite chambre. La jeune femme tira longuement sur sa cigarette sans lâcher des yeux le pourtour de la bordure. Voir Londres en flammes. Exsangue.
Ses pieds nus s'enfoncèrent dans le matelas.

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Vingt-neuf marches avant le cinquième palier.

Vingt-neuf entre le cinquième palier et le quatrième.

Vingt neuf jusqu'au troisième…

Le jeune homme avala les marches sur les trois niveaux, son bras enveloppé autour du torse. La sueur lui brouillait la vue, rendant sa progression plus incertaine encore.
Il se trouvait sur la vingt-septième marche menant au second palier lorsqu'il prit conscience de la situation : un cri résonna dans la cage d'escalier vide. Des Aurors. Les éclats de voix claquèrent depuis le rez-de-chaussée. Tous proches. La sueur dévala instantanément son épine dorsale.

Trois étages. Il atteignit le second palier en rasant les murs. En contrebas, les hommes du ministère parvenaient au premier. Ils étaient cinq. Le Dispersé porta sa main a son front, murmurant quelque chose par devers lui.

Alors tout alla très vite.

Il enjamba la balustrade – et sauta. La trouée rouge et le fracas des sortilèges.

Faire passer l'épaule en premier, aspirer à la chute….le devant du pied…et rouler. La chute fut singulièrement courte, la réception brutale, qui lui coupa le souffle et la douleur dans les côtes, fulgurante. Ce supplice lui retourna violemment l'estomac. A l'étage supérieur, les portes claquèrent et quelqu'un s'effondra dans l'escalier. Débaroulade : un corps passa par-dessus la balustrade. Les sorts fusèrent à l'aveugle, ricochant dans la cavité humide de l'entresol.

A terre, le fugitif s'arcbouta contre le battant de la porte. Son épaule craqua.
Un Sortilège de confusion fusa vers les étages.

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"LE CHŒUR :Tu meurs, noble race de Cadmos."

Comme un pressentiment affreux. Hermione écrasa sa cigarette et referma la fenêtre.
Draco…

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Courir.

Comme une seconde nature.

Avec le sang qui bat tellement fort dans le corps tout entier qu'on aurait presque l'impression de sentir sa cage thoracique s'ouvrir sous les coups de boutoir de son myocarde.

L'atmosphère viciée de la bordure lui fut sans doute le parfum le plus délectable de ses dernières semaines de planque. Il tituba jusqu'à la traboule adjacente, inspirant à profonde lampé l'air humide qui lui vrillait les flancs. Une souricière. Merlin, quel jeu de connard. Il voulut rire, mais la douleur irradia de plus belle dans ses côtes, qui lui donna presque l'impression de tourner de l'oeil.

- Branle-bas de nuit, hein, conn….

La main plaquée sur sa bouche jeta bas ses velléités de faire de l'esprit aussi sèchement qu'un imperium. Son coude s'enfonça dans le mur. La rage muette. Le cri suivant fut étouffé dans le sac de toile qui encercla sa tête et le jeune homme rua un instant dans le vide avant d'être ceinturé et jeté au sol.

- Aucune loi ne protège les prisonniers, aucune loi n'interdit de les tuer, susurra-t-on contre sa joue avant que l'asphyxie momentanée ne le jette définitivement dans l'inconscience.

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« Qu'est-ce qu'un révolté, Monsieur ? Quand un homme est broyé et qu'il se tait, c'est un individu normal. S'il proteste et réclame son droit, c'est un révolutionnaire ! »

(René Char, Le Soleil des eaux )

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On tambourina à la porte.

Ginny sursauta et ses doigts se crispèrent autour des plans qui gisaient, épars sur la table. La lumière avait maintenant décliné qui plongeait la pièce dans une pénombre qui, au vue des circonstances actuelles, n'était aucunement apaisante. Le sofa. En l'espace de quelques secondes, avec l'aisance de ceux qui en ont l'habitude, elle fit disparaître les tracts… Et quand Hermione surgit, un moment plus tard, le visage encore froissé par les plis du drap, la jeune femme se tenait devant la porte en arborant le masque uniforme de l'humanité ennuyée.

Les coups redoublèrent – leurs regards se croisèrent et Ginny empoigna le bouton de la poignée, en fouillant d'un geste gauche les pans de sa chemise pour y trouver les clefs. Dans la pénombre, elle retint sa respiration et son regard s'attarda sur le plancher mal joint. Paume moite. Seconde de battement avant le levé du rideau à mesure qu'elle contemplait la tranquillité feinte de la pièce.

