- LES SURVIVANTS -


Ce récit est basé sur les sept volumes du cycle Harry Potter écrit par la talentueuse Joanne K. Rowling. J'ai exploité la période inexplorée se trouvant entre la fin de l'histoire proprement dite (Chapitre 36 : Le défaut du plan) et l'épilogue (19 ans plus tard).

Une grande partie des développements sont de mon cru mais j'ai inclus dans le canon ce que J.K. Rowling a révélé concernant ses personnages lors de l'interview du 30 juillet 2007 et dans diverses émissions qui lui ont été consacrées. J'ai précisé ces ajouts en notes de fin de chapitre.

Quatre tomes ont été nécessaires pour couvrir ces 19 années :

I : Les Survivants - Comment se reconstruit le monde sorcier après la guerre ? Comment Harry devient un adulte ? Comment on devient Auror quand on est le Survivant ? Comment convertir Ginny Weasley au mariage ?

II : Les Bâtisseurs - Auror confirmé, Harry va aller à la rencontre de ces concitoyens au travers de ses enquêtes, tout en tissant des liens de plus en plus forts avec sa famille et ses amis.

III : Les Réformateurs - Sept ans après la Bataille de Poudlard, les survivants ont des enfants et s'investissent dans le devenir de leur communauté.

IV : Les Sorciers - Treize ans ont passé depuis la Bataille de Poudlard. Harry est désormais commandant des Aurors, les enfants grandissent et les sorciers apprennent à vivre entre magie et modernité.

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Mes correcteurs

Comme toujours, Fenice est mon indispensable complice. Que ferai-je sans elle ? J'adore tout ce qu'elle écrit et je suis sûre que cela vous plaira. Pour la découvrir aller dans mes auteurs favoris.

Lilou_black (ex Calimera) m'a aussi fait profiter de son esprit critique et de ses connaissances en littérature. Elle vous préserve du pire. Comme elle écrit superbement elle est également dans mes favoris.

Bien qu'il n'ait pas lu Harry Potter, Monsieur Alixe n'est pas en reste. Il corrige les fautes d'orthographe et donne son avis sur mon texte (LUI : Pas mal, surtout ça. MOI : Euh... c'est pas de moi, c'était dans le livre original)

Merci aussi à Darkklinne, qui a acheté la version en français de HP7 et me l'a passée sans avoir le temp de la lire, pour que je récupère les termes de la traduction officielle et puisse poster ici le plus vite possible.


Repères chronologiques
2 mai 1998
: Bataille de Poudlard

Période couverte par le chapitre : 3 mai 1998


I : Le repos des guerriers

Harry examina Ron et Hermione, dont les traits tirés et les vêtements déchirés témoignaient de la folle journée qui avait commencé par leur intrusion dans la banque Gringotts, qui s'était poursuivie par une longue lutte pour reprendre Poudlard, avant de trouver sa conclusion dans le combat singulier qui avait mis fin au règne de Voldemort.

Harry songea avec nostalgie à son lit à baldaquin dans la tour de Gryffondor.

— Si on allait prendre un peu de repos dans notre salle commune ? proposa-t-il à ses amis. Nous pourrons demander à Kreattur de nous apporter des sandwichs.

Ron secoua la tête et murmura en évitant le regard des autres :

— Il faut que je rentre à la maison.

Harry se sentit honteux de n'avoir pas pensé que Ron désirerait rejoindre sa famille suite au deuil qui venait de les frapper.

— Bien sûr, répondit-il précipitamment. Nous venons avec toi.

Ils quittèrent le bureau du directeur de Poudlard et traversèrent le château dévasté dans un silence qui contrastait avec le fracas de la bataille qui s'y était déroulée à peine quelques heures auparavant.

Quand ils rejoignirent la Grande Salle, il n'y avait aucune trace des Weasley ni des combattants encore valides. Toute une partie du réfectoire était devenue une infirmerie et l'estrade des professeurs disparaissait derrière un paravent géant. D'instinct, Harry devina que cet espace avait été transformé en chambre funéraire.

