Hé oui cette histoire est re-vivante !
Je vais pas vous faire l'affront de m'excuser pour mon retard. J'espère simplement que, pour ceux à qui l'histoire plaisait, ce chapitre plaira tout autant, et j'espère aussi que ça ne vous enquiquinera pas trop de devoir relire le chapitre précédent, ce que vous allez probablement devoir faire, je ne sais pas (ici insérer grand sourire embarrassé) (A ce stade-là, ce n'est plus du retard, et je doute que quiconque se souvienne de quoi que ce soit concernant cette histoire T.T).
Dans l'improbable cas contraire : ENJOY ! :D

Little Craven

Chapitre 10

Le matin, Craven était réveillé par Albus. Le vieux sorcier attendait que l'horloge digitale de l'iPod posé sur la table de nuit affiche « 07 : 45 AM », alors il allait flotter au-dessus de Craven et le secouait doucement par les épaules.

« Bonjour », souriait-il.

Le petit blond émettait un grognement endormi puis murmurait « Bonjour » de sa petite voix claire. Il se retournait sur le dos et écartait les mèches fines collées par la sueur de la nuit sur la peau claire de son front. Il papillonnait des paupières. Puis il s'asseyait sur le bord de son lit, et lorsqu'il posait les pieds au sol, le rétro-éclairage du linoléum se déclenchait, répandant une douce lumière.

Quasi invariablement, Craven tendait alors les bras vers Albus avec un sourire chafouin. Le vieux sorcier le soulevait dans ses bras et le portait jusqu'à la salle de bain. Le garçon riait. Le mage prenait garde à ce que ni la Maman ni la petite sœur ne les aperçût.

Craven se débarbouillait le visage et se coiffait. Puis il tirait la langue dans la glace, et Albus répondait par une autre grimace. Le rire joyeux de l'enfant résonnait alors dans le couloir, et Lilac émergeait du sommeil.

De retour dans sa chambre, Craven choisissait ses vêtements. Il tendait un polo fluorescent – rouge braise, par exemple – à son ami fantôme. Celui-ci s'en saisissait, le petit garçon levait les bras, et Albus lui faisait passer le vêtement par-dessus la tête. Craven glissait ensuite son iMac dans son Eastpack, ainsi que la clé d'un jeu vidéo qu'il devait échanger avec Jaishen, et lorsqu'il s'apprêtait à le refermer, Albus lui disait de rajouter ses affaires de gym, et le petit garçon se tapait le front d'un air angoissé avant de jeter en riant son survêtement pour le cours de sport dans son sac.

Le gamin courait jusqu'à la cuisine et Albus flottait derrière lui, amusé par cette façon de toujours courir partout. Craven sautait sur une chaise, repliait une jambe sous lui puis se relevait aussitôt pour aller chercher la bouteille de lait dans le frigo. Il mangeait parfois des céréales et un fruit – il faisait alors sauter les morceaux de pomme en l'air et les rattrapait en les gobant. Il mangeait parfois un œuf et des toasts beurrés – et là il passait une dizaine de minutes à massacrer son jaune d'œuf et à s'en recouvrir les doigts. Il mangeait parfois de la brioche avec du Nutella et du gruyère rapé – quand Maman était trop en retard pour voir ce qu'il faisait. Et il mangeait parfois des pancakes avec de la confiture ou du sirop d'érable – quand Maman était suffisamment en avance et suffisamment motivée pour faire le petit déjeuner parfait. Quand il y avait des pancakes, il se montrait très attentifs aux mouvements de têtes de Maman et Lilac. Car dès qu'elles avaient toutes les deux les yeux tournés, il donnait une bouchée de sa crêpe à Albus. Parce qu'Albus adorait ça.

HP-HP-HP

Ce mardi-là, alors que Craven rangeait rapidement son ordinateur dans son sac et que tous les autres élèves quittaient la classe en se chamaillant gaiement, la maîtresse vint près de lui.

-Craven ? Tu es prêt ?
-Euh... oui, bientôt...

Miss Dawson attendit que le petit garçon ait zippé la fermeture éclair de son sac et l'ait jeté sur son dos.

-Viens, la directrice nous attend, dit la jeune femme en faisant un mouvement de tête vers le couloir.

Craven ouvrit la bouche et sentit ses jambes devenir toutes flagada. Il avait totalement oublié cette histoire de rendez-vous avec la directrice.

-Tu es rouge comme une brique, lui fit remarquer Albus.
-J'avais oublié ! chuchota Craven.
-Je vois ça. Ne t'inquiète pas. Sois poli, dis que tu es désolé quand je te le dirai, et tout se passera bien.

Ils suivirent mademoiselle Dawson jusqu'au bureau de la directrice.

-Rappelle-toi qu'elles ne te détestent pas Craven, murmurait le vieux sorcier d'un ton réconfortant. Et qu'elles ne veulent pas être méchantes. Elles sont juste obligées de donner des punitions quand les enfants font des bêtises. Elles n'aiment pas particulièrement ça.
-Oui, chuchota le garçon.

Mais lorsqu'ils arrivèrent devant le bureau de Madame Cutter, Craven sentit tout son courage faner instantanément. La directrice était devant sa porte et affichait une mine un peu sévère. Et à côté de la directrice, il y avait Maman. Qui n'avait pas l'air contente du tout.

HP-HP-HP

-Je ne suis pas contente du tout ! hurla Maman.

Craven, les joues carmin, contenait ses larmes d'impuissance et sa contrariété. Il jeta son sac par terre et marcha jusqu'à sa chambre en tapant des pieds.

-Et arrête de taper des pieds ! cria Maman. Ce n'est pas à toi d'être en colère !
-Mais je te l'avais dit ! pleura le garçon.
-Non, Craven, tu ne me l'avais pas dit ! Ne mens pas !

Craven pleura de plus belle, rageur.

-Si, je t'avais dit que j'avais été puni.
-Et c'était un mensonge par omission, Craven ! Tu ne m'as jamais dit que tu avais été convoqué dans le bureau de la directrice !

Craven ne comprenait pas le mot « omission » et refusait d'admettre qu'il était en tort. Il avait avoué qu'il avait été puni par la maîtresse, et ce, le soir même de la punition. Et puis la maîtresse n'avait pas été gentille – n'avait pas été juste. Il avait simplement ri. Albus l'avait fait rire.

Le vieil homme descendit au niveau du petit garçon lui adressa un sourire. Un sourire qui voulait dire « Calme-toi, je suis avec toi, allez, allez, ça ira, calme-toi. »

Maman inspira profondément. Elle ne voulait pas s'énerver démesurément. Mais elle trouvait cela un peu fort de café que son fils ait oublié qu'il avait été convoqué chez la doyenne de l'école – au même titre que ce sauvageon de Jeroen le mois passé, lorsqu'il avait mordu la cuisinière de la cantine.

