Je passe le nom de l'auteur, genre ou le rating, vous avez compris je crois. :)

Pairing : Sebastian x Ciel. Attention, c'est un peu... plus poussé que dans les chapitres précédents.

Disclaimer : Ciel, Sebastian et tout l'univers de Kuroshitsuji appartiennent à Yana Toboso et à Square Enix ! Mais "Mazoe" m'appartient... Je crois que je vais la vendre sur eBay, et encore, pas sûre qu'elle trouvera acheteur. Pas d'intéressé pour un sacrifice humain ? Non ? :D

Note de l'auteur : Ce chapitre est une suite directe du chapitre Envie, et un peu aussi du chapitre Gourmandise. Il se déroule deux-trois jours après la mission pour la Reine qui a mené Ciel au bord de la crise de nerf... XD Bref, c'est une information qui a son poids ici même. Je ne pense pas avoir autre chose à rajouter... Je vous souhaite donc une bonne lecture !


« Quelque chose vous tracasserait-il, Jeune Maître ? »

Ciel tenta d'ignorer dédaigneusement la question que venait de lui soumettre son majordome mais la tâche s'avérait difficile lorsque ce dernier vous fixait droit dans les yeux, à quelques centimètres de vous, et avec cette feinte candeur qui brillait dans ses pupilles sombres… Le maître des lieux, feignant l'indifférence, détourna le regard du visage de son domestique avant de se plonger dans les papiers qui jonchaient sur son bureau.

« Ce ne sont en aucun cas tes affaires, Sebastian. Mêle-toi de ce qui te regarde. »

Le jeune comte n'eut pas à lever les yeux pour savoir que son valet lui souriait d'un air interrogateur ; Il le sentait. Il tenta vainement de se concentrer sur son travail mais, avant même de pouvoir terminer sa première ligne de lecture, une main gantée lui enleva ses feuilles avant de les poser fermement sur un coin de la table et il se retrouva démuni, face à ces yeux – tellement intenses qu'il était difficile de tenir tête, et d'un rouge si profond qu'ils scintillaient faiblement sous les rayons chaleureux du soleil.

« Mais Jeune Maître, votre bien-être fait partie de mes préoccupations. »

Le jeune comte haussa les sourcils, retenant difficilement un mouvement de recul alors que le visage de son majordome s'approchait davantage du sien – il n'allait quand même pas avouer sa défaite face à lui, peu importait à quel point il était gêné par la proximité – avant de répondre, d'un ton calme et posé, alors que l'agacement lui montait déjà à la tête :

« Seulement une préoccupation ? »

Il n'aimait décidément pas le sourire qu'abordait à présent le démon. Il n'aurait peut-être pas dû poser cette question stupide et fade… Après tout, tout ce qu'il souhaitait à présent était que l'homme aux airs si avenants le laisse enfin seul. Mais il était un Phantomhive ; il ne devait jamais rien regretter, il se l'était fait jurer. Et puis de toute façon, ce n'était pas si compliqué ! Il pourrait tout simplement le congédier, dans le rôle du maître qu'il était. Mais il savait qu'après cela, il ne pourrait plus regarder le valet droit dans les yeux sous peine de se faire harceler de questions bien placées. Le pire serait que Sebastian appelle Elizabeth en lui disant qu'il s'inquiétait pour son maître… Et alors Ciel n'aurait plus une seule journée de tranquille étant donné que sa chère fiancée le collerait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme si sa présence à elle seule suffirait à le rendre de bonne humeur – alors qu'en réalité elle ne ferait que l'irriter davantage.

Rien que de penser à Lizzy lui donnait des maux de tête considérables et il se massa les tempes, peu soucieux du regard sanglant qui le dévisageait toujours.

« Je vous l'ai déjà dis ; Je suis entièrement à vous, jusqu'à mon dernier cheveu. Je vis pour vous, Jeune Maître. Votre confort est ma raison d'être. »

Plus que l'agacement, la colère était un bon mot pour décrire ce que ressentait Ciel à ce moment précis.

