Oui je récidive encore et publie à nouveau ici. Je vais peut être finir par me faire une petite place qui sait ? Je vous le dit d'avance, vous n'avez pas fini de me voir (oui moi aussi ça me désole mais rassurez-vous, je ne vous oblige pas à lire si vous n'aimez pas).

Genre : Romance sans vraiment l'être, drama sans vraiment l'être non plus alors on va dire un peu des deux, beaucoup de mélancolie et un brin d'espoir.

Disclaimer : Les personnages du manga Naruto appartiennent à Kishimoto. De toute manière ceux qui me connaissent vous le diront, le dessin et moi ça fait dix-huit.

C'est un os sans en être un. Lisez comme tel, lisez comme un début d'histoire, les deux iront. Une suite pas tout à fait suite en préparation, tout ça à cause d'une chanson, Dis lui oui (ceci explique cela) de Bénabar, qui m'a donné plusieurs pistes de réflexion sur la façon dont on vit une rupture. Cette partie n'est pas vraiment marrante, la seconde le sera plus (et plus ooc aussi). J'espère ne pas avoir trop décalé les personnages de leurs caractères. Et pour ceux qui en lisant diront que Sakura n'est pas amoureuse de Naruto, je dirais que c'est une nuance d'interprétation possible, certains sous-entendus permettant à mon avis, cette vision.

Dernière précision scénaristique : Plus d'Akatsuki. Sasuke a tué Itachi et Naruto l'a ramené – après un bon bastonnage en règle mais Sasuke était affaibli alors ça ne compte pas – à Konoha. S'en est suivit, prison et interrogatoire. Puis un certain temps après la remise en liberté conditionnelle de notre brun préféré, Naruto et lui se sont mis ensemble. A condition qu'on puisse dire qu'ils le soient. Ce n'est pas si facile que ça de leurs points de vue.

S'il reste des fautes pardonnez m'en, j'ai beau me forcer, j'ai toujours autant de mal à me concentrer, il faut que je chercher une bêta qui pourrait le faire pour moi.

Bonne lecture !


¤ Dis lui oui ¤

Une drôle de nuit pour Konoha. Le silence habituel troublé par une course effrénée sous la pluie. Une silhouette glissant dans les flaques d'eau, tombant dans la boue se relevant et continuant à courir en perdant haleine. Ses cheveux blonds mi longs collant sur sa peau tannée. Un T-shirt trop grand bleu marine, un pantalon large tombant sur les hanches, des yeux rougis emplis de larmes. Non, c'est la pluie qui tombe ce n'est pas lui qui pleure. Regardez le, un jeune homme énergique, toujours en pleine forme, c'est impossible, il ne peut pas pleurer… et pourtant…

Des sanglots qu'il ravale, un sac bourré qui contient quelques rares affaires enfouies à la va vite. Même pas le temps de s'expliquer ni de comprendre et le voilà dehors, la porte claquée en pleine figure. Vraiment qu'est-ce qu'il a fait ? Il ne sait même pas ce qui se passe. Tout ce que sa tête lui passe en boucle sonne mélodramatique. Quelques mots balancés aussi vite que le sac, ce visage fermé et ses lèvres si fines qu'elles forment un seul trait.

- Casse-toi.

Pas de cris, pas de disputes. Tout allait bien entre eux, non ?

Il l'a même pas trompé d'abord pourquoi ça finit comme ça ? Il range ses affaires, a même appris à faire à manger, ne le gêne pas en mission. Qu'est-ce qu'il peut faire de plus ? Le brun se serait-il lassé ? Mais lui alors, on s'en fout de ce qu'il pense ?

Il s'arrête un instant pour changer de main son sac et passe son bras sur ses yeux. En fait peut-être qu'il pleure un peu. Juste un peu alors. C'est à cause de la pluie, ça amène des poussières et ça abîme ces yeux. C'est faux, il ne se cherche pas d'excuses ! Pas du tout ! Faut pas croire qu'il pleure pour ça, c'était juste une colère passagère, demain il s'excusera et ils pourront continuer ensemble.

Il se dit tout cela à mi-voix, seul dans ces rues vides. Néanmoins, le mauvais pressentiment de son cœur ne cesse de grandir. Ce n'était pas une colère ordinaire. Trop de silence et de douleur dans les gestes. Il revit en boucle l'instant où tout a basculé. L'éclat déterminé des pupilles onyx. La pâleur du visage et les cernes, contour obscur de son regard. Le claquement mat de la porte et le verrou qu'on tourne. Le bruit d'un corps qui glisse le long d'une cloison quelconque à l'abri derrière ces murs horribles suintant la mort. Des murs qu'ils avaient appris à emplir de leur vie commune. A présent nus et délaissés. La pluie s'intensifie et les gouttes d'eau jaillissent par cascade sur son visage ravagé.

Jamais encore ce n'était arrivé. Bien sûr des disputes, ils en avaient par dizaines. Entre son caractère emporté et celui taciturne de Sasuke, c'est prise de tête assurée pour des broutilles tous les deux jours. A croire qu'autrement qu'avec des insultes, il leur est impossible de s'exprimer. Pas qu'il soit le genre d'homme à aimer le romantique, les soirées aux chandelles et les dîners en amoureux avec pétales de fleurs sur le lit, il n'est pas une femme. Il aurait juste bien aimé un peu de tendresse de temps en temps, que le brun brise cette glace constante entre eux, qu'il s'ouvre. Autant tenter de décrocher une étoile…

Son visage se lève vers elles justement, cherchant réconfort ou signe du destin. Les nuages noirs s'amoncellent dans le ciel, lourds et désagréables présages pour lui. Ses yeux scannent la rue et s'arrêtent sur un bâtiment un peu en retrait qu'il connaît parfaitement. Ainsi ses pas l'ont mené là. Un pâle sourire passe sur son visage. Il reprend sa course éperdue, bifurque et escalade, se retrouve devant une fenêtre fermée. A travers les rideaux un peu de lumière. Il ne réfléchit pas, frappe comme un fou jusqu'à ce que la ou les personnes à l'intérieur bougent. Une tête profondément ennuyée, un drap couvrant sa poitrine, une chevelure rose un peu humide.

- Naruto ?! Tu ne peux pas passer par la porte comme tout le monde !

Il ne répond pas, se relève dans la ferme attention de faire demi-tour. Une plainte lui échappe malgré toute sa concentration. Il se maudit intérieurement, se mordant à saigner l'intérieur de ses joues. Il se traite de tous les noms. En étant aussi bête, pas étonnant que Sasuke ne veuille plus de lui. Toute cette histoire c'est du grand n'importe quoi. Pour qui va-t-elle le prendre ? Pour un gamin stupide.

- Naru…to ?

Il lui jette un regard en coin et ses pupilles bleues sont un gouffre de désespoir. Il essaye de reculer, s'il part maintenant, demain elle aura tout oublié. Plus prompte que lui, elle lui attrape la jambe, le fait tomber par terre. Les derniers morceaux de sa fierté se dissipent dans l'air et il se précipite à genoux vers elle, tombant dans le creux de son cou, pleurant de tout son soûl. Elle manque d'en perdre son drap sous le choc, le fixant sans comprendre, trop hébétée pour réagir immédiatement. Raffermissant sa voix, cachant sa surprise au fond d'elle, elle fait face difficilement.

- Rentre.

Elle s'écarte et il rentre timidement, s'excusant à tout va. Elle lui sourit tristement lui disant que ce n'est pas grave, qu'il ne dérangeait pas. Oui, elle ment et il le sait. C'est pour ça qu'il se sent coupable et encore un peu plus nul qu'avant. La porte de la chambre s'ouvre à ce moment là et un jeune homme aux sourcils épais entre à grands pas, une serviette dans les cheveux. Il se fige sur la scène. Le blond danse d'un pied sur l'autre et ses joues rougissent brusquement. Qu'est-ce qu'il lui a pris de venir là franchement. Il aurait mieux fait d'aller pleurer dans un coin.

- Sakura-chan, j'ai entendu du bruit, y a un prob… Naruto ? Qu'est-ce qui se passe ?

Il ne répond pas, continuant de pleurer. Distrait, il se demande si on peut mourir de déshydratation à force de pleurer. Il sera sans doute le premier cas répertorié. Les manuels médicaux garderont son nom précieusement. Lui qui voulait qu'on se souvienne de lui. Il s'excuse dans une litanie, essaye de partir mais trébuche et tombe à côté du lit. Il reste là, les bras le long du corps et pleure, pleure, pleure jusqu'à se noyer dans sa douleur.

Cette histoire sonne comme un mauvais vaudeville. La jeune femme esquisse un geste vers Lee et il hoche la tête. Elle s'habille rapidement, pas gênée pour deux sous d'être nue devant lui et trop inquiète pour se formaliser de ça après tout. Puis elle vient s'installer à ses côtés, pose les mains sur ses épaules. Elle l'attire à elle et il se laisse amener sans se débattre. Elle aussi a soudain envie de pleurer. Elle voudrait poser des questions mais se l'interdit. Ce n'est pas le moment.

