Coucou à tous et à toutes !

Je pense que l'on peut faire sonner les trompettes et les tambours parce qu'en l'espace d'un mois j'aurai publié deux chapitres ! DEUX !

Franchement, sans vouloir m'envoyer des fleurs, j'assure !

J'espère que ce rythme de publication va perdurer mais je ne vous fais pas de promesse.

Merci à toutes pour vos reviews, vos compliments et votre fidélité ! (on ne peut pas en dire autant d'Olivier huhum)

Merci à LT, qui n'est pas inscrite sur le site et à laquelle je ne peux répondre en inbox, pour sa gentille review : )

Allez, je vous laisse lire le chapitre. J'espère qu'il vous plaira !

Bonne lecture !

Chapitre 13 : À combattre sans péril, on perd sans gloire

La sonnerie stridente retentit dans le château de Poudlard, annonçant la fin des cours de la matinée et le déjeuner.

Les élèves sortirent en trombe de leur classe, par groupe de dix, créant des embouteillages dans les couloirs surpeuplés.

Jackie et ses amis se trouvaient encore coincés dans la classe de Défense Contre les Forces du Mal, attendant que la mêlée s'apaise pour pouvoir enfin sortir et discutant avec animation de l'annonce que venait de faire le professeur Lockart.

« Et n'oubliez pas : les séances de lutte commenceront la semaine prochaine ! Préparez-vous à vous battre avec férocité parce que le gagnant aura l'immense honneur de répondre à mon courrier de fans durant toute une soirée en ma compagnie ! Huhuhu ! » S'était exclamé le blond au sourire éclatant avant de rentrer dans son bureau et de claquer la porte derrière lui.

Suite à cette déclaration, les discussions allèrent bon train, chacun y allant de son petit commentaire.

Anthony avait déclaré d'un air pensif que ça promettait d'être « intéressant » d'étudier les différentes façons de se battre des élèves et qu'il envisageait même d'en faire une petite étude sociologique.

Jackson avait frappé son poing serré dans sa paume et regardé en souriant d'un air sadique l'élève de Serdaigle, Josh Costigan, avec qui il devait se battre en susurrant qu'il allait « enfin pouvoir se défouler un peu ».

Olivier avait pesté contre Lockart en disant qu'ils auraient mieux faits de s'entraîner au quidditch et non au corps-à-corps, car selon lui, c'était bien plus amusant de le faire avec une personne du sexe opposé et dans l'intimité d'une chambre.

Remarque qui avait fait grincer les dents de Jackie et provoqué les ricanements stupides des trois mâles présents.

Obsédés…

Katie, qui était d'une humeur massacrante depuis plusieurs jours, ne desserra les dents que pour traiter Lockart de « connard aux dents refaites » et Angelina, sa partenaire de lutte, la consola en lui assurant qu'elles ne se feraient pas de coups vaches pendant l'épreuve.

Jackie, quant à elle, ne dit rien. Elle resta en retrait du groupe, appuyée à une table et les bras croisés, en attendant que les élèves daignent bouger leur gros cul et vider les couloirs illico presto.

Elle était furieuse et ne voulait adresser la parole à personne. Avec tout ce qu'il s'était passé, elle avait complètement oublié cette histoire de lutte et de partenariat avec Sally O'Brian,.

Cette hystérique allait lui mettre la pâtée et ça la rendait malade.

D'ailleurs, cette dernière passa devant elle et lui adressa un sourire mauvais.

« Prête à être humiliée, Stone ? » Attaqua Sally d'un air moqueur.

A cette attaque, Jackie plissa les yeux en deux petites fentes, sans la lâcher du regard, et redressa légèrement le menton.

Garce. Elle ne méritait même pas qu'elle réponde à sa menace puérile.

Sally la regarda en secouant la tête d'un air méprisant.

« C'est ça, fais la grande dame, on verra ce que tu feras de ton petit air de princesse quand je t'aurais battue. » Lâcha-t-elle.

Jackie, dont le comportement naturel n'était pas la froideur mais plutôt la rage fumante, ouvrit la bouche, prête à répliquer par une insulte, mais fut coupée par Katie.

« Et si tu dégageais Sally ? Avant que ce ne soit moi qui te fasse manger ma baguette ? » Claqua-t-elle d'un ton froid.

Oula… Comme quoi il ne fallait pas chercher Katie quand elle était de mauvais poil.

Sally lança un regard dédaigneux à la blonde puis se tourna à nouveau vers Jackie.

« Alors comme ça tu as besoin de tes amis pour te défendre ? C'est un peu pathétique tu sais. Tu devrais devenir plus indépendante. » Dit-elle d'un ton faussement prévenant.

Jackie garda les bras croisés, ne daignant pas bouger d'un pouce pour cette fille, et la toisa en souriant d'un air dédaigneux.

« Tu sais Sally, tu devrais revoir tes talents de stratège, ce n'est certainement pas en t'en prenant à moi que tu vas rentrer dans les bonnes grâces de ton Olivier chéri… » Fit-elle remarquer en utilisant le même ton paternaliste que son interlocutrice avait employé.

Sally devint toute rouge, honteuse que Jackie ait abordé ce sujet devant le joueur de quidditch, et cracha un « vas te faire foutre » bien senti avant de sortir en trombe de la classe.

Jackie se tourna vers Olivier et lâcha d'un ton pensif :

« Quoique, peut-être que si. »

Olivier sourit d'un air amusé et s'assit sur une table en croisant les bras.

« Les disputes de filles sont vraiment très distrayantes… » Commenta-t-il d'un ton désinvolte.

Jackie détourna la tête, agacée, et croisa le regard moqueur de ses amis.

« D'accord, je vois bien que ça vous fait bien rire tout ça mais je vous signale que cette folle va très certainement me buter la semaine prochaine. Un peu de compassion de votre part sera la bienvenue. » Déclara-t-elle en décroisant les bras.

« C'est vrai que Sally est très forte dans ces sports là… » Grimaça Angelina.

« Comment tu le sais ? » S'étonna Jackson.

« Parce qu'on partage le même dortoir depuis six ans et avant qu'elle ne commence à péter un câble et à nous haïr, on s'entendait plutôt bien. Elle nous a dit qu'elle faisait du taekwondo depuis dix ans. » Expliqua Katie qui faisait toujours la gueule.

« Elle nous a même fait une démonstration. » Ajouta Jackie d'un air sombre.

« Le porte-manteau ne s'en est jamais remis. » Ajouta Angelina sur le même ton.

« Ah oui, en effet, c'est problématique. » Conclut Anthony.

Le couloir se désengorgea un peu et ils purent sortir.

« L'un de vous ne voudrait pas se faire passer pour moi jeudi prochain ? » Demanda Jackie d'un ton plein d'espoir.

« Si, bien sûr. Mais j'ai juste une légère, microscopique, insignifiante question : comment on ferait ça ? » Demanda Jackson d'un ton ironique. « Au cas où tu ne l'auras pas remarqué, je n'ai pas de seins, pas de cheveux longs et je suis noir. Je doute que l'illusion tienne. »

Jackie lui lança un regard blasé.

« Très drôle. Non, je parle de Polynectar, de Métamorphose ou de sortilège de Confusion ! Hé ! Anthony toi qui es super fort dans ces trucs-là, tu ne voudrais pas faire le combat à ma place ? » Demanda-t-elle en se tournant brusquement vers le jeune homme, un grand sourire persuasif sur le visage.

« Euh… pour le Polynectar tu peux oublier, il faut un mois de préparation, quant à la métamorphose je n'ai pas encore le niveau requis et pour ce qui est du sortilège de Confusion… c'est faisable. » Jackie eut un sourire immense. « Mais je ne peux pas t'aider. »

Son sourire disparut.

« Mais pourquoi ? »

« Parce que je suis presque aussi bon que toi en sport. Alors si je prends ta place en lançant un sortilège Confusion, imagine un peu le tableau. »

Jackson éclata de rire mais Jackie n'eut aucune réaction à cette pique. Le mot « tableau » l'avait fait tiqué.

Ils étaient en train de descendre des escaliers et elle venait de remarquer qu'elle se trouvait exactement au même endroit que ce jour avant les vacances de Noel où elle avait vu cette peinture étrange qui lui avait crié à la figure.

Elle regarda tout autour d'elle et l'aperçut soudain à sa gauche. Toujours aussi belle et désespérée, la jeune femme de la peinture fixait le plafond, ses grands yeux verts brillant de souffrance.

Jackie l'observa quelques instants puis lorsque la femme baissa soudain la tête et rencontra encore son regard elle sursauta et détourna brusquement les yeux.

Elle était prête à parier qu'elle s'apprêtait à hurler encore une fois.

Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Est-ce que c'était le genre de personnage que l'on n'avait pas le droit de regarder dans les yeux ? Une sorte de Minerve qui vous traumatisait en vous hurlant à la figure au lieu de vous transformer en statue de sel ?

Vraiment étrange… Il fallait qu'elle résolve cette énigme.

« Youhou, Jackie ? Tu es là ? » Demanda Jackson en passant une main devant son regard pensif.

Elle tourna la tête vers lui, l'air distrait.

« Hein ? Oh. Oui. » Elle se tourna vers Anthony en fronçant les sourcils et reprit le cours de la conversation. « Je ne suis pas si nulle en sport ! C'est juste que cette fille est trop forte pour moi ! »

« Oh allez, tu vas y arriver, ne t'inquiète pas. » Rassura Jackson en posant une main sur son épaule. « Et puis tu as de la hargne, ça pourrait t'aider à la battre !

« Oui… j'ai de la hargne. » Dit Jackie. « Mais elle aussi et le léger problème c'est que, elle, elle a la technique en plus. »

« Et bien il suffit de s'entraîner ! » Ajouta-t-il avec enthousiasme.

Jackie roula des yeux.

« Mais s'entraîner à quoi ? Tu penses vraiment que je peux rattraper dix ans de taekwondo en l'espace d'une semaine ? Ne sois pas ridicule ! » Dit-elle.

« Mais si, il a raison. Au moins ça limitera les dégâts. » Approuva Katie. « Ça ne peut être que bénéfique. »

Jackie soupira. Si même Katie s'y mettait, alors qu'elle était amorphe et de mauvais poil depuis trois jours, c'était qu'ils avaient raison.

Fais chier.

« Bon, ok… Qui veut bien m'entraîner ? »

Ils se turent tous et se tournèrent d'un même homme vers Olivier qui feuilletait d'un air détaché son calepin de stratégies de quidditch, complètement indifférent à la discussion.

Merci Olivier, ça fait plaisir de voir que mon avenir te passionne. Connard.

Il releva la tête vers eux et haussa un sourcil.

« Vous avez dit quelque chose ? »

Jackie soupira.


Jackie souffrait. Réellement. Chaque inspiration, toujours plus forte que la précédente, provoquait une douleur supplémentaire, dans ses poumons désireux d'oxygène, dans les muscles de son dos, dans ses jambes, son ventre… Partout. Encore cet effort à fournir, toujours ce dépassement… Elle n'en pouvait plus, vraiment plus, elle sentait qu'elle allait s'écrouler d'une minute à l'autre. Et ensuite, viendrait la mort.

« J'en peux plus ! » S'exclama-t-elle, essoufflée, alors qu'elle foulait l'herbe du parc.

Les entraînements avaient commencé et l'endurance était la première chose qu'Olivier lui avait imposée.

Dès le matin. Bonjour enfer.

« Allez Jackie, pas de chichis, ça fait à peine cinq minutes que tu cours ! »

« Maieuh… J'en ai marre ! »

« TU CONTINUES ! » Ordonna-t-il.

« Espèce de tyran ! Je me vengerai ! Je ferai la révolution ! Je prendrai la Bastille ! Je… »

« Ferme-la et économise ton souffle ! »

Elle obéit en grinçant des dents, furieuse qu'il puisse avoir raison, et passa en courant devant un Olivier tranquillement assis sur une chaise, en train de feuilleter un exemplaire de la Gazette du Sorcier, un sifflet autour du cou et complètement mort de rire.

Sale tortionnaire.

Le soir même…

« Aaaaah ! Je souffre ! » Se plaignit Jackie, allongée en étoile de mer sur son lit, les muscles ankylosés.

« C'est normal que tu souffres. » Répliqua Katie d'une voix sombre, assise face au seul bureau du dortoir. « La vie est une souffrance continue. Un chemin semé d'embûches et de fossés pour qu'on se casse bien la gueule dedans. Une longue vallée d'injustices, une géhenne permanente et pestilentielle, une… »

« Eh bien, il y a de l'ambiance ce soir. » Remarqua Angelina qui venait de pénétrer dans le dortoir.

« Normal ! Olivier m'a épuisée… » Gémit Jackie avant de se rendre compte de ses paroles et de se figer, les joues roses.

Heureusement, Angelina ne remarqua rien et leva les yeux au ciel.

« Tu l'as voulu, tu l'as eu. » Déclara-t-elle en se tournant vers Katie qui était en train de plancher sur un devoir et leur tournait le dos.

« Je te signale que c'est VOUS TOUS qui m'avez conseillé de m'entraîner ! » S'indigna Jackie en lançant un regard noir à Angelina.

« Oui, mais c'était juste parce qu'on voulait que tu te taises ! » Répliqua cette dernière d'un ton cinglant et moqueur avant de désigner d'un geste silencieux leur amie qui semblait d'une humeur très noire.

Jackie fronça les sourcils à sa remarque mais haussa les épaules pour montrer qu'elle n'arrivait pas à distraire Katie de ses pensées moroses.

Angelina se tourna vers elle.

« Katie… ça va ? » Demanda-t-elle avec précaution.

« Non. Ma vie est merdique et en plus je suis obligée de supporter l'autre chieuse qui n'arrête pas de geindre depuis un quart d'heure. » Marmonna la blondinette.

Angelina se tourna vers la chieuse en question, les poings sur les hanches.

« Jackie, arrête de souler tout le monde ! » Gronda-t-elle d'un air réprobateur.

Jackie ouvrit la bouche d'un air scandalisé. Mais personne n'avait donc de compassion pour elle ? Elle souffrait merde ! Personne ne savait ce que c'était de devoir subir Olivier à un entraînement sportif !

Elle fusilla ses amies du regard, puis se rappela qu'elles faisaient toutes les deux parties de l'équipe de quidditch et savaient donc parfaitement qu'Olivier était un psychopathe en puissance.

Vexée, elle décida de bouder dans son coin.

Grmpf.

Tandis que Jackie croisait les bras et s'adossait à sa tête de lit, plongeant son visage dans l'ombre, Angelina s'approcha de Katie et posa sa main sur son épaule.

« Qu'est-ce que tu fais ? » S'enquit-elle en regardant le parchemin sur lequel Katie écrivait frénétiquement.

« Je travaille. »

« Sur quoi ? »

« Méta. »

« On a un devoir à rendre ? » Demanda la noire en haussant les sourcils.

« Non, je fais un devoir supplémentaire. » Répondit Katie en haussant les épaules.

Cette remarque attira l'attention de Jackie qui releva la tête vers ses deux amies, un sourcil haussé.

« Un devoir supplémentaire ? Toi ? » Répéta Angie avec étonnement.

« Oui, moi. » Répliqua Katie en tournant brusquement la tête vers son amie. « Pourquoi est-ce que ça t'étonne ? »

« Mais… parce que ce n'est pas du tout ton genre ! »

« Ah oui ? Tu me crois trop superficielle c'est ça ? » Agressa la blonde.

« Mais pas du tout ! » S'étonna Angelina en levant les mains en signe de paix.

« Bon. Alors c'est peut-être mon genre finalement. » Conclut Katie en arborant soudain un sourire serein.

Angelina l'observa quelques instants, les yeux ronds, puis se tourna vers Jackie et posa un doigt sur sa tempe, l'air de dire « ça y est, elle est devenue timbrée ».

Jackie acquiesça d'un air blasé. A vrai dire, ça faisait bien une semaine que Katie était devenue timbrée. Ses humeurs changeaient constamment, passant de l'énervement à la fureur puis à la mélancolie, et Jackie et Angelina subissaient ça en silence. Elles savaient très bien pourquoi elle se comportait de cette manière.

Mais tout de même, de là à faire des devoirs en plus… elles n'auraient jamais pensé que sa déprime irait si loin !

Angelina se tourna à nouveau vers la blonde et l'examina en fronçant les sourcils.

« Pourquoi est-ce que tu fais ça ? » Demanda-t-elle.

« Parce que ça m'intéresse. »

« Non. Je veux dire pourquoi ? »

Katie soupira et reposa sa plume.

« Parce que, j'en ai marre de passer constamment pour la blonde idiote qui ne s'intéresse qu'au sport, à la mode et aux garçons. Je suis plus que ça » Expliqua-t-elle calmement

« Mais on le sait ça ! Personne ne pense que tu es superficielle ou stupide. »

Katie eut un reniflement.

« De toute évidence, non. Pas tout le monde. »

« Ne me dis pas que tu fais ça pour Anthony ? » Demanda Angelina d'un air choqué.

Katie ne répondit pas et retourna à son devoir. Angelina se tourna soudain vers Jackie et leva le bras vers elle.

« Mais aide-moi toi ! » Exhorta-t-elle.

Jackie soupira puis décroisa les bras, daignant apporter ses inestimables conseils :

« Katie. Ce mec est débile, arrête de te torturer pour lui. »

« Merci Jackie, tu m'aides beaucoup. » Ironisa Angie d'un ton grinçant.

« De rien. » Répondit Jackie d'un ton très sérieux.

La belle noire poussa un soupir exaspéré puis se tourna vers la dépressive qui avait décidément un comportement très étrange.

« Katie… je doute que ça change quoique ce soit… Anthony ne croit certainement pas que tu es superficielle et le fait qu'il sorte avec une fille n'a rien à voir avec ça. » Dit-elle d'une voix très douce.

« Est-ce que ce n'est pas exactement ce que je viens de dire ? »

« Jackie, la ferme ! »

« Mais quoooi ? »

« Katie, accepte le, il sort avec quelqu'un maintenant. Il ne va pas lâcher Magdalena et se mettre avec toi simplement parce que tu fais des devoirs supplémentaires. » Insista Angelina.

Mais Katie était imperturbable.

« Pense ce que tu veux Angie, mais moi je vais continuer ! On verra bien qui aura eu raison ! » Claironna-t-elle, soudain pleine d'optimisme.

Et elle se remit à écrire comme si sa vie en dépendait.

Angelina et Jackie échangèrent un regard sombre.

Ça promettait pour la suite…


Les jours passèrent et l'acharnement de Katie pour le travail s'amplifia, ainsi que les entraînements (ou plutôt les séances de torture) qu'Olivier imposait à Jackie.

Entre les innombrables devoirs que la blonde effectuaient jusqu'à très tard le soir, sous le regard ahuris des trois garçons qui n'avaient aucune idée de ce qui lui prenait, les rapports plus que belliqueux de Sally et Jackie, ainsi que le match Gryffondor/Serdaigle qui approchait, la tension était à son comble.

Assise à la table des Gryffondors, courbaturée de partout (oui, partout !), Jackie prenait son petit déjeuner en jetant des regards assassins à Olivier, assis en face d'elle, qui affichait un petit rictus moqueur, une tasse de café à la main.

« Je te hais. » Siffla-t-elle entre ses dents.

Et elle ne disait pas ça parce qu'il venait d'enrouler un bras autour des épaules de Johanna qui les avait rejoint.

Non, elle disait ça à cause de la séance d'entraînement qu'elle avait subi le matin même, aux aurores.

Ils avaient fait de la lutte. Mais contrairement à ce qu'elle s'était imaginée, la veille dans son lit, ça n'avait rien eu de sensuel.