En réalité, ce terme lui convenait bien, quel que soit l'instant. Depuis le sombre anniversaire de ses dix ans, son monde de lumière et de petit bonheur avait basculé dans l'oubli… Il ne restait plus que la haine en son cœur. Et il voulait la garder en son sein, comme un vestige de sa vie détruite, puisqu'elle était désormais son seul refuge sûr et la seule émotion qu'il s'accordait encore.

Mais pour l'instant, toutes ces réflexions étaient sans importance.

Quelque part, il avait envie de s'emporter. De hurler sur Sebastian. De le gifler en le traitant de menteur… Parce qu'il n'était rien de plus que cela. Il osait prétendre vivre pour lui, pour Ciel Phantomhive ? Fadaises ! Vivait-il tout simplement encore ? Il était un démon, bon sang ! Et il affirmait qu'il ne lui mentirait jamais !

Pourtant, plus Ciel y pensait, plus il se disait que Sebastian ne mentait pas – pas entièrement. Après tout, il avait dit s'être fait « baptisé » dans le contrat, n'est-ce pas ? Cela signifiait que « Sebastian », le majordome fidèle et protecteur, serait né durant le funèbre jour de leur rencontre… Et cet homme-là vivait bien pour servir l'héritier des Phantomhive. Quant au diable, tapi au fond de chaque sourire aimable, il ne pouvait pas moins se soucier de l'enfant qui lui avait sans hésitation vendu son âme.

Le seul élément qui retenait encore Ciel de porter la main sur le majordome était une étrange considération qu'il lui portait. « Sebastian » mentait sans vraiment mentir… Il mentait comme un démon, et non comme un humain, jouant avec les mots, les déformant à loisir. Pour cela, rien que pour cela, le jeune comte acceptait de lui accorder grâce.

…C'était presque comme s'il ne pouvait simplement pas s'énerver contre Sebastian.

Cette pensée l'inquiétait beaucoup, même s'il tentait de se convaincre qu'il n'y avait aucun problème. La colère était son bouclier face au monde, la haine son épée pour transpercer ce qui lui faisait défaut… Mais sans colère, il ne pouvait y avoir de haine, et il savait parfaitement qu'il devait user de ces deux éléments s'il voulait s'en sortir. Il restait humain, après tout. Sans émotion dit « négatif », il risquait de s'attacher d'une manière à une autre à son propre bourreau… Tch. Pitoyable. Le sentimentalisme était pour les faibles.

« Alors, Jeune Maître ? Pouvez-vous je vous prie me faire part de la raison de votre hargne soudaine ? »

Ciel ne chercha pas à dissimuler l'ennui qu'il ressentait sur le moment, préférant se concentrer afin de ne pas bondir à la gorge de ce satané démon. Ah, comme s'il ne savait pas ! Il faisait l'innocent, et le jeune comte ne supportait pas cela. En temps normal, s'il avait été d'humeur, il aurait parfaitement pu jouer à ce petit jeu et feindre l'incompréhension à son tour. Pourtant, il savait qu'il avait des chances de se perdre dans son propre rôle, à cet instant présent, s'il tentait de mimer… Dans ces cas-là, il ne lui restait plus que l'ironie. Un sourire tout sauf tendre étira ses fines lèvres alors qu'il rendait à Sebastian un regard mordant.

« Une hargne ? Quelle hargne ? Voyons Sebastian, ne vois-tu donc pas à quel point je suis de bonne humeur ? »

Un court silence s'installa dans la pièce, pesant lourdement sur les épaules de l'enfant humain, à tel point qu'il crut brièvement avoir remporté la partie ; mais lorsqu'il aperçut le sourire du démon s'étirer, il sut d'avance qu'il n'y avait plus rien à faire. Il ne capitula pourtant pas, restant droit et fier, alors même que les yeux moqueurs de son interlocuteur se teintaient de satisfaction.

Il ne s'attendait tout simplement pas à voir ce dernier lui tourner brusquement le dos.