Alors elle lui caresse les cheveux doucement, dessine des ronds apaisants dans son dos, murmure des mots. Si quelqu'un lui demande demain de raconter ce qu'elle a dit, elle sera bien en berne pour le faire, elle ne sait même pas si ce qu'elle raconte a un sens. Quand les mots ne résolvent rien et deviennent obstacles, elle chante à voix basse et commence un mouvement d'avant en arrière, un peu comme on berce un enfant après un mauvais rêve. A un moment, peut être même qu'elle lâche une ou deux larmes parce qu'elle ne sait pas quoi faire d'autre.

Combien de temps s'écoule, elle ne saurait le dire. Le blond se calme petit à petit. Il finit par se reculer et ses joues sont à nouveau rouges de gêne. C'est adorable et elle lui dit. Il rit un peu et tousse. Tremblant et les yeux baissés, il s'excuse de l'avoir mouillé. Elle lui sourit et lui prend la main en se relevant. Il la questionne du regard.

- Lee nous a fait du thé, ça va te faire du bien.

Sa voix est apaisante et lui parvient étouffée. Il se sent protégé dans ce cocon de tendresse qu'elle lui offre sans limite ni arrières pensées. Il acquiesce et se laisse traîner, leurs deux mains scellées. C'est drôlement apaisant comme sensation. Seulement, ça lui donne à nouveau envie de pleurer. Alors, à contrecœur, il laisse aller cette main amicale et la jeune femme s'arrête pour l'observer, visiblement choquée qu'il refuse ce geste. Il hausse les épaules et détourne les yeux.

- Lee va être jaloux.

Elle soupire et reprend sa main, entremêlant leurs doigts, le dissuadant de la gauche de recommencer son manège.

- Ne sois pas stupide. Lee ne dira rien.

Une note menaçante signifiant : « Il n'a pas intérêt ».

L'espace d'une seconde, il serait prêt à le plaindre d'endurer un tel caractère. Une seconde seulement car dans celle d'après, il se remémore tout l'amour et le soutient qu'elle donne sans discontinuer afin que les gens qu'elle aime ne cesse de sourire. Il sait le cœur d'or derrière le côté emporté et garçon manqué. Elle est loin la petite égoïste hurlant son amour à Sasuke pour tenter de le retenir et ne se préoccupant que de ses propres sentiments.

La cuisine aux tons jaunes accueillants l'éblouit et il cligne des yeux. Lee en T-shirt caleçon s'affaire à préparer un thé digne d'un roi avec biscuits à la clef. L'horloge sonne. Il lève la tête. Les aiguilles indiquent minuit. Ses yeux bleus s'écarquillent juste une seconde. Ce soir il n'a pas mangé. Où s'est enfui le temps ? Il n'était pourtant pas dix-huit heures quand… il a dû errer dans les rues. Il soupire, passe une main distraite dans ses mèches humides et s'apprête une fois de plus à s'excuser. La rosée pose une main sur sa bouche et lui montre de la tête la table.

- Tu ne déranges pas. Jamais. Va t'asseoir.

Penaud comme un jeune enfant pris en faute attendant sa punition, il s'installe sur la chaise en faisant bien attention. Il a l'air perdu. Le couple qui s'assoie à son tour échange des regards embarrassés et mélancoliques. A-t-il vingt ans ce soir ? On lui en donnerait à peine quinze. Il tourne son thé, absent, émiette son biscuit sans l'avaler, rajoute trois sucres lui qui n'en prend jamais. Ce silence nerveux et la pluie qui s'abat dans la nuit. Il est si proche d'eux et si loin à la fois. Pour Sakura jamais Naruto ne lui a paru plus distant qu'aujourd'hui. Celui là de blond, elle ne le connaît pas et il ne lui plaît pas.

Elle a mal de le voir dans cet état. Lee lui serre le bras tendrement, elle le regarde à peine. Oui elle le fait souffrir mais qu'est-ce qu'elle y peut elle ? On ne choisit pas la personne qu'on aime, sinon il y aurait nettement moins de cœurs brisés sur la planète. Il est bien gentil, il est plutôt mignon, il est pas mal au lit et en plus il tient à elle. Seulement il ne possède pas des yeux bleu clairs comme un ciel d'été ni cette assurance tranquille teintée de fragilité et de force à la fois. Avec lui elle se sent bien mais pas chez elle. Il n'est pas son monde, sa maison, son soleil. Le blond est passé avant et ses cheveux de blé ont emprisonné sans le vouloir son cœur de jeune fille.

Il a remplacé Sasuke d'une façon qu'elle ne pensait même pas réalisable. C'est venu petit à petit, pas d'une seconde à l'autre comme dans les films à l'eau de rose qu'elle regarde parfois à la télé. Le pire a été de se demander si, dans l'éventualité où elle en serait tombée amoureuse plus tôt, il aurait aimé Sasuke… mais penser ainsi n'est pas bon. Elle a arrêté et fait une croix dessus depuis plusieurs années.

Elle ne peut rien y faire. C'est juste que lorsqu'il est là, rien d'autre ne compte. Lee le sait, en souffre mais l'accepte. Ce n'est pas plus mal. Elle n'en demande pas plus. Juste des bras pour la consoler, des baisers pour la faire vivre et une présence dans l'appartement lorsqu'elle rentre de mission. Une épaule qui ne pose aucune question. Pas plus, pas moins. Un jour peut être arrivera t'elle à l'aimer.

Sa main saisit une mèche de cheveux roses et les entortille nerveusement. Naruto au bout de la table boit son thé froid sans grimacer.

- Alors… tu nous expliques ?

Il sursaute, la fixe avec un drôle de regard bovin, revient à lui. Vraiment celui là, il ne changera jamais se dit-elle et ça la rassure.

- Il m'a jeté dehors. C'est fini.

Un blanc troublé par le tic tac régulier de l'horloge. Les poings de Lee empoignent la table en bois et les jointures de ses mains blanchissent dangereusement. Sakura renverse sa chaise sur le sol en se levant, totalement choquée.

- QUOI ?!

Il la regarde toujours sans ciller, parfaitement calme maintenant. On croirait que la crise de larmes n'ait jamais arrivé. Ces yeux sont deux lacs sereins. Elle a envie de le gifler. Au lieu de ça, elle relève sa chaise sans ajouter quoi que ce soit et se rassoit. Elle tient sa tasse pour qu'il ne voie pas le tremblement de ses doigts, n'osant pas la lever pour boire de peur de la laisser s'écraser sur la table dans un geste maladroit. Il pousse le vice jusqu'à lui sourire. Et là, son estomac effectue un drôle de retournement dans son corps. Pourquoi est-il toujours si courageux !

- Euh… Sakura-chan, je peux dormir ici ce soir ? J'ai pas envie de rentrer à l'appartement.

J'ai pas envie d'être seul hurle son comportement. Il rougit et baisse la tête. Elle lui parle doucement, de cette voix que prennent les gens quand ils veulent apprivoiser un animal sauvage.

- Bien sûr Naruto.

Pas de réflexion. Lee approuve l'air de rien même si son avis ne compte pas. Qui serait suffisamment insensible pour jeter une telle petite bête apeurée dehors ? Excepté un imbécile de glaçon prodige qu'il écartèlerait volontiers s'il l'avait sous la main.

Le silence en fond sonore. Sakura se lève et débarrasse la table, fait la vaisselle. Lee l'embrasse sur la tempe et emmène Naruto pour lui faire prendre une douche et préparer un futon dans le salon. Elle le remercie mentalement. Pas la force de parler.

Quand le blond revient dans la cuisine, séchant énergiquement ses cheveux, elle est dos au mur et ses yeux sont vides. Ses jambes sont croisées, ses mains posées à plat sur le crépi comme si elle avait peur de tomber. Dans un sens, c'est un peu ça. Elle est dépassée. Elle ne comprend pas, la vie s'est sensée être magnifique. L'Akatsuki n'existe plus, Sasuke est revenu et si leur couple a surprit tout le monde et détruit une partie d'elle, au moins tout allait bien. Elle savait dès le départ qu'il ne l'aimait pas de la façon dont on aime une épouse, plutôt de la manière dont on aime une sœur. Naruto était heureux. Pourquoi ? Pourquoi a-t-il gâché tout ça ?

Il se racle la gorge, affreusement mal à l'aise et elle relève la tête, souriant comme si tout allait bien. Il le lui rend tendrement. Deux vieux amis unis par une complicité que personne ne pourra leur enlever. Elle passe devant lui pour qu'il ne voie pas sa détresse. Pas besoin qu'il culpabilise en plus du reste.