Maman posa brutalement son sac à main sur la table du salon et replaça d'un geste sec une mèche derrière son oreille. Adoptant un ton posé, elle reprit :

-Tu te rends comptes que Miss Dawson m'a appelée au bureau pour me suggérer de te faire passer des tests de Q.I. ?

Les mains de June Chant se mirent à trembler à ce souvenir : mais pour qui se prenait cette bourgeoise pour sous-entendre que son fils était un demeuré ? Pétasse !

-Je suis tombée des nues ! Je n'étais pas au courant de cette histoire de convocation, et j'ai eu l'air d'une idiote !

Craven s'était arrêté en chemin pour ne pas tourner le dos à Maman et ne pas risquer de l'énerver davantage, et l'écoutait lui faire des reproches en hoquetant sporadiquement.

Lilac, le nez dépassant de derrière le canapé, regardait la scène en tâchant de se faire toute petite. Maman cria encore, et dit des trucs qui n'avaient pas grand sens. Tout était un peu confus.

« Tu crois que ça me plaît, que tu passes pour un voyou et un attardé ? Alors que tu n'es ni l'un ni l'autre ? ». Craven ne voyait pas quoi répondre et il pleurait.
« Je n'avais aucune envie de m'aplatir devant cette bonne femme, et pourtant j'ai dû faire mes excuses à ta maîtresse ! ». Ni Craven ni Lilac ne comprenaient la teneur de ce problème-là.
« Tu crois que je n'ai pas ma dose au bureau, avec Spangler qui me tyrannise ? ». Là ça n'avait rien à voir, ce qui signifiait que Maman était très énervée.
« Et ton père, hein ? ». Craven et Lilac tremblotèrent. Maman ne parlait de Papa que rarement – soit pour leur annoncer qu'il viendrait bientôt à la maison, ce qui voulait dire que toute la famille allait passer une super semaine – soit parce qu'elle était désespérément à court d'idée lorsqu'elle les grondait, et là elle disait à quelle point ils devaient être une déception pour leur père. « Qu'est-ce qu'il va en penser, hein ? Tu crois que ça va lui plaire ? Il vient voir ses enfants et qu'est-ce qu'il apprend ? Son fils convoqué chez la directrice pour un problème de comportement ! »
« Tu crois qu'il n'a pas assez de soucis comme ça, ton père ? »
« Tu crois que notre vie n'est pas suffisamment compliquée ? ». Quand Maman disait ça, c'était qu'elle avait bientôt fini.

Ses cris se conclurent par une interdiction de deux semaines de jeux vidéos et de télé. Craven, les joues rouges et les yeux encore mouillés, serrait les mâchoires dans une vilaine grimace boudeuse. Il cria :
-De toute façon, la maîtresse, c'est qu'une GROSSE crotte de nez poilue !

Puis il s'enfuit dans sa chambre en tapant des pieds, et claqua la porte très fort.

Albus le prit alors dans ses bras et lui fit remarquer que quand même, une « grosse crotte de nez poilue », il y allait un peu fort.

De son côté, Maman poussa un soupir rageur et ordonna à Lilac de filer à la douche. Dénouant son chignon, elle ouvrit la fenêtre pour se calmer avec un peu d'air frais. Puis elle saisit son téléphone et pianota le numéro de sa meilleure amie, avant de rejoindre sa petite fille de cinq ans dans la salle de bain afin de s'assurer qu'elle n'inondait pas la pièce.

HP-HP-HP

Le docteur Darren Lautenbach était un jeune homme d'une trentaine d'années. Il s'était spécialisé dans les enfants en difficulté scolaire, et avait pour cela établi un partenariat avec plusieurs écoles de Londres. Il travaillait dans le cabinet du Dr Williams, de vingt ans son aîné, qui l'avait pris sous son aile en lui assurant qu'il était un jeune homme très observateur et très talentueux, ce dont le Dr Lautenbach était déjà convaincu.

Madame June Chant, la mère du petit Craven Chant, l'avait contacté deux jours exactement avant que ne le fasse Mademoiselle Dawson, institutrice dudit Craven Chant. Lillula Dawson avait tendance à requérir un peu plus souvent que nécessaire une expertise du Dr Lautenbach – et ce dernier commençait à se demander quelle était la part de professionnalisme et quelle était la part d'intérêt personnel dans ces coups de fil à répétition.

Darren avait recoupé les informations données par June Chant et par Lilulla Dawson et avait devant lui une page Word de notes sur le cas du petit Craven, d'où il ressortait qu'on l'envoyait chez le psy pour cause de :
S'invente un ami imaginaire
Parle tout seul (cf. 1)
Ses résultats font des bonds spectaculaires
Manifeste un soudain besoin d'autonomie

Le docteur Lautenbach ne statuait jamais sur le cas d'un patient avant de l'avoir étudié, mais il avait l'impression de se trouver devant un cas d'école. Il était face à un enfant intellectuellement précoce, voilà tout.

Il ouvrit un nouveau document vierge et avança le clavier de son ordinateur sur son sous-main. Puis il se leva et regarda au travers du miroir sans teint qui donnait sur la salle d'attente. Sur la banquette en cuir, le petit garçon, habillé à la mode actuelle – une salopette jaune fluorescente, un blouson noir à la coupe élégante – classe moyenne haute. Ses pieds se balançaient au-dessus de la moquette grise, un spacio-skate dépassait de son sac d'école, et ses mains étaient sagement posées sur ses genoux. Son visage enfantin était levé vers le plafond, et il semblait échanger d'imperceptibles sourires avec quelque papillon inexistant. Darren plissa les yeux pour vérifier qu'il n'y avait aucune araignée pendue à son fil – ce qui aurait expliqué l'intérêt d'un petit garçon de huit ans. Non, il rêvassait, dans son monde. La maman était vêtue d'un tailleur rose et, les yeux dans le vide dans une expression expectative, elle tortillait ses doigts sur ses genoux. Elle semblait inquiète.

Albus lui décrivait Poudlard, l'école des sorciers, et Craven hochait la tête, émerveillé. La voix grave et rauque du vieux sorcier se prêtait fabuleusement bien à la description de ce lieu magique et millénaire. Le petit garçon imaginait avec envie les torches sur les murs du château, le plafond changeant de la Grande Salle où se prenaient les repas, les festins dont étaient constitués ces repas – et les cours de balais volant ! Craven se détacha à regret du visage chaleureux d'Albus lorsqu'un grand homme mince tout vêtu de noir pénétra dans la salle d'attente.

-Bonjour Craven, sourit le docteur en lui tendant la main. Bonjour madame Chant.
-Bonjour monsieur, dit timidement le garçon en serrant sa main.
-Entrez, installez-vous.