Les trois amis n'eurent pas le temps de se consulter pour décider de la marche à suivre. De l'endroit où se reposaient les blessés, Horace Slughorn leur fit signe de la main avant de les rejoindre pesamment.

— Vous êtes attendus au Terrier, leur apprit-il. Arthur a pu convaincre sa femme de ne pas mettre à sac ce qui restait du château pour vous retrouver, mais nous avons pour consigne de vous faire rentrer à la maison.

— Merci Professeur, répondit courtoisement Hermione. Vous avez besoin d'aide ici ?

— Vous en avez assez fait, sourit le Serpentard. Ste-Mangouste nous a envoyé du monde. Moi-même, je m'apprête à aller me reposer et la professeure McGonagall vient tout juste de rejoindre ses appartements. Partez vite ! Je n'ai aucune envie de faire face à ta mère, Ralph. Qui aurait cru que la petite Prewett aurait autant de style !

— Il s'appelle Ron, précisa Hermione d'un ton un peu moins aimable.

— Oui, oui, Ron, répéta distraitement le professeur. Vous pouvez prendre cette cheminée, ajouta-t-il en désignant le gigantesque âtre de la Grande Salle. On l'a raccordée au réseau pour la journée.

Avant de suivre ses amis qui se dirigeaient vers les flammes vertes, Harry s'adressa au responsable de la maison Serpentard :

— Le corps du professeur Rogue est dans la Cabane hurlante, à Pré-au-Lard, lui indiqua-t-il.

— La Cabane hurlante, répéta le professeur de potions, visiblement surpris que cette information lui soit communiquée par le Survivant.

Harry songea un instant à expliquer le véritable rôle joué par le sombre professeur durant la guerre, mais il se sentait tellement épuisé que le courage lui manqua. Il se contenta de hocher la tête avant de se détourner et de hurler sa destination dans le conduit.

Le Terrier semblait bien calme dans la lueur de ce milieu de matinée. Personne dans la cuisine, mais un mot était posé sur la table : Il y a du gâteau dans le garde-manger. Et ensuite : AU LIT !

Ron eut un pauvre sourire et se dirigea d'un pas fatigué vers les escaliers, suivi des deux autres. Hermione quitta les garçons devant la chambre de Ginny. Elle les salua de la main et disparut. Harry aurait aimé voir si la sœur de Ron allait bien et comment elle surmontait sa tristesse. Mais il se contenta de monter à l'étage supérieur sur les traces de son ami. Une fois parvenus à destination, les deux garçons s'effondrèrent tout habillés sur les matelas installés par terre, sans se donner la peine de chasser la goule qui occupait toujours le lit du benjamin des Weasley.

Il était seize heures quand Harry fut réveillé par Ron qui tentait maladroitement de l'enjamber pour sortir. Il grogna de mécontentement, les membres douloureux, et essaya vainement de replonger dans le sommeil. Mais la vision onirique qui flottait encore dans sa tête s'effilocha, laissant la réalité s'imposer. Finalement, Harry décida de se lever à son tour, pressé par son estomac qui criait famine.

Quand il pénétra dans la cuisine, Ron se faisait servir une solide collation par sa mère. Hermione semblait finir la sienne, ainsi que Ginny. Cette dernière était pâle, mais elle sourit à Harry et lui désigna la chaise libre qui se trouvait à ses côtés. Il obtempéra et ils se contemplèrent sans un mot, heureux de se retrouver. Mrs Weasley déposa devant Harry des œufs au bacon. Avec un regard d'excuse, il se détourna de sa dulcinée pour manger.

— Que comptez-vous faire, maintenant ? demanda alors Ginny.

— Me procurer une nouvelle baguette, grogna Hermione. Pas question de continuer à utiliser celle de cette…

Elle ne prononça pas le mot, mais son regard vers Mrs Weasley rappela à tous le qualificatif dont Molly s'était servie pour interpeller la Mangemort la veille pendant leur duel.