Elle ouvrit.

- …au fond, c'est dans la pesée des indifférents qu'on voit si une couverture est une bonne couverture, ou...si un médicomage mérite son diplôme.

- Que…

L'homme força le passage, en traînant la jambe, puis il repoussa sa capuche. La jeune femme fronça le nez : il puait comme la mort.

- On n'a beau méprisé tout l'empire de la Fortune…celui qui préfèrerait se vider dans le caniveau est un sombre con. Je ne connais pas un bonhomme sensé qui choisirait d'être vainqueur plutôt que…captif. Ou mort plutôt que vivant, ahana-t-il en dégrafant sa cape, puis sa ceinture et enfin, le col de sa chemise.

Mikhaïl dévisagea les deux figures interdites, les silhouettes grignotées par la pénombre du couloir et il indiqua le sofa du menton. Il y avait quelque chose de grotesque dans la mise de cet homme immense qui donnait l'impression de sombrer par l'avant. Avec la sueur qui lui faisait briller le front, comme la patine sur les vieux bronzes. Les doigts d'Hermione happèrent le vide, dans un besoin fulgurant de combler la distance. Mikhaïl. Comme un hêtre énorme dont le tronc eût été partiellement fauché. Sa jambe se déroba sous lui l'espace d'une seconde - et l'homme s'affaissa sur le plancher dans un fracas énorme.

- Mikhaïl !

- On dirait qu'il va falloir être convaincante, fillette…ricana-t-il à la seconde où la jeune femme se ruait sur lui, défaite.

- Comment c'est arrivé ? balbutia-t-elle en tirant sur sa chemise, comme Ginny s'empressait de refermer la porte sur eux.

- Mikha' ?

- Laisse tomber…

L'homme chût, inconscient, sur le plancher et son menton bleui par la barbe glissa jusqu'à son épaule.
Hermione serra les dents au point de les entendre grincer. Une angoisse inextricable lui enserra brutalement la poitrine.

- J'ai peur, balbutia-t-elle et dans sa voix, sa faiblesse sonnait comme de la rancœur.

Leurs regards se croisèrent à nouveau dont l'intensité poignardait jusqu'à l'os.

- Evidemment.

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POV Blaise

A vrai dire, Théo, c'est l'inconnue dans l'équation.
Ou alors la variable qui fout en l'air tout le système. Je ne sais pas…quelque-chose dans ce goût là. Comme l'élément instable des compositions de Snape. Ce petit truc qui vous torpille tout un ensemble, lors même que tout aurait pu très bien se passer. Nott, quoi… Le mec qui attend que vous tourniez les talons pour rajouter de la jusquiame à votre philtre de confusion. Celui là-même qui sabote votre Nimbus pour jouir du spectacle de votre déconfiture face à Serdaigle – en demie finale. Ou qui monopolise le dortoir le soir de votre rencard avec Astoria Greengrass dont la poitrine vous donne des suées depuis plusieurs mois.
Théodore Nott : un emmerdeur de la pire espèce.

Au début, il faut reconnaître que c'était passé relativement inaperçu. Théo est encore de ceux qui ménagent leur effet. Pas comme Malfoy qui brocardait, d'entrée de jeu, sa grande gueule et ses petites susceptibilités haut sur son pourpoint. Non, chez Théo, c'était plus vicieux, plus fin. Plus « discret », si je puis dire… C'était sa manière de ne pas tenir en place, avec ces tics dans les épaules et cette façon horripilante qu'il avait de se tordre les doigts à tout bout de champ. C'était ses nuits de quatre heures qui lui en laissaient tout autant pour préparer ses mauvais coups. Sa fascination morbide pour les sombrals ou pour les oiseaux morts qu'il s'amusait à clouer sur la porte du dortoir des filles, uniquement pour les entendre glapir. Ou alors le « truc » qui faisait frémir Draco quand il prenait part aux conversations – sans prononcer un mot. Cette espèce d'excitation toute malsaine qui brillait dans ses yeux.

Au fond, Snape pourra dire ce qu'il veut, mais Nott est taillé pour les embrouilles. L'inertie l'emmerde. Comme à cet instant précis où il s'amuse à envoyer son patronus valdinguer dans les murs, avec cette satisfaction hilare qui me donne envie de lui casser la gueule. Et la vérité, c'est qu'il n'y a que la guerre pour faire bander un mec dans son genre.