Craven et Maman s'assirent dans les deux sièges confortables placés devant le bureau du docteur. Ce dernier s'installa en face d'eux. Pour commencer, il invita Maman à dire pourquoi ils étaient là. Maman dit qu'elle se faisait du souci pour son fils qui avait un comportement... différent de d'habitude, depuis un mois. Et il s'était mis à parler avec un ami imaginaire – elle insista beaucoup sur ce point, qui semblait être la partie visible de l'iceberg. Le docteur dit alors que rien ne semblait grave – il avait une voix douce et paraissait extrêmement compréhensif, de sorte qu'il était impossible de s'inquiéter de quoi que ce soit en sa présence. Albus, avec un sourire en coin, remarqua cette façon habile de tranquilliser son auditoire – mais de toute façon, Craven n'était pas nerveux du tout. Toute cette histoire passait des kilomètres au-dessus de la tête du garçon. Le seul fait notable était la confirmation que Maman était un peu folle : elle l'emmenait chez le docteur alors qu'il n'était pas malade du tout.

Monsieur Lautenbach sortit une clé numérique de son tiroir et l'enclencha dans un minuscule ordinateur posé sur le coin de son bureau.

-Ce que je fais là, Craven, c'est ouvrir un logiciel de jeux qui mesure ce que tu sais faire. Il y a des calculs, des dessins, des devinettes...

Les lèvres de Maman étaient pincées.

Albus affichait une mine attentive, alors Craven fit de même.

-...Je vais te laisser jouer à ce jeu pendant que je poserai des questions à ta Maman. Nous sommes juste à côté. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux venir nous voir.

Craven garda le silence et hocha la tête d'un air encourageant vers Maman qui hésitait manifestement à le laisser seul. Albus sourit, amusé. L'enfant s'intéressa ensuite vivement au logiciel lancé par le docteur Lautenbach. Ça ressemblait beaucoup à des exercices de maths, sauf que de temps en temps, il y avait des questions sympas, du genre « Combien de points aura la prochaine coccinelle ? » dans une suite logique de cinq coccinelles. Albus supposa qu'il s'agissait d'une manœuvre de diversion pour permettre aux adultes de discuter tranquillement, tout en occupant l'enfant à un jeu éducatif.

-Tu t'es trompé, dit le fantôme au bout d'un moment.
-De quoi ?

Craven fronça les sourcils et relut la question, puis regarda un à un les éléments de réponse proposés :

-Ah oui. C'est pas le carré, c'est le losange. C'est ça ?
-Oui.

Dix questions plus loin :
-Albus ?
-Oui ?
-...Je suis pas très sûr, là. Tu aurais mis quoi ?

Le mage se pencha en souriant par-dessus l'épaule du petit garçon.

-Hmm, je crois que j'aurais mis pareil que toi.
-C'est vrai ? fit Craven, drôlement content.
-La vérité même.

Plus tard :
-Euh, d'après toi, Albus, ça veut dire quoi : « anticonstitutionnellement » ?
-Eh bien... pour commencer, n'y a-t-il pas un mot que tu reconnaisse, là-dedans ?
-Dedans quoi ? Dans ce mot-là ?
-Oui. Regarde-le bien, je suis sûr qu'il y a des bouts du mot que tu as déjà entendus ailleurs.

Craven plissa les yeux :
-...Y a... « anti » comme dans « antimissile ».
-Comme quoi ? dit Albus, effaré.
-Antimissile, répéta le garçon sur un ton indulgent. Contre les missiles. Y en a dans War Again III.
-Très bien, très bien, approuva Albus en se mangeant les joues pour ne pas rire. Nous avons donc trouvé la signification de « anti » : ça veut dire « contre ». On va trouver le reste du mot, tu vas voir !

Finalement, ils arrivèrent à la fin de l'exercice :
-Oh la la ! C'est quoi cette question ? Albus, regarde !
-« Sur un bateau, il y a trente-et-un marins, quatre mousses, trois prisonniers, cinq chevaux, sept chèvres et un perroquet. Quel est l'âge du capitaine ? » C'est étrange, en effet. Je crois qu'ils veulent que tu additionnes le tout.
-Mais ça peut pas donner l'âge !
-Mais c'est un jeu, Craven.
-Mais c'est pas possible que ça donne l'âge. C'est comme si on additionnait tous les objets de ma chambre pour trouver quel âge j'ai ! On trouverait pas du tout mon âge !
-Peut-être qu'on trouverait le mien, en revanche, fit remarquer le vieux sorcier.
-Ça je suis même pas sûr d'avoir assez d'objets pour ça, pouffa Craven.

Albus lui ébouriffa méchamment les cheveux et le garçon se défendit en riant :
-Arrêêêteuh !
Le barbu commença alors à lui chatouiller les côtes et le petit garçon à se tortiller en s'étranglant de rire.
-Arrête, arrête, arrête ! criait-il, pensant le contraire.

Le mage chatouilla de plus belle le petit garçon, ses mains osseuses se baladant telles de grandes araignées sur le ventre et les côtes de Craven.

-Fais-moi tourner, fais-moi tourner ! s'exclama le petit blond d'un ton excité.

Le fantôme attrapa le petit bonhomme et le souleva de sa chaise, avant de le faire tourner.

Albus remercia Merlin qu'il n'y ait personne pour le regarder y prendre tant de plaisir. C'était plus fort que lui. Il ne résistait pas à l'envie de faire rire Craven.

De son côté, June Chant répondait obligeamment aux questions de Darren Lautenbach, qui tentait gentiment de la pousser à mettre des mots sur ce qui avait changé chez Craven, en quoi son comportement était « différent ».
June Chant réfléchit longuement à la question et s'exprima lentement, sincèrement. Ce n'étaient que des détails pour la plupart, mais tout était détail, pas vrai ?

Avant, Craven rentrait directement, fonçant à toute bringue sur son spacio pour engloutir son goûter – ensuite seulement, il ressortait jouer en compagnie de Jaishen et Tristen. Ou bien il parcourait le chemin du retour à pied, avec des camarades de classes, et arrivait au plus tard à cinq heures, cinq heures dix à l'appartement. Maintenant, il mettait parfois plus de deux heures à rentrer de l'école, errant on ne savait où. Seul.
Avant, il passait plus de temps à jouer avec Lilac, et moins de temps enfermé dans sa chambre – même s'il était un aficionados de jeux vidéos. Avant, Maman devait intervenir deux fois par jour pour séparer ses deux enfants, engagés dans un pugilat féroce et déloyal. Avant, il riait et se disputait beaucoup avec Lilac – or, et c'était complètement aberrant, Maman avait l'impression qu'ils ne se parlaient presque pas, ces derniers temps.
Avant, il ne récoltait pas de punitions. Ni de 19 en Histoire et en Mathématiques, cela dit. Avant, il était un élève apprécié pour sa bonne humeur et sa discrétion, un élève comme tous les autres, obtenant des résultats honorables dans toutes les matières : 16, 13, 14, 16. Il était toujours dans la moyenne haute de sa classe, ne s'était jamais fait remarquer ni par ses notes ni par son comportement.
Avant, il demandait au moins trois fois par semaine « Quand est-ce qu'il vient, Papa ? ». Et cela faisait au moins deux semaines... peut-être trois, voire quatre, qu'il n'avait pas abordé le sujet.
Avant, il ne parlait pas tout seul dans sa chambre. Maman ne savait pas s'il parlait toujours à « Albus », à un autre ami imaginaire, ou simplement tout seul. Elle savait simplement qu'il ne faisait jamais cela, avant.
Avant, Craven ne la traînait pas au Musée de la Magie avec des explications abracadabrantesques sur une bibliothèque inconnue. Et, avant, Craven ne répondait jamais insolemment ou évasivement, comme un adolescent, du genre : « Qu'est-ce que tu as dit ? - Rien. Pas à toi que je parle ».

