Bonjour,

Comme je l'avais annoncé au chapitre précédent, nous arrivons à la fin de cette fiction... J'espère sincèrement que vous avez passé de bon moments de lecture avec cette histoire. J'ai parfois été longue à publier entre deux chapitres mais je m'y suis tenue. Je souhaitais à tout prix terminer cette histoire pour laquelle je me suis beaucoup investie.

Encore une fois, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont suivi, chapitre après chapitre, les aventures d'Hermione et Severus, ainsi que celles de Percy, Ron, Drago et Gabrielle, ces personnages secondaires que j'ai souhaité mettre un peu plus en avant...

Je remercie également toutes celles ayant eu la gentillesse de me laisser un commentaire ou simplement un mot d'encouragement.

Sur ce, place à ce dernier chapitre, et bonne lecture !


CHAPITRE 15 : EPILOGUE

« Ne dites pas : la vie est un joyeux festin

Ou c'est d'un esprit sot ou c'est d'une âme basse.

Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin

C'est d'un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.

Riez comme au printemps s'agitent les rameaux,

Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève,

Goûtez les plaisirs et souffrez tous les maux

Et dites : c'est beaucoup et c'est l'ombre d'un rêve. »

Jean Moréas

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Tous les sbires de Voldemort qui n'avaient pas péri dans la bataille finale avaient été faits prisonniers et jetés en prison. Les beaux jours d'Azkaban refleurissaient, ses sinistres gardiens en moins. Le baiser avait été jugé barbare par le tout nouveau Magenmagot et il avait été décidé de créer des peines de prison à vie, et d'autres incompressibles.

De toute façon, il était presque impossible de s'évader de cette forteresse sur laquelle venaient se briser les hautes vagues de la mer du nord. Telle avait été sa première impression en allant rendre visite à son père.

Lucius Malefoy avait été trouvé inconscient dans la salle commune des Gryffondor, en compagnie d'un Percy Weasley en non moins meilleur état que lui. Les Aurors étaient venus les cueillir à la fin de la bataille et les avaient enfermés avec les autres Mangemorts dans les sous-sols de Poudlard en attendant de reprendre le Ministère de la magie et les autres lieux stratégiques, comme Azkaban, Sainte-Mangouste ou encore la Gazette du Sorcier. En réalité, la débâcle avait été telle à l'annonce de la mort du Lord, qu'ils n'avaient mis que trois jours à retrouver un semblant d'ordre à travers le pays. Les Mangemorts avaient alors été jugés et envoyés sous bonne garde vers la célèbre prison.

Drago revoyait encore le visage fatigué de son père, ses longs cheveux blonds sales et emmêlés, son grossier uniforme de bagnard, rayé et crasseux…

- Nous n'avons pas parié sur le bon hippogriffe, avait-il raillé en remarquant son visage déconfit.

- Tu n'as pas parié, père, avait-il alors répliqué sans réelle acrimonie.

- Ta mère ? Ont-ils inquiété ta mère ? Elle n'a jamais pris part à tout ça.

- Évidemment non. Mais qui ne dit mot consent, avait-il répliqué en le dardant du regard.

- Ils l'ont arrêtée ?

Il pouvait compter sur les doigts d'une main les fois où son père avait manifesté de l'inquiétude face à l'adversité, mais cette fois là, Drago avait pu lire la peur dans son regard acier.

- Non, elle est sauve et je veille sur elle, avait-il soufflé en frissonnant, tentant de chasser de son esprit l'image de sa mère vêtus des mêmes haillons de prisonnier, enfermée dans une cellule froide et humide…

Merlin, merci, ils n'avaient rien trouvé de tangible contre elle, aucun fait répréhensible si ce n'était qu'elle était l'épouse du bras droit du Seigneur des Ténèbres !

Drago tourna dans son lit, ressassant en boucle ces derniers événements… Le sorcier le plus dangereux des temps était mort; son père était en prison; sa mère, quoique libre, pleurait ce mari qu'elle aimait au-delà de sa perverse cruauté… Il tourna encore, incapable de retrouver le sommeil… L'ordre n'avait subi que peu de pertes; dans les yeux de ceux qui avaient osé croire en lui, il pouvait maintenant lire du respect; il avait revu son parrain avec un bonheur non feint, et souriait lui-même de sa toute nouvelle amitié avec Ronald Weasley…

Encore une fois, il se retourna et finit par envoyer au sol son oreiller pour poser sa tête sur celui de Katarina, tout au creux de son cou, respirant sa douce odeur de blonde.