Elle lui pose une couverture sur le corps et le borde. Il rougit. Elle rit et joue avec ces cheveux étonnamment doux et soyeux. Ses yeux se ferment et sa respiration s'apaise. S'appuyant sur ses cuisses, elle se relève, éteint la lumière et commence à monter les quelques marches qui mènent à la chambre. Elle s'arrête, guidée par une intuition et retourne en arrière. Un peu d'adaptation à l'obscurité et elle distingue les formes du corps qui ondule sous la couverture, lui tournant le dos. Elle contourne le canapé et le futon, revient à la place qu'elle vient de quitter.

Les yeux grands ouverts, trois doigts dans la bouche qu'il mord à en saigner pour éviter de lâcher des gémissements. Elle hésite à s'installer à ses côtés, à attendre qu'il se calme ou bien à repartir l'air de rien dans la chambre. Elle est fatiguée, déprimée. Pourquoi les mots ne peuvent-ils apaiser ce jeune homme si précieux pour elle ? Une main serre convulsivement la couverture, il ferme les yeux pour échapper à la douleur même si ça ne change rien.

La mort dans l'âme, elle repart silencieusement dans la chambre. Il ne supporterait probablement pas qu'elle vienne une fois de plus le consoler. Sa fierté, c'est tout ce qui lui reste. Elle se bouche les oreilles au premier sanglot qui lui parvient et accélère, rentre dans la chambre, referme la porte et tombe sur le lit se réfugiant dans les bras tendus de Lee. C'est son tour de pleurer, son tour de supplier. Elle gémit et les mots lui échappent. Des Sasuke pourquoi mêlé à une détresse poignante qu'elle ne peut pas garder pour elle. Pas ce soir, pas après l'avoir vu comme ça.

Pourquoi ne peut-on pas choisir de qui tomber amoureux ? C'est injuste ! Le débit s'accélère, saccadé, fracassant et les larmes s'effondrent sur le T-shirt de gros sourcils qui fait pression sur l'arrière de sa tête pour qu'elle s'enivre de sa puissance. Elle appelle, murmure amère des malédictions incroyables pour le brun qui ose détruire Naruto ainsi. Sa voix rauque ne cesse de se briser. Lee éteint la lumière et remonte les draps sur eux deux. Entre deux pleurs d'elle, il entend les cris du blond dans le salon.

Dans quoi s'est-il embarqué au juste ? Il répond à Sakura qu'il s'occupera de Sasuke, qu'il lui démolira sa belle gueule d'ange déchu, que Naruto va aller mieux, qu'il faut qu'elle dorme, la nuit porte conseil. Il parle encore et encore de tout et de rien, des oisillons qui finissent par quitter le nid sous les yeux des parents qu'on le veuille ou non, d'un pot de miel et d'une abeille coquine. Il parle si longtemps que sa gorge s'assèche. Finalement, le poids sur son épaule s'allège et il comprend qu'elle s'est endormie, totalement exténuée.

Ses mains se déplacent, il la soulève un peu et la dépose sur le côté. Elle s'accroche à son T-shirt en gémissant dans son sommeil. Il la laisse faire et contemple le plafond, s'efforçant de ne pas la toucher plus que le minimum de peur de céder. Chaque matin partir s'avère demander plus de courage.

A l'aube, il peut enfin se dégager de sa poigne et quitter l'appartement pour partir en mission. Pas de message, il sait qu'elle ne le lirait pas.

Le réveil de la jeune femme sonne comme un dératé. Elle grogne et son bras quitte le refuge chaud et moelleux de sa couette pour taper le maudit machin qui lui casse sa nuit. Ses paupières papillonnent et elle s'assoit sur le matelas en se frottant les yeux. Elle s'étire félinement, masse sa nuque et finalement, au bout de cinq minutes, se décide à ouvrir les yeux. La lumière douce du jour qui monte achève de l'éveiller et elle sifflote gaiement en s'enfermant dans la salle de bain.

L'eau fraîche remet ses idées en place et elle sursaute, file se changer et se précipite dans le salon, espérant que tout n'était qu'un songe.

Il est là, dormant sur le côté droit, le bras gauche en arrière, les jambes écartées dans une position grotesque, un filet de bave au bord des lèvres. Ses traits sont tirés et s'agitent régulièrement. Son sommeil n'est pas tranquille et ses membres tressautent de temps à autres. Il est mignon. De nouveau, elle a envie de pleurer.

Elle respire et file dans la cuisine préparer un petit déjeuner digne de ce nom, priant pour qu'il ait faim. Attiré par l'odeur, il pousse la porte dix minutes plus tard, sa bouche pâteuse et ses yeux collés, ses cheveux partant dans tous les sens et baillant à s'en décrocher la mâchoire.

- 'jour Sakura-chan.

Le siège le plus proche devient sa chaise attitrée. Il tombe dessus, croise les bras et pose sa tête entre. Le matin pas de question avant le premier bol de lait. Pas la peine, il n'est pas encore présent mentalement. Elle dépose une omelette dans son assiette, la pousse vers lui. La tête se relève, le nez frétille, l'azur de ses yeux s'ouvre au monde. Il mange, encore ailleurs. Elle le regarde plus qu'elle ne se nourrit, attendant l'instant fatal où il va se rappeler pourquoi il est là.

En attendant, il boit une rasade de lait et un peu de liquide coule sur son menton. Elle réfrène ses ardeurs. Quand il est comme ça, elle a toujours envie de l'embrasser. Elle suit des yeux la descente du liquide, hypnotisée par ce filet qui descend dans son cou. Vraiment, quelle chance que Naruto soit aussi candide ! Il termine son repas, s'essuie, repose sa tête sur un seul de ses bras cette fois et parle.

- J'ai fait un rêve bizarre cette nuit. Sasuke me jetait dehors et je venais pleurer dans tes bras. C'est stupide parce que si je faisais un truc pareil, tu m'enverrais direct à l'hôpital ! D'ailleurs comment ça se fait que j'ai dormi chez toi ?

Ses lèvres tressaillent. Il soupire.

- C'était pas un rêve c'est ça ?

Elle ne répond rien et range les affaires, cherche ses mots. Ceux qui lui viennent sont futiles.

- Je suis désolée Na…

Il la coupe en hurlant, sa peau bronzée pâlissant à vue d'œil et appuie sa colère à grands renforts de gestes maladroits.

- NON ! Je me suis fait des films hier c'est certain ! Je vais aller le voir tout de suite et il va m'expliquer. J'ai du faire quelque chose forcément, ça peut pas se terminer ainsi, sans une explication. JE REFUSE !

Il se lève et elle entend la porte claquer. A pas mesurés, après avoir étendu du linge, elle part à son tour, direction l'hôpital, le cœur lourd et les épaules baissées. Elle passe la matinée à se perdre en soignant les patients puis s'enferme dès midi dans le laboratoire et ouvre l'air las ces livres pour travailler de nouvelles techniques. Elle se concentre sur les mots qui défilent sous son regard inquiet comme si travailler l'empêcher de penser.

A la tombée du jour, lorsqu'elle revient chez elle, il est assit devant la porte jouant avec un kunai. Elle ne soupire pas, ne pleure pas, ne passe pas une main nerveuse dans ses cheveux roses alors qu'elle se consume d'envie de le faire. Lui obstiné fixe le sol s'attendant presque à ce qu'il l'avale. Une partie d'elle est heureuse qu'il soit là, la partie égoïste qui profite de le savoir faible pour se rapprocher encore un peu plus de lui. L'autre partie est simplement compréhensive, nul doute que dans la même situation, elle se tournerait vers lui, s'il n'était pas le responsable de sa détresse. Ils rentrent.

- Reste aussi longtemps que tu le voudras Naruto.

- Merci.

Pas de réponse. Elle tente bien de le dérider pendant la soirée en racontant les déboires de Tsunade, ne parvient qu'à lui arracher un sourire si fugitif qu'elle pense l'avoir imaginé. Il dort dans le salon, sur son futon habituel. Elle a mal à la gorge de ne pas pouvoir l'aider. Sa colère monte.

Jour après jour, elle quitte l'appartement pour se rendre au travail. Soir après soir tente de le faire sourire. Nuit après nuit, elle réfrène son envie d'aller exploser les traits aristocratiques de son imbécile de second coéquipier. Certains jours, il est si perdu dans son monde, à des années lumières du sien qu'il lui semble que le Naruto qu'elle aime ne reviendra jamais. On dirait presque qu'il est en pause, condamné à mort attendant la potence pour se délivrer de lui-même. C'est si atroce à croire, à constater et à avouer qu'elle en pleure régulièrement. Pour qu'il ne voie pas ce que son état provoque, elle utilise la bonne vieille excuse des oignons. Ils en mangent à chaque repas. Elle bénit une fois de plus son innocence.

