Dans mon commencement est ma fin et dans ma fin mon commencement.

[Thomas Stearns Eliot]

« Tu ne me reverras plus. Je ne reviendrai pas. Poursuis ta vie, je ne m'en mêlerai plus. Ce sera comme si je n'avais jamais existé. »

Ce fut ses derniers mots. Ce fut le paroxysme de mes maux. Il s'en était allé, sans réelle explication mise à part ne plus m'aimer. Comment le retenir ? Comment retenir l'essence même de votre vie lorsque cette dernière ne demande qu'à s'éloigner ? Qu'à vous omettre ? A vous rayer comme un mauvais calcul, une bête manipulation, une piètre syntaxe. Il s'en était là, me laissant patauger dans ce flou de sentiments, de contradictions. Comme si son départ démembrait mon existence. Comme s'il possédait l'ultime clé des rouages de ma vie.

Et si mes larmes avaient cessés de se déverser, c'était uniquement parce que maintenant je ne le pouvais plus. Uniquement parce que, s'il pensait me protéger, m'éloigner de son monde en m'abandonnant, Edward s'était lourdement trompé. Si ce n'était son venin qui coulait en moi, c'était celui d'un autre. D'un inconnu. D'un vagabond.

Edward Cullen fut mon premier amour. Il fut celui qui m'apprit que la métempsycose existait, que les chimères avaient de plus belles apparences. Il fut celui qui me fit comprendre que le monde n'était pas celui que je connaissais ou du moins qu'on m'avait fait connaître. Il fut celui qui me fit lever les yeux au ciel pour y admirer les plus doux nuages. Il fut ma dose quotidienne d'héroïne. A deux, nos ténèbres étaient devenues Soleil. Nous étions les deux moitiés d'un tout. Il était ce sumbolon dont parlait Platon.

Et j'avais cru que je n'y survivrai pas, que ma vie était si intrinsèquement liée à la sienne que dès l'instant où je le perdrai, je périrai. Et pourtant la vie avait poursuit son court aussi indifférente à ma douleur. Et j'avais dû apprendre à la dompter. J'avais dû apprendre à m'y habituer. Et si aujourd'hui, je ne pouvais pleurer Edward, cela n'empêchait qu'un chaos sans nom avait ravagé mon cœur, le marquant à jamais dans chaque fibre de mon être.

Et qu'à chaque crépuscule, une pointe de douleur secouait ce cœur pétrifié.

J'avais dû refaire ma vie, j'avais dû me reconstruire.

Si un jour, je revoyais Edward, je lui dirais qu'il avait eu tort. Que les vampires avaient bien une âme car « la douleur de l'âme pèse plus que la souffrance du corps » (Publius Syrus). Et vu l'ampleur de cette douleur que j'avais dû supporter, mon âme devait être bien grande. Et le temps, qui m'avait paru filer, s'égrenait, s'étendait. Et dans mon épreuve, je n'avais qu'une seule compagnie. Mon époux : Daniel.