Il n'y avait rien de grave dans tout ça. Mais Maman ne comprenait pas.

Elle ne comprenait pas... avant quoi ? Que s'était-il passé ?

Elle raconta tout cela au docteur Lautenbach. Ce dernier l'écouta patiemment puis lui posa des questions sur la façon dont Craven se sentait à l'école, et sur l'ambiance familiale.

-...Et avec son père ? demanda finalement le jeune homme.
-Oh, cela se passe bien... Il est très fier de son papa, et Leigh aime énormément Craven, il demande constamment de ses nouvelles...
-Comment ça ? tiqua le docteur.
-Hum...

June Chant sembla hésiter. A vrai dire, elle savait qu'il était nécessaire de décrire comment fonctionnait la famille, mais elle craignait aussi que ce qu'elle s'apprêtait à dire réjouirait au plus haut point ce jeune psy : un truc un peu bizarre avec la figure du père : bingo. Aussi soupira-t-elle avant de lâcher le morceau – en lançant un regard méfiant au docteur Lautenbach :
-Son père – Leigh, mon compagnon – est marié.
-Marié ?

Il jeta un regard interrogatif à la femme.

-Marié à une autre femme, expliqua June Chant. Il a une autre famille. Lui et moi nous sommes rencontrés alors qu'il avait déjà deux enfants.

Dissimulant son intérêt professionnel, Darren Lautenbach s'appuya contre son dossier et demanda des précisions :

-Comment le vivez-vous, votre compagnon et vous ? Et les enfants ?
-Il vit la plupart du temps avec sa femme et leurs enfants. Mais il passe le plus de temps possible avec nous, surtout depuis la naissance de Craven. ...Son travail le fait pas mal voyager, et il profite de ce prétexte pour passer plusieurs jours avec nous régulièrement, parfois une semaine. Il revient justement de cinq semaines à Boston demain matin, et il vient passer quatre jours avec nous.

Elle n'avait pu s'empêcher de prononcer ces derniers mots avec un large sourire heureux – il lui avait manqué.

-Et Craven et Lilac ? Comment voient-ils cela ? Que ressentent-ils face à ses frères et sœurs qu'ils ne connaissent pas et qui passent plus de temps avec leur père ?
-Ce sont deux filles, précisa June. Les enfants que Leigh a eus de son mariage, ce sont deux filles ; elles ont quinze et treize ans ; Leigh a décidé de maintenir à flots son foyer jusqu'à ce qu'elles soient grandes. Craven et Lilac... savent très bien... connaissent très bien la teneur de la situation. Ils savent que Papa a d'autres enfants dans une autre famille, et que c'est pour ça qu'il n'est pas là très souvent. Nous leur avons expliqué clairement et je n'hésite pas à en parler avec eux si je sens que ce n'est pas très clair pour eux – mais ils ont compris, et ils savent que ce n'est pas parce que Leigh les voit plus souvent qu'il les préfère à eux. D'ailleurs, concrètement, je crois qu'il les voit autant.
-C'est très important de se pencher là-dessus, dit le docteur au bout d'un moment. Car il est possible que, même s'il prétend le contraire, Craven soit perturbé par cette situation. Il y a des moments où un enfant a forcément besoin de son Papa, il y a des moments où il se posera des questions. Nous devrons explorer cette voie.
-Bien sûr, je comprends, répondit un peu durement June Chant. Même si je dois préciser que Leigh est présent pour Craven. Mais – elle fit un mouvement de main comme pour repousser cette partie de la réflexion et revenir à son inquiétude – il me semble qu'il y a... quelque chose de récent qui a modifié le comportement de Craven, il y a quelques semaines. Quelque chose qui n'a rien à voir avec notre situation familiale un peu particulière.
-C'est possible. D'après ce que vous m'avez dit, Craven est peut-être dans une phase de prise de conscience du monde et de sa personne.

Avec un petit sourire, il dit :
-Vous savez, l'un de ses moment où l'on grandit subitement. Ça arrive en continu pendant l'adolescence : prise de conscience sur prise de conscience, découverte sur découverte. Je ne prétends pas que Craven entre dans l'adolescence, pas du tout, il a huit ans et demi, c'est un petit garçon. Mais les bouleversements peuvent être nombreux dans la tête d'un petit garçon et les raisons sont parfois surprenantes.

Avec un hochement de tête, il conclut :
-C'est ce que je vais essayer de déterminer avec lui.

Tandis que June Chant allait s'asseoir dans la salle d'attente, Darren Lautenbach mit à profit le temps qu'il restait au garçon pour finir son test de QI – approximativement une demi-heure – pour commencer à visionner l'enregistrement vidéo. Il se connecta à la caméra de son bureau et regarda donc le petit Craven Chant répondre sagement aux questions du « jeu ».

Enfin, « sagement »...

Le visionnage s'avéra très intéressant. On remarquait sans difficulté que : oui, le garçon parlait à un personnage imaginaire et que : non ce n'était pas de la comédie. Ç'aurait pu être un jeu destiné à embêter la mère, ou à faire culpabiliser le père de son manque d'attention. Mais ce n'était vraiment pas de la comédie. Il parlait à cet « Albus », se tournait vers lui, et faisait comme s'il lui répondait des choses très précises. Darren déduisit cependant rapidement que ce n'était pas un méchant Bogus, mais plutôt un partenaire, un ange gardien : Craven agissait comme si son ami l'aidait à trouver les réponses aux questions.

Il y avait beaucoup de matière dans cette vidéo.

Beaucoup. A commencer par le nom de cet ami imaginaire – « Albus ». La Maman n'avait pas précisé ça.

Darren s'arrêta au bout d'une demi heure – sur la vidéo, l'enfant n'avait pas du tout terminé son test, mais dans la réalité, il aurait sûrement bientôt fini. Il saisit son ordinateur et retourna dans son bureau où il avait laissé le garçon. Lorsqu'il entra, celui-ci était en l'air au-dessus de la banquette, les cheveux en batailles et les joues roses.