Une semaine passe. Il est encore là. Lee est rentré de mission, il a comprit immédiatement et est parti dans la ferme intention de flanquer une raclée mémorable au brun. Penaud et rageur, il est rentré une heure plus tard, expliquant que les portes et les fenêtres sont closes, que personne ne répond alors qu'il n'est pas en mission. Il s'est excusé en frappant le mur pour extraire son dépit. Elle l'a embrassé pour le faire taire. Il a noué ses bras autour de ses hanches, leurs langues se sont rencontrées avec ce goût hypnotique de passion amère.

Les pieds emmêlés, leurs langues se liant et se déliant, ils ont reculés dans le couloir pour ouvrir la porte de la chambre, la main de Lee titillant à travers son haut, le bout de chair des seins de Sakura. Ce n'était pas précisément la seule manière de le calmer mais c'est la seule qu'elle a trouvé. Ils n'ont pas pris le temps d'allumer la lumière, claquant la porte d'un coup de pied agile, elle lui a retiré son atroce combinaison verte. Dans la folie du moment, elle lui parlait de sentiment et Lee la bâillonné de sa bouche pour ne pas qu'elle regrette. Le rythme de leur cœur s'est brusquement accéléré dans un crescendo prodigieux qui a brisé leurs dernières barrières de retenues.

Il l'a faite tomber sur le lit, l'a déshabillé amoureusement, une fièvre dans le regard. Elle l'a aidé et ils ont couchés ensembles. Lui il lui a fait l'amour. Certains parmi les ninjas se gaussent de lui en secret. Il en ricane. Il l'aime. Un jour, elle l'aimera à son tour, il suffit qu'il attende. Maintenant, elle dort dans ses bras et lui s'inquiète. Pour elle, pour lui, pour Naruto, pour Sasuke. Moins pour Sasuke que pour les autres il faut l'avouer.

Le blond n'est pas ennuyeux, il se fait si petit qu'on oublierait parfois qu'il est présent. Il mange peu, les laisse en tête à tête, se réfugie sur la terrasse de longues heures, revient les yeux rouges et ses sourires ont disparus. Des cernes baillent sous ses yeux, bleues violacées sur sa peau lui donnant un air passablement effrayant. Demain, il a une mission en solitaire. Lee trouve que c'est dangereux, dans son état c'est même limite suicidaire.

Godaime a beau dire qu'il n'y a que ça à faire, qu'il va reprendre le dessus, que ça ne que lui faire du bien, il doute. Naruto ne fera pas de conneries délibérément seulement…

Certains diront qu'il le materne, qu'il en fait trop, qu'il devrait avoir confiance en lui. La vérité c'est qu'il n'a jamais vu le blond dans un tel état d'hébétude et qu'il ne sait pas gérer ça. On acquiert avec le temps des jugements définitifs sur le caractère des gens. Naruto pour lui, c'est une pile, une tornade, une mer éternellement agitée, un volcan perpétuellement en activité. Actuellement, sa façon d'être est proche de celle du désert, lumineux, brûlant et terriblement vide. C'est si éloigné de ce qu'il connaît et c'est si difficile de se dire qu'on s'est trompé, que finalement cet ami qu'on croyait connaître reste inconnu.

Tout le village est au courant de leur séparation. Ca jase dans tous les coins, les filles gloussent et se moquent, bien contentes de savoir que toute chance n'est pas perdue pour elles. C'est stupide, inutile, débile. A part le blond, personne n'a jamais réussit à faire réagir le brun. Comment peuvent-elles imaginer que Sasuke pourrait changer de bord pour se tourner vers le regard bavant qu'elles lui lancent quand il les croise ? Les voit-il au moins ? En dehors de Naruto, Kakashi et Sakura, les autres ont-ils une existence palpable à ses yeux ? Peu probable.

Les gens se créaient des espoirs illusoires pour fuir la vérité.

Par contre s'il parvient à mettre la main sur le brun, il le déchiquète. Après tout ce que Naruto a fait pour lui, il aurait au moins pu lui annoncer en prenant des pincettes. La diplomatie n'est pas un art si compliqué ! Ce n'est pas le fait qu'ils formaient le couple le plus connu et apprécié de Konoha (même si le faire accepter aux plus anciens s'est révélé une partie compliquée à jouer), ni même que Sasuke ne soit humain qu'en la présence de Naruto dans les parages ou que leur association en mission révèle une osmose parfaite.

Ils se comprennent à mots couverts, à regards à peine appuyés, sans esquisser de gestes. L'un est le complément de l'autre. S'ils se séparent pour de bon, Konoha va perdre une très bonne puissance. De ce point de vue là, il est même impossible qu'ils se séparent. Pour le bien du village et pour le leur. Voilà la véritable raison pour laquelle il s'est rendu au domicile Uchiha la veille…

… Mais non, dire tout ça à la porte de la demeure du brun n'a rien changé, était-il au moins proche de la porte pour entendre les mots qu'il hurlait pour se faire entendre entre les bourrasques de vent ? En plus, il joue les grands blessés et s'est muré chez lui. A croire que c'est lui qui s'est fait jeté comme un malpropre, qu'il faut le plaindre et l'entourer d'attentions. Depuis ce soir là, on ne l'a vu nulle part, il a demandé des congés pour ses missions, congé accordé immédiatement, le conseil baise le sol que ses pieds foulent…

Sa rage s'accroit. Il se concentre sur la respiration sereine de Sakura pour reprendre le contrôle. Il devrait glisser un mot à Neji pour qu'ils y aillent ensembles. A deux, il sera possible de percer la défense de Sasuke.

Le lendemain, Naruto les quitte d'un signe de la main, s'inclinant si profondément pour les remercier de l'accueillir que ça en est indécent. Dès qu'il est parti, Sakura s'habille, poches à Kunai, étui à Shuriken et quelques rouleaux à la ceinture. Elle embrasse Lee longuement pour une fois et part furtivement.

Sur le pas de la porte, il voit sa silhouette disparaître, l'esprit occupé par le départ du blond. Sera-t-il capable de mener cette mission à bien ? Tsunade-sama a-t-elle raison de ne pas douter de lui ? Mettons qu'il lui fasse confiance, que doit-il faire pendant ce temps ?

Le soleil se lève totalement et envahi les rues et ruelles de Konoha de sa lumière or. Sourire aux lèvres, Lee trouve cette réponse qu'il attendait.

Il part chercher Neji.


BAMBAMBAMBAMBAMBAMBAMBAMBAM

Dans les ténèbres de son salon, la forme bien connue d'épis bleutés se redresse en grognant. Le bruit des coups sur la porte lui donne la migraine. La personne masque son chakra. Il se recouche. Qui que se soit, elle finira par se lasser, comme Lee la veille, comme Kiba trois jours plus tôt, comme Kakashi presque une semaine avant.

Si elle pouvait le faire vite, ce serait non négligeable. Existe-t-il au monde une chose plus ennuyeuse qu'une personne qui s'acharne sur une porte dans l'espoir vain que vous lui ouvriez afin de tenter une discussion à sens unique qui va se terminer en enguelade, le tout dans l'unique but de vous pourrir l'existence ? Oh, pardon, de tisser des liens.

Tradition désuète les liens. Qui donc en possédant en est sorti gagnant ?

BAMBAMBAMBAMBAMBAMBAMBAMBAM

Ok. Elle va peut être mettre un peu plus de temps que les autres.

Le matraquage monotone des poings sur la porte continue sans faiblir et le bruit lui rappelle une course d'endurance. Les coups ne sont ni forts ni faibles. Ils sont, c'est tout. Il décide de se boucher les oreilles pour ne plus entendre. Qui que ce soit, elle a intérêt à partir vite. Toute cette agitation lui donne la migraine. Il veut juste qu'on le laisse seul.

Trois quart d'heure plus tard, son mal de tête l'emporte sur sa volonté de jouer aux morts. Il gratte sa barbe vieille de plusieurs jours. A quand remonte sa dernière douche ? Son dernier repas ? Deux jours, peut être trois. Allez savoir. Les journées s'écoulent toutes de la même façon. Il se lève, boit, grignote un truc ou deux, se rassoit dans le canapé, fixe les volets de bois hermétiquement fermés jusqu'à s'endormir. Se réveille, recommence.

Tiens, c'est surprenant qu'il lui reste encore de l'alcool. Les réserves de la cave familiale sont illimitées ou bien quelqu'un lui rajoute des bouteilles pendant qu'il cuve dans le canapé ?

Depuis le temps qu'elle frappe, la porte devrait être en morceaux. C'est quoi cet acharnement ? Il se lève, sa vision se trouble et son sens de l'équilibre avoisine rapidement le zéro. Il part en avant, se rattrape de justesse au canapé. Loué soit le type qui a crée ces trucs là. Ses tempes le lancent périodiquement et les masser ne modifie strictement rien. Il n'est pas sensé exister une instance supérieure qui lui faciliterait la vie ? Si, je dis bien si, elle consent à descendre pour le soulager, il promet de devenir un ninja exemplaire.