Si quelque chose de bon était à sortir de cette histoire, c'était elle, la jeune femme qu'il avait sauvée des coups de son Mangemort de mari, un soir au détour d'un couloir.

Il l'avait revue la nuit de la bataille, apeurée, mais farouchement décidée à se battre pour retrouver sa liberté. Et c'était ce qu'elle avait fait en se joignant spontanément à l'Ordre, avec une hargne de désespérée. Un duel à mort contre son bourreau. Drago n'avait pas pu la laisser faire ça, courir à une mort certaine ! Sans réfléchir une seule seconde, il l'avait écartée de la trajectoire d'un doloris et avait pris sa place…

Lorsque que le corps du Mangemort s'était effondré sur le sol, elle s'en était approchée, grave et tremblante, comme pour vérifier que jamais plus elle n'aurait à subir ses offenses. Puis, elle avait tourné son visage marqué de bleus vers le sien tout en lui adressant un pauvre sourire.

- Merci, avait-elle simplement prononcé d'une voix qu'il entendait pour la première fois.

Il était resté face à elle, incapable de bouger, comme hypnotisé par l'élégante mélancolie de son accent slave, fixant intensément son visage aux traits délicats, sa bouche pleine et fraîche, ses yeux bleus qui paraissaient si tristes…

Jamais avant ce jour il n'avait ressenti d'émotion aussi vive et poignante. Cette envie d'aimer et de protéger envers et contre tout. Oui, ce jour là, tous ses repères, toutes ses valeurs, toutes ses vérités avaient été bouleversés par un sourire et par une main qui était venue se poser timidement sur la sienne, affolant brusquement ce cœur à qui il n'avait jamais destiné aucun avenir…

ooOoOoOoo

Il n'en pouvait plus de le voir se détruire de la sorte. Et avec lui, il entraînait Ginny, jadis si joyeuse et enthousiaste, mais aujourd'hui plus que l'ombre d'elle-même. Sa sœur avait pourtant tout tenté pour le faire sourire à nouveau. Elle s'était montrée plus douce et patiente que jamais, mais Harry se murait dans un mutisme chaque jour plus profond. Il aurait pourtant dû être soulagé d'être enfin libre, sans la menace permanente de Voldemort au dessus de sa tête… Mais il lui semblait au contraire que son ami se sentait étouffer.

A bien y réfléchir, il réalisa que le Harry sorcier avait toujours vécu accompagné du Seigneur des Ténèbres. L'empêcher de revenir d'abord, puis le combattre ensuite avaient été ses uniques buts. Il avait passé des nuits à réfléchir, s'était efforcé de combler les pièces manquantes du puzzle afin de comprendre son histoire, avait sacrifié une partie de sa jeunesse à déjouer ses plans puis chasser les horcruxes, et ce au péril de sa propre vie. Tout cela, il l'avait fait pour lui, mais également pour le reste du monde. Pour ses amis…

Et le reste du monde, qu'avait-il fait pour le remercier ? Ron bouillonnait de colère. Rien ! Rien hormis le dénigrer, le critiquer, le traquer… Exactement comme pour Dumbledore ! L'inespéré dénouement de cette bataille finale exploité à son maximum, les journalistes avaient commencé à écrire n'importe quoi à son sujet : qu'il avait toujours affabulé, qu'il tentait de cacher son côté obscure, qu'il avait constamment bénéficié de passes droits qui faisaient de lui cet être horriblement fat et mégalo… Rita avait même terminé un article en laissant planer le doute sur une possible filiation avec Voldemort en personne ! La phrase était écrite sous le ton de la plaisanterie, mais elle était tout de même écrite !

Si, ne serait-ce qu'un quart de ces affreuses choses avaient été dites à son sujet, jamais il ne l'aurait supporté ! Il s'imaginait donc parfaitement ce que pouvait subir son ami. Et pourtant, Harry avait eu la force de passer outre ces scandales…

Non, ce qui le détruisait, ce n'était pas tel ou tel article dans la Gazette ou encore un badaud le montrant du doigt dans la rue ce qui le détruisait, c'était de ne plus avoir de but. Maintenant qu'il avait vaincu le Seigneur des Ténèbres, Harry se sentait perdu et inutile…

- Tu penses encore à lui, je le vois bien, affirma Luna qui venait de se réveiller, les yeux un peu bouffis et les cheveux tout emmêlés, épars sur l'oreiller.