- Tu pars en couille, Malfoy, marmonne-je en lui allumant une cigarette.

Draco, c'est les dommages collatéraux – toujours. Comme si, au fond, fraternellement, Théo avait un truc à lui faire payer. Le truc du tierce Serpentard, la petite fatalité du Draco, Blaise – et Théo. Celle du personnage « à côté de lui-même ». A partir de là, c'est facile. Aussi con à comprendre qu'une fierté à fleur de peau, des valises sous les yeux et deux côtes fêlées. Comme une turbine qui part au quart de tour. Une turbine que le vague à l'âme fait merder à plein tube.
Il ne dit rien, assis sur la crédence, et ses doigts explosés trempent dans une bassine d'eau tiède qu'il a callé entre ses genoux. Il s'est bandé le torse avant que j'arrive.

- En plus, t'as une gueule de crevure…soupire-je.

Théodore ricane. Et l'autre a un sourire vaguement sarcastique auquel sa lèvre fendue enlève pas mal de morgue. Ses yeux sont rouges sous la mèche de cheveux sale qui lui barre le front. Putain de chef-d'œuvre en péril. Il tire sur sa cigarette et le filtre humide colle à ses doigts. Grimace. J'ai mal pour ce con rien qu'à le regarder.

Silence.
Une souricière

- Au fond, t'es vraiment un connard. Des fois, je me dis que si tu mobilisais le dixième de l'énergie que tu mets à tout foutre en l'air pour des choses qui en valent le coup, on n'en serait pas là…
Et putain, Théodore, ferme-là un peu ! Tu mes les brises…

Le patronus s'écrase dans l'évier. Lui ne cille pas. La nuque qui ploie doucement jusque dans sa bassine. Ses phalanges éclatées. Et soudain, tant d'inertie me tape sur le système. Relents aigres des litres de café froid que j'ai bu en les attendant. Je serre les mâchoires et me frotte les yeux.

- Bon sang, dis quelque-chose…tu fais chier, Malfoy !

Je le vois tanguer : les contusions sur ses clavicules, le bandage sommaire… Et là où n'importe qui aurait un sursaut d'orgueil, il n'y a que ses épaules agitées de soubresauts. Au fond, si Théo est l'inconnue, pour moi, Draco a toujours été la constante. Pas franchement l'élément stable, plutôt l'élément « prévisible ». Celui sur lequel repose apparemment le système. Mais parfois, aussi improbable que cela puisse paraître, même le système se casse la gueule. Et là, c'est le sublime de la banqueroute. L'apothéose de l'érosion.

- J'ai merdé, Blaise…murmure-t-il et sa voix est rauque de fatigue.

Silence.

Comme un coup dans l'estomac. J'acquiesce vaguement.
Je crois que je vais sortir fumer une clope. Mais le geste que j'esquisse pour attraper mon paquet reste suspendu. Au fond, je ne me suis jamais senti plus con qu'à cette seconde où l'édifice malfoyen est en train de crouler dans ses bottes.

A la seconde précise où ce connard ne s'arrête pas de rire.

- Dommage…on ne saura jamais qui méritait de l'emporter, glisse-t-il, l'air de rien, comme je franchis le seuil de la cuisine.

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Ce furent les signes avant-coureurs d'une altercation violente qui arrêtèrent le jeune homme.
De celles dont la Fraternité se passait volontiers en temps normal, mais qui réprimées trop longtemps, semblaient immanquablement devoir survenir. A la manière de ces orages qui pouvaient tourner pendant des heures, au dessus de Stonehenge, avant de venir déchirer la lande en deux, avec la précision d'un coup de flagelle. Blaise Zabini se surprit à se sentir las – à l'extrême. Il jaugea la raie de lumière qui filtrait sous la porte à quelques pas de lui et s'alluma une cigarette. La Fraternité cultivait l'érosion de ses membres. Il y avait quelque-chose de foncièrement brouillon dans sa manière de procéder qui entravait la bonne marche de la Résistance. Un peu comme si les principes et les bonnes manières servaient de cache-misère à un mal bien plus chronique. Un mal qui ressemblerait foutument à de l'incompétence.