Et de ne plus boire non plus d'alcool, même si là, il va falloir un peu d'entraînement.

Ouvrant la porte, il active ses Sharigans bien décidé à assassiner la personne – peu importe qui elle est, l'Hokage en personne ne changerait rien - qui ose le déranger dans sa déprime.

PAM !

Vol plané, encastrement dans le mur du fond du couloir. Sa tête heurte le mur et un crac significatif dans ses côtes l'assure qu'il y en a au moins une de fêlée. Du sang coule de son nez. Il le touche étonné. Il n'a pas le temps de s'appesantir qu'une main empoigne son col et le jette sur le sol. Les coups pleuvent et elle ne cache plus son chakra. Sakura… La kunoichi la plus violente de tout Konoha est présentement en train de lui modifier la physiologie. Ballotté dans tous les sens, ses os craquants parce qu'elle en casse quelques uns, il ne réplique pas.

Elle n'y va pas de main morte. Il ne réagit pas. D'une, il n'en a pas le temps – c'est hallucinant comme elle est rapide quand elle l'a mauvaise – et de deux, elle vient à cause de Naruto, il mérite donc les coups.

Des gouttes d'eau s'écrasent sur son T-shirt et elle va pour lui briser un bras. Il l'arrête d'une main. C'est qu'il ne faudrait pas pousser non plus. Etonnée mais rageuse, elle le fixe et dans ses émeraudes la flamme de la déception lui donnerait presque mal au cœur si sa propre bêtise ne prenait pas toute la place. Il se relève en grimaçant, se massant le dos d'un air absent. Un poing s'écrase sur son visage, et le goût du sang envahit sa bouche. Il s'appui d'une main sur le mur, reprend une respiration calme à grand renforts d'inspirations sifflantes.

Il aurait du être ami avec Hinata, ça l'aurait empêché de craindre de telles réactions. Méritées mais de là à en arriver là…

Elle meurt d'envie de continuer à le frapper, ça se sent dans sa respiration rapide et saccadée. Elle oscille dangereusement entre la haine et la tristesse. Pour le moment, elle semble surtout chercher un second souffle, l'observant en disséquant son comportement comme elle sait si bien le faire à présent. De ce côté-là, elle s'est améliorée depuis leurs douze ans. Il comprend la raclée. Il aimerait bien se frapper lui aussi.

- Ne t'attends pas à ce que je te plaigne Sasuke.

Il n'attendait pas. Vraiment pas. La pitié est bien le dernier des sentiments qu'il souhaite inspirer. Enfin, quand il compte inspirer un sentiment à quelqu'un ce qui n'arrive pas si souvent que ça. Par contre les coups, il pensait les recevoir dès le lendemain du départ de Naruto. Elle a mit du temps à monter. Il grimace à nouveau. Cette fois, ça risque de durer un moment. Il essuie sur sa manche le sang et bascule sa tête en arrière, se moquant totalement de sa présence.

Ce n'est pas comme si c'était important ce qu'elle pense de lui. Il sombre dans ses pensées, ignorant son regard scrutateur.

Après son retour, à part Naruto, personne ne croyait en lui. Il n'a pas cherché à se faire accepter, à rapidement comprit que le béguin qu'elle avait pour lui avait glissé en amour profond pour le blond. Ne s'en portait que mieux, content qu'elle ait évolué. Jaloux aussi, intrigué de cette attention constante que les jeunes et les moins jeunes portaient à Naruto.

Débarrassé des problèmes qui avaient hantés son enfance, ces relations intimes qu'il avait nouées avec la moitié du village ne cessaient de l'intriquer. Conséquence logique, il s'était mis à observer Naruto, en entraînement ou en mission, seul ou avec ses amis. Dire que le Naruto qu'il avait découvert était différent de ce qu'il avait put imaginer est un mot trop faible. En fait, l'évolution du blond l'avait littéralement scotché sur place un bon nombre de fois.

Il restait majoritairement un idiot avéré 9 fois sur 10 mais parfois, quand il fallait soutenir un camarade, s'entraîner, alléger une atmosphère, quand il était seul ou qu'il pensait que personne ne voyait son visage, il pouvait faire preuve d'un feeling instantané, une sorte de compréhension de choses qui restaient invisibles aux autres. La majorité du temps, tout n'était qu'une question de veine et taper juste paraissait être un hasard. Il semblerait qu'il dispose d'une espèce de sixième sens inexplicable mais efficace. Tout de même, c'était grandiose.

La haine s'était muée en indifférence, l'indifférence en curiosité, la curiosité en respect et au bout de tout ça, le respect en attirance. Avec comme petit plus, cette envie de le garder en vie sortie de nulle part comme un cheveu sur la soupe. Il avait procédé de la même façon que Sakura, surveillant ses progrès derrière un masque de froideur, le coupant avant qu'il ne s'évanouisse, gardant un ton ironique en toutes circonstances. Il ne fallait pas non plus pousser trop loin. Il n'était pas une fille.

Jusqu'au point de non retour. Une dispute entraînant un coup, ce dernier provoquant les suivants. Des poings déviés, deux corps qui tombent et roulent sur le sol et leurs lèvres scellées – dans l'unique but de le faire taire bien entendu - par qui, il ne s'était jamais posé la question. Impossible de se souvenir.

Cette sensation paisible le matin au réveil, les mèches dorées qui chatouillent son visage, le bleu innocent de ses yeux, la beauté de son visage mature. Cette envie si forte de le serrer tout le temps dans les bras, de ne jamais quitter la nuque rassurante. Parfois stupidement, il en était même réduit à respirer l'odeur du blond sur les draps. Lui, le grand Sasuke Uchiha réduit à ça à cause d'un blond débile au sourire étincelant ? Même l'Hokage n'aurait pas parié un billet sur leur couple. Du reste, ce n'est pas non plus comme si leur couple courait les rues.

Des imbéciles qui vivent ensembles, qui couchent ensembles mais qui ne sont jamais déclarés clairement, qui passent leurs journées entières à s'insulter, frappant toute personne tentant de s'interposer pour les calmer, ce n'est pas la vision classique qu'on se fait d'un couple uni. Franchement, une journée sans insulter Naruto qui pourrait le faire ?

C'était arrivé. C'était bien ? Bon ? Intéressant ? Educatif ? Jouissif ? Merveilleux ?

Le dernier mot est à rayer d'office, même dans ses pensées, hors de question d'en arriver à prononcer ça.

Bref, il a encore tout gâché. Jaloux comme un pou, incapable de supporter que quelqu'un soit poche de Naruto. Les langues de vipères peuvent déblatérer ce qu'elles veulent, ce n'est absolument pas parce qu'il veut le garder pour lui. D'ailleurs, qu'est-ce que ça peut faire si c'est le cas ? Le blond lui appartient. Avec tout ce qu'il a fait depuis des années pour ça, hors de question qu'un minable Sai ou une pauvre rosâtre de Sakura lui pique la place. Frère, ami, amant, il voulait tout garder.

Les Uchiha ne font pas dans la demi-mesure. C'est tout ou rien. Si ce con a été suffisamment dingue pour prendre tout quand il avait l'occasion de choisir rien, il n'avait qu'à s'en mordre les doigts. Que personne ne vienne lui dire qu'il s'inquiète quand Naruto est blessé au combat, il niera obligatoirement. Il a confiance dans ses capacités mais est-ce de sa faute si Naruto possède deux mains et deux jambes gauches ? Et puis, il faut conserver ses acquisitions, investissement oblige. Personne ne pourrait lui dire qu'il n'a pas consacré un temps immodéré à s'approprier le corps et l'esprit du blond.

Au fil des jours, la constations cruelle. Naruto ne s'inquiète pas pour lui quand il est blessé en mission, ne lui a jamais avoué ses sentiments – oui, lui non plus, la question n'est pas là, le blond est plus sentimental que lui c'était donc normal qu'il se déclare en premier – ne réclame pas ni baisers, ni caresses, ni aide, ni présence. Le bilan cruel : la tornade blonde n'a nullement besoin de lui pour avancer et encore moins de sa présence à ses côtés. Inévitablement, la peur tapie en lui grandit, celle d'être une fois de plus, abandonné au profit de quelqu'un de plus fort, de plus compréhensif.

Un jour ou l'autre, il va partir, trouver quelqu'un qui le mérite, qui soit digne de lui. Quelqu'un qui ne soit pas hanté par les crimes d'un frère aîné et ses années chez Orochimaru. Quelqu'un qui le console, qui sache trouver la patience et qui surtout, montre ce qu'il ressent. Quelqu'un comme Sakura. La décision finalement qui le déchire. Le sac jeté dehors, la porte qu'il ferme vite pour ne pas reculer et l'embrasser à perdre haleine.

C'est ce qu'il y a de mieux à faire.

La décision a beau être bonne, la pilule ne passe pas pour autant.