— Ensuite, poursuivit la jeune fille, j'irai rejoindre mes parents en Australie et je les ramènerai ici. Après, j'espère pouvoir retourner à Poudlard pour passer mes ASPIC.

— C'est une très bonne idée, approuva la matriarche des Weasley d'une voix rauque. Il faut songer à votre avenir.

Harry l'observa. Le teint brouillé et le visage pétrifié, elle s'appuyait manifestement sur toute sa volonté pour agir normalement.

— Je n'ai pas l'intention de retourner à Poudlard, indiqua Ron. J'ai dix-huit ans maintenant et je pense me trouver du travail.

— Mais il te faut des ASPIC pour cela ! protesta machinalement sa mère.

— Enfin, Maman, Fred et George s'en passent très…

Ron s'arrêta net, horrifié. Le visage de Mrs Weasley se crispa et elle ferma les yeux, submergée par ses émotions. Ginny baissa la tête et les fourchettes de Harry et Hermione restèrent suspendues.

Brisant l'insupportable silence, Hermione demanda timidement :

— Où est George ?

— Il dort encore, murmura Mrs Weasley, la voix cassée. Je lui ai donné une potion, hier.

Elle se détourna vers l'évier, les épaules tremblantes.

— Et toi, Harry ? questionna Ginny, relevant le menton d'un geste volontaire, refusant de se laisser abattre.

— Je n'y ai pas encore réfléchi, dit prudemment Harry, qui se sentait tenté par la décision de Ron, mais qui estimait que ce n'était pas le moment de le révéler.

Soudain, il réalisa qu'il avait lui aussi des obligations familiales.

— J'ai quelqu'un à voir aujourd'hui, les informa-t-il.

Ils finissaient de manger quand George arriva dans la cuisine, atone, l'expression figée, presque méconnaissable. Sa mère s'élança vers lui et le serra contre elle. Il se laissa faire tandis que les quatre jeunes préféraient s'éclipser.

Après avoir pris une douche, Harry s'observa dans le miroir de la salle de bains. Son visage et son corps étaient parsemés d'égratignures et de brûlures à moitié cicatrisées. Il souleva sa frange pour examiner son front. Sa cicatrice était toujours là, mais blanche et fine, sans la moindre trace d'inflammation. Il passa le doigt sur la surface granuleuse, sans ressentir le plus petit picotement. Il pensa avec satisfaction qu'elle ne lui ferait plus jamais mal.

Une fois leur toilette terminée, les quatre jeunes gens se retrouvèrent dans le salon. Harry plongea la main dans le pot de poudre de Cheminette et s'agenouilla pour demander la communication. Andromeda répondit immédiatement et accepta très simplement sa proposition de visite.

Quand ils surgirent de l'âtre, elle les attendait, le bébé dans les bras. Harry se dit qu'il ne pourrait plus jamais la confondre avec sa sœur. Ses cheveux s'étaient veinés de gris et la dignité douloureuse de son expression la différenciait irrévocablement de l'exaltation de son aînée.

Il sourit avec gêne, ne sachant comment formuler ses condoléances. Il décida de commencer par le plus facile :

— Nous n'avons pas encore été présentés à Teddy, dit-il.

Avec un sourire triste, elle lui tendit le poupon. Instinctivement, Harry fit un pas en arrière, piétinant les pieds de Ginny. Il n'avait jamais tenu un bébé et n'avait pas envie que le premier à prendre ce risque soit son filleul. Il perçut le ricanement de Ron et sentit sa petite amie le pousser fermement dans le dos. Comprenant qu'il n'aurait aucune échappatoire, il tendit stoïquement les bras. Quand la grand-mère posa la tête de l'enfant contre son épaule droite, il eut le réflexe de soulever le coude pour l'empêcher de glisser. Andromeda disposa correctement les mains de Harry autour du petit corps chaud puis recula.