- Je m'inquiète tant pour lui et Ginny… Je ne sais pas ce que je deviendrais si…Après Fred… Oh, ne te méprends pas, tu sais bien que je t'aime plus que tout. Seulement, Harry est mon meilleur ami et –

- Oh, mais je ne m'inquiète pas ! Ni pour ce que tu viens de dire, ni pour Harry et Ginny.

L'air affirmé qu'elle affichait, associé à cette extraordinaire spontanéité lui mit du baume au cœur. Il n'y avait pas un jour où il ne se félicitait d'avoir épousé sa Luna. Elle était faite pour lui.

Elle dut se rendre compte de son égarement passager car elle reprit aussitôt :

- Harry est bien plus fort que tu ne le crois. Il a de la ressource. Peut-être qu'il n'en est pas encore conscient, mais toutes ces épreuves n'ont fait que le grandir.

- Le grandir ? Il est six pieds sous terre !

- Pour le moment… Mais il redeviendra vite celui que tu connais. Laisse-lui un peu de temps. On ne met pas la charrue avant les hippogriffes, Ronald Weasley !

Bien sûr qu'elle avait raison… Luna avait toujours raison !

ooOoOoOoo

Le ciel, quoique parsemé de gros nuages de pluie, était plutôt lumineux pour la saison. Le vent du nord se chargeait d'en redessiner les contours à l'infini, si bien qu'un peintre aurait eu grand peine à fixer son pinceau sur sa toile. Respirant profondément, elle décrocha son regard de l'horizon, prit son courage à deux mains et passa la grille de Searing Moor. La main chaude de Remus dans le creux de son dos ainsi que le doux chocolat de ses yeux la poussèrent à continuer.

La lande alentour était maintenant toute recouverte de bruyère sauvage. La nature commençait à reprendre ses droits, tentant de faire oublier le drame qui s'était joué à ce même endroit plusieurs mois auparavant. Seules les ruines noirâtres du manoir rappelleraient à jamais l'attaque meurtrière qui avait ôté la vie de ses parents, de ses amis, et plus tard de sa petite sœur…

Elle s'avança vers le vieux chêne qui abritait les tombes de fortune entre lesquelles avaient poussé de hautes herbes et s'agenouilla devant celle de ses parents. Elle avait l'impression d'avoir vécu cet instant des dizaines de fois, encore et encore… Et si les rêves comptaient, cette impression était certainement vraie !

Seulement, cette fois, elle ne disparaitrait pas dans les sables mouvants, hurlant de peur et trempée de sueur en se réveillant affolée dans son lit. Non, cette fois, elle honorerait ses parents, leur dirait au revoir de façon sereine et vivrait enfin libre.

Libre d'aimer Remus et leur enfant à naître, soulagée de savoir que les coupables avaient payé pour ce qu'ils avaient fait.

D'une main fébrile, elle sortit sa baguette de sa cape et l'agita devant la pierre tombale. Aussitôt, le nom de Gabrielle, suivi de l'épitaphe « A ma sœur bien aimée » se gravèrent sur la stèle, au côté d'Androméda et Ted.

Puis, doucement, elle déposa au pied de la croix un bouquet de bruyère qu'elle avait cueilli en arrivant et, ce faisant, ne put s'empêcher de repenser à ce poème moldu que son père affectionnait tant. Un poème de Victor Hugo pour sa fille. Comme lui, elle avait traversé la campagne à l'aube, seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, triste, et le jour pour moi sera comme la nuit*. La vallée de Glencoe avait remplacé le petit port normand, mais comme lui, elle avait déposé ce bouquet violacé sur leur tombe…

ooOoOoOoo

Hermione,

Non, je t'en prie, ne jette pas immédiatement cette lettre. Laisse-moi une chance de m'excuser, même si de ta part, je n'attends aucun pardon. Mes actes sont bien trop graves…

Tu n'imagines pas à quel point je regrette tout ce que j'ai fait. Je me rends compte aujourd'hui que je me suis trompé sur toute la ligne ! J'ai été bête et orgueilleux. Aveuglé par des promesses de grandeur et de pouvoir.

En réalité, je croyais pouvoir me détacher d'une famille dans laquelle je ne me reconnaissais pas et ne pensais guère avoir ma place. Je trouvais mon père sans ambition aucune sinon celle de vivre à la moldue, et ma mère soumise de ne savoir mettre un terme à ces extravagances. J'avais honte de ces parents qui ne faisaient rien pour porter haut la dignité de leur nom, là où d'autres ne répugnaient à le faire tout en y tirant de fructueux avantages. Bref, je me suis coupé d'eux et ai suivi ma voix au ministère, jusqu'à servir Lord Voldemort. Là fut ma première véritable erreur.