Il l'avait, tout à la suite, maîtrisée, renversée au sol, retournée, plaquée sur l'herbe, fait une clef de bras très douloureuse et lui avait fait jurer obéissance et respect sous peine de lui casser le bras.

Sale con.

Elle avait envie de le gifler depuis une heure, lui et son petit rictus de trou du cul.

« Alors comme ça Olivier t'en fait voir de toutes les couleurs ? » Demanda Johanna avec un sourire.

Jackie se détourna du Capitaine et regarda Johanna.

« Oui, tu sais comment il est, un vrai tyran. Mais il devrait faire attention parce que je pourrais très bien me venger… »

Olivier haussa un sourcil suffisant, l'air aussi impressionné qu'un lion l'était par une fourmi.

« Ah bon ? Et comment tu comptes t'y prendre ? » Demanda Johanna d'un air intéressé, comme si elle était elle-même à court d'inspiration.

« Oh, et bien… »

Alors qu'elle s'apprêtait à lancer une menace totalement surréaliste et stupide, du genre « je vais l'émasculer et faire des guirlandes de Noel avec ses testicules », un énorme boucan retentit dans le dos d'Olivier et Johanna, plusieurs mètres derrière eux.

Tout le petit monde de Poudlard se tourna vers la table des Serpentards. Victimes d'une plaisanterie douteuse, les occupants avaient vu le contenu de leur assiette se transformer soudainement en couleuvres et serpents en tout genre, allant du serpent à sonnettes au boa constrictor.

Des cris et des rires fusèrent de toute part dans la salle et Jackie profita de l'inattention des gens qui l'entouraient pour menacer Olivier.

« Je pourrais révéler des choses très compromettantes… » Finit-elle dans un chuchotement vers le gardien.

Ok, c'était un coup bas. Mais cette séance de sport avait vraiment été atroce !

Olivier, qui s'était retourné pour observer avec délice ses ennemis recroquevillés au fond de leurs chaises ou sous leur table afin d'échapper aux dangereux reptiles, posa à nouveau son regard sur elle et perdit son rictus supérieur. Son œil devint sévère, l'air de dire « la ferme ou je te fais faire dix pompes », mais en voyant la moue mauvaise et menaçante que Jackie arborait, il détourna la tête en soupirant d'agacement et reporta à nouveau son attention sur le spectacle, les épaules crispées.

Les Serpentards s'étaient tous éloignés de leur table et exhortaient désormais le professeur Rogue à intervenir.

Jackie regarda pendant quelques instants ce dos musclé et tendu qui lui faisait face, pensant à la sensation qu'elle avait éprouvée en le caressant comme elle l'avait fait une fois dans le passage secret menant à Pré-au-Lard, puis son regard se porta soudain derrière l'épaule d'Olivier, bien plus loin, à la table des vert et argent.

Plus précisément sur Bacchus Strode. Qui était en train de la fixer d'un regard menaçant. Non, pas menaçant, plutôt désagréable. Froid. Un regard qui disait « Mêles-toi encore de nos affaires et je t'arrache les yeux pour me faire un collier avec ».

Oui bon, c'était menaçant.

Elle cligna des yeux et sentit une sueur froide monter le long de son dos.

Mais c'est qu'il foutait les jetons ce type !

Elle se souvint brusquement de la discussion qu'elle avait eue avec Olivier durant les vacances de Noël, discussion qu'elle avait reléguée dans un coin de sa mémoire compte tenu des évènements survenus ultérieurement.

Il lui avait avoué que Bacchus et lui faisaient partie d'un petit gang de malfrats et qu'ils devaient effectuer certaines « missions » illégales pour le compte de Kalafine.

Mais même si elle savait qu'il avait été sincère dans l'ensemble, elle trouvait que quelque chose clochait, sonnait faux dans sa belle explication. Elle n'arrivait pas à déterminer quoi mais elle le ressentait au plus profond d'elle-même.

C'était sa remarque « en des termes sauvages et non-règlementaires, c'est mon patron » qui l'avait perturbée. C'était ce ton évasif quand il avait dit qu'il travaillait dans les échanges maritimes. C'était cette allusion aux moyens de pression de Kalafine. C'était cette tension, cette inquiétude insidieuse qu'elle avait perçue en lui. Il y avait quelque chose qui avait tinté dans son esprit, sans qu'elle ne sache pourquoi, mais qui s'était trouvé immédiatement submergé par toutes les autres informations qu'elle avait reçu. Une surcharge de connaissance qui l'empêchait de faire le tri et de débusquer l'origine de la démangeaison.

Et depuis, ça la grattait.

Une chose était sûre, il ne lui avait pas tout dit.

Elle se demandait vaguement si la situation n'était pas bien plus grave que ce qu'il avait laissé entendre. Mais il avait paru si détaché… A la fois inquiet et détaché. Pouvait-on réellement être détaché ET inquiet ? Rhooo, pourquoi tout était compliqué avec ce type ? Et pourquoi est-ce qu'elle n'arrivait pas à se le sortir de la tête ? Il fallait vraiment qu'elle se trouve un hobby. Le tricot, c'était passé de mode ?

Elle secoua la tête. Avant de se transformer en grand-mère de manière prématurée, il fallait qu'elle résolve ce mystère.

Elle tenta de soutenir le regard de Bacchus mais au bout d'un moment, elle baissa les yeux, mal à l'aise. Pff, autant pour la combativité et le courage légendaire des Gryffondors…

Elle avait toujours su qu'elle aurait dû finir à Poufsouffle. Au moins, ça lui aurait donné l'occasion de mater Diggory jusqu'à plus soif.

Pour se donner une contenance elle se tourna vers Katie, assise à côté d'elle, qui ricanait devant la farce faite à ses adversaires (visiblement elle n'avait toujours pas pardonné le pot-de-vin des Nimbus 2001), et commenta l'incident sans réellement penser à ce qu'elle disait.

Elle savait bien que Bacchus n'était pas vraiment mauvais. Il ne l'avait pas empoisonné, il ne haïssait pas tous les Gryffondors étant donné ses bons rapports avec Olivier et n'éprouvait visiblement aucune aversion pour les moldus puisqu'il parlait et était même ami avec le gardien qui était né-moldu.

Mais quand même. Il était intimidant. Très intimidant. Et pourtant, elle n'était pas une fille qui se laissait facilement impressionner, mais là…

Les jumeaux Weasley clamaient haut et fort que cette farce était parfaitement scandaleuse et humiliante, sous le regard méfiant du professeur McGonagall, puis scandaient tout bas à leurs compatriotes de Gryffondors qu'ils en étaient les instigateurs et que leur sort d'Illusion jetable coutait 20 Mornilles la pièce (« authentique créations des Weasley ! »)

Le professeur Dumbledore se leva, ramenant tout le monde au calme, puis agita sa baguette magique d'un mouvement souple. Les serpents disparurent et les plats, intacts, des élèves refirent leur apparition.

Tout le monde se mit à commenter avec animation le tour qui avait été joué aux Serpentards. Depuis l'ouverture de la Chambre des Secrets et les multiples agressions qui avaient eu lieu, la côte de popularité des vert et argent, qui n'avaient jamais été très brillante, était à son niveau le plus bas, donc peu de gens ne plaignaient les victimes de la farce.

McGonagall, pas dupe, fit signe aux jumeaux de la suivre d'un air sévère.

Ils se levèrent en faisant une révérence exagérée aux vert et argent qui les regardèrent hargneusement puis disparurent à la suite du professeur de Métamorphose.

Ouh… ça puait la vengeance à des kilomètres…

« C'était peut-être pas le meilleur moment pour jouer ce genre de tours aux Serpentards… » Commenta Angelina d'une voix inquiète, faisant écho à ses pensées.

« Pourquoi ? Tu dis ça à cause du match qui arrive ? » Demanda Olivier en se tournant vivement vers elle.

Jackie roula des yeux. Est-ce qu'il arrivait à ce mec de penser à autre chose qu'au Quidditch ?

« Mais non crétin, elle fait référence aux attaques de l'héritier de la Chambre des Secrets ! » Expliqua-t-elle.

Au charmant « crétin » qu'elle lui avait adressé, il plissa les yeux dans sa direction et lui envoya un bout de pain qui atterrit sur son front.

« Aïe ! » S'exclama-t-elle. « Tu vas me le payer ! » Dit-elle en riant avant de lui envoyer l'épluchure de banane qu'elle venait de manger.

Celle-ci atterrit en plein sur le visage du gardien, semblable à une étoile de mer étalée sur sa figure.

Toute la table éclata de rire, y compris Olivier, et ce dernier lui renvoya l'épluchure qu'elle parvint à éviter de justesse en baissant vivement la tête.

L'épluchure finit sur le chapeau du professeur Chourave qui passait derrière.

Trente points en moins pour Gryffondor et quatre heures de colle pour le gardien. Le jeu se termina là.

Tandis qu'Olivier se faisait sermonner par Percy sous les rires moqueurs de ses amis, Jackie et Anthony quittèrent ensemble la Grande Salle, l'une parce qu'elle voulait aller à la bibliothèque et l'autre parce qu'il se rendait à son cours d'Arithmancie.

Sur le chemin Jackie demanda à Anthony comment se passait sa relation avec Magdalena et celui-ci lui répondit avec un grand sourire qu'il était très content de sortir avec elle.

Embarrassée, elle tenta discrètement de lui faire parler de Katie mais elle se montra si subtile et fit preuve de tant de tact que son ami ne vit pas la manœuvre et ne réalisa même pas de qui elle voulait parler.

Pff. Idiot. Et après on disait que ce type était un génie ? Les gens étaient fous ou quoi ?

Ils montèrent des escaliers et en haut des marches, croisèrent le Moine Gras qu'ils saluèrent poliment.

Soudain, Jackie se figea, illuminée par une idée fulgurante.

« Oh non ! » S'exclama-t-elle en se tapant le front de la main. « Il faut que je redescende, j'ai oublié de demander un livre à Katie ! »

Anthony se tourna vers elle, l'air soudain gêné.

« Ok… au fait, comment elle va ? »

Jackie qui s'apprêtait à redescendre lui refit face, un peu étonnée, et retint un sourire.

Bon une chose était sûre, c'était inutile de faire preuve de subtilité avec Anthony, il n'avait absolument aucune perspicacité pour ces choses-là. La prochaine fois elle aborderait le sujet franco.

« Bien, pourquoi ? »

« Oh pour rien… comme ça, pour savoir… donc elle va bien ? »

« Parfaitement bien. » Affirma-t-elle en souriant d'un air serein, refusant de trahir son amie.

« Mais euh… tu ne la trouves pas un peu… bizarre ces derniers temps ? »

« Hum. C'est-à-dire ? »

C'est le fait qu'elle ait l'air prête à arracher la tête de tout le monde avec ses dents qui te fait dire ça ou juste une intuition ?

« Et bien… elle travaille beaucoup non ? Déjà ça, c'est étrange. Et puis, elle a l'air… triste. » Expliqua-t-il en affichant lui-même un air peiné.

Jackie le trouva trop chou. Décidemment, Anthony était vraiment un gentil garçon…

Dommage qu'il soit complètement aveugle ce boulet.

« Ah bon ? Non, je n'ai pas remarqué qu'elle n'allait pas bien… » Elle prit volontairement une expression inquiète et songeuse puis fit mine de balayer ses doutes d'un geste désinvolte de la main. « Bah, tu dois te faire des idées ! Tu sais bien comment tu es, toujours embourbé dans des problèmes existentiels ! » Plaisanta-t-elle en lui donnant une tape amicale sur l'épaule. « Et pour le travail, je crois que ce sont ces parents qui lui ont mis la pression. Ils veulent qu'elle fasse plus d'efforts. »

Waw… elle n'aurait jamais cru qu'elle mentirait aussi facilement !

Oui parce que tu es un modèle d'honnêteté…

« Oui tu as raison, je suis parano. » Dit Anthony avec un pauvre sourire. « A plus tard Jackie. »

« À plus tard ! » Salua-t-elle en secouant la main, un sourire aimable sur les lèvres.

Anthony disparut au bout du couloir. Jackie baissa brusquement la main et son sourire disparut de son visage.

Elle fit volte-face et dévala les escaliers à la vitesse de l'éclair avant d'apercevoir le fantôme qu'elle cherchait en train de s'enfoncer dans un mur.

« Attendez ! Monsieur le… moine ? Euh… Mon Père ? Frère ? Bon euh… Hé ho ! Monsieur, attendez ! » S'écria-t-elle.

Le fantôme des Poufsouffle ressortit sa tête du mur et se tourna vers elle, une expression étonnée sur le visage.

« Oui mademoiselle ? »

« Je… euh… je… » Bredouilla-t-elle, sans savoir comment s'y prendre. Maintenant qu'elle se trouvait devant lui, elle hésitait. Son idée, qu'elle avait trouvée pourtant très bonne sur le coup, ne lui paraissait plus si brillante que ça. « Je m'appelle Jackie Stone et… »

« Je le sais. » Coupa l'ectoplasme.

« Oh ? Et comment est-ce que vous le savez ? » Demanda-t-elle, étonnée.

« Je connais tous les membres de Poudlard, Miss, je suis un représentant tout ce qu'il y a de plus loyal et déférent ! » Se rengorgea le Moine Gras alors que la graisse de son énorme ventre tremblait.

« Oui bien sûr. » S'empressa-t-elle d'approuver. « En fait, je voulais vous demander une petite information… »

« Très bien, allez-y ma chère. »

Elle sentit son cœur s'accélérer un peu. L'énigme du tableau l'obsédait tant que les yeux verts de la femme l'avaient suivi jusque dans ses songes et lorsqu'elle avait croisé le Moine Gras la solution lui était soudain apparue. Il fallait qu'elle demande ce qu'il signifiait à quelqu'un qui était à Poudlard depuis plusieurs siècles, qui connaissait le château dans ses moindres recoins et qui de mieux correspondait à cette description sinon le Moine Gras, le puits de savoir des fantômes du manoir ?

« Ce tableau, qui représente-t-il ? » Demanda-t-elle en désignant la peinture de la Jeune femme à la Dague qui était suspendue au-dessus de l'escalier.

« Lequel ? » Demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Jackie le guida au milieu de l'escalier et lui montra le tableau de plus près, sans pour autant oser regarder la jeune femme dans les yeux.

« Oh ! Ce tableau ! Oui, je le connais… Il est beau, n'est-ce pas ? » Demanda-t-il en lui souriant aimablement.

Jackie jeta à peine un regard à la toile et hocha la tête.

« Oui, très. » Elle planta son regard dans celui, gris et transparent, de l'ectoplasme et demanda : « Quelle est son histoire ? »

Le Moine Gras se tourna à nouveau vers le tableau et le regarda avec tristesse.

« Il s'agit de Pasiphaé… la fille d'Hélios et de Persé, l'épouse du roi de Crète, Minos, et la mère de Phèdre, d'Ariane, de Deucalion, du Minotaure… »

« Hein ? »

« La mythologie grecque. Vous ne connaissez pas ? »

« Oh ! Si, un peu. Mais je suis loin d'être une spécialiste… Attendez, Minotaure, ce n'était pas ce monstre horrible avec un corps d'homme et une tête de taureau ? » Demanda-t-elle en fouillant dans ses souvenirs.

« Si, c'est lui. »

« Ugh. Heureusement qu'il ne s'agit que d'une légende ! C'est vraiment ignoble ! »

« Ce n'est pas une légende, les Minotaures existent. »

Sidérée, Jackie resta bouche bée et ne trouva rien à dire.

Les Minotaures existaient ? Oulà… Bon et bien, qu'ils restent sagement en Crète, le Royaume-Uni se débrouillait très bien sans eux !

« Quoiqu'il en soit, Pasiphaé était une magicienne extrêmement puissante et violemment éprise de son mari, Minos. » Alors que Jackie s'apprêtait à lâcher un « oooooh… » plein de niaiserie, le fantôme coupa court à son émoi : « Mais elle était aussi diablement jalouse des infidélités, innombrables certes, que lui faisait son époux. Si atrocement jalouse qu'elle lui lança un jour une malédiction terrible, le condamnant à jouir des serpents venimeux et par conséquent, à tuer toutes les femmes qu'il possédait. »

« Ewww ! »

Moue dégoûtée, nez plissé, Jackie regrettait déjà d'avoir demandé de plus amples informations au fantôme.

Mais elle était dégueulasse cette fille ! Condamner le type à éjaculer des bêtes visqueuses ? C'était affreux ! Ok, c'était un trou du cul qui l'a trompait constamment mais quand même ! Inutile d'aller si loin ! Le divorce était amplement suffisant.

Bon, d'accord, à cette époque on ne divorçait pas. Mais ce n'était pas une raison pour lancer des malédictions à tort et à travers, nom d'un chien !

Le Moine Gras sourit devant la mine horrifiée qu'elle faisait puis continua son histoire.

« Les versions diffèrent à partir de ce point. Certains auteurs de l'antiquité dirent qu'elle fut pleinement satisfaite de cette punition et se réjouit du supplice de son mari, d'autres prétendirent qu'elle pleura ce geste inconsidéré, souffrant de ne plus pouvoir s'unir à son époux. L'auteur de ce tableau, Pierre Paul Rubens, un sorcier hollandais très talentueux, quant à lui, préféra une autre version : regrettant d'avoir invoqué cette malédiction qui provoqua la mort de tant de jeunes femmes, car Minos ne s'assagit point avec le temps, Pasiphaé mit fin à ses jours en s'enfonçant une dague dans le ventre et par sa mort, libéra son époux du sortilège. »

Il y eut un petit silence respectueux que Jackie brisa maladroitement.

« C'est… tragique. »

« N'est-ce pas ? » Sourit le Moine Gras.

« Et donc, ce tableau représente le suicide de Pasiphaé ? »

« Exactement. Admirez l'utilisation absolument prodigieuse du clair-obscur sur la… »

« Ouais ouais, je vois. » Coupa Jackie sans même regarder la toile. « Mais est-ce que le tableau fait quelque chose de spécial ? »

« De spécial ? » Répéta le fantôme sans comprendre.

« Oui… Des trucs… » Hésita Jackie.

« Des trucs ? » Répéta le fantôme.

Il y avait un écho ou quoi ?

« Oui… à vrai dire… je le trouve étrange. C'est la première fois que je vois un personnage si immobile. » Prétexta-t-elle. Elle ne voulait pas avouer qu'elle avait eu la peur de sa vie quand Pasiphaé lui avait hurlé dessus. « Elle ne cligne que quelque fois les yeux et respire à peine. C'est très inhabituel, au début j'ai même cru qu'il s'agissait d'une peinture moldue. »

« Oh… et bien, il est vrai que choisir de représenter pour l'éternité une personne agonisante semble assez cruel… je crois même que Rubens a été vivement critiqué de son vivant. On l'a accusé de supplice et de torture aggravés. Néanmoins, ces accusations n'eurent aucune suite sérieuse puisque ce personnage n'existe pas. Sa souffrance même n'existe pas, ce qui existe c'est la représentation de sa souffrance. Vous saisissez ? »

Wouah. Qui aurait cru qu'étudier un tableau serait si philosophique ?

« Euh… Oui, je crois. » Dit-elle lentement en hochant la tête. « Donc, Pasiphaé ne bouge jamais dans ce tableau ? Elle ne parle même pas ? »

« C'est cela. »

« Vous en êtes sûr ? »

« Certain. » Approuva le Moine Gras d'un vif hochement de tête afin d'appuyer ses paroles.

Elle tenta de cacher sa déception. Le puits de savoir s'était refermé, l'avait laissé tomber…

« D'accord… Merci Monsieur… » Remercia-t-elle en se remettant à monter les escaliers.