« Eh bien, puisque le Jeune Maître ne semble pas requérir ma présence, je suppose que je peux me permettre un moment de détente. Comme par exemple, aller voir cette douce Mazoe. Après tout, cela fait bientôt trois jours qu'elle ne m'a pas vu. Elle doit quémander ma présence avec ardeur… »

L'enfant n'était pas encore assez sot pour manquer le lien entre le regard insistant de Sebastian, le prénom irlandais féminin et le délai de trois jours. Il tenta de conserver un semblant de calme, mais déjà les jointures de ses poings serrés blanchissaient et il sentait comme une bouffée de chaleur monter à ses joues, honteux de sa fuite précipitée lors d'une mission pour la Reine, et furieux des détails qui lui revenaient en tête – et le sourire moqueur de son propre valet, et les cris de plaisir de la pauvre souillon, et le baiser qu'ils s'étaient échangés en sa présence !

Il ne devait pas craquer, tonna-t-il dans sa tête. Seuls les imbéciles tombaient dans des pièges aussi flagrants que celui-ci. Que croyait le démon ? Qu'il allait le supplier de rester, comme une adolescente énamourée ? La rage faisait trembler ses mains, mais Sebastian ne pouvait le voir puisqu'il quittait déjà la pièce. Ah… Surtout, ne rien dire. Ne pas lâcher prise. Pas maintenant, alors qu'il allait remporter ce duel… !

Il ne sut combien de temps il resta ainsi, immobile et tendu. Peut-être deux secondes, peut-être dix minutes. Il lui sembla même qu'une éternité s'écoulait entre ses mains alors qu'il bloquait tout son dans sa gorge… Le silence l'étouffait presque, à présent, en l'absence de toute autre vie en cette pièce.

Et si le démon était réellement allé trouver cette femme ?

« S…Sebastian ! »

Le nom était parti contre sa volonté, par réflexe, et l'instant d'après il s'était couvert la bouche des mains, sous le choc de ce qu'il venait de prononcer. Il était pourtant trop tard, et l'interpellé ouvrit la porte en moins d'une seconde – ce qui prouvait clairement à Ciel qu'il n'était jamais vraiment parti, et cela ne faisait qu'aggraver sa méfiance. Le sourire du majordome semblait presque tendre, alors qu'il s'inclinait légèrement devant l'humain, les yeux fermés, et l'enfant ne put s'empêcher dans un coin de sa tête d'admirer la perfection des gestes et la beauté des traits.

« Vous m'avez appelé, Jeune Maître ? »

Si le valet tout de noir vêtu semblait réellement étonné, Ciel voyait dans ses yeux rouges qu'il savait tout. L'idée d'être lu comme en un livre ouvert le mettait absolument hors de lui et l'impression désagréable d'avoir été manipulé depuis le début lui démangeait les doigts… Une impulsion soudaine s'empara de lui et il se leva brusquement de sa chaise, la renversant au passage, avant de se diriger vers l'objet de sa fureur. D'une poigne ferme, il saisit la cravate sombre de son domestique et tira dessus, sachant très bien que le démon ne suffoquerait pas, puis le fixa droit dans les yeux sans ciller. Le bleu ciel se heurta contre le rouge sang, se confrontant durement à lui pendant un long moment. Aucun des deux ne bougea.

Ciel retenait presque sa respiration, tentant de ne pas se défaire de sa quiétude.

« Ne te moque pas de moi, démon.

- Est-ce un ordre ? »

Aucune pensée cohérente ne put parvenir à l'esprit de l'enfant humain, alors qu'il trouva le moyen parfait de faire taire cette bouche trop bavarde.

Et lorsque leurs lèvres se rencontrèrent pour la seconde fois de sa courte vie, Ciel Phantomhive ne se rendit pas même compte de l'aberration de la situation.

Il n'y avait rien de sensuel, ni même de passionnel dans le baiser qu'ils échangèrent. L'enfant se faisait violent, brutal malgré son inexpérience dans le sujet, appuyant agressivement sa bouche contre celle du démon et quémandant toujours plus, ne fermant pas les yeux pour autant. Il sentit Sebastian sourire contre ses lèvres avant d'emprisonner son corps frêle dans une embrasse farouche et de répondre avidement à ses assauts. Bientôt, sa bouche fut envahit par une langue pécheresse et il ne put s'empêcher d'agripper un peu plus fermement la veste de l'autre en signe de saisissement. Il ne céda pourtant pas et se battit férocement pour la dominance… Mais les capacités du démon en ce domaine eurent bientôt raison de lui et c'était pantelant qu'il s'écarta de lui.