D'autres ont suivi. Je voulais devenir quelqu'un de respecté. Un sorcier dont le seul nom inspirerait crainte et considération. J'ai volé, torturé, profané, tué et violenté pour me hisser dans leur cercle sans même me rendre compte qu'à travers ces actes, c'est mon âme que je vendais.

Lorsque je regarde en arrière, j'ose à peine croire à toutes ces horreurs commises. Comment ai-je pu faire ça ! Comment ai-je pu leur faire ça ! Comment ai-je pu te faire ça !

Où est-il passé, ce jeune homme enthousiaste, volontaire et pour qui la morale était une ligne de conduite ? Où est-il passé, ce jeune homme qui faisait la fierté de ses parents et de ses professeurs ?

J'ai honte aujourd'hui lorsque je regarde ma mère dans les yeux. Car sais-tu qu'elle me rend visite chaque semaine à Azkaban ? Après tout le mal que je lui ai fait et le déshonneur que j'ai porté sur ma famille, elle a décidé de m'accorder son pardon. Mon père lui a dit que c'était encore trop tôt pour lui, tout comme Bill et Charlie. De Ronald, Georges et Ginny, j'ai abandonné tout espoir… Quelle ironie du sort ! Moi qui répugnais à associer mon nom au leur de peur de ternir mon image… Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse !

En cellule, j'ai eu le temps de réfléchir à mes choix ainsi qu'à leurs conséquences, et je tremble aujourd'hui en repensant au mal que je t'ai fait. Hermione, j'ai besoin de te le dire. Et tu as le droit de savoir pourquoi tu as souffert.

Tout d'abord, il y a eu la prophétie de Trelawney, bien sûr... Mais nous n'en serions sans doute pas là sans cette incroyable coïncidence qui m'a fait te rencontrer cette nuit là au Terrier. Je me suis dit alors que je tenais peut-être l'ultime occasion de prouver ma valeur au Maître. Je n'ai pas pensé aux conséquences.

Aussi, au fond de moi, je brûlais de te parler pour comprendre une chose qui m'obsédait plus que de raison : comment avais-tu pu te lier à lui ? A lui ! Rogue ! Notre ancien professeur ! Un homme sombre qui m'a toujours un peu effrayé, je l'avoue, mais pour lequel mon intérêt n'a cessé de croitre depuis sa trahison. Jamais je n'avais vu le Seigneur des Ténèbres aussi furieux contre quelqu'un. Et j'ai compris que sa fureur n'avait d'égal que sa déception. Pour ça, pour cette importance qu'il représentait aux yeux du Lord, je l'ai jalousé plus que quiconque. Et lorsque j'ai appris que, de surcroit, il s'était lié à toi, cette obsession n'a cessé de croitre. Enfin, comment avait-il fait pour qu'Hermione Granger, l'amie de mon petit frère, la fiancée de Potter en personne, cette fille si gentille et intelligente, s'attache à lui ? Comment avait-il réussi, là où j'échouai lamentablement. Car tu n'es pas savoir que Pénélope m'a quitté voilà plusieurs années…

C'est dans cet état d'esprit que je me trouvais lorsque je t'ai amenée de force à Poudlard. Je pensais que grâce à ta capture et à cet enfant que je remettrais à mon Seigneur, ma vie prendrait un nouveau tournant. Celui que je n'avais cessé d'attendre.

Mais tout ne s'est pas déroulé comme prévu. Au fil des semaines, je me suis habitué à ta présence, au point de baisser ma garde. Je me rendais bien compte de ma faiblesse à ton égard. Etrangement, alors que j'ai commis des crimes qui me hantent encore aujourd'hui, je ne supportais pas l'idée qu'on puisse te faire du mal. Je craignais que le Seigneur des Ténèbres te reprenne à moi et te donne à un autre Mangemort, Malefoy étant le pire de tous. Je sais qu'il en mourrait d'envie, ne serait-ce que pour se venger de Rogue. J'ai pris mille précautions… Peut-être avais-tu remarqué que je ne te laissais que rarement seule en mon absence. Dufy avait ordre de veiller sur toi.