— Je vous en prie, entrez, les invita-t-elle formellement en montrant les fauteuils du salon.

Les deux Weasley et Hermione s'avancèrent en la saluant. Seul Harry resta planté devant la cheminée sans oser bouger.

— Tu devrais t'asseoir, il tombera de moins haut, lui conseilla ironiquement Hermione.

Lui jetant un regard mauvais, il avança précautionneusement et plia doucement les genoux pour s'installer sur le canapé. Finalement, Hermione avait raison. Sentant le danger couru par le poupon s'amenuiser, il se détendit un peu. Il en profita pour le dévisager. C'était un bel enfant joufflu avec une touffe de cheveux améthyste sur le dessus du crâne. Le bébé lui rendit son regard. Harry remarqua que ses iris viraient lentement du bleu vers le jaune.

— Ses yeux changent tout le temps de couleur ? s'étonna-t-il.

— Seulement quand il est en pleine découverte, précisa la grand-mère.

L'enfant fit des petits bruits en remuant vaguement ses bras et ses jambes

— Enchanté. Moi, c'est Harry, se présenta l'heureux parrain. J'espère que nous aurons souvent l'occasion de nous voir.

En réponse, Teddy eut un gros rot et un peu de lait lui ressortit par la bouche. Harry déglutit et comprit l'utilité du bavoir brodé qui enserrait le cou du bébé. Cela avait absorbé une partie du rejet, pas assez malheureusement pour sauver sa manche de l'inondation.

La seule bonne nouvelle était que sa robe avait été empruntée à Ron.

— Personne ne veut faire sa connaissance ? interrogea-t-il d'une voix plaintive.

Ginny sembla le prendre en pitié et vint le délester d'une main qu'il jugea étonnamment experte. Elle entreprit de bercer le bébé après lui avoir délicatement essuyé la bouche de son bavoir. Harry se demanda d'où lui venait cette science. Sans doute avait-elle vu officier sa mère avec les enfants de leurs connaissances.

Andromeda s'adressa à Harry :

— Je suis heureuse de te voir en bonne santé. Dora et Remus se faisaient beaucoup de soucis pour toi.

— Je… Je suis désolé pour…, balbutia Harry, vaguement honteux d'être encore une fois le Survivant.

L'expression de la femme le dissuada de continuer.

— Nous avons tous donné, fit-elle dignement en braquant son regard sur les jeunes Weasley. Ce qui compte, c'est que nous avons gagné. Mon petit-fils pourra entrer la tête haute à Poudlard quand le moment sera venu.

Elle regarda en direction de Ginny qui pouponnait toujours. L'enfant, lové dans ses bras, semblait sur le point de s'endormir.

— Il est vraiment adorable, chuchota Hermione.

— Je crois que c'est la première fois que nous nous voyons, remarqua Andromeda à l'adresse de la jeune fille. Dora et mon gendre m'ont tellement parlé de vous que j'ai l'impression de très bien vous connaître tous les quatre. Et maintenant que les choses vont redevenir normales, quels sont vos projets ?

Harry réalisa avec horreur que, les jours suivants, tout le monde allait leur poser cette question. C'était un des rares sujets de conversation assez neutre pour être abordés en cette période de deuil.

— Nous allons finir notre scolarité à Poudlard, se dévoua Hermione.

— C'est une bonne manière de reprendre le cours normal de votre vie, approuva la mère de Tonks. Et puis cela vous isolera de ceux qui tenteront de profiter de votre notoriété.

Cette remarque éveilla chez Harry un goût inédit pour les études. Vivre dans le château en attendant que les choses se tassent lui parut soudain extrêmement attrayant. Surtout si Ginny y était également.