Un nouveau coup de poings en pleine mâchoire et le bruit de dents que l'on déchausse, lui fait quitter sa bulle. Il voit la pitié mêlée de colère qu'elle éprouve envers lui et ne peux que l'approuver.

- Pourquoi t'as fait ça ? Tu l'aimes non ?

Quel est le rapport ? Remarque à proscrire.

Cette histoire ne la regarde pas.

Une main ferme et déterminée l'oblige à tourner la tête pour lui faire face. Il ferme les yeux dans une tentative désespérée. Elle pousse un soupir mais ne le lâche pas. Il tente de devenir sourd temporairement, au moins jusqu'à ce qu'elle parte, qu'elle cesse de le poursuivre, qu'elle le laisse seul avec ses cauchemars.

- Pourquoi faut-il que tu te sentes obligé de choisir pour deux ? Tu crois qu'il n'est pas assez grand pour savoir ce qu'il lui faut ?

Il ouvre les paupières le temps de la dissuader de continuer d'un regard noir bien placé. Il sait que ça ne marchera pas, qu'il est puéril. Il ne veut pas qu'on l'aide. Qu'elle parte vite. Il l'a jeté mais juste un peu plus tôt que ce ne serait arrivé. Il n'est pas passé par la case tromperie, disputes à foison – peut être juste cette partie - et éloignement progressif c'est tout. Naruto s'y fera, se consolera, aimera à nouveau. Du reste, est-on sûr qu'il l'aime actuellement ?

- Sasuke…

Sa voix est blasée, lointaine. Pas froide non, simplement détachée. Médicale, professionnelle. Il discerne un zeste de souffrance atténué dans son ton docte. Décidément, s'il y a une chose dans laquelle il excelle c'est bien dans la destruction morale. Une future voix de reconversion ?

- Tu sais, je ne crois pas qu'il va abandonner si facilement. Je te fais plaisir en te racontant combien il est malheureux, que même les pierres en ont pleuré. Il dort chez moi tous les soirs, se promène tel un somnambule et pleure quand il pense que personne ne peut l'entendre. J'ai accepté qu'il te choisisse et ça a été dur de dire adieu à toi et à lui, vraiment dur. Savoir que vous vous détruisez juste parce que tu as la trouille, ça me débecte. Avec le temps, je m'imaginais que tu accepterais la place qu'il prenait dans ton cœur, que tu la lui montrerais. Pourquoi es-tu si lâche ?

Elle ne pourrait pas se taire pour une fois ? Il ne veut pas savoir. Il ne veut pas qu'on lui dise la vérité. Elle ne comprend pas qu'il est malsain que Naruto reste avec lui ? Qu'il n'a cessé de le faire souffrir, qu'il va encore le faire ? Son choix est le seul possible. Peut importe qu'il soit bon ou mauvais, il n'en existe pas d'autre. Elle se moque de lui et sa voix devient une lame acérée qu'elle manie avec dextérité.

- Il est beau le génie. Regardes-toi. Tu vas devenir quoi sans lui ? Il va devenir quoi sans toi ? Et moi, qu'est ce que je vais faire sans vous ? Cesse d'être égoïste, de penser qu'à ta petite personne. Ici, des gens ont appris à aimer Naruto et à t'apprécier, aussi étrange que ça puisse paraître. Tu as une famille même si ce n'est pas des liens de sang. Tu devrais le savoir depuis le temps, un lien, ça ne se brise pas facilement. Si tu le détruis lui, quelle satisfaction tu auras à te savoir en vie ?

Elle le lâche et il reste sur place, les paupières baissées, n'osant pas l'affronter. Il n'est pas sûr de conserver cette froideur caractéristique habituelle. Sans doute est-il trop tard pour reprendre le masque. Elle se dirige vers la sortie, à reculons d'après les bruits de pas et sa voix est brisée par l'émotion.

- Dès ton retour, j'ai su que c'était pour lui. Tout le monde savait que Naruto était la seule personne que tu considérais comme un égal. Tu t'en rends compte que tu te conduis différemment avec lui ? Pas beaucoup mais pour ceux comme moi qui t'ont côtoyé jour après jour, c'est nettement visible. Tu as l'air humain à ses côtés. Enfin presque parce qu'on ne puisse pas dire que tu es du genre effusions et scènes dégoulinantes à en faire schialer une bavette.

Elle pleure en partant et sa dernière phrase crachée habilement lui remue les tripes.

- Si tu savais que tu serais incapable de faire face à ce que tu ressens, tu aurais mieux fait de ne jamais revenir !!

La porte claque. Dans un recoin de son cerveau, il note sur un parchemin qu'elle a raison, revenir était une mauvaise idée. Il faudrait qu'il sorte, qu'il aille se faire soigner à l'hôpital. La douleur diffuse dans son corps, c'est sa punition et elle est bien loin d'être suffisante à son goût. Il va s'installer dans le canapé et reprend son observation attentive des volets de bois. Pour une fois, l'onyx de ses yeux semble vivant.

Il doit réfléchir, faire le point. Ce qu'elle a dit est dérangeant. Peut être est-il trop tard depuis longtemps pour se voiler la face.

Naruto. Si seulement Naruto n'était pas Naruto et lui Sasuke, pas Sasuke, les choses seraient sans doute moins compliquées.

Fin de journée, la pièce est plongée dans la pénombre du crépuscule. Il est allongé dans son vieux canapé déglingué, les yeux grands ouverts sur le plafond. La douleur physique a prit le pas sur la psychologique. Sa lèvre supérieure est gonflée et son œil droit possède une bien belle auréole. Le plus infime mouvement lui arrache des grimaces et même respirer est parfois un calvaire. Il n'est même pas allé refermer la porte d'entrée. Trop loin.

Perdu dans ses pensées, il ne sursaute pas quand cette dernière s'ouvre. Echanges de signes de main rapides et Lee repart. Neji entre, fermant la porte derrière lui. Il s'avance directement vers Sasuke, lui jette un album de photos dans le ventre et s'assoit en tailleur sur le plancher. L'indifférence, le Hyuuga y excelle aussi. Retombant sur terre, le brun tend le bras gauche, le droit étant relativement inopérant, pour l'attraper et se relève légèrement, désabusé. L'ambiance devient électrique.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

Pas de réponse ? Tant pis.

Ses doigts courent sur la couverture, contournent habilement les lettres tracées sur la tranche, s'imprègnent de leur texture. Qu'espère-t-il ? Sa main fine aux longs doigts que l'on pourrait aisément qualifiés de squelettiques soulève le cuir souple, montrant la curiosité de leur possesseur. A l'abri derrière ce regard blanc, Neji espionne sans se cacher.

Sur la première page de l'album, la fameuse photo de l'équipe 7 avec Kakashi. Cette photo, il l'a si souvent regardé que ce n'est même pas la peine d'en parler. Il se souvient de l'avoir caché lorsqu'il a prit la décision de partir chez Orochimaru. Puis de l'avoir retrouvé intacte des années plus tard. De l'avoir conservé par nostalgie ou pour une autre raison. Il tourne la page. Naruto tire la langue en direction de Sasuke qui occupé à lancer des Shurikens sur un mannequin, ne le voit pas. Photo suivante, le blond a une bosse sur la tête et Sakura le poing dressé dans sa direction. Elle fait peur. Cette fille peut paraître drôlement effrayante quand elle s'en donne la peine.

Les pages défilent et son cœur se serre quand il aborde les années d'absence. Il caresse certaines cherchant à saisir une expression ou une ambiance particulière. Sur l'une d'elle, le blond est assis sur un escalier et tient le bandeau qu'il avait laissé derrière lui. Il doit avoir quinze ans et ses yeux dégagent une tristesse immense. Sasuke est mortifié quand il comprend que Naruto va mal à cause de lui, de son départ, ce qui le conforte dans son idée qu'ils ne sont pas faits pour être ensembles.

Pêle-mêle des morceaux de vie s'entassent entre les pages noires. Sa sortie de prison, lui refusant le soutien du blond qui le lui donne quand même, un air boudeur sur le visage. Une soirée débile à l'Ichiraku le jour où Kiba a avoué à Hinata qu'il l'aimait et où il s'est fait jeté en beauté, ce qui au final, ne l'a pas dérangé tant que ça. Il est parti se consoler avec une jeune femme brune. Lui en gros plan, mélancolique à la fenêtre de l'hôpital après une mission.

Ces sourcils se froncent. Qui ? Il change de page encore, sa main tremble.

Non… personne n'avait le droit d'immortaliser ça, personne ! C'est un secret entre lui et Naruto, un souvenir qui n'appartient qu'à eux !

Ses poings se serrent et se desserrent, sa respiration se bloque avant de repartir brusquement, ses poumons se compressent, expulsent l'air d'un seul coup. Il se plie légèrement comme si on l'avait frappé dans le ventre. L'album glisse sur ses jambes et tombe sur le sol, grand ouvert sur cette photo.