Et l'enfant est venu. J'avoue le peu d'intérêt que m'inspirait le nourrisson. Toi seule comptais. Pourtant, je n'étais pas à l'aise de te voir bouleversée de la sorte lorsque Dufy te l'a pris en attendant son sacrifice du septième mois. Je me suis senti sale, mais ne te l'aurais avoué pour rien au monde ! J'étais bien trop proche de mon but. Le Maître me voyait enfin à ma juste valeur et je pensais qu'avec le temps tu finirais par oublier cet enfant… Lorsque je vois les yeux de ma mère briller alors qu'elle me regarde, et en dépit de la souffrance que je lui ai causée, je comprends aujourd'hui que cette idée était ridicule et qu'une mère n'oublie jamais son enfant…

Puis, il y a eu l'incident, celui qui t'a plongée dans le coma. Combien de fois n'ai-je douté alors, prêt à te sortir de cet endroit ? Mais aussitôt, mes desseins de grandeur se rappelaient à moi…

Lorsque par miracle tu t'es réveillée, j'ai cru devenir fou. Tu as essayé de me convaincre, je n'ai rien voulu entendre… Je souhaitais juste que me pardonnes, que tu me respectes, que tu m'aimes. Je le souhaitais tellement que j'étais prêt à m'en donner l'illusion… et j'ai commis l'irréparable. Quelle ignominie ! Me servir de ton fils… Te faire ça…

Je n'espère rien de ta part, Hermione, mais souhaite seulement que tu puisses continuer sans que ce cauchemar hante tes nuits à jamais.

Si seulement je n'avais pas été aussi ambitieux et insatisfait ! Alors, peut-être aurais-je compris que le bonheur ne dépend pas de la richesse ou de la puissance, mais de cette liberté de penser et d'agir selon ses convictions, en accord avec soi-même. Ce sont des hommes comme Dumbledore, mon père, ou Rogue qui ont raison. Que de gâchis !

Ma plume commence à accrocher au parchemin. Je viens à manquer d'encre et je doute fort que les gardiens m'en donne avant la semaine prochaine...

Et je ne trouve pas non plus de formule convenant à une telle situation. Sache simplement que je t'ai écrit cette lettre sans rien te cacher de mes sentiments. Sache également que mes regrets sont sincères.

Adieu et pardon, Hermione.

Percy Weasley.

Tout au long de sa lecture, sa gorge n'avait cessé de se serrer pour ne plus former qu'une boule d'angoisse, à la limite de l'étouffer. Mais ce papier froissé qu'elle tenait encore entre ses mains moites venait de lui ôter un poids énorme de la poitrine. Un poids qui l'empêchait de vivre à nouveau, et ce malgré l'amour de Severus et de son fils...

Lorsque, quelques minutes auparavant, le hibou lui avait déposé la lettre marqué du sceau de cire noire d'Azkaban, Hermione s'était mise à paniquer. Non ! Elle ne voulait plus rien avoir affaire avec lui, ne voulait plus rien savoir de sa personne ! Elle s'était promise d'oublier et de passer à autre chose. Pour son propre bonheur et pour celui de sa famille.

Seulement, elle avait aussi compris qu'elle ne pourrait jamais oublier complètement ce qui s'était passé. C'était simplement impossible ! N'avait-elle pas failli mourir, et son adorable petit garçon manqué d'être sacrifié pour les desseins de ce monstre de Voldemort ! D'ailleurs, beaucoup de psychologues moldus recommandaient à leurs patients d'oser affronter la réalité, étape inévitable de la guérison…

Si elle avait réussi à survivre à ce coma, à faire ce qu'elle avait fait pour récupérer son fils, à désarmer Lucius Malefoy pour sauver Severus, alors, elle serait assez forte pour affronter Percy une dernière fois à travers cette lettre. Elle serait assez forte pour avancer et continuer à vivre. Aimer. Souffrir, peut-être. Aimer, encore et encore. Etre heureuse, tout simplement.

La lettre n'était maintenant plus qu'une boule qu'elle serait entre ses mains tremblantes, les larmes salvatrices inondant son visage. C'était terminé. Tout était terminé…

- Hermione, que se passe t-il ?

La voix inquiète de Severus la fit sursauter.

Avec hâte, elle s'essuya les yeux du revers de la main gauche et tenta de dissimuler la lettre dans la poche de sa robe de chambre, en vain. Severus venait de s'approcher, le regard inquisiteur braqué sur cette dernière. Gênée, elle détourna son visage du sien et contempla les flammes dans la cheminée.