Il prit quelques secondes pour se ressaisir, ne quittant pas un seul instant le tentateur du regard, et il se retrouva très vite de nouveau contre lui alors même qu'il venait de reprendre son souffle. Leurs lèvres s'entrechoquèrent avec toujours plus d'impétuosité, leurs souffles se heurtèrent encore une fois, et la langue du diable qui s'insinuait telle un serpent entre ses lèvres semblait brûler sa peau. Il sentait une flamme destructrice s'allumer en son bas-ventre, mais là où d'autres auraient repoussé le Mal avec ardeur, lui l'attirait au plus près de lui. Il encadra le visage albâtre de Sebastian avec ses doigts fins tandis que ce dernier appuyait délicatement derrière sa nuque de ses mains gantées de blanc, approfondissant davantage le baiser. L'enfant se sentait suffoquer, coincé entre le brasier qui consumait ses entrailles, et cette langue joueuse qui explorait sa bouche, et ces bras qui le confinaient avec tant de fougue, et ce terrible désir qui étincelait dans les yeux carmin…

Peut-être était-ce ce genre de produit illicite que vendait Lau, dans les ruelles sombres de Londres. Pourtant, même sans avoir jamais effleuré l'opium de sa vie, le jeune comte en connaissait les effets. Il se sentait déjà dépendant du contact physique avec Sebastian. Ce dernier était son poison, qu'il buvait volontairement, et il en demandait encore, et encore, et encore… Il ne voulait pas être le seul à s'intoxiquer.

Il ne put retenir un gémissement étouffé alors que le démon mordait délicatement sa lèvre inférieure, mais ne se laissa pas surplomber par ce moment de faiblesse et resserra sa poigne sur sa veste noire. Leurs corps se heurtaient par à-coups, avec force. Leurs yeux semblaient se défier mutuellement de se quitter un seul instant. Et même lorsque l'enfant sentit qu'il devait se dégager de l'autre, ne serait-ce que pour respirer, il ne put se contraindre à lâcher le premier.

Heureusement pour lui, Sebastian n'était pas aussi puéril que lui et brisa leur étreinte, permettant ainsi à l'humain de reprendre sa respiration. Un long silence s'installa entre eux alors qu'ils se dévisageaient toujours, provoquant l'un l'autre par le biais du regard de prendre la parole en premier… Peu à peu, le visage de Ciel se ferma, tandis qu'un sourire malicieux apparaissait sur les lèvres narquoises du démon.

« Puis-je savoir en quel honneur sont dédiés ces baisers, Jeune Maître ? »

Les mots étaient inutiles, fades et sans intérêt, puisque l'un comme l'autre n'en avait besoin pour communiquer réellement, mais l'enfant accepta de jouer le jeu puisque le non-humain le faisait bien, lui. Et alors, pour la première fois depuis trois jours, il se permit un véritable sourire. Non pas un sourire heureux, non ! Le jeune Phantomhive ne le retrouvera jamais puisqu'il avait péri en compagnie de ses parents dans les flammes avides… Mais ce sourire-ci n'en était pas moins réel. Un rictus empli d'amusement et de dérision. Ses émotions atteignaient eux-aussi son œil perçant, plus intenses, plus marquants que le bonheur. Alors, le frêle humain se mit à rire, faiblement - comme atteint d'une sorte de folie douce - avant de se rapprocher une nouvelle fois de l'autre pour pouvoir lui murmurer à l'oreille sa réponse, et rien ne fut plus délectable pour lui que l'expression de pure saisissement qui s'afficha sur le visage du diable lui-même lorsqu'il lui déclara avec fermeté :

« Tu m'appartiens, Sebastian. Tu me l'as toi-même dis : tu vis pour moi. Et rien ni personne ne pourra changer ce fait, n'est-ce pas ? Tu es à moi. Tout ce qui te compose est à moi, toujours et éternellement à moi, à moi seul. »