Elle dépassa son corps grisâtre sans se rendre compte qu'il la suivait des yeux et lorsqu'elle gagna le haut des marches, elle fut interrompue par sa voix éthérée et hésitante :

« Cependant… »

Elle se retourna. De loin, le fantôme paraissait encore plus transparent et mystérieux que d'habitude.

« La légende raconte que si la Pasiphaé de Rubens rencontrait un jour le regard d'un homme adultère, ou d'une femme complice d'adultère – une maîtresse en somme –, ses immenses yeux verts seraient capables d'y déceler la tromperie et sa bouche hurlerait le forfait au reste du monde. »

Pétrifiée, Jackie écouta ses paroles se répercuter contre les murs en pierre comme une menace.

« Mais pourquoi ferait-elle ça ? »

Le fantôme sourit, l'air presque désolé par sa naïveté.

« La vengeance ma chère. N'oublions pas qui est Pasiphaé avant toute chose : la plus célèbre des femmes trompées. »

« Bien sûr. » Articula-t-elle péniblement, la gorge nouée.

Soudain, le Moine Gras afficha une expression exaspérée et l'aura de mystère qui l'enveloppait s'envola d'un coup.

« Mais il ne faut pas prêter attention à ce genre de fadaises ! » Dit-il en faisant un geste négligé du poignet. « Ce ne sont que supputations et contes pour enfants. La vérité est que je ne l'ai jamais entendu crier de toute ma non-vie. »


Ils s'écroulèrent sur l'herbe dans une clairière de la Forêt interdite, essoufflés, puis fermèrent leurs yeux, profitant du calme et du bien-être qui s'emparent toujours du corps après l'effort. Mais cette fois, Jackie ne sourit pas d'un air exalté. Elle ne gémit pas son « Ahhhhh… vive les endorphines ! » habituel. Non, elle ne fit rien de tout ça.

Parce que Jackie était furieuse d'être considérée par ce foutu tableau à la con comme une femme complice d'adultère. Une « maîtresse » en somme.

C'était dingue quand même. Comment Pasiphaé savait-elle qu'elle contribuait à une tromperie ? C'était marqué sur sa gueule ou quoi ?

Et puis franchement, « une tromperie », fallait pas exagérer. Olivier et Johanna n'étaient pas mariés qu'elle sache !

Encore heureux d'ailleurs, sinon elle n'aurait jamais fait l'erreur de se lancer dans un tel bordel.

Jackie essayait de se déculpabiliser. Après tout, ils étaient jeunes… Et Olivier aurait dû la repousser, lui faire comprendre que c'était impossible, au lieu de l'embrasser dans des coins sombres… Et puis Sainte Barbie n'avait qu'à se méfier un peu plus, faire attention aux filles qui tournaient autour de son copain, être moins naïve, moins crédule…

Elle se cherchait des excuses. Mais la vérité était qu'elle ne s'en trouvait aucune de valable. Elle savait que ce qu'elle avait fait était cruel et la seule raison qui expliquait ça était qu'elle était une personne bien trop faible et égoïste pour résister à ses envies.

Alors Jackie faisait la gueule et s'escrimait au sport.

Première fois de sa vie que ça lui arrivait.

Sans doute la dernière.

En tout cas, elle comptait bien battre Sally.

Ou du moins, perdre avec honneur.

Ils gardèrent le silence quelques instants, tentant de récupérer leur souffle, puis Olivier se redressa sur ses coudes et tourna son visage en sueur vers elle.

« Je crois que… ça suffit pour… aujourd'hui… » Pantela-t-il entre chaque inspiration.

Jackie fronça les sourcils, la respiration aussi précipitée, et secoua la tête.

« Quoi ?... Non !... c'est… hors de question… je refuse… de… me faire massacrer jeudi ! »

« Jackie, ça fait une heure qu'on court… »

Elle tapa du poing avec impatience.

« Je m'en fous ! »

Olivier laissa sa tête retomber sur l'herbe en soupirant, exténué. Elle lui lança un regard en coin et entreprit de se justifier :

« Tu ne comprends pas, Sally va me détruire… Elle a fait dix ans de taekwondo ! DIX ans ! Je ne serais jamais de taille face à elle… En plus elle me hait ! »

Il tourna la tête vers elle, une expression agacée sur le visage :

« Mais pourquoi est-ce qu'elle te déteste à ce point ? C'est ridicule… »

« Tu sais très bien pourquoi. Cette petite idiote est amoureuse de toi et croit aux rumeurs sur nous deux, donc conséquence logique : elle me hait et veut me faire payer sa solitude et son mal-être. » Expliqua Jackie d'un ton exaspéré.

Olivier soupira, visiblement dépassé par l'imbroglio des rapports féminins, et garda le silence un long moment, l'air pensif, avant de reprendre d'un ton hésitant :

« Ceci dit, les rumeurs ne sont pas totalement infondées… »

Le corps de Jackie se tendit un peu et elle tourna lentement la tête vers lui. Il la regarda à son tour, l'expression sérieuse.

« On n'a jamais couché ensemble. » Précisa-t-elle en faisant un bel effort pour dissimuler son malaise.

« Peut-être… Mais c'était pas l'envie qui manquait. » Déclara-t-il.

Elle garda le silence, prise de court. Sa franchise l'étonnait. Ça ne lui ressemblait pas de d'admettre ce genre de choses comme ça, aussi tranquillement.

Elle avait l'impression que quelque chose avait changé entre eux depuis leur « réconciliation ». Comme si Olivier voulait arrêter les faux semblants. Comme si il savait que le meilleur moyen pour eux de ne plus craquer était de jouer la carte de l'honnêteté.

Elle détourna la tête et reporta son regard vers le ciel en soupirant à son tour. C'était si étrange d'être là, allongés sur l'herbe, côte à côte, et parler de ce qu'il s'était passé entre eux comme si de rien n'était.

« Ce que je ne comprends pas c'est qu'elle te haïsse toi en particulier et pas Johanna. Si c'est par jalousie qu'elle agit, elle devrait la détester elle aussi. » S'interrogea-t-il.

Jackie arbora une moue agacée.

« C'est parce qu'elle me considère comme une trainée. » Expliqua-t-elle d'un ton faussement indifférent. « Je ne te mérite pas selon elle, tandis que Johanna, qui est la sainte vierge réincarnée, oui. »

Elle se rendait compte que leur sujet de conversation s'approchait dangereusement de leur dispute du Nouvel an. Après tout, est-ce qu'Olivier ne pensait pas exactement la même chose que Sally ? Une sensation désagréable lui étreignit le cœur mais elle tenta d'en faire abstraction.

Il émit un grognement exaspéré.

« Me mériter ? » Répéta-t-il d'un ton dubitatif. « Quelle connerie, comme si j'étais un modèle de vertu… Et puis qu'est-ce que ça peut faire que tu ne sois pas parfaite ? Les gens dépourvus de défauts et pleins de bonnes intentions m'ennuient. »

Elle haussa un sourcil, l'air ironique. Quel culot d'affirmer cela après ce qu'il lui avait dit le soir du réveillon !

« Épargne moi ce genre de remarques, ce n'est pas du tout ce que tu laissais entendre au Nouvel An. » Lança-t-elle plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.

Voilà. La bombe était lâchée. Elle se demandait qu'elle réaction il aurait face à cette remarque. Il garda le silence un moment puis lâcha d'un ton plus bas, l'air embarrassé :

« Je ne pensais pas vraiment ce que je disais… »

Elle roula des yeux.

« Mais bien sûr… Ça m'avait l'air plutôt sincère pourtant. »

Elle se sentait se refermer comme une huître à mesure que la discussion avançait. Elle regrettait d'avoir amené le sujet sur le tapis. Elle ne voulait pas parler de cela, ni y penser en profondeur. Mais Olivier semblait désirer le contraire. Il se redressa sur un coude et se tourna vers elle, le regard baissé sur son visage qui restait résolument tourné vers le ciel.

Il posa sa main gauche sur son bras.

« Écoute… je t'ai dit ça pour te faire du mal… » Expliqua-t-il doucement, comme si ça constituait une excuse légitime.

Elle émit un petit bruit outré, à mi-chemin entre l'ironie et la rancœur, et tourna enfin ses yeux ambrés vers lui.

« Oh, tant mieux dans ce cas, ça me rassure beaucoup. » Répliqua-t-elle avec sarcasme.

Il se pencha un peu plus vers elle, l'expression sérieuse.

« Tu ne comprends pas… Ça me rendait tellement furieux de perdre tous mes moyens avec toi, d'être si faible, d'avoir à ce point envie de toi alors que…Je ne dis pas que ça excuse ce que j'ai fait. J'essaie juste d'expliquer pourquoi je l'ai fait. Je voulais me venger. De toi et de ta capacité à me faire céder à chaque fois. Même quand tu n'as rien fait pour. »

Il soupira et fit une pause, méditant sur ses dernières paroles, puis secoua la tête.

« Bref, c'était totalement injuste de te dire ce genre de choses. Je m'en suis pris à toi alors que le sale con dans l'histoire c'est moi. » Conclut-il d'un air sombre.

Elle fronça les sourcils et demanda d'un air sceptique :

« Donc tu veux me faire croire que tu ne pensais pas ce que tu as dit ? Tu ne me trouves pas manipulatrice, ni pathétique, ni vaniteuse, ni pourrie gâtée, ni capricieuse, ni dénuée de tout sens moral ? » Le défia-t-elle.

« Tu veux une réponse honnête ? » Demanda-t-il.

Très franchement, non, elle n'en voulait pas. Même si elle aimait bien le fait qu'ils soient d'une franchise à toute épreuve l'un avec l'autre, elle estimait qu'il fallait parfois garder certaines choses pour soi. Comme les insultes par exemple, haha…

Plus sérieusement, il lui semblait qu'à chaque fois qu'Olivier se montrait honnête avec elle, il lui faisait du mal.

D'un autre côté, elle ne voyait pas comment ce qu'il avait à lui dire pourrait être pire que ses paroles lors de cette soirée désastreuse. Et puis, elle avait posé la question…

Elle fuit son regard en tournant à nouveau le visage vers le ciel bleu et soupira.

« Ouais, vas y… » Marmonna-t-elle mollement.

« D'accord… » Commença-t-il lentement. « Est-ce que je te trouve que tu es dénuée de tout sens moral ? Bien sûr que non, même si tu n'es pas la bonté incarnée. Manipulatrice ? On l'est tous un peu à nos heures. Et puis, c'est moi qui me laisse volontairement manipuler par toi. Pathétique ? Tu ne l'as jamais été. Le reste en revanche, ton petit coté capricieux, pourri gâté et vaniteux, je le pense du profond de mon cœur, promis. » Déclara-t-il avec un sourire en posant sa main libre sur sa poitrine, comme s'il lui faisait une déclaration d'amour émouvante.

Elle lui donna une tape molle sur le bras et afficha un demi-sourire. Ça aurait pu être pire… Oui, ça aurait pu être pire mais ça la décevait quand même. C'était épuisant de ne recevoir que des reproches. Épuisant et décevant. Olivier parut s'en apercevoir parce qu'il se pencha davantage vers elle et tourna son visage vers le sien.

« Jackie… » Dit-il à voix basse. « Tu as des défauts, comme tout le monde, mais tu as beaucoup de qualités que j'apprécie : tu es déterminée, intelligente, d'une loyauté indéfectible envers tes amis et ta famille, tu ne te laisses pas faire, tu as une répartie incroyable et tu es complètement cinglée, ce qui me fait beaucoup rire. » Elle lui lança un regard foudroyant auquel il répondit par un sourire charmant. « La vérité c'est que tu ne fais pas semblant d'être constamment pétrie de hauts principes et de bons sentiments, tu ne les feints jamais avec moi. Et j'adore ça. C'est libérateur. »

Étonnée par ces compliments sincères, Jackie ne sut comment réagir. Sa gorge se serrait étrangement et une douce chaleur, réconfortante, semblait l'envelopper.

Olivier observa son joli visage un moment.

« Et en ce qui concerne ce que j'ai dit… sur le fait que tu ne valais même pas un centième de ce que vaut Johanna… » Ajouta-t-il lentement. « C'est la chose la plus incongrue et stupide que je n'ai jamais dite de ma vie. Tu vaux bien plus que ça. »

Elle planta son regard dans le sien, tentant d'y déceler une once d'ironie ou de moquerie mais il semblait sérieux. C'était étonnant de sa part. Il lui faisait rarement de tels compliments. Les rares fois où ça arrivait, ils étaient généralement suivis d'une vacherie.

Peut-être disait-il la vérité ?

Reprenant ses anciennes habitudes, elle sourit donc avec coquetterie et déclara :

« Bien sûr que je vaux plus que ça. Je suis fantastique ! »

Il eut un sourire ironique.

« Je n'irai pas jusque là mais bon… »

Elle lui pinça le bras en riant et se releva, se sentant rassérénée.

« Bon. J'arrête l'entraînement, de toute façon ça me fatigue plus qu'autre chose ! On y va ? Le diner va bientôt commencer. » Proposa-t-elle en lui tendant la main.

Il s'aida de sa main pour se relever et ils se dirigèrent en silence vers le château.


Le grand jour était arrivé.

Jeudi, jour des épreuves de luttes.

Jackie avait envie de vomir.

Assise à sa table dans la Grande Salle, elle picorait dans son assiette le petit toast que lui avait préparé Angelina et qu'elle lui exhortait à manger.

« Allez, mange un peu, il faut que tu prennes des forces ! »

Le visage livide, Jackie secoua la tête.

« Si je mange je vais lui vomir dessus et bien que cette petite conne le mérite amplement, je n'ai aucune envie de m'humilier devant toute la classe. »

Katie souffla, agacée, et intervint dans la discussion :

« Jackie, c'est débile. Bouffe, je te dis ! »

« Naon ! »

« Rhaaa, tu m'énerves ! »

« Je m'en remettrai. »

Katie allait répondre mais s'interrompit brusquement lorsque Anthony et Magdalena vinrent les rejoindre à la table des Gryffondors. Son visage s'assombrit et elle plongea la tête dans son ouvrage de Runes pour n'en ressortir qu'à la fin du repas.

Bien que Jackie ne se réjouisse nullement du chagrin de son amie, elle ne pouvait s'empêcher d'être reconnaissante au couple d'avoir provoqué, sans le savoir, la fin de cette discussion.

Elle voulait à tout prix éviter de penser à ce qui allait se passer dans quelques heures… Parce que non, se faire laminer n'était pas dans la liste de ses priorités.

Cependant, la vie étant ainsi faite, les premiers cours de la journée passèrent bien évidemment à une vitesse affolante et avant même qu'elle n'ait pu réfléchir à une stratégie pour se défiler, Jackie se trouvait déjà dans le parc de Poudlard, debout sur le tapis de sol bleu marine qui avait été installé sur l'herbe. Ses cheveux chocolat attachés en une queue de cheval haute, vêtue d'un jogging noir et d'un débardeur de la même couleur (tenue de combat obligatoire qu'elle avait soigneusement choisie), elle fixa de ses yeux de chat ambrés Sally qui lui faisait face.

Une minute plus tôt, Olivier, en bon coach qu'il était, avait posé sa main sur son épaule en lui souhaitant bon courage et en lui disant qu'il lui faisait confiance.

Super. En attendant, elle aurait préféré qu'il lui fasse une déclaration d'amour avant qu'elle ne meure.

Pas qu'elle ait besoin de l'amour d'Olivier, hein. Mais ça aurait été sympa à entendre.

« J'espère que t'as déjà choisi une oraison funèbre qui irait bien avec ta pierre tombale. » Dit Sally avec un sourire sarcastique.

Elle avait attaché sa chevelure rousse en un chignon très serrés et ses yeux bleus pâles la jaugeaient d'un air moqueur.

« Hilarant. » Jackie leva l'index et prit un air pointilleux. « Mais tu sais Sally, je crois que tu n'as pas très bien compris les règles de la lutte – quoique ce ne soit pas très étonnant venant de toi – tu n'es pas censée me tuer mais juste me faire… »

« … tomber par terre. » Coupa la rousse. « Je sais. C'était du sarcasme, espèce d'écervelée. »

« Tu sais Sally, quand on fait un sport de combat il faut savoir contenir ses nerfs… » Dit-elle d'une voix mielleuse.

Sally poussa un soupir profondément irrité et détourna le regard avec l'air de ne plus pouvoir supporter ne serait-ce que la vue de Jackie. Ce qui fit sourire cette dernière. Si elle ne pouvait pas battre Sally à la lutte (elle ne se faisait pas d'illusions) elle mettait un point d'honneur à la faire chier.

Et pour ça, on pouvait dire qu'elle était très douée.

Ah ça… C'est même un don selon certains !

Jackie préférait ne pas commenter…

Pour l'occasion, le cours comportait la classe de Gryffondor et celle de Serdaigle afin de pouvoir effectuer le plus de combats possibles et même si Jackie aimait bien qu'on la regarde en général, toute cette attention la mettait aujourd'hui horriblement mal à l'aise. Surtout que tout ce petit monde allait assister à sa défaite, donc il n'y avait vraiment pas de quoi se réjouir.

Tout se passa très vite. Le professeur Lockart annonça le début du combat en vociférant un « Action ! » très passionné (visiblement, le professeur se prenait maintenant pour un réalisateur de cinéma) et Jackie entendit vaguement Jackson dire qu'il misait 10 Mornilles sur la victoire de Sally (ce sale traître…) avant que cette dernière ne se jette sur elle et ne lui ceinture la taille.

Déséquilibrée, Jackie poussa un petit cri et faillit tomber par terre mais elle ancra fermement ses deux pieds au sol et réussit à se rétablir.

« Facilement déstabilisée, hein ? » Railla Sally.

Jackie ne répondit pas et entreprit de faire une liane, c'est-à-dire – selon les sages enseignements d'Olivier – de se servir de sa jambe en l'enroulant autour de celle de son adversaire pour la faire tomber en lui balayant les pieds. Ce qu'elle fit mais avec moins de succès qu'Olivier lorsqu'il lui avait montré la manœuvre. Néanmoins, Sally écarquilla les yeux de surprise lorsqu'elle se sentit déséquilibrée mais réussit, Jackie ne sut comment, à rester fermement sur ses pieds.

Les yeux bleus de la rouquine brillèrent de combativité et elle mit toute sa force dans le combat.

Au début, elles respectèrent les règles.

Au début.

Sally lui faisait des prises de bras, les tordait, faisait des feintes à Jackie pour utiliser son équilibre défectueux et tenter de la faire tomber, et cette dernière se défendait tant bien que mal.

Mais lorsque la rouquine lui pinça pour la cinquièmefoisles côtes, à l'insu du professeur Lockart, Jackie perdit brusquement patience et usa de toute sa hargne et de toute sa force pour la repousser brutalement.

Sally recula de un mètre puis releva lentement la tête vers elle. Elles échangèrent un regard meurtrier et à partir de là, tout dérapa.

Elles entreprirent de mener un combat féroce qui n'avait absolument plus rien d'académique. Elles se jetèrent l'une sur l'autre en s'insultant, se griffèrent, se tordirent les doigts (eh, ça faisait super mal !), se mordirent, se donnèrent des coups de pieds et autres vacheries.

« Euh… mesdemoiselles… » Intervint le professeur Lockart d'une voix faible.

Elles ne l'entendirent pas – ou ne l'écoutèrent pas – et continuèrent leur bagarre en criant des « garces ! » et des « trainées ! » à tout bout de champ.