Craven s'écrasa sur les coussins de cuir de la banquette en devenant cramoisi – et adressa un regard de reproche à Albus qui l'avait lâché sans prévenir.

-Eh bien ? fit le docteur Lautenbach en entrant, surpris. Tu t'amuses bien, apparemment.
-Je suis désolé, marmonna le garçon en se redressant vivement avant de trottiner vers le siège en face du bureau. J'ai fini votre jeu.
-Je vois ça. Tu as trouvé ça comment ?
-Euh... répondit l'enfant en haussant les épaules. Je préfère les jeux que j'ai à la maison, dit-il avec un sourire mutin. Mais c'était quand même mieux qu'à l'école.

-Ah, tant mieux. Tu n'es pas à l'école ici. Désolé, j'essaierai de t'en trouver un mieux la prochaine fois.

Le monsieur s'assit et Craven replia une jambe sous ses fesses pour être à sa hauteur. Albus s'assit sur le deuxième siège, à côté du petit blond.

-Tu n'aimes pas l'école ? demanda le docteur.
-Dis-lui que si, intervint Albus.
-Si, j'aime bien, répondit Craven.
-Tu ne t'ennuies jamais ?
-Si, des fois, dit Craven honnêtement.
-Et moi aussi, soupira dramatiquement Albus, ce qui fit rire Craven.
-Qu'y a-t-il de drôle ? sourit le docteur Lautenbach.

Craven détourna les yeux en souriant pour lui-même :
-Rien.
-Tu t'ennuies souvent, à l'école ?
-Je ne sais pas, répondit Craven, à qui on n'avait jamais posé la question. Je m'ennuie quand on fait des maths.
-Ah bon ? Tu n'aimes pas les maths ?
-Si, c'est ce que je préfère – avec les cours d'histoire (il ne précisa pas : parce qu'Albus est infernalement drôle pendant les cours d'Histoire).
-C'est ce que tu préfère mais tu t'ennuies ? Je ne comprends pas. Tu ne devrais pas t'ennuyer, si c'est ce que tu préfères !

Craven soupira. Le docteur Lauten – dans sa tête, il avait raccourcit le nom – faisait apparemment partie de ces adultes là : ceux qui étaient très fatigants parce qu'ils voulaient toujours des détails et des précisions. C'était très fatigant de constamment leur donner des explications.

-J'aime bien les maths, dit-il lentement, mais à l'école c'est ch...

Craven rougit précipitamment – il avait faillit dire un gros mot.

-« Je suis désolé monsieur, j'ai failli être impoli », lui souffla Albus alors que le garçon restait pétrifié.
-Je suis désolé monsieur, j'ai failli être impoli.
-...Ce n'est rien, lâcha le jeune docteur, surpris par la formule. A l'école, c'est ennuyant ? Pourquoi ?
-Parce que, c'est facile. Je veux dire : ça dure trop longtemps. J'aime bien pendant que je fais l'exercice, mais la maîtresse attend que tout le monde ait fini et c'est super long, alors je m'ennuie.

C'était vrai, songea Albus. Craven avait des facilités en mathématiques. Mais en attendant, en Anglais, qui corrigeait son orthographe et sa grammaire ? Hm ?
Cela dit, le petit avait fait des progrès assez impressionnants en orthographe, ces dernières semaines, songea-t-il encore.

-Et à part les maths, il y a d'autres choses qui te plaisent ? demanda la voix douce du docteur Lauten.
-A l'école ? demanda naïvement Craven, qui espérait qu'on parlerait d'autre chose.
-Oui.
-J'aime bien l'histoire.
-Pourquoi ?
-Parce que. C'est rigolo.
-Ah bon ? Qu'est-ce qui est rigolo ?
-Les aventures désastreuses des rois d'Angleterre, dit pensivement Albus.

Craven crocha son index de façon à ce qu'il ressemble à un point d'interrogation. C'était un code que les deux compères avaient établi pour que l'enfant sache si oui ou non il pouvait répéter les mots d'Albus.

-C'est bon, dit le mage.
-Les aventures désastreuses des rois d'Angleterre, sourit alors Craven.
-...Vraiment ?
-Oui, confirma l'enfant. J'aime bien quand la maîtresse raconte la vie des rois comme si c'était très important de la connaître... ou comme si elle pouvait avoir de l'importance dans notre vie à nous – dans ma vie à moi – ça me fait rire.
-Donc...résuma le docteur Lauten, ce qui te plaît dans les cours d'Histoire, c'est le ridicule de la vie des rois ?
-Voilà ! Enfin, non, monsieur, pas vraiment ; c'est pas toujours ridicule : parfois ils ont fait de grandes choses. Mais ce que je trouve ridicule c'est...

Il chercha vainement ses mots, puis appela Albus à l'aide en agitant son auriculaire, raide. C'était le premier code qu'ils avaient choisi pour communiquer.

-« ...c'est la façon de raconter l'Histoire à l'école », souffla Albus.
-C'est ça, confirma Craven. Ce qui est ridicule, c'est la façon de raconter l'histoire à l'école.
-Pourquoi ? demanda gentiment le docteur Lauten.
-Vous demandez toujours pourquoi, fit remarquer Craven avec un sourire timide. Pourquoi ?
-Ah ah ! Tu as raison de me retourner la question. Parce que je suis là pour comprendre.
-Pour comprendre quoi ?
-Pour comprendre pourquoi tu discutes avec un ami imaginaire, dit alors le docteur en se penchant en avant, son nez en face de celui de Craven.

Le garçon se recula.

-C'est Maman qui vous a dit ça ?
-Oui, c'est elle, répondit gravement le docteur. Elle aussi, elle veut comprendre.

Craven haussa les épaules.

-Parle-moi de lui, suggéra le docteur.
-Albus ? demanda Craven.
-Il s'appelle Albus ?
-Oui.
-Ce n'est pas commun, comme nom, fit remarquer le monsieur.
-Je sais, dirent Craven et Albus en même temps.
-Ça veut dire « blanc », c'est du latin, précisa le fantôme.
-Ça veut dire « blanc », c'est du latin, répéta sérieusement le petit blond.
-Ah oui ? Tu fais du latin ?
-Non, fit Craven en fronçant les sourcils. Le latin, ça n'existe plus, dit-il limpidement.
-...Certes. Pourquoi ton ami s'appelle-t-il comme ça, d'après toi ?
-Bah ! C'est son nom, c'est tout.
-Pourquoi as-tu choisi ce nom là ?
-Je ne l'ai pas choisi, répondit le garçon comme s'il s'adressait à un simple d'esprit. C'est son nom. Comme vous, vous avez un nom ! Et moi aussi. Je n'ai pas choisi votre nom, ni le mien.
-Tu as raison. Qui a choisi ton nom ?