Le sourire avait à présent déserté ses lèvres de poupée. Une sorte de colère froide brillait dans son œil sombre, tranchant de détermination et d'aigreur… Comme pour accentuer ses mots, il traça les contours des traits élégants du bout de ses doigts fins, avant de s'écarter rapidement du démon. Ce dernier ne resta d'ailleurs pas longtemps figé ; très vite, un sourire amusé effleura ses lèvres pâles, et l'humain sut qu'il avait piqué à vif son intérêt. C'était bien. Il ne comptait pas l'ennuyer de si tôt, après tout. Même s'il restait un faible, sale, pitoyable petit humain, il ne souhaitait pas décevoir trop souvent l'être surnaturel qui l'observait précautionneusement et suivait le moindre de ses gestes... Il laissa le majordome saisir ses doigts entre les siens, et ne bougea pas alors que ce dernier déposait un baiser sur le dos de sa main. Ses yeux rouges, ses pupilles brûlantes pétillaient de passion, d'une sensualité non-contenue – et il se rendit très vite compte qu'il ne pouvait plus détacher son regard du sien.

« N'avez-vous pas peur de pécher, Ciel Phantomhive ? »

La façon dont il prononça son nom le fit frissonner. Il n'était pas un serviteur du mal pour rien. L'enfant se sentait peu à peu sombrer dans les vices et n'en avait pourtant cure, attiré inexorablement par ce diable qui lui servait de majordome, s'enfonçant dans un bourbier toujours plus profond… Il se noyait de plus en plus dans ce regard hypnotisant, et n'arrivait pourtant pas à se séparer de lui. Il ne savait plus vraiment s'il ne pouvait, ou s'il ne voulait s'écarter de ce danger inéluctable.

« Je t'ai vendu mon âme, démon. Puisque je suis un impur aux yeux du monde, autant transgresser jusqu'au bout. »

Sa propre assurance le troublait presque. Il ne se rendait pas réellement compte de l'importance de ses propos. En réalité, il n'était pas même conscient de la route qu'il venait de prendre… Mais cela avait-il vraiment de l'importance ? Il n'était pas – plus – un petit enfant qui craignait de se perdre. Il était assez mature pour prendre toutes les responsabilités qu'engendraient ses actions. Et il n'avait plus peur de l'inconnu, lui qui avait connu et subi les horreurs de ce monde. Au contraire ; il ne souhaitait que quitter la répugnante civilisation humaine. Quoi de mieux qu'un démon pour cela ? Il n'attendait que le diable pour lui faire découvrir de nouveaux horizons. Ce n'était pas comme s'il craignait l'Enfer, puisqu'il avait – et aurait pour toujours, toujours – un de ses habitants à ses côtés.

Un sourire malicieux apparut sur son visage fragile, digne de celui du chat de Cheshire, et il déposa ses doigts sous son menton, comme s'il réfléchissait à une question intéressante. Les yeux de son valet luisaient de plaisir. Cela le poussa à franchir toutes les limites qu'il s'était autrefois imposé, que ses parents bien-aimés lui avaient un jour prescrit, à lui, alors qu'il était encore un petit garçon innocent et un fervent croyant… Il n'avait maintenant plus à douter puisque les portes du Paradis lui étaient déjà inaccessibles et que dieu l'avait abandonné avant même qu'il n'ait péché - abandonné du haut de l'autel glacial, brebis immaculée livrée au loup affamé.

« Penses-tu que le crime de l'homosexualité avec un démon m'apportera une torture éternelle dans l'au-delà, Sebastian ? »

Le démon rit, enjôleur et séduisant, et Ciel fronça les sourcils à son aspect si humain en cet instant précis. Il demeura aussi impassible qu'une statue de pierre tandis que le majordome se penchait vers lui. Avec beaucoup de tendresse, celui-ci lui retira le bandeau de jais qui recouvrait son œil gauche, dévoilant à l'air libre le signe de leur pacte gravé à même la pupille… Mais le semblant d'affection qui pétillait dans les yeux sombres de l'adulte ne trompait guère le comte. S'il ferma l'œil gauche, permettant à Sebastian de déposer amoureusement un baiser sur sa paupière pâle, sa prunelle océan – profonde, abyssale - resta inflexible et dure comme elle avait toujours été depuis tant d'années.

Et peu importait son faible sursaut, alors qu'il sentait son souffle chaud contre sa nuque. Peu importait sa respiration hachée, alors que le chuchotement du diable parcourait sa peau. Peu importait ses lèvres si proches de lui, et ses mains sur sa taille, et ce regard lascif qui le dévorait. Car plus rien d'autre ne comptait mis à part les mots tentateurs, et il comprit brusquement pourquoi Eve avait succombé à la pomme tendue par l'envoûtant serpent.