Jackie se souvint du conseil d'Olivier et regarda rapidement où se trouvait situé Lockart pour qu'il ne voit ce qu'elle s'apprêtait à faire avant de donner un coup de poing sur la fesse de Sally, en plein sur le nerf sciatique. Cette dernière poussa un cri de douleur et devint enragée. Elle s'approcha de Jackie comme une furie, attrapa sa main droite, lui tourna le dos et la fit rouler par-dessus son épaule avant de la faire s'étaler sur le dos comme un pancake, en plein milieu du tapis.

Le souffle coupé, Jackie ne put même pas réagir lorsque Sally plongea sur elle et posa ses mains sur ses épaules afin de la maintenir au sol.

Ca y était, elle avait gagné. Evidemment.

Jackie avait tenu cinq minutes.

C'était minable.

Lockart annonça la fin du combat et les élèves applaudirent mollement, comme pour toutes les personnes qui étaient passés avant elles. Quoique, visiblement les voir se battre comme des chiffonnières avait été relativement distrayant.

« Et la gagnante de ce combat eeest… Sally O'Brian ! » Déclama le professeur d'un air ravi.

Jackie resta quelques secondes allongée sur le tapis bleu, haletante, à ruminer sa défaite. Puis elle se releva d'un coup brusque et alla rejoindre d'un pas lourd ses amis assis dans l'herbe un peu plus loin qui la regardaient d'un air plein de compassion.

« C'était un beau combat. » Déclara Jackson d'un ton solennel lorsqu'elle se fût assise.

« Je t'ai entendu parier contre moi Jackson. Laisse tomber les paroles de consolation. » Dit Jackie d'un air maussade en détachant ses cheveux lisses qui cascadèrent sur ses épaules.

« Simple stratégie financière, mon cœur te soutenait à 200%. »

« C'est ça, ouais. Et mon pied a très envie de soutenir ton cul à 900%. »

« Quelle vulgarité ! » S'esclaffa son ami.

Jackie ignora son regard malicieux, ô combien insupportable, et tenta de reprendre son souffle pendant que les autres élèves passaient sur le tapis. Au fur et à mesure que leurs camarades effectuaient leur combat, elle réalisa avec irritation que toute sa petite bande d'amis avait fait des paris sur les différents matchs qui avaient eu lieu. Celui de Kelly et d'Ashley, celui de Jackson et de Josh Costigan (que son ami perdit, ce qui la consola un peu), celui d'Olivier et de Mathew Nash (qu'Olivier remporta, évidemment. Pff, pas drôle…), celui de Katie et d'Angelina et d'autres encore. Mais ce qui l'irrita encore plus fut d'apprendre que pratiquement toute la petite clique avait parié contre elle.

Agacée par la « trahison » de ses amis et par le regard triomphant de Sally qu'elle sentait peser sur elle, elle se leva en soupirant et s'éloigna discrètement de l'attroupement que formaient les élèves assis en arc de cercle. Toute la classe avait son attention tournée sur les combats alors elle doutait que quelqu'un s'aperçoive de sa désertion. De toute manière, elle s'en foutait. Elle avait joué non ? Et elle avait perdu alors elle avait bien le droit de s'éclipser un moment, fin de la discussion.

Elle se dirigea vers le lac et repéra le saule sous lequel Olivier et elle s'étaient disputés en décembre. Elle s'y rendit d'un pas languide et s'assit au bord de l'eau, les genoux ramenés contre sa poitrine. Son regard se perdit dans le vague alors qu'elle ruminait son échec. Pas qu'elle ait un sens de la compétition ultra développé – surtout quand il s'agissait de sport – mais là en l'occurrence ça comptait. Sally allait être imbuvable après ça et il fallait absolument qu'elle trouve quelque chose pour lui rabattre son caquet.

Quoique, elle pourrait toujours utiliser l'argument Olivier, ça marchait à chaque fois…

Et puis le fait que ses amis aient presque tous parié contre elle la vexait. Un peu de confiance et de soutien, merde ! Est-ce que c'était trop demander ?

Bon, au moins Katie et Olivier avaient cru en elle, c'était déjà ça.

« Tu t'es bien battu. »

Elle ne sursauta même pas. Elle ne s'étonnait plus qu'Olivier vienne la déranger quand elle ne cherchait que la paix et l'isolement. Il adorait faire ça.

Elle tourna la tête vers lui, fit une petite moue faussement chagrinée qui sembla l'amuser, puis refit face au lac.

« En général, c'est le genre de remarques qu'on réserve aux perdants. Manque plus que tu me donnes une petite tape sur la tête comme à un bon chien-chien et le tableau sera complet. » Fit-elle remarquer avec un sourire blasé.

Il pouffa de rire et enfouit les mains dans ses poches en restant debout.

« Ne sois pas aussi sarcastique, tu as tenu assez longtemps. »

« Tu parles, pas plus de cinq minutes… » Marmonna-t-elle.

« Dans un combat, cinq minutes ça peut passer très lentement. » Contrecarra Olivier en haussant nonchalamment les épaules. « Ça aurait pu être pire. Te connaissant je veux dire. »

Merci pour cette précision…

Jackie lui lança un regard mauvais qu'il ne remarqua même pas étant donné qu'il fixait le lac.

« Tu l'as même déséquilibrée à un moment ! » Ajouta-t-il, l'air assez étonné qu'elle ait réussi un exploit pareil compte tenu des circonstances.

« Ouais, enfin celle qui a bien perdu l'équilibre au final dans le match c'est moi, t'as vu le vol plané qu'elle m'a fait faire cette garce ? »

Elle l'entendit rire et s'asseoir sur l'herbe à sa droite.

« Si ça peut te consoler, tu ne t'es pas ridiculisée. »

« Ouais… » Soupira-t-elle en pliant et en dépliant ses doigts endoloris. Puis elle tourna la tête vers lui en souriant légèrement. « Le pire c'est que ça marche un peu. »

Il sourit.

« Bon, ça a un peu dégénéré sur la fin quand même. » Admit-t-il en dissimulant mal un rictus moqueur.

Elle se mordit les lèvres, sentant ses joues se mettre à rougir.

Bon sang, ça avait tellement ridicule ! Non seulement elle avait amorcé cette petite bagarre de pacotille, qui aurait été très loin, mais alors à des kilomètres, d'impressionner Bruce Lee, mais en plus il avait fallu que, pour l'occasion, trente élèves assistent au spectacle.

« Je sais… je… je me suis un peu enflammée. » Admit-elle d'un ton embarrassé.

Elle coula un regard honteux dans la direction d'Olivier puis demanda d'un ton morne :

« C'était ridicule hein ? La honte totale c'est ça ? »

« Quoi ? Oh… non non… pas du tout… Pas du tout ! » Tenta-t-il de la rassurer mais il mentait si mal qu'elle entendait presque sa langue s'étrangler dans sa bouche à chaque mensonge qu'il proférait. « Vraiment ! C'était tout à fait… tout à fait euh, professionnel et héroïque ! Et puis, wouh, deux nanas qui se battent l'une contre l'autre c'est super excitant et tout ! Non vraiment, j'étais impressionné et… et… »

Et… rien du tout. Il se coupa lui-même, conscient d'être en train de débiter un wagon de conneries sans même paraître crédible une seconde. Il y eut un bref silence puis leurs regards se croisèrent et ils explosèrent littéralement de rire.

« HAHAHA ! C'était tellement ridicule la façon dont tu es étalé par terre comme un pancake ! » S'exclama-t-il dans un rire tonitruant.

Elle lui donna un coup de poing assez douloureux sur l'épaule mais continua de rire bêtement.

« Et puis ces punchlines ! C'était magique ! « Prends ça espèce de traînée ! » « Garce, tu m'as volée mon mec ! » » Imita-t-il en prenant une voix haut perchée absolument horrible qui ne seyait pas du tout à sa voix grave habituelle.

Jackie éclata de rire, renversant tellement son visage en arrière qu'elle perdit l'équilibre et s'affala dans l'herbe.

« Je n'ai pas une voix aussi ridicule ! » Protesta-t-elle, le souffle rendu court par son fou rire.

Il éclata à nouveau de rire mais ne commenta pas. Leurs rires s'atténuèrent petit à petit, et ils se mirent tous deux à regarder la surface lisse et sombre du lac qui ondulait doucement sous l'impulsion du vent frais, les réminiscences d'un sourire sur leurs lèvres. Jackie se sentait bien. Sereine et détendue. Cette situation lui plaisait. Elle était soulagée de voir qu'ils pouvaient avoir une discussion sans s'énerver l'un contre l'autre, sans double-sens, sans ambiguïté, sans rien d'équivoque.

Un coude appuyé sur l'herbe, Olivier se tourna vers elle, les yeux brillants et un rictus libidineux sur les lèvres.

« Bon, ceci dit, j'admets que je t'ai vraiment trouvé excitante pendant le combat. C'est toujours bandant de voir deux filles se battre. »

Sa sérénité disparut instantanément et elle tourna lentement la tête vers lui, la bouche ouverte et l'expression atterrée, ne croyant pas ce qu'elle venait d'entendre. Mais le MEC quoi ! Est-ce qu'il le faisait exprès ou c'était simplement le hasard ? Juste quand elle pensait qu'ils étaient définitivement passés à autre chose, il lui balançait une remarque tordue ! Ce n'était pas incroyable ça ?

Lorsqu'il vit son expression outrée, son sourire pervers s'élargit davantage et il ricana, visiblement satisfait de l'avoir fait réagir. Ce qui l'exaspéra au plus haut point. Il avait l'air si content de lui, ce crétin, si fier de l'avoir choquée. Il devait sûrement la prendre pour une petite prude qui s'effarouchait pour un rien.

Elle le fixa en plissant les yeux. Toujours appuyé sur un coude, à demi-allongé sur l'herbe, il ne la regardait plus mais avait ses yeux posés sur le lac, son insupportable rictus arrogant accroché aux lèvres, et jouait négligemment avec son gant de quidditch de sa main gauche. Détaché, décontract', à l'aise.

Comment pouvait-on faire ce genre de remarque et afficher un air aussi tranquille ? Ca la dépassait complètement.

En tout cas, elle ne se laisserait pas faire, foi de Stone !

« Tu es ignoble. Faut vraiment te faire interner hein. Ou alors baises ta copine, parce que t'es beaucoup trop en manque. » Rétorqua-t-elle d'un ton moqueur.

Il roula des yeux puis répliqua d'un air faussement attendri :

« C'est gentil de t'intéresser à ma vie sexuelle. Tu veux participer peut-être ? »

Excédée, elle lui donna un deuxième coup de poing sur le bras et sourit en entendant son grognement de douleur.

« Bon j'abandonne, t'es beaucoup plus pervers que moi. Inutile de faire une compétition. »

Il rit mais n'insista pas.

Changeant complètement de sujet, Jackie déclara, l'air soudain gêné :

« Au fait… Je voulais te remercier de m'avoir entraînée… c'était sympa de ta part. » Dit-elle doucement.

Il haussa les épaules.

« C'était normal. Et puis je ne voulais pas voir Sally t'humilier. » Ajouta-t-il en tournant ses yeux vers elle. « Je ne l'aime pas trop cette fille. »

« Ah bon ? Pourquoi ? » S'étonna Jackie.

Elle se serait plutôt attendue à ce qu'il soit hyper fier qu'une fille qu'il connaissait à peine, plutôt mignonne de surcroit, soit amoureuse de lui !

En tout cas, elle, elle l'aurait été.

Oui, mais toi t'es un cas perdu depuis longtemps…

« Pourquoi ? » Répéta Olivier d'un air surpris. « Mais parce qu'elle est folle, parce qu'elle a toujours l'air niais les rares fois où elle me parle et aussi… parce qu'elle est ridicule de s'amouracher de moi sans même me connaître. »

Jackie sentit ses lèvres s'étirer en un immense sourire satisfait qui barra son visage d'une manière presque effrayante.

Elle était ravie qu'Olivier soit de son côté, pour une fois, en montrant qu'il n'appréciait pas son ennemie de dortoir. C'était bien la première fois qu'elle se sentait soutenue par le gardien et bêtement, elle était touchée. Sans compter le fait qu'il n'avait pas participé aux paris.

« Ça va te sembler étrange mais je suis totalement d'accord avec toi ! » Ils échangèrent un sourire amusé, légèrement machiavélique sur les bords, puis elle reprit. « Et je voulais aussi te remercier de ne pas avoir parié contre moi, ça fait du bien de se sentir soutenue, tu vois j'ai parfois l'impression que tu n'as aucune estime pour moi alors savoir que tu n'as pas participé aux… »

Elle s'interrompit en voyant l'expression extrêmement bizarre que prit le visage d'Olivier.

Elle rêvait ou il grimaçait ?

Et là, elle comprit immédiatement. Le sentiment de gratitude qui l'avait envahi disparut d'un seul coup et fut remplacé par la colère.

« J'en reviens pas ! Tu as parié contre moi ! » S'exclama-t-elle d'une voix choquée. « Comment est-ce que t'as pu faire ça ? Tu… Tu… Tu étais mon COACH ! »

Il leva les mains en l'air, comme si ce n'était pas grave, et émit un petit rire amusé qui l'exaspéra au plus haut point.

« Eh, c'était une occasion de me faire de l'argent facile, j'allais pas manquer ça ! » Se justifia-t-il.

Elle émit une exclamation outragée.

« Tu aurais dû croire en moi ! »

« Oh allez, on savait tous les deux que tu n'allais pas gagner, c'était couru d'avance ! » S'exclama-t-il.

Jackie en resta bouche bée. Mais… mais… mais… quel lâcheur ! Et quel faux-jeton ! Alors tous ses encouragements c'était du vent ?

Ok, ce n'était pas la fin du monde mais c'était vexant tout de même !

« Et alors ? Tu fais pareil avec les joueurs de ton équipe ? Pas étonnant que vous perdiez sans arrêt ! » S'exclama-t-elle avec une expression perfide.

Olivier se tourna franchement vers elle, s'appuyant sur son coude droit, et planta son regard sérieux dans le sien. Bien, elle l'avait vexé.

« On aurait dû gagner l'année dernière mais mon atout majeur n'a pas pu participer au match parce qu'il s'était battu contre Tu-Sais-Qui je te rappelle. » Jackie émit un grognement de mépris qui montrait clairement le peu de crédit qu'elle accordait à cette rumeur. « Et non, je ne suis pas comme ça avec mes joueurs d'habitude mais cette fois c'était différent. C'était juste un petit combat de rien du tout, Jackie… Et il faut être réaliste, je n'ai eu qu'une semaine pour t'entraîner, ce n'était pas suffisant pour que tu réussisses à la battre… » Dit-il d'un ton doux, comme s'il ne voulait réellement pas lui faire de peine. « Ce qui compte c'est que tu aies perdu dignement, non ? »

Trop outrée pour parler, elle regarda fixement pendant plusieurs secondes ces yeux noirs dans lesquels ne transparaissait pas une seule once de remords, son pied tapant furieusement la terre meuble qui bordait le lac, puis elle posa ses paumes au sol et se releva.

« Très bien. » Déclara-t-elle d'un ton furieux. « Dans ce cas, tu permets ? Je vais te laisser compter ton petit magot tout seul, histoire que tu puisses profiter dignement du fric que tu as amassé sur mon dos ! »

Là-dessus, elle le quitta et se dirigea d'un pas furibond vers le château, ses cheveux lisses flottant derrière elle et sa silhouette fine filant à travers le parc à toute allure.

Olivier resta allongé dans l'herbe, toujours appuyé sur ses deux coudes, comme si toute combativité l'avait quitté, et la regarda partir, l'expression indéchiffrable.

Lorsque la porte du château se referma sur elle, il tourna la tête vers le lac et soupira. Il fixa la surface noire quelques instants, l'air absent, puis enfouit une main dans sa poche.

Vide.

Étonnant quand on savait que quelques minutes plus tôt elle contenait une trentaine de Mornilles et qu'il était censé en avoir gagné le double.

Parce que malgré tous ses défauts, s'il y avait bien une qualité que l'on ne pouvait pas enlever à Olivier Dubois c'était qu'il soutenait toujours ses joueurs, peu importe leurs chances de gagner.

Dommage que Jackie ne soit pas au courant.


Cette même après-midi, dans une salle de classe sombre et désaffectée du château, un conciliabule très louche se déroulait entre deux élèves de septième année de Poudlard. Chacun portait un insigne sur la poitrine indiquant la mention « Préfet en chef ».

Un grand brun aux allures de colosse, avec un petit bouc noir en pointe, tendit une liasse de papiers entourée d'un ruban vert à une petite blonde à l'air pincé.

« Il y a tous ceux de ta maison, ceux de Gryffondor et ceux de Poufsouffle. Nous te les donnons avec joie, les Serpentards refusent de se mélanger avec la racaille. » Dit le jeune homme d'un ton froid.

La blonde récupéra son dû en affichant un air dédaigneux et lui tendit à son tour un petit paquet de papiers soigneusement pliés.

« Voilà les vôtres. Personne n'aime se mélanger avec la vermine. » Riposta-t-elle avec hauteur.

Les lèvres du jeune homme brun s'étirèrent en un sourire mauvais, sarcastique, et il s'inclina élégamment.

« Ravi d'avoir pu trouver un terrain d'entente avec toi, Deauclaire. Evidemment, nous n'aurions jamais toléré de passer une journée entière avec des Sangs-de-Bourbe par la faute de ce fou de Lockart mais ta coopération a évité certaines… représailles. Ce que nous n'aurions jamais voulu, bien entendu. » Susurra-t-il.

Sur un salut ironique, il quitta les lieux sous le regard écœuré de la Préfète en chef de Serdaigle. Elle attendit une dizaine de minutes puis sortit à son tour de la salle, le visage sombre.

Restait encore à convaincre Percy de faire une petite entorse au règlement en acceptant ces papiers et de lui pardonner d'avoir pris sans sa permission les noms des élèves appartenant à Serpentard.

Mais elle ne se faisait pas trop de soucis de ce côté-là, elle possédait des moyens de persuasion très efficaces.


Jackie était dans la salle commune de Gryffondor, en compagnie d'Anthony et Jackson, tranquillement assise au coin du feu avec un énorme ouvrage de Sortilèges posé sur les genoux.

Le professeur Flitwick était en train de leur enseigner les sortilèges et maléfices volatiles. Il s'agissait de sorts qui pouvaient être préparés à l'avance, enfermés dans un flacon, puis utilisés ultérieurement. Bien que leur effet soit plus faible que lorsqu'ils étaient lancés directement sur l'adversaire, les maléfices transportables pouvaient néanmoins, en raison de leur effet de surprise, se révéler particulièrement utiles lors d'un duel.

Elle était plongée dans sa lecture lorsqu'elle appris LA nouvelle par Anthony.

Les Préfets des quatre maisons de Poudlard, ces merveilleux, gentils et machiavéliques Préfets, avaient orchestré une combine permettant aux élèves d'éviter cette sordide histoire de « blind-dates » inter-maisons à Pré-au-Lard.

Elle en lâcha son livre de stupéfaction et de béatitude :

« Tu rigoles ? Mais c'est merveilleux ! » S'exclama-t-elle.

Anthony approuva avec un sourire, visiblement content lui aussi de pouvoir choisir son rendez-vous. Ce serait certainement Magdalena d'ailleurs. Ce qui rendrait Katie malade de jalousie et chiante. Ce qui pourrirait la vie de Jackie.

En fait ce n'était pas une si bonne idée.

Jackson, quant à lui, semblait mécontent de cette affaire. Il fronça les sourcils et déclara sèchement :

« Je trouve ça décevant. Je ne la trouvais pas si nulle cette idée. Ça encourageait les gens à rencontrer des personnes des autres maisons, à s'ouvrir à d'autres horizons. C'est vraiment puéril de contrecarrer tout le système du tirage au sort simplement parce que les gens ont trop peur de sortir de leur petit cercle de confort. »

Un silence accueillit ces paroles. Jackie et Anthony fixèrent leur ami avec étonnement.