Ils commentèrent les dernières nouvelles : la nomination de Kingsley Shacklebolt comme ministre de la Magie provisoire, la libération des nés-Moldus détenus à Azkaban, la pénurie de baguettes magiques. Au bout d'une demi-heure de visite, les jeunes gens prirent congé et Teddy fut transféré avec précaution des bras de Ginny vers ceux de sa grand-mère. Ils repartirent par la cheminée, non sans s'être attendris une dernière fois sur le bébé qui dormait à poings fermés.

Quand ils revinrent au Terrier, Molly était en train de préparer le dîner.

— J'espère qu'Arthur et Percy ne rentreront pas trop tard, commenta-t-elle d'une voix inquiète. Mais il est probable qu'ils ne mangent pas avec nous, vu tout ce qu'i faire au ministère. George est dehors avec son ami Lee qui est venu le voir. Un brave garçon, ce Lee. Charlie est à Poudlard. On a entendu à la radio que Hagrid demandait du monde pour soigner les créatures blessées pendant le combat. Bill et Fleur passeront peut-être ce soir. Ginny, tu veux bien m'aider pour les légumes ?

Ginny fit une grimace assez laide, mais n'osa pas contrarier sa mère. Par solidarité, Hermione s'avança avec elle, agrippant le bras de Ron pour l'obliger à s'y mettre également. Harry ne put rien faire de moins que de suivre le mouvement et les haricots et pommes de terre furent rapidement épluchés. Ils mirent ensuite la table et se trouvèrent désœuvrés le temps que la cuisson se termine. Ils sortirent pour profiter de la douceur de l'air.

Ils restèrent un moment plongés dans leurs pensées puis Ginny, qui ne semblait pas supporter ce silence, s'écria :

— Regardez dans quel état est le jardin !

En effet, les gnomes avaient profité des mois durant lesquels les Weasley s'étaient réfugiés chez la tante Muriel pour proliférer.

— Ne le fais pas remarquer à maman, je n'ai pas envie de passer la journée à dégnomer demain, grommela distraitement Ron.

— Ne te plains pas, rétorqua sa sœur. Maman ne t'a pas demandé grand-chose ces derniers mois.

— Cela n'a pas dû être très drôle d'être chez ta tante Muriel, compatit Hermione.

La jeune fille sauta sur l'occasion pour dire ce qu'elle avait sur le cœur.

— Ah, ne m'en parle pas ! Une véritable horreur. J'aurais préféré retourner à Poudlard, même avec les z'Hideux.

— Les quoi ? s'étonna Harry.

— C'est comme ça qu'on avait surnommé les abominables Carrow. Sales, bêtes et méchants ! cracha Ginny. Mais comme tante Muriel est garce, commère et méchante, je n'y ai pas gagné au change. Il était temps que cela finisse, maman et elle ne se supportaient plus. Dites donc, vous n'auriez pas pu attaquer Poudlard plus tôt ?

— On n'a pas att… commença Harry.

— Hé, oh ! tu crois qu'on s'amusait ? s'emporta Ron que les jérémiades de sa sœur agaçaient.

— Quoi que vous ayez fait, j'aurais préféré être avec vous, répliqua sèchement Ginny. Mais c'est vrai, il paraît que je n'ai pas l'âge.

La jeune fille avait prononcé ces paroles avec rancœur en regardant vers Harry, qui se sentit soudain très mal à l'aise. Ginny lui en voulait manifestement de n'avoir pas protesté quand Mrs Weasley l'avait envoyé à l'abri la veille, considérant qu'elle était trop jeune pour se battre. Il espéra que Ron répondrait, ce qui détournerait la colère de Ginny, ou qu'Hermione arriverait à calmer le jeu, mais il se retrouva traîtreusement abandonné à son triste sort :

— Viens, allons voir si le potager n'a pas été trop dévasté, s'empressa de dire sa soi-disant meilleure amie en prenant la main de Ron.

Harry les suivit des yeux, mais, une fois qu'ils eurent tourné le coin de la maison, il n'eut plus aucune excuse pour esquiver le regard accusateur de Ginny.