Lui embrassant Naruto passionnément, le blond coincé contre un arbre, la main droite glissée dans ses mèches de jais, la gauche sur sa hanche et leurs paupières fermées. L'image a été prise de nuit et la lueur lunaire éclaire précisément la clairière donnant aux ombres et à la photo une impression de plénitude. Une idiote paix intérieure. C'est impossible. Le photographe rend les sensations que lui ont inspirés l'image mais aussi les leurs, des sensations si fortement ancrées en Sasuke que la vérité l'aveugle en partie. Ses yeux commencent à le piquer. Il se souvient de ce soir là. Comment oublier ?

A l'entraînement, lui et Naruto s'étaient disputés, une fois n'est pas coutume et les mots avaient été plutôt violents. Pour sa défense, il fallait avouer que Sasuke n'était pas le mec le plus sympathique de Konoha, que Naruto était loin d'être le plus compréhensif et que la tête atroce de Sai était une injure à la création ! Que venait faire Sai au milieu de la dispute, pas la moindre idée mais toujours est-il qu'il en avait prit pour son grade et même au-delà. Naruto en bon samaritain sauveur du monde l'avait défendu, le ton était monté. Sasuke n'avait pas dormi depuis deux nuits réfléchissant aux raisons pour lesquelles la présence du blond lui donnait tant d'envies malsaines et la conclusion auquel il était parvenu n'était pas des plus plaisantes.

Résultat, le blond avait fini par partir en forêt et lui avait reprit son entraînement l'air de rien sous l'œil affligé de Kakashi. Deux heures plus tard, Sakura ne tenant plus était partie à sa recherche pour revenir, bredouille et inquiète. Il avait cessé le combat contre Kakashi pour rentrer chez lui disant qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, que l'imbécile retrouverait le chemin du village guidé par l'odeur des ramens de l'Ichiraku. Si les sourcils étaient froncés et la voix peu convaincue et convaincante c'était à cause de la fatigue, pas de l'inquiétude.

En fin de journée, personne n'avait vu Naruto nulle part et Sakura bredouillante en sosie rose d'Hinata, jouant avec ses pouces l'avait supplié de le trouver. Ses arguments l'avaient comme qui dirait touché alors il lui avait dit oui. Sans doute aussi qu'il n'attendait que ça, une raison de partir officielle. Enfin disons, qui pourrait passer comme plausible. Sharigans activés et très légèrement inquiet – personne ne lui ferait avouer cela - il avait cherché partout pendant une bonne heure pour le trouver finalement dans cette clairière, les yeux rouges et lui hurlant de le laisser tranquille.

Sasuke étant Sasuke, n'obéissant qu'à lui-même et un brin en colère d'être reçu comme ça après tout le temps où son cerveau avait imaginé des circonstances affreuses dans lequel il retrouvait le blond en danger ou bourré, ou… ayant besoin de lui, avait continué à avancer dans sa direction sans le quitter des yeux. Les cris du blond s'étaient fait murmures suppliants. Le brun avait posé sa main sur le tronc de l'arbre, juste à côté de la tête de Naruto et sans trop savoir pourquoi, avait posé ses lèvres sur celles rougies de l'Uzumaki. Pour le calmer, cela va de soi.

Il se recroqueville sur lui-même, contemplant la photo, priant qu'à force de la transpercer du regard, elle finisse par prendre feu et qu'elle ne soit plus présente que de son point de vue interne, intime.

Les mots n'étaient pas sa spécialité, ils ne le sont toujours pas d'ailleurs. Les grandes explications, les excuses, tout ça c'était du temps perdu. Les cris de Naruto, il pouvait supporter ; les coups, les éviter mais ces larmes… Il ne savait pas quoi faire. Et les lèvres mordillées pendant des heures, gonflées par le traitement, la fragilité de sa taille fine pour un homme, le fait qu'il faisait nuit, qu'ils étaient seuls et proches, que la lune éclairait son visage d'une façon qui le rendait irrémédiablement attirant, bref l'ensemble de ces petites choses lui avait fait perdre sa dernière once de logique. Dès son arrivée, n'avait elle pas prit seule la poudre d'escampette ?

Ce n'était pas leur premier baiser, arrivé par accident sur les rangs de l'école ni même le second rageur et désespéré, empli d'envie de l'emporter sur l'autre, de surprendre. C'était le troisième et c'était deux jours après le second. Ce baiser à l'entraînement qui avait fait rougir le brun au-delà de toute mesure. Deux jours sans dormir à contempler le plafond de sa chambre.

Seulement, depuis le second, les choses avaient changés. D'un accord tacite, ils n'avaient pas parlé de ce baiser, refusant de lui donner de l'importance. Minimiser les choses, dire que c'était une erreur. Ne pas en parler pour se convaincre que rien n'était arrivé. Deux jours qu'ils se lançaient des insultes à en perdre le souffle afin de se persuader. Ce baiser là, il en avait eut envie. Il était gorgé de désir, d'excuses, de compliments, d'amour. Il disait pardon, je t'aime, ne recule pas, reste là, fuis vite avant que je perde le contrôle et aussi, garde moi.

Oui, un baiser pouvait exprimer autant de choses à la fois, ce n'est pas l'Uzumaki qui dirait le contraire.

A sa propre surprise, Naruto y avait répondu avec la même passion, acceptant par ce simple contact tout ce qui pourrait arriver ensuite. Empoignant sa hanche dans une étreinte brusque et malhabile, il avait rapproché leurs corps et Sasuke avait gémit. La langue avide du blond s'était engouffrée, profitant mesquinement des émotions du brun et un ballet maladroit, bizarrement langoureux s'était entamé, les enflammant tout deux d'une chaleur inconnue et grondante.

Ce soir là comme les suivants, les mots avaient été absents de leur communication. Le problème vient de là sans doute, on ne peut pas toujours vivre sans parler des choses qui comptent en se disant que l'autre le sait, que c'est pour une prochaine fois.

Une larme tombe sur la photo suivit d'une autre et bientôt un amas régulier d'eau salée s'écrase, gondolant le papier. Combien de larmes pour annihiler le souvenir ? Sasuke touche son visage étonné d'une main peu assurée. C'est lui qui pleure ? Depuis quand n'a-t-il pas pleuré, combien d'années depuis le dernier sanglot ?

Neji se relève et lui lance une énième photo.

- Je l'ai prise ce matin juste avant qu'il parte. Il revient dans deux jours.

Sasuke ferme les yeux, le temps de reprendre un peu le contrôle et de nouvelles larmes en profitent pour couler sur ses joues. Il essuie rapidement son visage et contemple la photo. Les cheveux en épis comme à son habitude, les yeux vagues et absents, les cernes et les traits tirés. Sa main froisse un peu le papier glacé.

- Il s'en remettra.

Il n'y croit pas. Il ne veut pas que cette phrase soit vraie car si Naruto se remet, sa présence n'aura vraiment plus aucune importance. Sa voix vibre. Il se maudit d'être si faible. La photo du baiser hante ses rétines rougies par l'émotion et le manque de sommeil. C'est un coup bas. Diaboliquement efficace. Trop…

- Oh oui j'en doute pas une seconde. S'il ne se fait pas tuer en mission, il pourra revenir pleurer chez Sakura. Tout le monde sera heureux comme ça. C'est ce que tu crois, non Uchiha ?

De l'ironie dans les propos, une accusation à peine déguisée. L'utilisation du nom de famille comme s'ils étaient égaux. C'est insultant. Ses neurones fonctionnent à deux cent à l'heure. Il saisit l'album et le reprend sur ses genoux se moquant d'avoir l'air d'un enfant gâté à qui on a offert un cadeau dont il ne mesure pas la valeur intrinsèque.

- Pourquoi tu fais ça ?

Chaque mot lui coûte. Ce n'est pas le grand amour entre le Hyuuga et lui. Pas assez d'infinités sans doute. Il n'aime pas la façon dont le village lui a pardonné son départ chez Orochimaru. Si lui avait été Hokage, nul doute qu'il serait encore en train de moisir en prison, derrière les barreaux d'une grille, assoiffé et affamé pour son seul plaisir. Ce qui rend son geste encore plus puissant. Naruto doit vraiment aller mal pour qu'il fasse un truc pareil. Ce n'est pas pour le rassurer. Entre sa présence et le passage de Sakura, il a l'impression d'être passé à l'essoreuse une dizaine de fois. Ce pourrait-il qu'il se soit trompé, qu'il y ait une autre solution ?

- Je passe le temps.

Son sourire en coin lui donne envie de vomir.

- Je ne parlais pas des photos.

Il sent le canapé s'affaisser et se décale refusant que leurs corps soient en contact. Ce type ne lui revient pas c'est comme ça. Neji se pince le nez, se retenant à grand peine de lui écraser une droite sur le visage.

- Il doit devenir Hokage t'as oublié ? Mort, ça risque d'être dur.