« Bah, qu'est-ce qui te prend ? » Demanda Jackie. « T'as envie de te retrouver avec une Serpentard ou quoi ? Ou pire, avec UN Serpentard ? »

« Non pas qu'il y ait un quelconque problème avec l'homosexualité. » Intervint soudain Anthony.

« Oh non, pas le moindre. » Dit précipitamment Jackie.

Jackson roula des yeux, l'air exaspéré. Il y eut un bref silence gêné que Jackie brisa :

« Enfin quand même… Le fait est que… Jackson n'est pas homosexuel. A moins que… ? »

« Serais-tu gay Jackson ? » Demanda Anthony, avec une curiosité faussement innocente sur le visage.

« Naon ! » Grogna Jackson.

« Non pas qu'il y ait un quelconque problème avec ça hein. » Dit Jackie.

« Oh non, pas le moindre. » Ajouta Anthony, qui se retenait visiblement de sourire.*

Jackson les fixa d'un regard noir.

« Vous êtes chiants. » Déclara-t-il.

Et sur ces charmantes paroles, il se leva de son fauteuil et quitta la salle commune d'un pas lourd tandis que les deux autres explosaient de rire.

« En tout cas, moi je suis content. » dit Anthony, une fois calmé. « Je vais pouvoir passer la Saint Valentin avec Magda. » Sourit-il.

Que c'était mignon… Et que ça allait faire vomir Katie de dégoût…

Néanmoins, Jackie hocha la tête et lui fit un petit clin d'œil complice. Il avait l'air tellement bien ces derniers temps, plus ouvert aux autres, qu'elle ne pouvait pas lui en tenir rigueur.

« Et Angie le sait ? » Demanda-t-elle.

« Non, pas encore. »

« Katie ? »

« Non plus. »

Elle haussa un sourcil, pressentant le sale coup.

« Et Olivier ? »

Anthony hocha la tête en souriant :

« Oui, mais il n'a pas encore pris son billet. Je suppose qu'il a d'autres choses à penser avec le match qui vient. »

Elle laissa cette information de côté, décidant de l'analyser plus tard, et déclara les sourcils froncés :

« En gros, vous, les mecs, êtes tous au courant depuis des lustres et vous n'avez pas pris la peine de nous prévenir avant ? »

Anthony, qui s'était penché pour prendre son verre d'eau posé sur la table basse, se figea à mi-chemin, l'air interdit.

« Euuuh… »

« Ouais, comme tu dis. » Fulmina-t-elle.

« Mais c'est qu'on a oublié ! Et puis nous c'est Percy qui nous en a parlé, qu'est-ce qu'elle attend la préfète des Gryffondors ? » Tenta-t-il de se justifier.

« C'est ça oui, prend t'en aux femmes maintenant ! » S'exclama-t-elle en levant les bras au ciel avec indignation. « Foutue solidarité masculine… » Marmonna-t-elle dans sa barbe. « Bah moi, puisque c'est comme ça, je vais prévenir Angie et Katie et leur dire que vous nous avez sciemment mises de côté. Na ! »

« Mais elles sont à l'entrainement ! » Argua Anthony d'un air paniqué.

« Tant pis, j'attendrai la fin. » Déclara-t-elle, implacable.

« Oh mais noon, elles vont devenir insupportables ! » Se plaignit Anthony d'un air désespéré.

Elle lui fit un sourire mauvais.

« C'est ça la solidarité féminine mon cher… » Rétorqua-t-elle d'un ton suave.

Sur ce, elle lui tira la langue d'un air malicieux et reprit sa lecture.

Au bout d'un moment, elle lâcha pensivement :

« Ils ont l'air très pratiques ces maléfices transportables… »

« Hum ? » Marmonna Anthony, lui même plongé dans un livre de Métamorphose avancée, niveau septième année (parce que c'était Anthony, tout simplement).

Jackie releva la tête :

« Les maléfices transportables. Que l'on peut enfermer en flacon et utiliser plus tard. Ça m'a l'air très pratique… Et visiblement c'est une méthode qui peut être utilisée avec la quasi-totalité des sortilèges. » Expliqua-t-elle.

Anthony hocha la tête :

« Ah oui. J'avais lu que certains sortilèges et maléfices ne pouvaient pas être transportés néanmoins, comme les sortilèges impardonnables ou d'autres sortilèges de magie noire. » Ajouta-t-il.

« Tu m'étonnes… » Commenta Jackie. « T'imagines le danger ? Tout le monde se baladerait avec une bouteille contenant un Avada Kedavra prêt à être lancé ! »

Elle frissonna à cette pensée.

« Oh mais je suis sûr que certains l'ont fait et le font encore actuellement ! » Contredit Anthony. « Quand je dis que certains sortilèges ne peuvent pas être transportés, je veux dire qu'il est interdit de le faire. Mais pas impossible. » Souligna le blond.

Jackie écarquilla les yeux et se redressa sur son fauteuil.

« Tu plaisantes ? » S'étonna-t-elle.

« Non, pas du tout. Il me semble que c'était une pratique courante dans les milieux du crime dans les années 70. Les Capos et les lieutenants les utilisaient souvent ou les vendaient. »

« Comment se fait-il que les Mangemorts ne les aient pas utilisés plus souvent dans ce cas ? » Demanda Jackie, curieuse.

Anthony haussa les épaules.

« Parce que, comme tu as dû certainement le constater à la lecture de ton livre, ils sont moins puissants lorsqu'ils sont transportés. » Dit-il simplement. « Il y a toujours un risque pour qu'ils aient un effet moindre, voire totalement nul. Imagine que tu sois un Mangemort et que tu souhaites cacher ton identité mais que ton sortilège de mort transporté ne tue pas la personne visée mais la blesse grièvement. Tu prendrais le risque qu'elle se réveille et révèle ton identité ? »

« Bien sûr que non. »

« Et bien, tu as ta réponse. » Dit-il, satisfait. « Le résultat est trop incertain. Néanmoins, ça reste dangereux. Certains sorciers excellent dans leur fabrication et le risque que le sortilège ne fonctionne pas est presque de zéro, donc tu peux imaginer le succès qu'ils ont sur le marché noir… »

« Oui, je vois… » Approuva Jackie en fronçant les sourcils, pensive.

Peut-être qu'une fois Auror, elle enquêterait sur ce genre de trafics… Et qu'elle arrêterait tous les malfrats du monde magique, serait décorée de l'Ordre de Merlin Première Classe et couverte d'honneurs jusqu'à la fin de ses jours…

Ouais, bon.

Fallait déjà qu'elle évite de se taper des Trolls en Métamorphose. Elle verrait plus tard pour la gloire.

Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, l'équipe de Gryffondor pénétra dans la salle commune.

Ils semblaient tous dans un sale état. En fait, non, pire que ça. Ils donnaient l'impression d'avoir fait une petite fête dans une soue à cochons. Fatigués, traînant leurs balais et autre équipement derrière eux avec découragement, transpirants, leurs uniformes de quidditch pleins de boue et d'une humeur de merde, voilà l'impression générale qui se dégageait de l'ensemble de l'équipe.

Et visiblement le Capitaine était celui qui paraissait le plus énervé. De la boue maculant ses joues et son uniforme, il fronçait les sourcils et gardaient les mâchoires serrées tout en tordant son gant de gardien entre ses grandes mains.

« Alors, comment s'est passé l'entraînement ? » Demanda joyeusement Anthony qui n'avait visiblement pas remarqué l'état déplorable de l'équipe.

Olivier tourna un regard noir dans sa direction et lâcha sèchement :

« De la merde. On va se faire laminer par les Poufsouffle en mai. »

Puis, sans un mot ni un au-revoir, il se dirigea d'un pas lourd vers les escaliers menant au dortoir et disparu.

« Ok… » Commenta Anthony. « J'aurais mieux fait de me taire. »

Katie roula des yeux, excédée, et s'affala dans un fauteuil faisant face au feu.

« Il est insupportable quand il s'y met. » Dit-elle en faisant référence à Olivier. « Il a débriéfé pendant 45 minutes. 45 minutes ! Je crois que vous ne réalisez pas ce que ça fait. »

Georges se vautra à son tour sur le canapé, l'air exténué et étrangement abattu.

« Ça ne va pas George ? » Demanda Jackie, étonnée de le voir ainsi. « Tu as l'air… éteint. »

« Ouais… Me faire expliquer pendant trois quarts d'heure que je suis une grosse merde volante a généralement tendance à me démoraliser. » Répliqua-t-il d'une voix monocorde.

Fred s'assit à ses côtés en soupirant théâtralement.

« J'ai cru que j'allais le tuer. » Surenchérit ce dernier.

« Moi aussi ! » Ajouta Katie d'un air véhément.

« On pourrait vraiment le faire vous savez. » Lâcha soudain Georges en regardant le feu d'un air absent.

Tout le monde se tut et le regarda fixement. Il parut se rendre compte de l'impact de ses mots et roula des yeux.

« Ou alors, lui mettre une bouse de dragon fumante dans son gant de quidditch. Se venger quoi ! Lui donner une bonne leçon ! » Expliqua-t-il.

Jackie et Anthony se mirent à rire, s'attirant les regards furieux de leurs camarades.

« Riez autant que vous voulez mais un jour, vous aussi vous devrez subir son humeur de merde. » Dit Katie d'un air mécontent.

« Ouais, y a pas de raison. » Ajouta Fred d'un ton morne.

« T'inquiète, on la connaît déjà. » Ne put s'empêcher de dire Jackie. Puis pour éviter de plus amples questions, elle se leva de son siège et annonça : « Bon, je vais me coucher. Bonne nuit les petits loups ! »

Ils la saluèrent mollement et elle se rendit à son dortoir, taraudée par la désagréable impression d'avoir manqué quelque chose d'important sans pouvoir dire quoi.


Le mois de février s'écoulait paisiblement à Poudlard. Heureusement, aucune attaque ne fut à déplorer depuis la rentrée et les Mandragores se montraient grincheuses et renfermées, ce qui ne pouvait signifier qu'une seule chose : elles venaient d'entrer dans l'adolescence. Madame Pomfresh pourrait donc bientôt soigner Miss Teigne, Nick-Quasi-Sans-Tête et Justin Flanch-Fléchy (ou quel que soit son nom).

Les élèves étaient d'ailleurs un peu moins tendus et espéraient, un peu naïvement certes, que l'héritier de Serpentard avait éprouvé de profonds regrets et décidé de mettre un terme à ces terrifiantes agressions.

Jackie avançait tranquillement dans le couloir menant au Hall d'entrée avec ses amis, pensant joyeusement à l'arrivée du printemps (ok c'était dans plus d'un mois mais elle détestait vraiment l'hiver).

Le temps serait bientôt plus clément, le soleil brillerait même peut-être, les oiseaux gazouillerait, la Saint Valentin approchait à grands pas…

Ouh, mauvaise idée de penser à ça. Elle était seule et ne recevrait certainement aucun petit cadeau cette année. Même Charles Wyatt semblait s'être lassé de lui faire la cour.

A moins que ce ne soient les innombrables râteaux qu'elle lui ai mis qui aient eu raison de lui.

D'ailleurs, en pensant à la Saint Valentin…

« Au fait, on en est où de ce stupide tirage au sort de Saint Valentin ? » Demanda-t-elle à la cantonade. « Vous savez, celui qui doit nous attribuer un partenaire de n'importe quelle maison ? Parce que pour l'instant, personne ne m'a demandé de tirer quoique ce soit. »

« Bah alors ? On est en manque petite peste ? » Demanda Olivier d'un ton moqueur.

Tandis que Katie ricanait d'un air railleur, Jackie donna une tape sur le bras du gardien mais ne put retenir un sourire.

« Personne ne m'a demandé de tirer au sort quoique ce soit. » Précisa-t-elle pour la forme.

Olivier lui lança un regard amusé et commenta à son tour :

« C'est vrai, à moi non plus on ne m'a rien demandé. Aux dernières nouvelles, les préfets s'étaient arrangés pour que l'on choisisse une personne de notre choix. On en est où ? »

« Bah c'est en cours. » Répondit Jackson d'un air distrait alors qu'il enfilait ses moufles.

« Comment ça « c'est en cours » ? On vient de te dire qu'on n'a toujours pas pioché de papier. » Répliqua Jackie.

« Bah, ça doit vouloir dire que ce n'est pas à vous de piocher. » Dit Jackson en haussant les épaules tout en fouillant frénétiquement son sac à dos. « Souviens-toi que Lockart nous a expliqué que seulement la moitié des élèves tireraient au sort les noms de l'autre moitié des élèves. »

« Non. » Dit Jackie en fronçant les sourcils. « Je fais partie de la liste de ceux qui doivent piocher un nom. Je l'ai vu. »

« Moi aussi. » Ajouta Olivier.

« Ah. Bah qu'est-ce que vous attendez ? » Rétorqua Jackson qui enroulait cette fois son écharpe autour de son cou.

Il se croyait au Pôle Nord ou quoi ?

« Comment ça « qu'est-ce que vous attendez » ? » Commença à s'agacer Jackie qui avait l'impression de tenir une discussion de sourds.

Non mais il était crétin ou quoi ?

« Puisqu'on te dit que personne ne nous a proposé de tirer au sort. N'est-ce pas ? » Ajouta-t-elle en se tournant vers Olivier.

Celui-ci hocha la tête de gauche à droite, l'air tout aussi perplexe qu'elle :

« Non, personne ne m'a rien demandé. » Confirma-t-il.

Jackson, qui commençait enfin à prêter un minimum d'attention à la conversation, leva soudain les yeux vers Jackie et Olivier, l'air interdit.

« Attendez. Vous êtes en train de me dire que nous n'avez pas choisi votre partenaire ni tiré aucun papier au sort ? » Demanda-t-il.

Jackie et Olivier soupirèrent d'exaspération.

« C'est ce qu'on t'explique depuis cinq minutes ! » Aboya presque Jackie.

« T'es lent à percuter. » Commenta Olivier en secouant la tête. « En tout cas, je devrais me bouger parce que Johanna m'a explicitement demandé de faire en sorte de piocher son prénom. D'ailleurs, j'aimerais bien qu'on m'explique l'intérêt de tirer au sort si on sait sur quelle personne on va tomber. » Dit-il en levant les yeux au ciel. « Bref, je devais en parler avec Deauclaire, la préfète-en-chef des Serdaigles. Vous savez où elle est ? » Ajouta-t-il en tendant le cou pour essayer d'apercevoir cette dernière dans la foule.

Jackson le regarda, l'air embêté.

« Euh… Je crois que c'est mort mec. » Dit-il enfin.

Olivier le regarda et fronça les sourcils.

« Comment ça « c'est mort » ? » Intervint Jackie qui sentait la panique monter en elle.

Jackson échangea un regard gêné avec Angelina et Anthony qui se trouvaient à côté de lui.

« Bah… Quasiment tout le monde a déjà tiré au sort, ou plutôt « choisi », son partenaire. Ça fait des semaines. » Lâcha-t-il à brûle-pourpoint.

« Pardon ? » S'exclama Olivier qui s'était glacé.

« Vous avez tous un partenaire désigné ? » Répéta Jackie, l'air tout aussi interdit.

Tous les deux statufiés dans le couloir, ils regardèrent fixement Jackson, une expression d'attente craintive sur le visage.

Le silence de leurs amis fut une réponse suffisante.

« Putain… » Soupira Olivier. « Johanna va me défoncer. »

« Oh, pauvre petit, ta copine chérie va se fâcher et te priver de ton bisou du soir ? Trop dur la vie ! » Rétorqua Jackie avec dédain. « Tu te rends compte que je vais certainement devoir me coltiner un boulet de Serpentard, ou pire un Poufsouffle ? C'est atroce. »

« Ça va, pique pas ta crise petite teigne, tu t'en remettras. » Répliqua Olivier. Puis il se tourna vers ses amis et les regarda en plissant les yeux : « Comment ça se fait que vous ayez tous tiré au sort quelqu'un ou été tiré au sort, alors que nous non ? Pourquoi personne ne nous a prévenu qu'il fallait le faire rapidement ? »

« Euh… Comme tu le sais, les préfets se sont arrangés entre eux pour récupérer les billets des élèves de leur maison pour éviter que l'on tire au sort un Serpentard ou une personne d'une autre maison. Et comme on partage le dortoir avec Percy, il nous a laissé choisir en priorité la personne avec qui on aurait un rendez-vous… » Expliqua Anthony d'un air prudent.

Il vit leur mine ébahie et haussa les sourcils. « Quoi, vous ne le saviez pas ? »

« NON ! » Ragea Jackie en mettant ses mains sur ses hanches, furieuse. « Puisque personne ne m'en a parlé je croyais qu'on avait le temps ! »

« Mais pourquoi est-ce que je ne suis pas au courant ? » S'insurgea à son tour Olivier. « Je fais partie du même dortoir que vous, j'aurais dû savoir ! »

Anthony hocha la tête d'un air de compréhension.

« Oh, mais ça ce doit être parce que Percy ne t'aime pas beaucoup. Il dit que tu es trop impulsif pour qu'on puisse te faire confiance et que tu ne sais pas gérer notre équipe de Quidditch. » Expliqua-t-il d'un air pensif, tout concentré qu'il était à se remémorer les mots du préfet, sans se rendre compte de l'humiliation que provoquaient ses paroles.

« QUOI ?! » Fulmina Olivier d'un air outré.

Tout le monde lança un regard réprobateur à Anthony qui haussa les épaules l'air de dire « Bah quoi ? J'ai dit quelque chose de méchant ? ».

Tout le monde sauf Jackie qui ne put s'empêcher de ricaner d'un air moqueur, s'attirant le regard assassin d'Olivier.

« Quant à toi Jackie, je crois que Percy te trouve trop violente depuis ta bagarre avec Flint. Il dit que tu fais honte à notre maison. » Ajouta Anthony.

Son ricanement s'arrêta net et Olivier afficha un sourire moqueur.

Avant que la situation ne s'envenime, Katie intervint :

« Mais ne vous inquiétez pas hein, il en reste encore deux papiers de Gryffondor alors vous n'aurez pas à vous offrir mutuellement des cadeaux ! » Rassura-t-elle d'un ton ironique.

Jackie soupira de soulagement alors qu'Olivier posait sa main sur son cœur en faisant mine d'être extrêmement déçu.

« Oh quel dommage, j'aurais été tellement ravi de t'offrir un cadeau… Un joli élevage d'araignées, je les aurais cachées dans ton lit pour te faire une belle surprise comme tu les aimes… » Dit-il à Jackie avec un sourire hypocrite.

Jackie eut un frisson de dégoût et ferma les yeux, l'air malade.

« Oh non, pas ça… » Murmura-t-elle, tellement bouleversée par l'image qu'elle ne pensa même pas à lui rétorquer une réplique cinglante.

Il ricana en la regardant d'un air moqueur et, sans la quitter des yeux, demanda d'un ton distrait à Jackson :

« Et il reste qui comme personnes à piocher, au fait ? »

« Marshall Gordon et Sally. »

Le temps se figea. Son sourire narquois disparaissant aussitôt, Olivier tourna lentement la tête vers son ami, un air tétanisé sur le visage, et Jackie eut un hoquet d'horreur avant d'ouvrir vivement les yeux.

« Sally… » Commença Olivier.

« … O'Brian ? » Exhala Jackie, hagarde.

Oh non…

Jackson hocha la tête en signe d'approbation, l'air désolé pour eux.

« Et… où sont ces papiers exactement ? » Demanda Olivier d'une voix très lente.