— Je tiens à toi et je ne voulais pas que tu sois blessée, plaida-t-il.

— Je n'ai peut-être que seize ans, mais je suis capable de me défendre toute seule. Je pensais te l'avoir déjà prouvé.

— Je sais que tu es très forte, je n'ai jamais dit le contraire. Mais ta mère…

— Ne prends pas ma mère comme prétexte. Si tu l'avais écoutée, tu ne serais pas parti avec Ron et Hermione.

— Ginny, je sais que cela a été dur et que tu as été très courageuse en prenant part à la résistance de Poudlard et en récupérant l'épée dans le bureau de Rogue. Tu m'as manqué… Je pensais souvent à toi et je regardais sur ma carte pour voir où tu étais. J'aurais vraiment aimé que tu sois près de moi tout ce temps, mais… je ne pouvais pas tout te dire. Dumbledore m'avait recommandé de ne me confier à personne à part Ron et Hermione.

— Comme c'est pratique ! Tu es sûr que je t'ai manqué autant ? Tu n'avais pas vraiment l'air content de me retrouver, hier.

— Enfin Ginny, Voldemort arrivait…

— Arrête, Harry, et écoute-moi bien. Ne me traite plus jamais comme une gamine qu'on écarte et qu'on protège. Ne me dis plus jamais que tu ne veux pas de moi sous prétexte que c'est trop dangereux. Je sais que je ne suis pas le Survivant, je sais que je n'arrive pas à la cheville d'Hermione. Mais quand tu laisses Neville ou Luna se battre, ne me rejette pas. Parce que si c'est comme ça, je ne veux même pas être ton amie !

Harry ouvrit la bouche, mais ne sut que dire, trop étonné par cette sortie enflammée. Il la trouva très belle les pommettes rougies et les yeux flamboyants, ce qui ne l'aidait pas à retrouver son éloquence, bien au contraire. Il entendit avec reconnaissance la voix de Mrs Weasley :

— Les enfants, c'est prêt !

— Allons manger, s'empressa de déclarer Harry.

Il lut la colère et la déception sur le visage de la jeune fille. Ses lèvres se pincèrent et elle se détourna brusquement pour rentrer dans la maison au pas de charge.

Le bruit des pas de Ginny décroissait dans l'escalier en un staccato rageur quand Harry pénétra à son tour dans la cuisine. Prudemment, il choisit de se laver les mains dans l'évier plutôt que de risquer de partager le lavabo de la salle de bains avec elle. Il était désarçonné par le brusque changement de sentiment de la jeune fille à son égard. Puis il se souvint que lui-même avait été soumis à de fréquentes sautes d'humeur alors qu'il venait de perdre Sirius.

— Dis Harry ! Elles sont propres tes mains, fit la voix de Ron.

Effectivement, tout à sa rêverie, il se savonnait frénétiquement, davantage que ne le requérait l'hygiène de base. Il laissa rapidement la place à ses amis, fuyant le regard inquisiteur d'Hermione.

Alors qu'ils s'installaient, Ginny s'arrangeant cette fois-ci pour se trouver loin de lui, George et Lee arrivèrent. Durant le repas, Mrs Weasley leur fit part des dernières nouvelles qui avaient été annoncées à la radio dans la journée. Dans la matinée, le nouveau ministre avait aboli toutes les lois sur la pureté du sang. Cette décision avait provoqué un raz-de-marée au ministère, qui avait été envahi par des centaines de sorciers qui exigeaient qu'on leur rende leur baguette. Les chroniqueurs de la RITM[1] avaient relayé les consignes officielles : les demandeurs devaient laisser leur nom et attendre une convocation pour revenir. Tous les cas seraient traités aussi vite que possible.