- D'accord… Je vais te laisser si tu as besoin d'être seule. Je viens de coucher Adrian. Si toutefois tu as besoin de moi, je serai au laboratoire, annonça t-il d'une voix éteinte dont quiconque, en dehors d'elle, n'aurait perçu le moindre sentiment. Elle, y décela de l'inquiétude, mais également ce qu'elle identifia comme une légère pointe de colère.

- Je n'ai pas besoin d'être seule, Severus. C'est juste que… hésita t-elle avant de lui tendre la boule de papier.

- Que Weasley t'a écrit. Puisque apparemment tu as besoin que je finisse tes phrases, siffla t-il en la dévorant d'un regard brulant, ignorant superbement la lettre. Ça je l'avais bien compris ! Ce que je ne comprends pas, par contre, c'est la raison pour laquelle tu as tenté de me cacher cette lettre !

- Je n'ai pas-

- Ne me prends pas pour un imbécile, Hermione ! s'écria t-il alors, bien loin de sa maîtrise habituelle.

- En effet, j'aurais préféré que tu ignores l'existence de cette lettre, concéda t-elle, mortifiée et honteuse de lui avoir menti.

Elle ne l'avait pas fait volontairement, non. Ce déni avait été comme une sorte de réflexe, une tentative inconsciente de le protéger de la brutalité de ce qu'elle avait vécu.

Son regard noir était toujours posé sur elle, et Hermione pressentait une avalanche de reproches où se mêleraient, elle n'en doutait pas, piques acerbes et propos mordants. Mais ce dernier, contre toute attente, ne pipa mot.

A l'idée que son mari puisse penser à une quelconque correspondance entre elle et Percy, son cœur se mit à battre plus fort dans sa poitrine et sa tête tourbillonner dangereusement. Pourquoi avait-il fallu qu'elle lise cette lettre ce soir, par Merlin ! Pourquoi n'avait-elle pas attendu de se trouver seule à la maison ! Elle avait chaud et pourtant, une sueur froide coulait le long de son dos.

- Severus, reprit alors Hermione d'une voix qu'elle s'appliqua à adoucir. C'est vrai qu'en te voyant entrer dans le salon, j'ai paniqué. Je ne voulais pas que tu saches que Percy… que Percy m'avait écrit. Je ne veux surtout pas que tu t'imagines des choses…

Sa tête tourbillonna de plus belle…

- Je ne m'imagine rien.

Elle sentit les bras masculins l'encercler juste à temps alors qu'il prononçait ces derniers mots, avant que ses jambes toutes flageolantes ne cèdent sous le poids de son corps vacillant. Alors qu'il la soutenait, ses larmes, trop longtemps retenues, coulèrent librement sur ses joues, mouillant la chemise de Severus.

- Je devine aisément… continua t-il d'un ton amer.

- Oh, non ! s'exclama t-elle douloureusement en enfouissant d'avantage son visage sur son torse. Tu n'as pas à savoir… Tu n'as pas à endurer… Il suffit déjà de-

- Tu n'as pas eu le choix, Hermione ! la coupa t-il avec force tout en l'écartant légèrement de lui.

De cette façon, son visage était maintenant face au sien et elle pouvait voir une flamme, noire et dévorante, consumer son regard.

- C'est vrai qu'à ce moment je n'en ai pas vu d'autres possibilités concéda t-elle. Il détenait notre fils. Mais il y avait surement d'autres options… Si tu savais à quel point j'aimerais oublier ces derniers mois et… Oh, Merlin !

- Hermione… tu as fait ce que toute mère aurait fait. Tu as été forte et courageuse, mon aimée. Et je n'avais aucun droit de reporter ma colère contre toi.

La main qu'il venait de poser sur sa joue était chaude et douce et Hermione ferma les yeux pour mieux savourer cet instant, si paisible.

- J'ai fait ce qu'il fallait… répéta t-elle, d'avantage pour elle-même.

- Bien plus forte que moi…

Oh, non ! Elle ne voulait surtout rien entendre, sachant parfaitement ce qu'il s'apprêtait à lui révéler. Elle l'avait deviné alors même qu'il l'avait retrouvée dans la clairière. Là, elle avait vu le visage de Gabrielle et avait tout compris, tout deviné…

- Lorsque j'ai quitté la Grande-Bretagne…

Hermione se sentait de plus en plus mal. Comme si une récente cicatrice, trop fraîche encore, venait de se rouvrir. Et cette cicatrice lui faisait mal, tellement mal… Elle ne tenait vraiment pas à en savoir plus ! Non, elle ne voulait rien savoir de son mari avec cette fille, ne voulait rien imaginer ! Ne surtout pas imaginer…

- Severus, non, le coupa t-elle en posant son index sur ses lèvres. Je t'en prie… je ne veux pas entendre de ta voix ce que je sais déjà…

Sa bouche s'entrouvrit de stupeur et elle vit un sentiment de tristesse passer comme une ombre sur son visage.