Jackson parut hésiter un moment, sans doute désarçonné par la tension palpable qui venait de naître entre ses deux amis.

« Euh… dans notre dortoir… sur la table de nuit de Percy je suppose. » Répondit-il avec précaution.

Les deux adolescents tournèrent très lentement la tête l'un vers l'autre, le visage soudain déterminé.

« N'y pense même pas, Marshall est pour moi. » Avertit Jackie.

« N'est-ce pas mignon ? » Répliqua Olivier avec un sourire dur. « Elle croit m'impressionner… »

Sourcils froncés, ils échangèrent un regard compétiteur, s'analysant brièvement, chacun évaluant rapidement sa chance de l'emporter sur l'autre, et tentèrent même de s'intimider mutuellement (sans succès).

Puis, avec une synchronisation parfaite… ils détalèrent à toutes jambes dans le couloir, vers une seule et même direction : le dortoir des garçons.

Leurs amis les regardèrent partir en secouant la tête, l'air à la fois amusés et passablement désespérés par leur comportement.

« Ils sont graves… » Commenta Katie, blasée. Elle resta immobile un petit moment, l'air pensif, avant de hausser les épaules et de faire brusquement demi-tour. « Quelqu'un veut faire une partie de frisbee à dents de serpent ? »

« Moi ! » S'exclama tout le groupe d'une même voix.

Et ils partirent en direction du parc, sans se préoccuper plus longtemps des deux idiots qui leurs servaient d'amis.

Pendant ce temps-là, dans les couloirs de l'école, la compétition faisait rage…

« Pousse-toi gros lard ! » Grogna Jackie à l'intention d'Olivier qu'elle poussa brusquement contre une armure.

Il émit un juron alors qu'il était propulsé sur le côté mais réussit à esquiver de justesse la statue d'acier et de métal, au grand dam de Jackie.

« Tu vas me le payer… » Lâcha-t-il entre ses dents d'un air menaçant avant de se lancer à sa poursuite.

A cette voix un tantinet effrayante, Jackie qui courait plutôt vite pour la feignasse qu'elle était eut une poussée d'adrénaline et fonça comme une fusée dans les couloirs, évitant les attaques d'Olivier qui essayait de l'attraper.

Pas Sally O'Brian. S'il vous plait, pas Sally O'Brian ! Il était hors de question qu'elle soit obligée d'offrir un cadeau à cette sale garce complètement allumée du ciboulot ! Elle était prête à tout pour éviter ça, quitte à jeter Olivier par-dessus la rambarde d'escalier !

Le son de leurs pas précipités se répercutait sur les murs, démultiplié par l'écho, et alors qu'ils arrivaient dans un couloir bondé, ils annoncèrent tous deux leurs présence en beuglant comme des fous sur les quelques élèves qui leur bloquaient le passage.

« Poussez-vous ! Poussez-vous ou je vous écrase au rouleau compresseur ! » S'écria Jackie comme une harpie.

Elle vit Olivier profiter de la débandade que provoquait leur petite scène pour foncer sur Montague qui sortait de la salle de Sortilèges et le percuter avec violence, le projetant contre le mur. Il décocha un sourire incroyablement machiavélique au Serpentard sonné, lui fit un doigt d'honneur en lui crachant que – elle citait – « ça c'était pour la fois où il lui avait envoyé un Cognard dans le dos en plein match, enfoiré » puis repartit en courant à toutes jambes.

Elle éclata de rire, hallucinée par sa vengeance, et continua de courir comme une folle.

Lorsqu'ils aperçurent le tableau de la Grosse Dame au bout du couloir dans lequel ils couraient, la tension monta d'un cran.

Le visage décidé, ils accélèrent et crièrent d'une même voix le mot de passe (« Crottes de Boursouf ! ») à l'occupante du tableau qui les laissa passer avec des yeux ronds de curiosité.

« Mais enfin, que se passe-t-il, mes enfants ? » S'exclama-t-elle alors qu'ils se précipitaient dans le passage sans lui répondre.

Pas un chat dans la salle commune. Une aubaine.

Ils foncèrent vers le fond de la pièce chaleureuse, où se trouvait l'escalier menant au dortoir des garçons, et arrivèrent tous les deux en même temps en bas des marches. Mais le passage était si étroit qu'il était nécessaire pour le franchir de passer l'un à la suite de l'autre, ce qui posait un léger problème quant à nos deux adversaires qui ne voulaient certainement pas céder la place à l'ennemi. Ils se bousculèrent, se frappèrent, se poussèrent l'un l'autre contre les parois en pierre, se bâtèrent presque pour avoir l'avantage… Sans succès.

« Casse-toi Olivier, c'est à moi d'avoir Marshall ! Sally a voulu me tuer et en plus, elle m'a battu à la lutte, je ne PEUX PAS lui offrir de cadeau ! » Fit Jackie, tentant tout de même d'argumenter.

« Crève ! » Répliqua Olivier en lui tordant le bras.

Elle cria de douleur et il profita de sa surprise pour passer avant elle et escalader les marches quatre à quatre en riant comme une hyène.

Salaud. Il allait payer. Quoiqu'il arrive, il allait payer !

Avec un cri de rage, elle fila à sa suite en prenant garde de ne pas trébucher sur les marches dans l'obscurité et lorsqu'elle fut assez près pour l'atteindre, elle lui sauta sur le dos, le faisant dangereusement vaciller, et lui mordit violemment l'épaule.

« Oh putain ! » Cria-t-il en s'arrêtant net en plein milieu des marches, une main agrippée à la rambarde d'escalier.

Elle en profita pour descendre et le dépasser en courant.

« Ha ha ha, dans ta gueule Dubois ! »

Mais le bruit de pas derrière elle, accompagnés du grognement furieux qu'il venait d'émettre, lui indiqua qu'il avait repris la course.

« Putain, tu m'as mordu ! J'arrive pas à croire que tu m'aies mordu ! Espèce de tarée, t'as vraiment un problème dans ta tête hein ! » Fulmina-t-il en se massant l'épaule.

Jackie eut un éclat de rire hystérique, digne des méchants dans les Walt Disney, et ouvrit en grand la porte du dortoir, Olivier sur ses talons.

En l'espace de quelques secondes, elle scanna rapidement la pièce.

Quatre lits à baldaquins une place étaient disposés en ligne. Les lions sculptés dans le bois des têtes de lit, gueules ouvertes comme s'ils allaient se mettre à rugir férocement, semblaient lui envoyer directement le message de la maison des Gryffondors : « courage, bats -toi ! ».

Oh que oui, elle allait se battre ! Elle était prête à faire le nécessaire pour gagner ! Prête à mordre, prête à donner des gifles, prête à faire des coups bas, prête à tout !

Hum. Autant pour elle, ça c'était plus Serpentarien que Gryffondorien.

Coup de blues. Elle aurait dû avoir honte… C'était nul comme attitude, vraiment ! Il fallait qu'elle arrête d'être aussi déloyale, il fallait qu'elle utilise ses propres forces et pas les faiblesses des autres, il fallait qu'elle… il fallait qu'elle… il fallait qu'elle en profite oui ! Non mais dis donc, elle perdait la boule ou quoi ? L'honneur ? Ugh ! C'était quoi ce concept dépassé ?

Quelques faibles rayons de soleil filtraient à travers les volets à moitié fermés et le dortoir était plongé dans une semi-obscurité, orangée et apaisante, qui ne l'empêcha cependant pas de remarquer le joyeux bordel qui y régnait. Toutes sortes d'objets hétéroclites – vêtements, livres, magasines de quidditch et de sciences, sucreries de chez Honeydukes, capes roulées en boules, protections de quidditch éparpillées un peu partout – jonchaient le parquet sombre de la chambre.

En somme, un vrai dortoir de mecs.

Quoique, le dortoir des filles n'était pas mieux.

Mais comme elle était à la recherche de quelque chose de bien plus important, elle n'y prêta qu'une attention limitée et parcourut frénétiquement la pièce du regard avant d'apercevoir enfin ce qu'elle cherchait.

La table de nuit de Percy Weasley sur laquelle trônait deux morceaux de papier.

Elle se précipita dessus.

Olivier la suivait de près, il n'était qu'à quelques mètres… Bon sang, il fallait qu'elle y arrive avant lui ! Elle atteignit la table, attrapa l'un des parchemins pliés en deux sur lequel elle lut par transparence le « M » du prénom de Marshall, le froissa en boule dans sa main droite sans aucune précaution et fit aussitôt volte-face.

Olivier arrivait vers elle, un sourire féroce sur les lèvres et avec l'air d'un meurtrier qui s'apprête à récidiver (sans doute la morsure qui l'avait mis de si bonne humeur) et elle sentit la panique la gagner. Il allait la tuer, c'était certain !

Balançant entre la panique et l'euphorie hystérique, Jackie poussa un cri strident puis se jeta sur le lit à côté d'elle en émettant un gloussement fébrile. Elle roula sur le couvre-lit bordeaux et passa de l'autre côté avant de se remettre prestement debout. Chacun d'un côté du lit, ils se firent face en se défiant mutuellement du regard et sortirent lentement leurs baguettes de leurs poches, essoufflés mais narguant l'autre avec un rictus arrogant.

Brève suspension dans leur cavalcade, accordant à chacun le temps de reprendre son souffle et de jauger l'adversaire.

Haletante, naturelle pour une fois et oubliant exceptionnellement pour un temps toute forme de séduction, focalisée qu'elle était par le combat qui s'annonçait, Jackie se tenait droite et ne quittait pas le gardien de ses yeux de chat, ses doigts fins glissant lentement le long de sa baguette dans un mouvement dont elle n'avait visiblement pas conscience et qui trahissait un certain rituel. Elle aimait ressentir sous la pulpe de ses doigts la magie qui vibrait entre les veines du bois clair. Elle secoua légèrement la tête pour écarter les quelques mèches de cheveux chocolat qui s'étaient échappées de son chignon et qui obstruaient son champ de vision (dire qu'elle était impeccablement coiffée d'habitude… Quelle déchéance…). Elle observa la belle gueule concentrée d'Olivier et sentit ses lèvres s'étirer en un sourire sournois. Certains sorts particulièrement agressifs la démangeaient…

Olivier, lui, la scrutait attentivement afin d'évaluer ses réflexes, dardant ses pupilles noires et concentrées sur ses jambes et ses bras pour anticiper ses mouvements, construisant et démontant des stratégies pour la combattre. Pour la vaincre. Pour gagner. Parce que, évidemment, entre eux, il n'était question que de ça. Il promena son regard sur elle. Bon, il la matait aussi. Un peu. Il esquissa un sourire légèrement pervers en détaillant son uniforme froissé par la course. Deux boutons de sa chemise blanche s'étaient défaits, laissant entrapercevoir la dentelle d'un joli soutien-gorge blanc. Un bon argument pour la mettre mal à l'aise et la voir bafouiller. Et s'il y avait bien une chose qu'il adorait, c'était ça. Mais il se retint. Franchement quel mec de 16 ans digne de ce nom signalerait à une jolie fille qu'elle ferait mieux de se rhabiller ? Aucun. Il se reconcentra donc sur le duel imminent et ancra son regard dans les pupilles brillantes de défi. Elle était l'une des meilleures élèves en DCFM et donc probablement une duelliste plus douée que lui mais lui avait deux atouts majeurs : d'excellents réflexes et une longue expérience de stratégies de combat. Sans oublier d'assez bonnes performances magiques. La victoire était possible mais l'affrontement allait être serré.

Ils levèrent leurs baguettes et le rythme effréné reprit. Les sorts fusèrent, alternant entre sortilèges d'attaque et sortilèges de défense. Expulso. Protego. Accio papier. Protego. Furunculus. Protego. Et ainsi de suite. Olivier esquivait facilement les maléfices qu'elle lui lançait et créait des Boucliers de protection avec une rapidité étonnante mais, s'il était assez fier de sa réactivité, il ne put s'empêcher de trouver ses propres gestes bien plus lourdauds que ceux de Jackie. Elle maniait sa baguette et sa magie avec aisance, se déplaçait avec agilité, feintait vers la droite, vers la gauche, vers l'arrière, oscillait, virevoltait, aussi rapide et insaisissable qu'une flamme. Un petit sourire hautain ornait ses lèvres et la pointe de sa langue rose dardait de temps à autres entre ces dernières pour les humidifier, sans calcul, sans arrière-pensée, sans prévoir que ce geste pouvait être troublant.

Quelle petite chieuse… S'il fallait qu'en plus de tout elle soit un génie du combat, son égo allait en prendre un sacré coup. D'autant plus qu'un maléfice cuisant l'avait déjà touché au bras gauche.

« Tu ne le récupéreras pas. » Déclara-t-elle en souriant avant de lui envoyer un sortilège de désarmement qu'il contra aussitôt.

« Pas grave, je me rincerai l'œil en attendant. » Répliqua-t-il avec un sourire narquois. « Lashlabask ! »

Elle fronça les sourcils, déconcentrée, et sentit une force incontrôlable desserrer ses doigts du papier qu'elle tenait dans sa main.

« Protego ! » Réagit-elle aussitôt d'un mouvement sec du poignet. « De quoi tu parles ? »

Olivier la désigna d'un hochement de tête : « Jolis sous-vêtements. » Déclara-t-il tranquillement avec un sourire coquin.

« Hein ? »

Prise au dépourvu, Jackie baissa les yeux sur son chemisier et alors qu'elle émettait un « Oh ! » offusqué en constatant que deux boutons étaient ouverts elle reçut un Expelliarmus de plein fouet. Sa baguette vola dans les airs et atterrit derrière Olivier alors qu'elle-même était projetée contre le mur.

L'impact ne fut pas trop violent, Olivier ayant mis peu de puissance dans son sortilège pour ne pas la blesser outre mesure, mais elle en resta choquée. Comment avait-elle pu se faire avoir de cette manière ? Quelle honte ! Elle était censée être la meilleure élève de sa classe en Défense Contre les Forces du Mal, nom d'une pipe !

« Ne jamais se laisser déconcentrer. Est-ce que ce n'est pas une règle élémentaire que l'on apprend dans tous tes bouquins sur la formation des Aurors ? » Demanda le gardien, une moue moqueuse sur les lèvres.

Elle lui lança un regard furieux alors qu'il se déplaçait tranquillement jusqu'à elle et s'arrêtait à un mètre, instaurant une distance de sécurité.

Quoiqu'il n'en ait absolument pas besoin puisque sa baguette, directement pointée sur elle, témoignait de sa victoire.

Elle l'examina attentivement, l'expression glaciale, et plissa les yeux.

« Si… » Répondit-elle lentement. Trop lentement. « Et tu sais ce que j'ai appris d'autre ? »

« Non mais vas-y, éclaire moi. » Dit-il tranquillement, un sourire amusé sur les lèvres.

« Et bien… j'ai appris qu'il fallait toujours se servir de son environnement et que la meilleure défense… c'était l'attaque ! » S'exclama-t-elle avant de se pencher vivement en avant et de tirer brutalement sur le tapis sur lequel se tenait Olivier.

Il perdit l'équilibre et étouffa un juron alors qu'il tentait de se rétablir en se tenant à une poutre du lit à baldaquin. Mais Jackie s'était déjà dressée et aussi rapide qu'une panthère, elle bondit sur lui. Ils tombèrent à la renverse (Olivier amortissant heureusement le choc) et elle s'empressa de lui arracher sa baguette des mains et de l'envoyer valser à l'autre bout du dortoir.

Elle se pencha en avant, le visage à quelques centimètres du sien, et lui adressa un long sourire narquois.

« Une quatrième règle pour toi : ne jamais croire que le combat est fini tant que l'un des adversaires est libre de ses mouvements. » Nargua-t-elle d'une voix mielleuse.

« Tout à fait d'accord avec toi. » Répliqua Olivier avant de saisir son poing serré et de tenter de s'emparer du parchemin.

« Non ! » Protesta-t-elle en s'écartant vivement, échappant de justesse à sa prise.

Ils se levèrent d'un bond et Jackie fonça vers la porte de la salle de bain, seule échappatoire la plus proche d'elle.

Qui avait dit que « courage, fuyons ! » était une réaction honteuse ? Au contraire, elle, elle trouvait ça vachement utile !

Elle se précipita sur la porte, l'ouvrit, se faufila dans la salle de bain et la referma aussitôt en tenant la poignée de toutes ses forces tandis qu'Olivier s'acharnait contre celle-ci, de l'autre côté de la cloison.

« Jackie, laisse-moi entrer tout de suite ! » Ordonna la voix d'Olivier.

« Hors de question ! » S'écria-t-elle. « Et puis c'est trop tard, je vais lire le parchemin ! »

Une main toujours sur la poignée qui pourtant ne tournait plus, elle entreprit de défroisser fébrilement le parchemin roulé en boule de son autre main.

« Vite, vite, vite… » Marmonna-t-elle précipitamment, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine.

Mais alors qu'elle apercevait enfin le M de « Marshall », la porte s'ouvrit brutalement et un souffle puissant projeta Jackie sur le sol carrelé de la salle de bain.

Olivier pénétra dans la pièce, un sourire mauvais sur les lèvres et sa baguette à la main (qu'il était certainement allé récupérer de l'autre côté du dortoir). Avant qu'il ne baisse les yeux vers la silhouette prostrée de Jackie, celle-ci cacha précipitamment le précieux parchemin.

« Décidément, ce sortilège d'expulsion est très utile aujourd'hui. » Fit-il remarquer en avançant d'un pas souple dans la pièce.

« Tu n'avais pas le droit de l'utiliser ! » Protesta-t-elle, un peu sonnée (cette fois, Olivier avait mis toute sa puissance dans ce satané sortilège).

« Première nouvelle. Et pourquoi ça? »

« Parce que… Parce que c'est de la triche ! » Cria-t-elle, furieuse.

A cette remarque, il haussa les sourcils et lui glissa un regard condescendant. Voyant qu'il s'approchait dangereusement d'elle, elle se releva immédiatement et leva les mains en signe de paix.

« Tout doux… » Dit-elle nerveusement.

« Donne-moi le papier et je n'emploierai pas la force, Stone. Tu as cinq secondes. » Menaça-t-il d'une voix doucereuse.

« Quelle magnanimité… »

« Cinq. Quatre. » Commença-t-il, imperturbable.

« Olivier… s'il te plait… sois sympa… » Tenta-t-elle d'une voix suppliante.

Il esquissa un sourire moqueur, totalement insensible.

« Trois… Deux… »

« Espèce de petit trou du cul… » Marmonna-t-elle dans un sourire, amusée malgré elle.

Il voulait jouer ? Ils allaient jouer !

Ce sale petit veracrasse… elle ne lui donnerait jamais le billet de Marshall. Jamais.

Elle fit brusquement volte-face et se rua vers la douche située à sa droite en criant un « YAAAA ! » hautement gracieux et féminin, aussitôt coursée par Olivier. Elle attrapa le pommeau de douche avec un sourire machiavélique et alluma le jet à toute puissance.

Ce qu'elle n'avait pas prévu c'était que le pommeau soit tourné vers elle lorsqu'elle allumerait l'eau. Elle se prit donc un jet d'eau glacé en plein dans le front, la faisant hurler de surprise.

Derrière elle, Olivier se stoppa net dans sa course, abasourdi, puis éclata d'un rire si tonitruant qu'elle sentit son crâne vibrer sous les ondes sonores.

« HAHAHAHAHAHAHAHA ! C'était ridicule ! »

Hors d'elle et rouge pivoine, elle pivota dans sa direction et dirigea le pommeau sur lui, en plein sur sa tronche de crétin.