Craven se demandait si le monsieur se payait sa tête, s'il était un peu bête, ou simplement très agaçant.

-Mes parents.
-Et Albus, qui a choisi son nom ?
-Ses parents, sûrement, répondit Craven sur le ton de l'évidence.

Il agita l'auriculaire.

-Je m'appelle Albus Wulfric Brian Dumbledore, débita le mage en réponse à la demande muette du garçon. Mes parents s'appelaient Kendra et Wulfric Dumbledore et j'ai un frère et une sœur – tous les deux morts, comme moi. Tu peux dire à ce docteur qu'il pose de drôle de questions : il ne sait donc pas que les parents nomment leurs enfants ? Enfin, généralement.

Craven sourit et répéta les paroles de son ami. Il devenait fort à ce petit jeu.

Albus avait décidé de jouer le rôle de l'ami imaginaire. De toute façon, il était totalement impossible de réfréner suffisamment Craven – il faudrait sans doute attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, pour que l'enfant accepte de faire comme si de rien n'était, pour qu'il parvienne à rester très discret lorsqu'il communiquait avec le fantôme. Pour l'heure, il était trop jeune pour un pareil jeu d'acteur.

-Albus Dumbledore... répéta le docteur d'un air pénétré. Quand l'as-tu rencontré ? demanda-t-il au garçon en gardant manifestement sous le coude les informations sur l'identité de l'ami imaginaire.
-Albus ? Il y a...

Le garçon réfléchit quelques instants.

-...à peu près un mois.
-Comment l'as-tu rencontré ?

Albus intervint :
-Attention à ne pas parler du Chemin de Traverse ni des sorciers, Craven.
-Oui. Il est juste apparu, comme ça, dit l'enfant.
-Comme ça ?
-Oui. Et il est attaché à moi. Il ne peut pas s'éloigner de plus de cinq mètres, sinon ça tire, expliqua Craven avec un demi sourire – il restait concentré sur ce qu'il disait pour ne pas laisser échapper d'information. Alors on est toujours ensemble.
-Donc, tu n'as pas le choix ? demanda le docteur Lauten, intéressé.

Craven réfléchit :
-Non. Mais lui non plus.
-Ah bon ? Il ne veut pas être attaché à toi ?

Craven se tourna vers Albus. C'était en effet une question qu'il ne s'était jamais posée.

-Je suis très content d'être auprès de toi, Craven, sourit doucement le vieux mage.
-Moi aussi, souffla le garçon.
-Toi aussi quoi ? fit le docteur.
-Excusez-moi. C'était quoi, la question, déjà ? rougit Craven.
-Si ni lui ni toi n'avez le choix..., répéta lentement le docteur Lauten en tentant de percer à jour la logique de l'enfant, et éventuellement d'y trouver un défaut de raisonnement. ...Alors tu n'as peut-être pas envie qu'il soit toujours avec toi ?
-Si ! répliqua Craven comme si on l'avait insulté. Je suis content qu'il soit là !
-Et lui ?
-Lui aussi.
-...Pourquoi es-tu content qu'il soit là ?
-Ben...parce que c'est chouette... Il me montre plein de trucs... et moi je lui explique tout ce qu'il ne connaît pas, aussi... Et il sait plein plein de trucs trop bien.

Poudlard. Le château. La vie de Harry Potter ; les combats contre le méchant Mage Noir « Lord » Voldemort. Le monde des sorciers ; le quidditch ; les dragées surprises de Bertie Crochue. Albus lui racontait tant de choses !
Et la boutique de chocolats de Monsieur Weasley...
Et les sortilèges ! Le sortilège d'attraction, le sortilège de couleur, celui pour ouvrir et fermer les portes... La magie... c'était vraiment ça, le meilleur.

-J'apprends plein de choses avec lui, dit Craven qui pensait sincèrement ce qu'il disait et rêvait présentement d'un nouveau sortilège.
-Eh bien. Tu as de la chance, admit le docteur Lauten avec un petit mouvement de tête. J'aimerais bien avoir un ami comme ça.

HP-HP-HP

Deux jours plus tard, Craven avait déjà oublié Monsieur Lauten. En revanche, Albus, comme de bien entendu était toujours là. Il fallait dire qu'Albus n'avait rien d'imaginaire, non monsieur. La preuve : il jouait présentement contre lui à Tekken Supreme. Craven lui avait collé une manette entre les mains, et se faisait un plaisir de le massacrer – faisant parfois un intervalle de sept secondes pour expliquer à son adversaire que pour effectuer la technique du coup de pied retourné, il fallait appuyer sur les touches triangle et carré en même temps.

« YOU LOSE » afficha le jeu. La mine déconfite, Albus réclama sa revanche.
« YOU WIN » annonça le jeu à Craven. L'air ravi, ce dernier accorda au vieux sorcier l'opportunité de vivre un ultime massacre.

Toc toc toc, fit un animal à la vitre.

Craven se retourna.

Et tomba à la renverse.

Albus remit sur pied le petit garçon bouche-bée.

-Va lui ouvrir, dit-il.

Sur le rebord extérieur de la fenêtre, Monsieur Malfoy était accroupi. C'était un grand monsieur vêtu de noir et d'une cravate jaune lumière, avec des cheveux mi-longs d'un blond si pâle qu'ils en paraissaient blanc. Il se tenait sur le rebord de la fenêtre, qui devait être large d'environ douze centimètres et surplomber une paroi verticale de sept ou huit mètres – et il était tout naturellement accroupi là-dessus.

Craven s'approcha lentement de la fenêtre et en actionna l'ouverture électrique. L'homme le fixait de son pénétrant regard gris acier. Puis, d'un mouvement souple, il pénétra dans la petite pièce colorée.

-Bonjour, Craven Chant, murmura-t-il en tendant sa main.
-Bonjour monsieur.

Un peu impressionné, le petit garçon lui serra la main. Le premier geste de Nero Malfoy après cela fut de sortir de sa manche une longue baguette noire pour la diriger vers la porte et la verrouiller :

-Closum. Ne t'inquiète pas, je fais ça uniquement pour que personne ne risque de nous surprendre. Mais si un membre de ta famille toque à la porte, je disparaîtrai dans la minute, et tu pourras lui ouvrir.

Craven hocha la tête avec un petit sourire. Il était toujours impressionné mais il trouvait ça très très cool.

-Vous êtes venu parce que vous êtes mon Parrain ?
-C'est ça, répondit l'homme avec un infime sourire.

En lui-même, il songea qu'il ne comprenait toujours pas la décision de Patrick Creeks, mais qu'il faudrait faire avec. Il chercha où s'asseoir, avisa le fauteuil en mousse à l'effigie de Shrek, s'en détourna, et finit s'installer sur le bord de la couette bleu fluo – ou plutôt « bleu étoile ». Tout était incroyablement lumineux, dans cette pièce. Il laissa à ses yeux un temps d'adaptation. Le petit garçon, après avoir hésité, vint s'asseoir à côté de lui.