Ceux qui avaient dû s'enfuir étaient invités à rentrer chez eux et à se présenter dès qu'ils le pourraient à leur travail. Il fallait au plus vite rouvrir les magasins et permettre aux services administratifs de retrouver leur activité normale. Les guérisseurs en particulier étaient appelés à rallier Ste-Mangouste pour s'occuper des blessés de la bataille de Poudlard et de ceux qui avaient mal supporté leur détention à Azkaban.

— Je dois transmettre toutes ces directives au Potterveille de ce soir, commenta Lee. J'ai déjà lancé un appel à midi. Je vais continuer plusieurs jours, le temps que tous les fugitifs l'entendent.

— On a écouté une de tes émissions, s'enthousiasma Harry. C'est formidable ce que tu as fait. On a tellement ri. Cela faisait des mois que cela ne nous était pas arrivé.

— C'était notre idée à tous les trois, tempéra modestement Lee en désignant George à ses côtés.

Celui-ci ne semblait pas suivre la conversation. La tête appuyée sur un coude, il triturait sa nourriture du bout de sa fourchette.

— Il faut que tu manges, mon chéri, soupira tristement sa mère. Il faut bien continuer…

Sa voix se brisa.

— Ce soir, je parlerai de Fred, de Lupin et de Tonks, dit Lee d'un ton rauque. Tu viens faire l'émission avec moi, George ?

Ce dernier secoua la tête, sans même lever les yeux.

— Tu ne seras pas obligé de prendre le micro, mais j'aimerais que tu sois là, plaida Lee.

George continua à faire des cercles avec sa fourchette.

— Qui veut reprendre des légumes ? demanda Mrs Weasley quand il fut évident que son fils ne répondrait pas.

Une demi-heure plus tard, la cheminée s'illumina et Mr Weasley en sortit, les traits tirés.

— Ah, mon chéri, enfin ! commenta sa femme. Viens vite t'asseoir, tu sembles épuisé. Ce n'est pas raisonnable de rentrer si tard, tu as à peine pris le temps de dormir, ce matin.

— King ne s'est pas couché du tout et il est encore là-bas, répondit son mari. Il y a tant à faire.

— Laisse cela aux jeunes, nous avons fait notre part.

— J'ai laissé Percy au ministère avec des heures de travail à effectuer. King n'a pas tant de personnes sur qui il peut compter, expliqua Arthur Weasley. Même moi, je suis incapable de déterminer quels fonctionnaires agissaient par peur ou par conviction.

— Qu'avez-vous fait d'Ombrage ? demanda Hermione.

— Elle et tous ceux qui ont activement écrit et fait appliquer les lois sur la pureté du sang ont déjà été envoyés à Azkaban. Nous les jugerons dès que possible. Enfin du moins ceux qui n'ont pas réussi à fuir. Les Rafleurs en particulier seront difficiles à récupérer. Et Merlin sait quels ravages ils sont capables de faire, maintenant qu'ils sont à leur tour pourchassés.

— Les Aurors vont les attraper, non ? espéra Ron.

— La moitié des Aurors ont été suspendus, soupira son père. C'est encore un problème supplémentaire. King pense qu'il va faire appel à tous ceux qui sont venus se battre à nos côtés hier. Il va fonder une milice temporaire pour faire régner l'ordre et mettre la main sur les complices du régime de Vous-Savez-Qui.

— On peut s'inscrire ? s'enquit Ron.

— Il n'en est pas question, s'insurgea sa mère. Tu dois te reposer et retourner à Poudlard.

— Pauvre Ron qui n'a pas atteint la limite d'âge, ironisa Ginny.

— Voulez-vous que je parle de tout cela pendant l'émission de ce soir ? demanda Lee.

— Oui, ce serait une bonne idée, approuva Mr Weasley. Que les volontaires se présentent directement au ministère. On va également mettre en place une chaîne de solidarité. Ah ! il faut aussi signaler que la cérémonie funèbre pour les victimes de la bataille d'hier se tiendra demain à Poudlard à partir de treize heures. Les noms de tous ceux qui sont tombés cette année sous la baguette des Mangemorts et affiliés seront cités.