Il cria lorsqu'il se prit l'eau dans la figure et se protégea d'un bras, tandis que c'était son tour à elle de se bidonner. Mais il ne s'avoua pas vaincu pour autant. Il empoigna à son tour le pommeau et ils se battirent en bonne et due forme pour arroser l'autre le plus possible, en poussant des cris de guerre parfaitement ridicules.

« IIIIIH! Elle est glacée ! Mais lâche-moi espèce de brute ! » Cria-t-elle en riant à gorge déployée et en se débattant comme si Voldemort en personne l'attaquait tandis que l'eau glaciale s'infiltrait sous ses vêtements et dans ses chaussures.

« C'est ça ouais, et après je te fais un petit thé comme un bon elfe de maison ? Je m'appelle pas Wyatt moi ! » Répliqua-t-il en riant et en essayant de diriger le plus possible le jet d'eau sur elle.

Malgré elle, Jackie éclata de rire à cette dernière réplique.

Pauvre Charles quand même… C'était fou comme il s'en prenait plein la gueule quand ils parlaient de lui.

Les bras levés en l'air pour garder leur prise sur le pommeau, s'aspergeant d'eau glaciale et surtout en foutant partout, ils mimaient tous deux la fureur et l'acharnement du combat mais, dans le fond, s'amusaient comme des gamins. Ils aimaient le jeu et la légèreté et puisaient un plaisir inattendu de leur propre puérilité. Retombée en enfance qui les éloignait pour un temps de leur relation chaotique.

« Mais laisse-moi partir, sale tyran ! Tortionnaire ! Pol Pot de mes deux ! » Fulmina-t-elle en tirant de toutes ses forces sur le pommeau de douche tandis qu'Olivier éclatait de rire à chacune de ses exhortations. « Je ne te laisserai jamais avoir ce papier ! Jamais ! Marshall est à moi, tu comprends ?! A mooooooi ! »

« Hahaha, mais oui Gollum, mais oui ! » Railla-t-il.

Argh !

Le visage cramoisi de honte (elle rêvait ou le mec venait vraiment de la comparer à une créature chauve, édentée, qui se nourrissait de poisson cru et agissait comme un schizophrène ?!), elle poussa un cri de Banshee déchaînée et lui envoya un coup de pied plus ou moins violent (bon ok, plus que moins) dans le tibia.

Olivier grogna sous la douleur et perdit l'équilibre, s'écrasant à moitié sur elle et l'emportant de tout son poids contre le mur de la douche qu'elle heurta douloureusement, la faisant hoqueter sous le choc.

Mais elle n'abandonna pas le combat pour autant et attrapant fermement le pommeau qu'Olivier avait lâché dans sa chute, elle le dirigea droit sur lui en éclatant d'un rire dément.

Tout d'abord, Olivier se contenta de se protéger de ses bras en criant comme un forcené, puis soudain, un éclair de génie illumina l'esprit du sportif (oui, ça lui arrivait parfois) qui soudain se détourna et ferma brusquement le robinet.

« Hé ! » S'exclama-t-elle en protestation.

Le jet d'eau s'amincit rapidement puis cessa de couler, ne laissant que de petites gouttes tomber lentement sur le sol en porcelaine de la douche dans un « ploc » décevant.

Un sourire narquois flottant sur ses lèvres, Olivier arracha le pommeau des mains de Jackie, qui affichait une petite moue déçue face à l'issue du combat, et l'accrocha à son portant, en hauteur, avant de se tourner vers elle.

Ses cheveux, d'un noir d'encre, étaient plaqués en arrière et sa chemise blanche, complètement trempée, collait à son torse et ses bras.

Un sourire léger étira ses lèvres lorsqu'il la détailla du regard.

De son chignon sophistiqué de ce matin il ne restait rien. Sa chevelure mouillée et sombre retombait lourdement sur ses épaules et son mascara avait très légèrement coulé, donnant un effet smoky à ses yeux et accentuant leur teinte dorée. Ses joues étaient encore roses de son rire. Elle était belle. Et visiblement, elle ignorait que son chemisier blanc, complètement imbibé lui aussi, collait à sa poitrine et laissait entrevoir son soutien gorge en dentelle. Ce qu'Olivier avait bien entendu remarqué depuis plusieurs minutes.

Il fit un pas dans sa direction. C'était innocent, un simple pas en avant, mais dans cet espace réduit et avec le regard qu'il lui lançait en cet instant, Jackie entendit aussitôt une alarme résonner dans sa tête. Sentant poindre le danger, elle recouvra immédiatement son sérieux et recula d'un pas.

Le silence s'abattit dans la pièce. Elle rencontra son regard. Léger. Joueur. Presque charmeur.

Elle sentit son pouls s'accélérer mais ne parvint pas à détourner le regard.

« Ne t'avance pas. » Prévint-elle en dressant sa main droite comme une protection.

Olivier ouvrit la bouche, hésitant, puis la referma dans un soupir, laissant le mot ou la phrase qu'il ne souhaitait divulguer mourir sur ses lèvres pâles.

Lèvres que Jackie ne put s'empêcher de regarder un bref instant avant de remonter aussitôt les yeux vers les siens, troublée.

Tandis qu'ils se regardaient, essoufflés et dégoulinants littéralement, la porte du dortoir s'ouvrit brusquement.

« Mais qu'est-ce que c'est que ce foutoir ? » S'exclama la voix stupéfaite d'Anthony de l'autre côté de la cloison.

Ils se figèrent aussi subitement que des statues de glaces.

Si Anthony s'insurgeait devant l'état du dortoir, que dirait-il s'il voyait le leur et celui de la salle de bain ?

« Olivier, Jackie ? Vous êtes là ? » Demanda ce dernier à la ronde avant d'apercevoir la porte de la salle de bain entrouverte.

Ils se regardèrent sans répondre, indécis. Devaient-ils révéler leur présence, et le cas échéant faire face à une multitude de questions gênantes, ou au contraire se cacher ?

Jackie sentait son cœur cogner furieusement contre sa poitrine. Que faire ? Elle avait l'étrange impression qu'elle ne parviendrait pas à mentir cette fois. Et pourtant, à cet instant précis, ils n'avaient rien fait de mal et n'avaient rien à cacher. Mais elle se sentait empêtrée dans son propre trouble et ne parvenait plus à réfléchir. Elle paniquait.

Tandis que les pas d'Anthony se dirigeaient vers leur scène de crime, Olivier prit une décision.

Sans se retourner et sans la quitter des yeux, il tira sur le rideau de douche pour les cacher à la vue de leur ami et posa légèrement son index sur la bouche de Jackie tout en la poussant avec douceur contre le mur carrelé de la douche.

« Je suis là Antho, Jackie est repartie ! » S'exclama-t-il sans quitter des yeux ladite Jackie qui fronça les sourcils.

« Qu'est-ce que tu fous ? » Chuchota-t-elle d'un air paniqué.

Mais Olivier lui-même n'avait pas l'air de savoir ce qu'il faisait. Il haussa les épaules en secouant la tête et répondit sur le même ton :

« Aucune idée. Mieux vaut cacher ta présence. »

Exaspérée par cette réponse, Jackie roula des yeux.

« Qu'est-ce que tu fais dans la douche ? » Demanda Anthony, perplexe.

Il y eut un silence. Puis…

« Bah, à ton avis ? Je prends une douche. » Répliqua Olivier sur un ton d'évidence.

Sans prévenir, il alluma à nouveau le jet d'eau qui s'abattit brusquement sur le flan de Jackie. Elle ouvrit la bouche pour crier de surprise mais il plaqua aussitôt une main sur ses lèvres, l'intimant du regard de se taire. Elle le fusilla du regard. Ah bah bien joué ! Maintenant ils étaient obligés de rester là, comme des cons, trempés, tout habillés sous la douche (bon au moins, l'eau était chaude cette fois), et en train de jouer à cache-cache pour on ne savait quelle raison… elle avait envie de l'étrangler.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Vous vous êtes battus ou quoi ? » Demanda le blond, l'air toujours aussi étonné, en voyant le sol inondé de la salle de bain.

« Oh, à peine. » Dit Olivier avec un sourire. « Tu sais comment est Jackie, une vraie hystérique parfois. »

Anthony rit légèrement (visiblement, c'était une blague récurrente entre eux. Ces couillons…) et Jackie pinça violemment le bras du gardien, furieuse d'être dans une telle situation et de ne pas pouvoir protester.

Olivier grimaça sous la douleur et retira sa main de sa bouche, cessant de la bâillonner.

« Il a intérêt à dégager rapidement sinon je sors de la douche, qu'il soit là ou non ! » Souffla-t-elle rageusement.

Il se pencha vers elle et murmura :

« T'inquiète, ça ne va pas durer longtemps. Il va partir. »

« Tu veux que je te laisse te doucher tranquille ? » Demanda Anthony.

Olivier lui lança un regard éloquent, l'air de dire « tu vois ? J'ai toujours raison ».

« Euh… Eh bien, c'est pas que tu me déranges mais… » Commença Olivier d'un ton poli.

« Parce que j'aurais voulu te parler de quelque chose. » Avoua précipitamment Anthony, la voix empreinte de nervosité.

Jackie se tapa l'arrière de la tête contre le mur en soupirant d'exaspération et Olivier grimaça de dépit.

« Ah bon ? De quoi ? » Demanda-t-il poliment, espérant en finir vite.

« Bah tu vois… Il s'agit de Magda… »

Oh super… Si le sujet Magdalena était abordé ça allait durer des plombes…

« Elle est jalouse que je passe autant de temps avec mes amis, enfin avec vous quoi… »

« Hu-hum… » Approuva inutilement Olivier qui envoyait en souriant des pichenettes d'eau sur le visage de Jackie.

Celle-ci tenta tout d'abord de ses protéger avec ses bras puis, exaspérée, mit ses mains en coupe sous le jet d'eau et en envoya tout le contenu sur la tronche d'Olivier.

« HA ! » S'écria celui-ci sous la surprise.

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda Anthony d'un ton angoissé. « Tu penses qu'elle a raison c'est ça ? Peut-être que c'est vrai, peut-être que je ne passe pas assez de temps avec elle, peut-être que… »

« Non non ! Kof kof ! N-no-kof ! Hum. Non. » Toussa le gardien qui s'étouffait à moitié avec l'eau qu'il avait reçu dans la gorge.

Face à ce spectacle désolant, Jackie ne put s'empêcher de rire. Il la fusilla du regard. Elle sourit innocemment. Il leva les yeux au ciel et soupira : « L'eau est devenue soudainement très froide, c'est tout. »

« Oh, d'accord… » Marmonna Anthony. « Bon, pour en revenir à Magda… »

Morte de rire, Jackie faisait son possible pour rester la plus silencieuse possible mais elle retenait difficilement ses gloussements, alors Olivier s'approcha à nouveau d'elle, un sourire mi-amusé mi-agacé incurvant ses lèvres pleines.

« Tais-toi petite peste… » Chuchota-t-il à voix très basse en posant son index sur ses lèvres. « Tu vas nous faire repérer… »

Elle haussa un sourcil, l'air suffisant.

« Tu récoltes ce que tu as semé. C'est toi qui a voulu faire une partie de cache-cache, pas moi. » Répliqua-t-elle dans un murmure condescendant, son souffle chatouillant son doigt.

« Et à ton avis, pourquoi j'ai voulu ça ? » Chuchota-t-il d'un air sournois.

« Aucune idée, je pencherais pour un énième délire de ton cerveau dégénéré mais… les options sont multiples. » Riposta-t-elle dans un chuchotement moqueur.

Il haussa un sourcil, gardant son petit air supérieur ô combien insupportable, puis pencha son visage tout près du sien, pour la narguer :

« Et bien tu es à côté de la plaque, petite peste. » Souffla-t-il contre ses lèvres, provoquant un froncement de sourcils un peu inquiet de la part de Jackie.

Sur ce, il plongea brusquement sa main dans la poche de la jupe de Jackie, dans laquelle il pensait qu'elle avait rangé le billet de Marshall. La première poche se révéla vide et la seconde… aussi.

Stupéfait, il ouvrit de grands yeux et relâcha ses poignets.

« Quoi ? » Demanda-t-il dans un chuchotement furieux, faisant son possible pour qu'Anthony ne l'entende pas. « Mais il est où ? Tu l'as bouffé ou quoi ? »

Bouffé ? Non mais franchement, elle lui en posait des questions idiotes ?

« Ah bah oui tiens, j'avais un petit creux. » Ironisa-t-elle tout bas.

Il plissa les yeux et se pencha vers elle.

« Où est-ce que tu l'as mis petite peste ? »

Elle tendit le cou vers lui, un sourire de défi sur les lèvres.

« Devine. » Susurra-t-elle.

Il haussa les sourcils, l'air de dire « tu crois me faire peur, petite chose insignifiante ? », et promena sur elle un regard inquisiteur, cherchant une cachette dans laquelle elle aurait pu cacher le morceau de papier.

« Donc tu en penses quoi ? » Intervint brusquement Anthony, visiblement en manque de conseils.

Olivier, qui avait pratiquement oublié sa présence, sursauta légèrement puis fronça les sourcils tout en s'efforçant de se souvenir du problème d'Anthony.

« Et bieeen… C'est à dire que… Oh, à propos de Magda et du fait que tu n'es pas assez présent ? » Se souvint-il dans un soupir.

« Oui… » Se lamenta le blond d'un ton désespéré.

Sous le regard moqueur de Jackie, Olivier leva les yeux au ciel et souffla, exaspéré par l'insistance de son ami, puis s'efforça de lui donner une réponse, quand bien même elle soit banale et basée sur des lieux communs.

« Bah je ne sais pas trop quoi te dire Antho… Une relation ça se construit à deux et ne concerne que les personnes qui en font partie, donc mes conseils ne te seront pas forcément d'une grande aide… » Dit-il d'une voix monocorde et détaché, tout en observant avec suspicion les chaussures noires vernies de Jackie, se demandant si le billet de Marshal n'y était pas caché. « C'est à toi de voir ce que tu as envie faire. »

Mais il ne voyait pas à quel moment elle aurait eu le temps d'enlever sa chaussure, d'y glisser le morceau de parchemin puis de se rechausser… Non, le papier était ailleurs… Dans un endroit facile d'accès…

« Mais justement je ne sais pas ! » S'exclama le pauvre Anthony que personne n'écoutait. « Elle dit que je cloisonne tout et que c'est malsain : mes amis, mes études, ma copine… Je ne sais pas quoi en penser… elle n'a pas peut-être pas tort mais… Je crois qu'elle aimerait que je l'inclue dans le groupe mais ce serait bizarre non ? Avec Katie et moi qui nous sommes embrassés au Nouvel an et tout ça… »

« Oui, je comprends, c'est une situation compliquée… » Marmonna Olivier qui avait l'air de s'en foutre royalement et ne quittait pas Jackie des yeux, essayant de découvrir où elle avait bien pu cacher ce parchemin à la con.

« D'un autre côté, ce baiser ne signifiait rien… Katie est mon amie, ce depuis la première année, et je ne voudrais pas mettre ça en péril. Ceci dit, il y a une sorte de malaise entre nous depuis ce baiser et j'ai peur qu'en ramenant Magda, je ne fasse qu'empirer les choses, mais j'aime beaucoup Magda et je ne veux pas qu'elle pense que… »

Décidant de faire totalement abstraction de la litanie interminable de son ami, Olivier observa attentivement l'uniforme de Jackie. Il détailla la petite jupe noire plissée qu'elle portait et constata qu'elle ne possédait aucune poche.

Quant à sa chemise blanche, mouillée, transparente, qui moulait ses seins comme une seconde peau d'une manière tellement…

Bref. La chemise n'en avait visiblement pas non plus. Sinon il aurait vu le parchemin par transparence.

Alors si elle l'avait caché, c'était sûrement dans un endroit plus intime. Et même si Jackie était une tarée il la voyait mal ranger ce morceau de parchemin dans sa culotte. Quand même, fallait pas pousser. C'était un truc de mec de foutre tout et n'importe quoi dans son calbut. Les filles étaient plus civilisées.

En général.

La plupart du temps.

Sauf quand elles se mettaient à hurler et mordre comme des hystériques.

Et soudain, il comprit et leva les yeux vers elle.

« Tu l'as mis dans ton soutif, c'est ça ? » Chuchota-t-il d'un ton blasé.

Le sourire condescendant de Jackie s'élargit.

« Bonne déduction mon cher Watson. » Approuva-t-elle dans un chuchotement. « Alors si tu permets… »

Elle lui fit un signe de la main impérieux lui intimant de dégager et se détacha légèrement de la paroi de la douche, sans réaliser qu'Olivier la regardait d'un air à la fois surpris et faussement attendri.

Pauvre Jackie… si mignonne, si convaincue qu'il n'oserait pas…

Il posa ses mains sur ses épaules et à nouveau, la plaqua doucement contre le mur carrelé de la douche, maintenant son flanc gauche sous le jet d'eau. Elle écarquilla ses yeux de chat ambrés et ouvrit la bouche, l'air de vouloir dire quelque chose, avant de la refermer, une lueur de doute passant dans son regard.

Il la regarda de toute sa hauteur, un sourire supérieur incurvant ses lèvres.

« N'est-ce pas mignon ? Elle croit que je ne vais pas oser la fouiller… » Souffla-t-il d'un ton ironique.

« Que c'est mignon… il s'imagine que je le laisserai faire. » Répliqua-t-elle sur le même ton.

Elle repoussa d'une tape la main du gardien qui se rapprochait de son chemisier en fronçant les sourcils.

Puis le repoussa une seconde fois lorsqu'il tendit à nouveau le bras vers elle.

Lorsqu'il tenta une troisième fois de s'approcher de son chemisier, elle lui donna une tape plus forte sans pouvoir réprimer un claquement de langue agacé.

Ils se regardèrent un instant, échangeant un regard de défi, puis elle se précipita subitement vers le rideau de douche, prête à l'ouvrir en grand et à s'enfuir d'ici, tant pis pour Anthony et ses problèmes existentiels.

Mais Olivier, qui apparemment l'avait vu venir à des kilomètres – à moins qu'il n'ait simplement de bons réflexes – la rattrapa aussitôt sans pouvoir un contenir un petit rire amusé.

L'instant d'après, sa poitrine se trouva pressée contre le torse solide du gardien et ses deux furent mains ramenées contre son gré derrière ses reins. Elle sentit ses doigts forts se refermer comme une pince d'acier autour de ses poignets.

Poings liés derrière elle, elle eut un hoquet de surprise, heureusement couvert par le bruit de l'eau, et se débattit tout en essayant de rester la plus silencieuse possible. Bien qu'elle ait prétendu le contraire, elle ne voulait pas qu'Anthony sache qu'elle était là. Elle se doutait qu'en la voyant sortir de la douche, les vêtements trempés et les joues rouges, il se ferait certainement des idées, aussi bouché soit-il.

Bon, des idées partiellement vraies, certes. Mais quand même, elle ne voulait pas que qui que ce soit sache ce qu'il se passait entre elle et Olivier. Elle ne voulait pas être la maîtresse. La briseuse de couples. La culpabilité la rongeait déjà assez sans que les autres n'aient à s'en mêler.

Elle releva des yeux brillants de colère vers Olivier mais ne rencontra en réponse que le regard amusé, voire même caressant, du gardien.

Elle sentit quelque chose se contracter en elle mais tenta d'en faire abstraction.

« Non mais ça va pas ? Laisse-moi partir ! » Chuchota-t-elle d'un ton furieux et un brin paniqué. « Qu'est-ce que tu crois ? Tu ne peux pas me faire ça ! C'est totalement irrespectueux, tu ne peux pas me tripoter contre mon gré ! »

Olivier émit un petit rire mais la maintint fermement contre lui.