-Alors, Craven. Commençons par le protocole.
-D'accord.

Il ignorait ce que signifiait « protocole ».

-Sais-tu que tu es un sorcier ?
-Oui, répondit sereinement le garçon.

Il n'y avait pas le moindre doute ni dans ses yeux, ni dans sa voix. Mais Mr. Malfoy s'y attendait. Craven Chant n'était plus dans la phase « découverte » – selon Patrick, il était déjà dans la magie « jusqu'au cou ».

-Il existe beaucoup de gens comme toi, murmura l'homme d'un ton patient et attentif – et l'on sentait qu'il avait souvent mené cette conversation. Beaucoup de gens qui ont des pouvoirs. Des gens bien, qui ne veulent de mal à personne, mais qui ont simplement ces incroyables pouvoirs, et voudraient apprendre à s'en servir. Il existe des tas d'enfants dans ton cas. Souhaiterais-tu les rencontrer ?
-Oui, souffla Craven qui en crevait d'envie.

Son cœur cogna frénétiquement dans sa poitrine à l'idée de cette excitante perspective.

-Tu peux les rencontrer. Il y a des enfants dont les parents sont des sorciers. D'autres, comme toi, dont les parents sont des moldus. Généralement, nous découvrons qu'ils ont des pouvoirs magiques vers l'âge de onze ans, et ceux qui le veulent peuvent aller à Poudlard, l'école de magie. Voudrais-tu y aller ?
-Oui !

Mr Malfoy sourit.

-Si tu veux y aller, tu y iras, promit-il. Mais tu as dû t'entendre dire, déjà, que tu étais trop petit ?
-Oui...

L'homme laissa passer quelques secondes pendant lesquelles il sembla réfléchir. Albus, flottant derrière Craven, suivait l'échange avec beaucoup d'attention.

-Parmi les sorciers réfractaires... comprends-tu le mot « réfractaire » ?
-C'est les rebelles !
-Ouais, c'est à peu près l'idée : les sorciers réfractaires – j'en fais partie – sont ceux qui ont choisi de continuer à vivre comme des sorciers, et de ne pas se plier aux lois moldues. Tu as dû entendre parler du Bureau 33 ?
-Bah oui.

L'expression de Nero Malfoy était devenue mauvaise à la mention du Bureau. Il reprit cependant son discours calmement :

-Parmi les sorciers réfractaires, certains ont des enfants d'à peu près ton âge. J'ai évoqué le sujet au dernier conseil de l'A.D. et nous allons organiser des classes de magie pour les enfants de moins de onze ans. Enfin, ce n'est pas encore décidé, ça ne dépend pas de moi, mais selon toute vraisemblance, ça devrait se faire. Les parents sorciers y mettrons leurs enfants s'ils le veulent... mais je peux t'assurer qu'il y aura au moins deux volontaires, des garçons de ton âge. Et d'après ce que je sais, probablement un autre enfant d'origine moldue, comme toi.
-C'est celui qui s'appelle Lynden ?
-...Oui. Patrick Creeks t'en a parlé ?
-Oui, c'est lui qui m'a dit. Il m'a dit qu'il y avait un autre enfant comme moi, qu'il avait neuf ans et demi, et que son papa était un moldu qui voulait être ami avec les sorciers.

Albus fut assez impressionné par la capacité de synthèse de Craven.

-Voilà : bientôt, il y aura sûrement des petites séances de magie pour enfants, je t'en reparlerai quand ce sera prêt.

L'homme plongea une main dans la poche de son pantalon et en sortit une petite carte plastifiée noire et argentée, et la tendit à Craven.
Le garçon l'inspecta et put lire le nom de Nero Malfoy dessus, ainsi que ses coordonnées.

-J'en ai déjà deux comme ça, ça m'en fait trois ! s'exclama-t-il, ravi.

On aurait cru qu'il commençait une collection de cartes à jouer.

-J'ai déjà Patrick Creeks, Johennes Finnigan, et Nero Malfoy maintenant... dit-il pour lui-même en accrochant la troisième carte à son porte-clé Naruto.

Puis, sur l'indication d'Albus, il revint s'asseoir de Mr. Malfoy, qui avait l'air d'avoir des choses sérieuses à lui dire.

-Craven. Tes parents, ils ne savent pas que tu es sorcier, si ?
-Non, répondit l'enfant d'une petite voix, après un silence coupable.
-Il faudra leur dire un jour. Nous allons y aller à notre rythme. Tu vas d'abord apprendre des choses sur les sorciers, et... je vais... nous allons voir tous les deux où tu en es avec tes pouvoirs magiques.

Cela promettait d'être intéressant, pensa Albus, qui riait par anticipation de la tête qu'allait tirer Mr. Malfoy lorsqu'il découvrirait les capacités de Craven – car Albus avait un grand projet pour Craven, et il comptait bien utiliser ses propres pouvoirs de grand mage dans la mesure où ils seraient nécessaires à son projet.

-Et, bien sûr, très rapidement, nous devrons te trouver une baguette, poursuivit Mr Malfoy.
-Une baguette ! s'exclama Craven en bondissant sur le lit. Je vais avoir une baguette ! OUAIS ! OUAIS ! OUAIS ! cria-t-il en donnant des coups de poing dans le vide.
-Il faudra faire bien attention à ce qu'aucun moldu ne la voie – précisa l'homme blond en évitant les mouvements de bras de l'enfant – c'est très important. Et, quand nous estimerons que c'est le moment, je viendrai parler à tes parents.
-Tu vas venir parler à Maman ? Euh, pardon, vous allez venir parler à Maman ?
-Tu peux me tutoyer, et m'appeler Nero. Je viendrai discuter avec elle à un moment où à un autre. L'idéal serait qu'elle accepte notre existence, qu'elle prenne bien le fait que tu sois un sorcier, et qu'elle t'aide à aller à Poudlard, et tout. Mais l'expérience me fait penser que ce ne sera pas aussi facile. Nous verrons bien. Ne t'inquiète pas.

Il adressa au garçon un sourire rassurant.

Après un moment de réflexion pendant lequel l'enfant se demanda comment allait bien pouvoir se passer l'entretien entre Maman et Nero, après une fugitive angoisse par rapport à la réaction de Papa s'il apprenait que son fils était un sorcier, Craven chassa ses doutes et, grimpant sur son bureau, il clama :

-Vous allez voir de quoi je suis capable ! Je suis CRAVEN SKYLEN CHANT, et je suis le prince de la magie, et je vaux de l'or !

Albus décida que c'était le moment idéal. Il se plaça derrière l'enfant et posa sa longue main sur la petite épaule du garçon.