— D'accord, dit Lee. Il faut vraiment que j'y aille, maintenant. Je suis à l'antenne dans un quart d'heure. Tu viens George ?

L'interpellé refusa une nouvelle fois de la tête.

— Je suppose qu'on se reverra demain à Poudlard, conclut l'animateur. Bonsoir tout le monde. Merci pour le repas, Mrs Weasley.

— C'est moi qui te remercie d'être venu, lui répondit la matriarche. À demain.

Quand Lee eut disparu dans la cheminée, George murmura :

— Je vais me coucher.

Il monta les escaliers d'un pas lourd. Harry réalisa que c'était la première fois qu'il entendait sa voix de la journée. Il vit Mr et Mrs Weasley échanger un regard désolé. Les épaules basses, Arthur s'assit à table.

Sa femme s'empressa de le servir.

— Eh bien, les enfants, qu'avez-vous fait aujourd'hui ? demanda le père de famille. Vous êtes-vous bien reposés ?

— Oui, Mr Weasley répondit Harry. Nous avons dormi tard. Ensuite, nous sommes allés voir Andromeda Tonks et Teddy.

— Ce pauvre petit ! commenta Mrs Weasley. À peine un mois et déjà orphelin. Et Andromeda qui se retrouve toute seule avec une telle charge.

— Je suis son parrain, précisa Harry. J'espère pouvoir l'aider un peu. Enfin, dans la mesure de mes moyens.

— Il faut d'abord qu'il apprenne à le tenir sans lui mettre la tête en bas, fit malicieusement remarquer Hermione. Et ne pas le secouer après son biberon. Teddy a tout rejeté sur la manche de Harry tout à l'heure.

— Ce n'était pas de ma faute ! protesta le jeune homme outré.

— Élever un enfant, c'est renoncer à garder sa robe propre, énonça sentencieusement Mr Weasley. Mais dis-toi que certaines taches valent des médailles. Enfin toi, évidemment, ce n'est pas ce qui te manquera. Je ne pense pas que tu puisses éviter l'ordre de Merlin.

— Oh non, gémit Harry.

— Pauvre Harry, ironisa Ron.

— Tu risques d'en recevoir une, toi aussi, lui apprit son père.

— Tu es sérieux ?

— Les médailles pleuvent après les guerres, Ron, tempéra Hermione. On sera loin d'être les seuls.

— Mais peu de personnes pourront se targuer d'avoir dans la même journée cambriolé Gringotts, chevauché un dragon et mené le soulèvement de Poudlard, fit remarquer Mr Weasley.

— Comment savez-vous que nous sommes allés à Gringotts ? s'étonna Hermione.

— C'était dans le journal ce matin. Vous n'êtes pas passés inaperçus sur le Chemin de Traverse. Si tu veux le lire, je l'ai laissé dans la poche de ma cape.

— Mais que diable êtes-vous allé faire à Gringotts ? demanda Molly, pendant qu'Hermione se levait pour aller chercher La Gazette de Sorcier.

— C'est compliqué, éluda Harry, après avoir échangé un regard avec Ron.

— À ce propos, reprit Arthur, Kingsley passera demain vers midi. Il souhaite te parler. Mais ne t'en fais pas, précisa-t-il en remarquant l'expression de Harry, si tu ne veux rien lui dire, il n'insistera pas.

— Je suppose que je pourrai me confier davantage à lui qu'à son prédécesseur, admit Harry.

— Nous verrons cela en temps utile, temporisa Mr Weasley. Potterveille va commencer.


[1] Radio Indépendante à Transmission Magique

Ce qui vient de l'interview de JKR (30 juillet 2007) :

- Teddy a été élevé par Andromeda. Teddy avait son parrain, Harry, et tous les amis de son père dans l'Ordre, chez qui il pouvait passer du temps.

- Teddy, c'est un Métamorphomage, comme sa mère et il n'est pas loup-garou