L'ancien mangemort se laissa glisser au pied du mur, tout en tirant longuement sur sa cigarette. Sa situation présente était à l'image de cette guerre. Blaise était l'homme de la pénombre, à mi-chemin entre la cuisine et la Palabre : à mi-chemin entre les dommages collatéraux de Draco, les jeux de Théo et les aspirations d'Ava. Celui qui inconsciemment s'efforçait de restituer un peu de cohérence au sein de l'ensemble disparate qui menaçait constamment de crouler de toute part. Au fond, Blaise était las. Fatigué de cet anonymat qui obligeait chacun à travailler dans l'ignorance de ce que faisait son voisin, avec la satisfaction bêtasse qu'il travaillait à un dessein plus grand qu'il ne lui appartenait pas de comprendre. S'il avait poussé la lucidité jusque-là, Blaise aurait honnêtement admis qu'il était fatigué d'être pris pour un con. La Coalition, en son temps, avait fait montre d'une efficacité et d'une hardiesse plus grandes que celles des résistants de la Fraternité.

Il se passa la main dans les cheveux, en s'efforçant de chasser de ses pensées l'image de Draco, la tête dans sa bassine. Au fond, chacun était en train de parvenir au point de rupture. Et il était prêt à parier que, cette fois-ci, le Survivant en personne ne devait pas faire exception. Parce qu'après tout, une cicatrice et un culot désespéré ne pouvait pas tout résoudre dans la vie.

La porte de la Palabre s'ouvrit avec fracas.

- Soyons clair, Snape, je ne donnerais pas un homme de la trempe de Mikhaïl pour sauver le cuir d'aucun de vos deux sociopathes ! Je crache sur eux, sur les mangemorts, sur tout ce qui a pu passer de près ou de loin entre les pattes de Voldemort.
Vous êtes dangereux – et incompétents. J'ai du mépris pour ce que vous êtes, un sale mépris pour votre….engeance !

Ava se tenait défaite, au milieu du couloir, qui crachait ses mots au visage de son interlocuteur, avec un mépris qui n'avait d'égal que sa fureur. Ses joues étaient marbrées de rouge. Elle enfonça ses poings dans ses poches sans parvenir à en réprimer les tremblements.

- Si jamais…, sa voix dérapa dans les aigus.

Elle s'interrompit une seconde et Blaise vit les muscles de sa mâchoire se contracter.
Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix trahissait les efforts démesurés qu'elle faisait pour réprimer sa colère.

- Si jamais leur merdier entraîne un regain de patrouilles dans la bordure, Snape, si jamais la sortie de demain soir venait à échouer et que…

- Elle n'échouera pas…l'interrompit-on, froidement.

- La ferme ! glapit-elle et cette fois, ce fut quelque-chose comme un sanglot qui parut poindre dans sa voix.
Si elle échouait…je jure de les…éliminer de mes propres mains. Je jure de mettre personnellement un terme à votre sale race, à vos sales principes, haleta-t-elle.
Je vous méprise, Snape. Vous n'avez aucun contrôle sur eux. Pas plus que Voldemort n'en a eu en son temps.

- Peut-être parce qu'ils ne sont pas des instruments. Nous ne parlons pas d'une science exacte, Ava. Nous n'avons jamais parlé de science exacte.

Et sans voir le visage de l'ancien Maître des Potions, Blaise put sentir toute l'autorité sévère et rigoureuse qui émanait de cet homme qu'un discours de la trempe de celui d'Ava n'aurait même pu déstabiliser. Cette froideur qui en son temps avait su faire de lui un tueur. Et il expira sa fumée par le nez, en savourant les yeux fermés la morsure froide du béton, à travers ses vêtements.

- Je vous méprise – mais j'ai encore besoin de vous, acheva-t-elle à voix basse, en détournant le visage.
…Tearlach, trouve Mikhaïl.

Au fond, Blaise Zabini exultait.
Il était seul, mais Snape demeurait. Inexorablement. Grand comme la vengeance.


Voili. Voilà. C'est long. Un peu lent.
Ce n'est sans aucun doute pas aussi bon que je l'aurais souhaité, mais après le chapitre précédent, difficile de faire "mieux". Review ? Je ne sais pas vous, mais Blaise et Théo m'avais manqué. ( A la différence ffnet qui me casse les noisettes en foutant en l'air toutes mes mises en page ! Argghh !) Je l'aime ce trio de mangemorts. Il y a tellement à écrire sur eux. Quant à Draco, je ne peux dire qu'une chose, ça me démange ! Et Cyrielle sait de quoi je parle...

J'ai hâte de vous lire.
A tantôt !

Jo