-Pense très fort « Arcobaleno », Craven. C'est important.

Craven sourit de toutes ses petites dents et obéit.

Sa peau et ses cheveux devinrent dorés, ainsi que ses vêtements. Puis de ses pieds, la chatoyante couleur de l'or se répandit à son bureau, sa chaise, son linoléum fluorescent et tous les meubles de la pièce.

Assis sur le lit et affichant une expression de stupeur, Nero observa la pièce se transformer en un palais doré.

« Mais... qu'est-ce que c'est que ce gamin ? » songea-t-il, bouche-bée.

HP-HP-HP

-Allô, Patrick ?

Aussitôt sorti de la chambre de Craven, Nero avait composé le dernier numéro de portable de son ami.

-Nero ? répondit une voix étonnée
-Oui. Slumbie.
-Tu n'étais pas obligé de dire le mot de passe, je reconnais ta voix mon vieux.
-On ne sait jamais, tu devrais toujours demander le mot de passe, répondit Nero Malfoy d'un ton grave.
-Bon, qu'est-ce qu'il y a ? Fais vite parce que mon portable subit des interférences magiques de plus en plus fortes, il risque de me cramer dans les doigts. Je vais bientôt en changer.
-Ok, je fais vite : je suis allé voir Craven Chant, pour le protocole. Il est prêt à entrer dans le monde sorcier.
-Je te l'avais dit.
-Mais ce n'est pas tout. Est est... il me semble génial. Il a... il a jeté un sortilège... très puissant, je crois. Et sans baguette !
-Quel sortilège ? fit une voix inquiète à l'autre bout du fil.
-Oh, un truc sans gravité, un sort pour enfants. Un truc pour changer les choses de couleurs, je ne sais même plus comment ça s'appelle. Ce n'est pas le sujet. Il l'a jeté sans baguette et crois-moi, c'était impressionnant. Je ne suis même pas sûr que...
-C'était intentionnel ?
-Oui, enfin, je ne sais pas. Il n'a rien dit à haute voix, mais j'ai eu l'impression qu'il l'avait fait exprès. Il avait la tête du gamin qui vient de te faire avaler une crème canari.
-J... hoi... ...t... i.
-Patrick ? Eloigne-toi de ton kiosque, je ne t'entends plus.
-... Je disais... Tu vois ça ne m'étonne qu'à moitié. Je ne t'avais rien dit parce que j'avais un peu peur de passer pour un fou, mais la première fois que je l'ai vu, il a flotté dans les airs. Et je ne sais même pas comme c'est possible, je veux dire, d'un point de vue magique. Je ne sais pas faire ça. Il doit avoir une magie instinctive très... développée.
-C'est pas de la magie instinctive, je te dis. C'est volontaire.

Après un moment il ajouta :
-Il a un don. Une sorte de don.
-Il faudrait en parler à l'A.D. pour organiser des rencontres entre enfants sorciers de moins de onze ans. Rapidement.
-Voilà pourquoi je t'appelais. McNair a beaucoup d'estime en ton jugement, si tu lui en parles, il t'écoutera plus que moi.
-Et tout repose sur lui. D'accord, noté. Mais les Nott vont mettre leur veto.
-Les Nott nous emm... On passera outre leur veto, de toute façon. Il faut absolument que Craven Chant ait des cours de magie, sinon il va très vite se faire repérer par les moldus.
-D'accord, je vais parler à Roger McNair. Bon, mon téléphone est en train de devenir bouillant, je vais raccrocher.
-Patrick ? Il faut absolument que tout le monde rencontre Craven Chant.
-He he, rit son correspondant devant tant d'enthousiasme.
-Je t'assure. Fais-moi confiance. Ce gosse est spécial.

Il raccrocha.

HP-HP-HP

-Pourquoi c'était important, que je lance l'Arcobaleno ? demanda distraitement Craven en examinant de plus près son slip devenu doré.
-Parce que nous avions besoin d'impressionner Nero Malfoy.
-Pourquoi ?
-Parce que... commença Albus avant de se prendre le menton dans les mains d'un air embêté.

Il ne voyait pas comment expliquer simplement les choses à Craven.

-Ecoute, je pense savoir pourquoi nous nous sommes rencontrés, commença-t-il alors.

Craven s'assit sagement sur le linoléum doré pour écouter le barbu.

-Je pense que je me suis éveillé à ton contact... parce que cette époque avait besoin de moi.

Il fit une pause, songeant que cela ne lui expliquait pas pourquoi il s'était éveillé précisément au contact de Craven Chant, huit ans et demi, d'extraction moldue – parce que cela, cela compliquait plutôt les choses.

-Cette époque a besoin de moi parce que les sorciers sont en danger.
-Ah bon ? s'inquiéta soudain Craven.
-Oui... soupira doucement le vieux mage. En danger d'extinction, Craven. Les moldus les font disparaître peu à peu. Si personne ne fait rien, dans cent ans, il n'y aura plus que des gens avec un don un peu étrange que l'on qualifiera de « bizarres » et qu'on enfermera, et ces gens-là ne sauront même pas ce qu'ils sont, ni que la Magie a connu un âge florissant.

-Mais qu'est-ce qu'on peut faire alors ? demanda faiblement le petit garçon, après s'être répéta la dernière phrase dans sa tête. C'est pas juste !

Albus leva un doigt, et s'assit en phase de l'enfant. Tout était doré, et eux aussi, ce qui donnait à la scène une dimension doublement surnaturelle.

-Ecoute bien, Craven. Voilà ce que nous pouvons faire. En utilisant mes pouvoirs, tu peux gagner de l'influence au sein des sorciers. Ce sera très difficile. Une fois que tu auras gagné l'estime et l'admiration de tous les sorciers, il faudra gagner celles des moldus. Ce sera encore plus difficile. Et une fois que nous aurons fait cela, il faudra mener moldus et sorciers à s'allier contre le gouvernement et le Bureau 33. Ce sera la partie la plus difficile de notre tâche.

Le garçon, bouche entrouverte, réfléchit à tout cela pendant quelques secondes.

-Si j'ai bien compris, on a déjà impressionné Nero, il reste plus qu'à impressionner les autres sorciers ?
-Pour commencer, oui, c'est ça.

Craven fit rouler ses épaules d'un air pensif, puis tapa dans ses mains en se levant :
-Bon, c'est pas tout mais comment on annule un Arcobaleno, Albus ? C'est joli le doré, mais si Maman voit ça, elle va se fâcher.

HP-HP-HP

Toujours là ? :) Je dois avouer que Cravou est assez crackinou, et même après avoir laissé traîner cette histoire longtemps, ça m'a fait très plaisir de le retrouver :P
S'il y a toujours quelqu'un, faîtes-moi coucou pur m'encourager xD Que je ne continue pas dans le vide.
BIz

Lupiot