« Vous n'en saurez rien si vous n'essayez pas. »

Mais Eve l'ingénue était aveuglément confiante, et terriblement ignorante, alors que Ciel Phantomhive s'emparait consciemment du fruit doré – du fruit gâté – parce qu'il le désirait tout autant que le démon le désirait, lui, et parce qu'il ne pouvait, qu'il ne voulait plus faire marche arrière. Un même sourire apparut alors sur les deux visages blafards, mime mutuelle de leurs émotions respectives et communes ; Et l'intérêt, l'entêtement, la férocité, la luxure, les flammes qui brûlaient dans leurs corps, qui consumaient leurs pensées, tout ne demandait qu'à grandir davantage, encore, encore, jusqu'à ce que plus rien ne restait d'eux.

Le jeune comte repoussa son serviteur, non pas pour l'éloigner de lui mais au contraire pour le pousser à s'approcher davantage - pour pouvoir mieux sentir la chaleur de son corps contre le sien après avoir embrassé la fraîcheur de la pièce. Il retourna à son bureau avant de s'installer lentement sur la large table de bois verni, sans que les yeux sanglants du démon ne le quittent une seule seconde, et croisa avec langueur ses jambes laiteuses. Il se redressa du haut de sa petite silhouette, l'air si imposant et pourtant si fragile, avant qu'une expression de pure arrogance ne s'affiche sur son visage. Le fantôme d'un sourire joueur flottait encore sur ses lèvres alors qu'il déclara, droit et fier :

« Pousse-moi donc à le faire. »

Et l'enfant ne flancha nullement devant les yeux brusquement étincelants du diable, ni devant la soudaine pénombre de la pièce, puisqu'il avait cherché à atteindre ce moment précis ; puisqu'il n'avait pas à craindre le seul et unique être qui ne le trahirait jamais. De l'amusement noir brillait dans ses yeux vairons et il tendit ses petites mains vers son sauveur, son bourreau, comme un homme qui réclamait ce qui lui était dû, comme un homme à l'agonie. Très vite, il ne put penser à autre chose que ce corps qui se rapprochait, encore, encore, encore, et la voix séductrice de son majordome ne fit que le perdre d'avantage alors qu'il murmurait tout bas sa réponse finale :

« Yes, my lord. »

Sur son bureau même, nouvel autel prêt pour un sacrifice tout à fait différent, Ciel ne perdit pas le dernier vestige de son innocence. Au contraire : il força le démon – son démon - à le lui prendre…

Plus rien ne pouvait lui importer désormais.


Eh voilà, enfin terminé ! J'espère que ce dernier OS vous a plu, j'ai pas mal travaillé le thème et d'ailleurs, l'enchainement me plait assez : la fureur de Ciel le rend aveugle mais au final, il ne se retrouve pas acculé puisqu'il décide lui-même de « pécher ». Je pense que c'est un point crucial de ce « couple », c'est qu'ils ne sont pas un chasseur et sa proie, mais principalement tout aussi démoniaque l'un que l'autre. De ce côté, je trouve que Ciel est un personnage très intéressant puisqu'il est tragique, mais pas larmoyant ; il reste un enfant parfois fragile, mais est aussi un homme mature doté d'un côté extrêmement manipulateur. Et s'il reste humain, il fait plus preuve de cruauté que de tolérance.

Trêve de bavardages, si je commence à parler de Ciel, je risque de ne plus pouvoir m'arrêter ! XD

Bref, cette fanfiction est donc bouclée, mais je ne suis pas prête à vous abandonner tout de suite ! J'ai déjà un « long » OS en cours, toujours sur les mêmes personnages – et le même fandom, inutile de le préciser – donc serrez les genoux, ça risque d'être… folklorique ? (Comment ça, je n'ai absolument pas confiance en moi-même ? U.U')

Merci aux adorables reviewers qui m'ont témoigné de leur présence pour le chapitre précédent, ainsi qu'à tous ceux qui m'ont suivie jusque là ! ;)

A bientôt !