« Je te promets d'être doux. » Souffla-t-il d'un ton faussement solennel.

Crétin.

Elle poussa un soupir irrité et tira frénétiquement sur ses mains pour se dégager de sa poigne.

« Du calme… » Murmura-t-il en la serrant plus fort contre lui.

« Si tu me touches, je te castres ! » Siffla-t-elle d'un ton menaçant en voyant qu'elle n'avait pas la force suffisante pour le repousser et s'enfuir.

Il grimaça à ses mots et à cet instant, Anthony intervint :

« Je ferais peut-être mieux d'en parler à Katie avant… Seuls à seuls. Lui demander son avis sur Magda… Elle est, après tout, ma meilleure amie… » Dit-il d'un ton songeur.

Olivier, qui n'avait manifestement pas conscience des sentiments que Katie avait développés pour Anthony, répliqua d'un ton monocorde :

« Oui, bien sûr, très bonne idée. »

Jackie roula des yeux, exaspérée. Les garçons étaient tellement aveugles.

Olivier reporta son attention sur elle et proposa d'un air magnanime :

« Tu peux me donner le billet toi-même, si tu préfères. Ce sera plus simple. Et ça nous évitera une grande perte de temps. »

« Alors là, tu peux crever. Je préfère encore me faire baiser par Flint. » Riposta-t-elle avec hargne.

La bouche d'Olivier se tordit en une moue écœurée et il raffermit sa prise sur ses poignets avant de glisser sa main droite entre leurs corps et de la poser sur le col entrouvert de sa chemise.

« Tut tut tut. Une si jolie bouche ne devrait pas prononcer de telles insanités… » Susurra-t-il d'un air faussement réprobateur en jouant négligemment avec son col mouillé.

« Je t'emmerde. » Chuchota-t-elle avec virulence, aussi troublée qu'énervée.

Il rit, amusé par sa vulgarité, et fit glisser sa main le long de son décolleté.

Pétrifiée, Jackie la regarda presque avec fascination s'aventurer à l'intérieur de sa chemise blanche, sur sa peau chaude et humide.

Elle sentait son souffle chaud contre son visage et sans les regarder directement, elle percevait la présence de ses lèvres pâles à quelques centimètres des siennes. Une envie subite de l'embrasser, là, tout de suite, la saisit.

Ce qui fit redoubler sa hargne.

« Tu n'es qu'un sale pervers, tu profites de la situation pour me tripoter ! » Siffla-t-elle d'un ton furieux en se débattant.

Il eut un bref sourire et défit avec une rapidité surprenante les premiers boutons de son chemisier.

« Ce sera rapide… Je récupère ce foutu bout de papier et je te laisse. » Assura-t-il dans un murmure.

Mais étrangement, Jackie eut l'impression qu'il tentait plus de se persuader lui-même que de la persuader elle.

Ce qui eut le don de l'inquiéter davantage.

Son cœur se mit à battre très fort. Cessant tout à coup de se débattre, elle releva ses yeux de chat vers lui, une lueur d'inquiétude dans le regard, et s'accrocha aux yeux noirs et impénétrables du gardien, s'efforçant d'afficher un air calme et indifférent.

Tâche difficile. Surtout quand la seule personne qui vous plaisait s'acharnait à vous peloter. Sa poitrine se soulevait et se rabaissait un peu trop rapidement et elle tenta de se convaincre que cette réaction n'était due qu'à la panique et la colère. Rien à voir avec une quelconque excitation. C'était le stress, voilà tout.

Les longs doigts d'Olivier effleurèrent lentement le bas de sa gorge, puis se glissèrent dans la naissance de ses seins.

Un silence assourdissant parut s'installer dans la pièce, contrastant avec la débâcle des secondes précédentes. La voix d'Anthony qui déblatérait sans relâche lui parvenait faiblement, comme assourdie. Elle n'entendait plus que le son de l'eau de la douche percutant le sol en porcelaine et celui de leurs respirations, que chacun s'efforçait de maintenir à un rythme régulier. Il lui semblait que le temps avait suspendu, l'espace d'un instant, sa course inéluctable et qu'ils naviguaient tous deux dans un espace figé, ralenti et moite, affranchi des règles du temps.

Le cœur battant lourdement dans sa poitrine, Jackie s'obligea à garder une respiration plus ou moins régulière, l'expression altière. Pas question de se montrer troublée. Pas question d'apprécier le moment. Pas question de ressentir quoique ce soit.

Mais lorsque la main chaude du gardien se glissa agilement sous son soutien-gorge, effleurant l'arrondi de son sein, elle ne put contenir les battement effrénés de son cœur.

Elle retint sa respiration et lui adressa un regard furieux, incendiaire, pour faire bonne mesure. Mais ce regard ne dupa personne et l'instant d'après, la main d'Olivier glissa sur son sein gauche, effleurant son téton pointant sous ses doigts.

Elle se mordit la lèvre sous le brutal élan de désir qui la traversa de part en part mais se contraint à n'émettre aucun son.

Elle crut voir une brève altération dans le regard d'Olivier mais cette dernière disparut aussi vite qu'elle était apparue.

L'expression impassible, il continua son inspection, rapidement, presque froidement, et ne trouva pas le parchemin.

Il ressortit donc rapidement sa main de son soutien gorge et la laissa posée un instant sur sa gorge.

Bien que son expression ne laissât entrevoir quoique ce soit, elle le sentait troublé. Elle se demanda s'il sentait son cœur battre furieusement contre sa poitrine.

Puis il reprit son inspection. Bien plus lentement cette fois, presque lascivement, sa main glissant avec lenteur sur son sein droit et explorant de la même manière son soutien gorge.

Étourdie par le sang qui battait furieusement contre ses tempes et le désir qui se formait dans son bas-ventre, Jackie ferma les yeux en poussant un soupir tremblant et vaincu.

Faites qu'il trouve ce putain de parchemin et la laisse tranquille. Elle n'allait pas tenir à ce rythme… Elle aurait bientôt trop envie de lui pour le laisser partir. Elle avait déjà trop envie de lui…

Et heureusement, les doigts d'Olivier rencontrèrent enfin le morceau de papier sur lequel était inscrit le nom de Marshall Gordon.

Mais au lieu de l'attraper, ils restèrent figés, immobiles.

Jackie se figea à son tour et rouvrit lentement les yeux. Elle observa sans comprendre – ou plutôt en ne comprenant que trop bien – l'expression indécise qu'arborait le visage d'Olivier.

Puis, très lentement, ses doigts se remirent en mouvement.

Mais au lieu de prendre le parchemin, ils reprirent leur progression et caressèrent avec lenteur son sein, effleurant délibérément son téton pointant sous l'excitation.

Des centaines de frissons parcoururent l'épiderme de Jackie qui ne put réprimer la pulsation qui traversa son bas-ventre.

Ses lèvres étaient si proches des siennes qu'il lui aurait suffi de s'avancer de quelques centimètres pour les atteindre et céder à la pulsion qu'elle s'efforçait de contenir.

Tentant de faire abstraction de la vague de désir et de chaleur qui l'envahissait, elle fusilla du regard le gardien de quidditch.

« Arrête ça et prend ce putain de parchemin. » Siffla-t-elle entre ses dents, haletante.

Mais il ne parut pas l'entendre. Le regard fixé sur sa poitrine à moitié dénudée, il continua de la caresser lascivement et bientôt, sa main chaude empauma complètement son sein et le massa avec lenteur.

A son contact, Jackie sentit ses jambes devenir faibles et renversa doucement sa tête contre le mur carrelé de la douche.

« Mon dieu, Olivier, arrête… » Lâcha-t-elle dans un gémissement étrange, mêlant à la fois plaisir et désespoir.

Cela parut agir comme un détonateur sur Olivier.

Il retira soudain sa main de son soutien-gorge, le parchemin de Marshall entre ses doigts, et s'écarta d'elle.

Jackie éprouva un mélange de déception et de soulagement en le voyant s'éloigner.

Le souffle heurté, ils échangèrent un long regard, furieux et déstabilisé pour l'une, coupable et troublé pour l'autre.

« Donc t'en penses quoi de tout ça ? » Intervint soudain la voix d'Anthony.

Ils sursautèrent. Ahuris d'avoir oublié la présence de leur ami derrière le rideau de douche, ils se regardèrent sans savoir quoi répondre.

Puis Olivier, se remettant de sa surprise, répondit lentement, sans la quitter des yeux :

« Je pense qu'on devrait en parler plus tard Antho. » Dit-il d'une voix rauque.

Anthony garda le silence un moment puis dit d'un ton glacial, visiblement vexé :

« Ok, merci pour ton aide inestimable. A l'avenir, j'y réfléchirai à deux fois avant de te demander conseil. »

Sur ces mots, il quitta la salle de bain et quelques secondes plus tard ils entendirent la porte du dortoir claquer.

Olivier ne parut pas s'en formaliser. Le souffle court, il se détourna d'elle et passa une main sur son visage puis dans ses cheveux courts et sombres en soupirant. Sa chemise mouillée collait à sa peau et soulignait les muscles de ses bras.

Elle observa son visage pâle taillé à la serpe, la ligne virile de sa mâchoire, son nez fin et légèrement busqué. Il était beau. Même quand il faisait la gueule, il était beau. C'était insupportable.

Il se tourna à nouveau dans sa direction et tendit la main vers elle.

« Tu le veux ? Prends le. » Lâcha-t-il d'un ton brutal en lui présentant le billet de Marshall.

Prise au dépourvu, Jackie attrapa mécaniquement le parchemin entre ses doigts, sans dire un mot.

Elle ne l'ouvrit pas cependant, se moquant en cet instant de cette stupide histoire de « blind dates » de Saint Valentin.

Elle ne pensait qu'à la sensation de sa main sur elle, de son corps contre le sien et se sentait transpercée par son regard tourmenté : un mélange contradictoire de désir, de frustration et d'agacement – agacement contre lui-même visiblement.

Elle savait que c'était mal. C'était même absurde. Ils s'étaient efforcés de retrouver une relation amicale et dénuée d'ambigüité depuis plus de deux mois et gâchaient tout pour une stupide histoire de loterie de rendez-vous.

Mais tout cela était sans importance parce qu'en cet instant, elle n'avait aucune envie qu'ils arrêtent ce qu'ils avaient commencé.

Et au regard du renflement significatif de son pantalon, Olivier n'en avait aucune envie non plus.

Cependant, il paraissait reprendre ses esprits. Il glissa un regard sombre dans sa direction puis secoua la tête, un rictus désabusé sur les lèvres.

Elle sentit quelque chose se rétrécir en elle. Il regrettait déjà. Il allait partir. Elle le sentait. Il allait reprendre ses esprits, se raisonner, se souvenir de l'existence de Johanna et l'abandonner dans cette douche.

Elle décida donc de lui couper l'herbe sous le pied.

« Je vais y aller. Ça vaut mieux. » Dit-elle dans un souffle.

Olivier leva les yeux vers elle, l'air un peu surpris. Mais il se composa rapidement une expression impassible et hocha la tête.

Ils sortirent de la douche. Jackie éprouva soudain une sensation de froid et prit conscience que ses vêtements étaient complètement trempés.

Elle reboutonna maladroitement son chemisier mouillé et totalement transparent.

Super… Ça allait être du meilleur effet dans les couloirs glacés de l'école…

« Bon. J'y vais. » Dit-elle sans le regarder et d'une voix qu'elle tenta de rendre égale. « Salut. »

« Salut… » Répondit Olivier dans un murmure.

Elle se détourna et se dirigea rapidement vers la porte du dortoir, pour fuir cette salle, le fuir lui, ses mains, son corps et cette foutue attirance qui ne semblait pas vouloir disparaître.

Olivier la regarda s'éloigner comme si elle avait le diable à ses trousses puis baissa la tête en pinçant les lèvres.

Le sentiment de frustration qui l'habitait depuis plusieurs mois refit soudain surface en lui, avec une violence inattendue. Il lui semblait que son corps entier se rebellait contre sa raison.

Il se passa une main sur le visage, troublé, puis releva soudain ses yeux d'onyx vers la silhouette fine de Jackie qui s'éloignait.

« Et puis merde… c'est foutu depuis longtemps de toute façon. » Marmonna-il soudainement.

Et alors que Jackie atteignait la porte du dortoir, elle sentit soudain les deux grandes mains du gardien s'enrouler autour sa taille et son torse musculeux se coller contre son dos.

Elle se figea aussitôt.

« Ok. J'ai aucune envie que tu sortes de ce dortoir. » Dit Olivier avec franchise.

Son cœur cogna violemment dans sa poitrine, de soulagement ou d'anxiété elle n'aurait sût le dire, et elle ferma les yeux.

« Olivier… Tu fais quoi là ? Tu sais bien qu'il faut que je m'en aille. » Répliqua-t-elle d'une voix qu'elle tenta de rendre ferme.

Elle posa ses mains sur les siennes et tenta de les écarter de sa taille, sans y mettre beaucoup de volonté toutefois.

Bien entendu, Olivier résista et fit glisser ses mains sur ses hanches puis sur son ventre, l'attirant encore plus contre lui.

Elle pouvait sentir son érection brûlante contre ses fesses et ce contact la désarmait complètement.

« Arrête… Je sais que toi non plus t'as aucune envie de partir… » Souffla-t-il contre son oreille avant de déposer un baiser lent et chaud dans son cou.

Un frisson délicieux la parcourut et elle serra plus fortement les bras du gardien entre ses doigts.

Il en profita pour glisser ses mains sous son chemisier, directement sur sa peau chaude, et se mit à caresser doucement ses hanches, son ventre, ses côtes, la faisant frissonner.

« Olivier arrête… » Murmura-t-elle d'une voix faible.

Mais troublée par sa proximité, son érection qu'elle sentait contre elle, sa voix caressante et ses grandes mains chaudes, elle ne parvint pas à s'éloigner de lui.

« Allez, reste… » Insista-t-il d'une voix douce en déposant à nouveau un baiser brûlant dans son cou, puis un second, puis un troisième, essayant de l'amadouer.

Sans cesser ses baisers, il fit glisser ses mains sur ses flancs et les fit remonter lentement le long de son ventre plat, sans rencontrer d'opposition de la part de Jackie.

Lorsque ses mains arrivèrent au niveau de sa poitrine, il baissa lentement le carcan de son soutien gorge et prit ses seins ronds en coupe, les massant avec un mélange de douceur et de fermeté qui désamorça toute velléité de résistance en elle.

Elle ne put retenir un gémissement rauque sous l'élan de désir qui la traversa et moula son dos contre le corps du gardien.

« Arrête… » Protesta-t-elle pour la forme, la respiration heurtée. « Tu sais qu'on va le regretter… »

Mais il la serra plus fort contre lui, les lèvres contre son oreille et le souffle court.

« Tu sais que tu me rends dingue quand tu gémis comme ça ? » Chuchota-t-il sans prêter attention à sa dernière remarque. « Ça me donne toujours envie de te faire perdre tes moyens… »

Continuant ses caresses sur sa poitrine d'une main, il fit descendre lentement son autre main le long de son ventre, la glissa sous la jupe plissée de Jackie, puis sous sa petite culotte avant de prendre en coupe son sexe brûlant.

Jackie haleta alors qu'une onde de désir traversait son bas-ventre et se sentit trembler lorsque Olivier commença à caresser lentement son intimité.

Son souffle devint saccadé, tremblant.

« Oh mon dieu… Ne t'arrête pas… » Souffla-t-elle soudain en relevant un bras et en enroulant une main fine derrière la nuque d'Olivier pour le maintenir contre elle.

Elle pouvait presque sentir le rictus vainqueur qui étira les lèvres d'Olivier face à son changement d'attitude mais elle s'en moquait. Tant qu'il continuait de la toucher comme ça, elle se moquerait de tout.

« À tes ordres, princesse. » Murmura-t-il, le souffle court, en déposant des baisers lascifs le long de son cou.

Bon sang, elle devait tout arrêter avant qu'il ne soit trop tard.

Ou le laisser continuer. Elle ne savait plus. Nom de dieu, c'était si bon… Ses pensées se faisaient confuses. Elle avait l'impression de n'être plus qu'une peau, faite de chair et de nerfs, s'éveillant sous les mains et les baisers d'Olivier.

Elle tenta de reprendre ses esprits, de se montrer raisonnable, mais lorsque Olivier enfonça un doigt en elle tout en caressant un point particulièrement sensible de son anatomie, elle perdit pied.

Olivier sentit les ongles de Jackie s'enfoncer dans sa nuque tandis qu'elle s'arquait contre sa main, gémissant d'une manière indescriptible tant elle était bandante.

À ce son, il ne put se contenir davantage et la retourna brusquement vers lui. Il enroula une main autour de sa nuque et écrasa presque brutalement ses lèvres contre les siennes.

Ils s'embrassèrent avec une telle avidité que, sous l'élan, ils reculèrent et heurtèrent brutalement l'un des lits du dortoir qui trembla sous le choc.

Ils se laissèrent tomber sur le matelas et Olivier se hissa au dessus d'elle tandis que Jackie le tirait par le col de sa chemise, l'attirant impérieusement à ses lèvres.

Elle faufila sa main fine dans son pantalon, la glissa sous son caleçon et l'enroula autour de son imposante érection. Olivier étouffa un grognement contre ses lèvres et lorsqu'elle entreprit un lent mouvement de va-et-vient, il serra fortement ses hanches entre ses mains, provoquant un mélange de douleur et de plaisir en elle.

Craignant de pas pouvoir se contenir davantage, il interrompit soudain les caresses de Jackie en attrapant sa main et en la plaquant de force au dessus de sa tête, contre le matelas.

Puis, sans attendre plus longtemps, il souleva sa jupe plissée, fit glisser sa petite culotte et se plaça entre ses jambes qu'elle enroula autour de sa taille.

Peu après, le cliquetis d'une boucle de ceinture et le son d'une fermeture éclair que l'on défait précipitamment retentirent dans le dortoir.

Puis le gémissement rauque, proche du râle, d'Olivier se fit entendre lorsqu'il la pénétra.

Et alors qu'il la prenait sur ce lit, la faisant gémir à chacun de ses coups de reins, toute pensée rationnelle s'effaça et l'instinct reprit ses droits.

Quant au parchemin de Marshall, il gisait sur le sol du dortoir, superbement ignoré par ceux qui s'étaient pourtant tant battus pour le posséder.


* petite précision sur le dialogue entre Anthony, Jackson et Jackie sur l'homosexualité. Je tiens à indiquer que je n'ai, comme les personnages de mon histoire, aucun problème avec la sexualité des autres, je soutiens le mouvement LGBT, le mariage pour tous, l'adoption par les couples homosexuels, etc.

Ce petit dialogue est en réalité très largement inspiré d'une scène de la série comique Seinfeld que j'adore (je vous la conseille vivement ! C'est elle qui a inspiré les autres sitcom comme Friends ou How I met your mother). À la suite d'un quiproquo, le protagoniste Jerry Seinfeld est « soupçonné » par la presse d'être homosexuel et étant hétéro, il essaie de rétablir la vérité tout en se sentant obligé de préciser à la fin de chacune de ses phrases qu'ils n'a aucun problème avec l'homosexualité.

Bref, je ne vous raconte pas l'épisode en détail mais il était très drôle. Comme tous les autres épisodes d'ailleurs. Je vous ai déjà dit que j'adorais cette série ?

Voilà, fin de la parenthèse !

J'espère que ce chapitre vous a plu. Ils ont enfin franchi le pas, il était temps! D'ailleurs, si vous pensez qu'il est temps de classer cette histoire en M dites le moi parce que j'ai un doute.

Bisous à tous !