Sasuke croise son regard. Serein, un brin… amusé ?! De toute sa vie, jamais il n'a autant eut envie d'éclater la tronche de quelqu'un autant que la sienne. Il racle sa gorge. Parler ne lui a jamais parut aussi difficile et fatiguant. Il faut dire qu'il n'est pas très endurant pour ça, en dehors des insultes. Il n'aime pas parler. Neji se lève et se dirige vers la sortie avant qu'il n'ait trouvé les bons mots.

- Disons que je paie une dette. Deux jours, Uchiha, n'oublie pas.

Quelques pas encore.

- Tu devrais te faire soigner et prendre une douche. C'est un clochard croisé zombi pas Sasuke Uchiha, héritier du Sharigan et crétin congénital devant moi.

Départ définitif.

Il regarde ses vêtements. La première pensée qu'il lui vient c'est qu'il est mal barré pour attirer ne serait-ce qu'un cafard.

La nuit tombe.


BAM !

Deux corps qui se percutent, un gémissement. Naruto se relève le premier, tend machinalement la main.

- Excusez-moi, je suis dés… Sasuke ?

Grommellement. Le brun se relève et vérifie le bandage qui retient l'attelle de son bras droit.

D'abord l'espèce de débile alcoolique qui se moque de lui en le voyant débarqué à l'hôpital, estimant qu'il vaut mieux le laisser dans cet état là le plus longtemps possible, ensuite Kiba qui a faillit mourir à force de ne pas reprendre sa respiration entre deux fous rires. Le voir devenir blanc, la bouche grande ouverte, secoué d'un rire qui ne quittait pas son corps aurait été amusant s'il n'avait pas été la cible de cette moquerie. Kakashi lui a ébouriffé les cheveux en lui disant, le nez enfoui dans son eternel Icha Icha Paradise, qu'il est heureux de retrouver son élève. Pour finir, Sakura lui a planté un baiser sonore sur la joue en hurlant un Sasuke-kun digne de la grande époque qui a faillit lui percer les tympans en plein Konoha.

A croire que depuis quelques jours, les gens aiment bien le mettre plus bas que terre… Cela se voit tant que ça que c'est sa place ? Il évite habilement le regard empli de questions de Naruto, celui-là dans son état d'exaspération, ce n'est même pas la peine d'essayer une conversation où il va l'exploser, concrètement et une bonne fois pour toute sans blaguer. Il passe à côté de lui, manquant aussi l'étincelle de regrets dans les yeux du blond. Qui voit au ralenti sa main se lever pour emprisonner le tissu du T-shirt de Sasuke.

Insultes mentales d'un niveau élevé pour se donner du courage.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

L'envie de fuir une nouvelle fois. Un rictus. Cette promiscuité le dérange. Il ne se sent pas encore prêt. La réponse fuse sans qu'il ne puisse la retenir.

- Un escalier récalcitrant.

Qu'il est con vraiment mais qu'il est con ! Sasuke Uchiha, grand imbécile devant l'éternel, es maître en réponses plausibles autant que rencontrer Shino Aburame sans ses lunettes. Cause du décès : Overdose de stupidités.

Battements de cils du côté de Naruto. Deux jours de mission lui ont remis les pensées à l'endroit. Sasuke reste avant tout un imbécile fini, incapable de s'exprimer seulement eh bien cet asocial, handicapé des relations, c'est le sien. Trois ans loin de lui et un certain nombre de tentatives de meurtre n'ont pas suffit à l'éloigner, comment un vulgaire sac jeté à la figure pourrait y arriver ? Dire qu'il lui a fallut plus d'une semaine pour s'en souvenir. Le brun lui fait vraiment faire n'importe quoi.

- Tu mens.

Accélération perceptible du cœur. Sakura a peut être raison après tout, ils sont adultes. Naruto est grand. S'il ne veut pas le lâcher, ce n'est pas sa faute à lui, non ?

- Qu'est-ce que t'en sais ?

Soupir. Ils ne sont pas si grands que ça finalement.

- Je ne suis pas un génie moi mais je ne suis certainement pas con. Tu mens et mal en plus Teme.

Un sourire. Une allusion cachée qui signifie, je sais pourquoi tu as agit ainsi mais ça ne marche pas sur moi. Putain, tous les habitants de ce foutu village sont dingues où ils rodent juste autour de lui pour qu'il regrette d'être parti, d'être revenu, d'être en vie… Ce mec, il n'abandonne jamais ou quoi ?

- J'avoue ce n'est pas un escalier. C'est Sakura. Satisfait ?

Un rire. Ils ont l'air stupides au milieu de la rue avec le blond qui s'accroche et qui parle à son dos et lui qui rit comme un idiot. Deux hommes amoureux, assurément, c'est une belle idiotie. Ca ne peut pas apporter quelque chose de bon. Alors quelqu'un peut lui expliquer ce qu'il fait là ?

- Bien fait pour toi. Si elle ne l'avait pas fait, je serais venu moi.

- T'es trop trouillard pour ça.

C'est si facile à présent de lui parler. Ouvrir la bouche a été le plus dur. Une assurance sans précédent l'empli. La conversation est simple, banale, rassurante. Il semble qu'il soit incapable d'agir autrement. En a-t-il véritablement envie du reste ? Si Naruto a décidé de s'accrocher à lui comme une moule à la coque d'un navire, il ne voit pas ce qu'il peut faire de plus. En parlant de l'imbécile…

Le blond se poste devant lui, sourire aux lèvres, doigt pointé sur son visage. Sasuke est attiré par cette image, par ces yeux qui brillent d'une manière indéfinissable, par ce visage aux traits classiques rehaussés par ces trois traits de chaque côté des joues et ce nez mutin qui le nargue. Les lèvres à peine rosées qui s'agitent.

Sonné trompettes et clairons, c'est officiel, Sasuke Uchiha a perdu l'esprit !

- Je ne suis pas comme toi !

Un oiseau passe au-dessus de leurs têtes. Le peureux c'est lui. Le phobique des relations sociales c'est encore lui. Quelques personnes zieutent ouvertement leur discussion. Il ne manquait plus que ça, un public pour le voir se déshonorer. On ne lui épargnera rien dans cette histoire. Va falloir ravaler l'orgueil familial. Sa voix devient douce, amusée. Il ne peut pas s'excuser. Il ne peut pas lui demander de rentrer, il aurait l'air de quoi ? Naruto va devoir s'y habituer. Son incapacité à jouer les amoureux transits fait parti de lui. Il n'est pas un amoureux transi de toute façon.

- Encore heureux. Je ne suis pas raide dingue des ramens moi !

Froncement des sourcils. L'ambiance est sérieuse derrière l'échange de surface. Sasuke bénit Naruto de le comprendre à demi-mot.

- Moi non plus.

La pensée ironique qui filtre : Oh, oh, intéressant Dobe. Je suis au-dessus des ramen divinisés ?

Il recommence à le dépasser. S'arrête quand la voix du blond retentit une nouvelle fois.

- L'Ichiraku livre à domicile à présent, tu le savais ?

Comment aurait-il pu le savoir ? Le blond l'attire contre lui et pose ses lèvres sur son front. Le brun supplie son visage de ne pas changer de teinte, son cerveau de retrouver rapidement le bouton on avant qu'il ne commette le pire. Sa réputation est à l'eau. Quelques passants gloussent autour d'eux. Une voix tiède et un souffle sur son lobe d'oreille. Une caresse fugace sur son bras dénudé lui hérisse les poils.

- Tu n'en tireras pas comme ça Sasuke, pas cette fois. Il va te falloir beaucoup de temps et d'efforts avant que je te laisse à nouveau me toucher.

Le brun lui offre un sourire éblouissant et s'éloigne pour de bon cette fois.

Des efforts ? Il sait faire. C'est juste un combat qui demande l'élaboration d'une stratégie différente.

Et alors ? On est prodige ou on ne l'est pas.


Dans l'ombre du mur, Neji range son appareil photo et serre la main de Lee qui regarde abasourdi Naruto et Sasuke s'éloigner à l'opposés l'un de l'autre.

- J'n'arrive pas à y croire.

- Quoi ? Que Naruto lui pardonne ou que Uchiha ait rougit ?

Lee secoue la tête.

- Non. Tu te rends compte que… pour une fois… probablement l'unique d'ailleurs… Godaime a parié et à gagné ?

¤ Fin ¤

Sasuke est un brin trop enfantin mais je trouve que ça lui correspond. Dans le manga, moi, il me fait penser à un gamin capricieux, même dans la next-gen, il s'accroche à une vengeance désuète qui ne le mène nulle part… Des deux, psychologiquement, c'est lui le plus fragile.

Hum… Bien… Un avis ?

Ce n'est pas une tentative désespérée de demander des reviews (comment ça je suis grillée ?) mais plusieurs avis valent mieux qu'un ou qu'aucun…

Alfa