- Si tu savais comme je-

- Non, Severus ! insista t-elle en appuyant un peu plus son doigt sur sa bouche.

Mais alors qu'elle l'intimait à se taire, il se saisit de sa main, l'emprisonnant un peu trop rudement, et l'écarta de son visage. Elle eut l'impression qu'il s'apprêtait à lui parler, mais hormis son souffle, devenu fort et saccadé, rien ne sortait d'entre ses lèvres fines. Elle attendit quelques secondes, hors d'haleine, presque anxieuse de cette flamme qui redoublait au fond de ses yeux noirs…

Un abysse. Elle était en train de se noyer dans un abysse. Et ce ne fut que lorsqu'il amena sa main vers sa bouche, écrasant brusquement ses lèvres brûlantes sur sa paume, qu'elle se réveilla enfin.

- Il n'y a que toi, Hermione.

Tremblant. Fébrile. Enfiévré.

- Il n'y a toujours eu que toi…

Il la serrait plus, toujours plus, et elle, répondait à son étreinte avec la même ardeur, la même passion, si fort qu'elle se crut sur le point de défaillir.

Comment elle s'était retrouvée sur le sol, elle n'aurait su le dire. Seuls comptaient sa bouche, dévorant son cou, ses mains, cherchant avidement sa peau, son corps écrasant le sien sans ménagement… et ses coups de reins, puissants, profonds, presque douloureux.

Et elle les savourait, jouissant de le savoir en elle, de l'entendre soupirer et gémir, de l'entendre sangloter son plaisir. Jamais il ne lui avait fait l'amour comme ça, si violemment, si rudement, sans se préoccuper de la satisfaire elle. Et pourtant, jamais elle ne s'était sentie aussi entière, aussi libre. C'était presque trop fort, trop intense. Trop…

Alors, lorsqu'elle sentit cette chaleur tant attendue irradier son ventre et ses reins, puis la submerger par vagues aussi violentes qu'implacables, elle ne put s'empêcher de crier son nom, encore et encore...

Son corps transpirant recouvrait le sien, le visage enfoui dans ses cheveux, et le souffle calme de sa respiration lui effleurait la nuque comme une caresse. Elle était bien, tellement bien… Elle aurait voulu rester ainsi, enlacés dans les bras l'un de l'autre, des heures durant. Derrière eux, les braises rougeoyantes de l'âtre finissaient de se consumer, accompagnant la douce torpeur de leurs corps assouvis et heureux…

ooOoOoOoo

Penché au dessus du petit lit à barreaux de bois blanc, Severus réfléchissait. Depuis leur fuite de Poudlard trois semaines auparavant, il avait appris à découvrir son enfant. Un fils.

Si on lui avait dit avant d'épouser Hermione qu'il serait un jour père, Severus aurait suggéré à ce toqué d'aller se faire ausculter d'urgence à Sainte-Mangouste pour confusion mentale sévère ! Mais ça, c'était avant qu'Hermione ne lui annonce sa grossesse…

Il revoyait encore son visage anxieux et son air affolé. Qu'avait-elle craint alors ? Qu'il ne la quitte ou lui force à avaler une potion ? Il lui avait fallu quelques secondes pour digérer l'information, et s'était efforcé tant bien que mal à reprendre contenance face à sa femme qui se liquéfiait littéralement sur place.

- Je ne sais pas comment cela a pu arriver… Je prends pourtant mes précautions. D'ailleurs, ce n'est pas du tout le moment !

Alors comme ça, il y avait un moment pour Hermione !

Il avait soudain réalisé qu'ils n'avaient jamais abordé la question des enfants dans leur couple. Qu'il n'en veuille pas semblait pourtant évident : en tout premier lieu, il y avait cette différence d'âge, et d'autre part, quiconque avait eu l'occasion de se retrouver dans une salle de classe en sa compagnie avait dû se rendre compte de son peu de patience avec les enfants… Quant à l'image qu'il se faisait d'un père… Le sien n'en avait pas été un et il aurait été bien plus heureux sans lui ! Ce qu'il connaissait le mieux chez ce père, c'était son poing et cette haleine d'alcool lorsqu'il rentrait du pub chaque soir.

Non, jamais il n'avait pensé être père un jour. Et Hermione, jamais elle ne lui avait fait part d'un tel désir !

Il avait eu l'occasion de la voir quelques fois avec de jeunes enfants, mais ne lui avait pas vu d'intérêt pour la question, alors que les autres jeunes femmes de son âge étaient en extase devant les bambins ! Tout naturellement, il s'était dit qu'elle n'en voulait pas. Et mieux, il s'était dit que pour s'être mariée avec lui, ce genre de question était déjà réglé !

- Parcequ'il y a un moment ? l'avait-il alors questionnée, stoïque.

- Eh bien, si nous n'étions pas en guerre… Peut-être que l'idée m'aurait effleurée à un moment donné, avait-elle bredouillé en se tortillant les mains, visiblement gênée. Enfin, je n'en sais rien ! Je ne sais même pas si je vais le garder !

Etrangement, à cette idée de perdre l'enfant, il avait ressenti une violente douleur au creux de l'estomac. Une douleur que jamais il n'aurait pu soupçonner avant ce jour.

- Je crois que le simple fait d'être venue m'en parler… prouve que tu désires cet enfant, avait-il soufflé, presque dans un murmure.

- Mais toi…

- J'avoue ne m'être jamais posé la question, lui avait-il répondu, tout en considérant sa silhouette qui ne laissait encore rien présager de sa grossesse.

Il s'était imaginé le ventre de sa femme en train de s'arrondir au fil des mois et avec lui, ce sentiment de fierté qu'il découvrait avec étonnement. C'était nouveau et tellement fort. Il avait alors compris qu'en dépit de ses craintes et de ses certitudes, et contre toute attente, lui aussi désirait cet enfant…

Tiré de son sommeil par une légère caresse sur ses cheveux, son fils entrouvrit les yeux et lui sourit. Encore une fois, le cœur de Severus se serra. S'habituerait-il jamais à ressentir tant d'émotions ?

Doucement, il dégagea le petit corps de la gigoteuse et prit son fils contre lui. L'enfant gazouillait tout en battant des pieds.

- Je vois que tu as faim, déclara t-il en coulant son regard dans le sien, comme s'il attendait une réponse en retour. Dans ce cas, allons le préparer, ce biberon !

Évidemment, il ne serait jamais de ces pères ultra démonstratifs et envahissants à la Arthur Weasley, ce n'était simplement pas dans son caractère. Il ne voulait pas non plus régenter la vie de son fils en tentant de le façonner à son image, comme avait pu le faire Lucius avec Drago. Non, il se jurait simplement de toujours veiller au bonheur de son fils, et pourquoi pas, se faire l'instrument discret de sa réussite… Car avec lui, Severus avait découvert qu'il était capable de patiente et de bienveillance. Deux vertus qu'il ignorait totalement posséder avant de devenir père.

Une main effleura son épaule. Hermione, qu'il avait déposée endormie sur le canapé, avait passé un peignoir et lui souriait.

- C'est ici que tu étais… bailla t-elle en caressant la joue d'Adrian.

- Je l'ai entendu remuer et je crois qu'il a faim…

Il vit un léger sourire se dessiner sur ses lèvres avant qu'elle n'ajoute :

- Tu es un excellent papa et je t'aime, Severus.

Tant de spontanéité le désarma et pour la première fois de sa vie, les mots lui maquèrent. Lui aussi l'aimait, les aimait. Merlin ! Bien sûr qu'il s'habituerait à toutes ces émotions ! Et avec eux, ne goûtait déjà t-il pas au bonheur ?

FIN


* extrait de Demain dès l'aube de Victor Hugo. Mais je pense que vous dû reconnaître ce grand et beau classique !

Voilà, cette histoire est belle et bien finie ! Une petite review pour connaître votre dernière impression me ferait bien plaisir !

NB : il n'est pas impossible que j'écrive un petit OS sur l'évolution des sentiments d'Hermione et Severus, au début lorsqu'ils travaillaient ensemble. Une sorte de préquelle à cette histoire... Mais avant, je souhaite reprendre la suite de "Ma relative liberté" que j'avais laissé de côté pour me concentrer sur l'Arcane...

BIZ et à bientôt

khalie