Disclaimer: l'univers d'Harry Potter appartient à JKR. Le proverbe des premières lignes ne m'appartient pas non plus.
Avertissements : Cette fiction est un univers alternatif, sans magie, et ne suit donc pas tous les éléments « canon » de Harry Potter. Le rating n'est pas M, mais certains thèmes abordés seront assez sombres.
Faute d'un clou, le fer fut perdu
Faute d'un cheval, le cavalier fut perdu
Faute d'un cavalier, la bataille fut perdue
Faute d'une bataille, le royaume fut perdu
Et tout cela faute d'un clou de fer à cheval.
Proverbe
-Voilà qui s'annonce mal, très mal, lamenta la voix désolée de Sibylle Trelawney.
Minerva MacGonagall, qui connaissait la chanson, se hâta en direction de sa collègue. C'était insupportable, vraiment ; elle avait laissé sa collègue prendre les devants et s'installer dans le wagon à peine cinq minutes auparavant, et cette dernière prédisait d'ores et déjà à un passager sa fin prochaine, ou une calamité à l'issue fatidique.
-La carte du jugement : il vous faut accomplir une mission de la plus haute importance. C'est une obligation morale- une faute à expier, peut-être ?
-Sibylle ! réprimanda Minerva en entrant dans le wagon.
D'un coup d'œil, elle nota les cartes du tarot divinatoire étalées sur la banquette faisant face à sa collègue, et à leur côté, une jeune femme à laquelle elle ne donna pas plus de vingt-cinq ou vingt-sept ans. Elle était brune, les pommettes hautes et les yeux sombres. Les angles de son visage aux traits fermes et bien dessinés dénotaient une volonté peu commune.
-Veuillez excuser ma collègue, Mademoiselle. Les tarots sont sa passion et Sibylle ne peut se retenir de tester son hobby sur de parfaits inconnus.
-Les cartes ne mentent jamais ! s'insurgea Sibylle en rabattant sauvagement les pans de son châle pelucheux.
Avec un sourire d'excuse à l'attention de la jeune femme, Minerva fit les présentations :
-Je suis Minerva MacGonagall, et voici Sibylle Trelawney. Nous enseignons toutes deux à l'université d'Hogwarts- les mathématiques pour moi, et le dessin pour Sibylle.
-Enchantée de faire votre connaissance. Je m'appelle Emmeline. Emmeline Vance.
-Sur le plan sentimental, le pendu, tirage négatif, poursuivit Sibylle.
-Vous vous rendez donc à Little Hangleton, dit Minerva.
Emmeline fit un signe de tête affirmatif.
-Si ce n'est pas indiscret, pour quels motifs ? Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais Little Hangleton est si loin de Londres, et reçoit peu de visiteurs.
-Raisons professionnelles, répondit Emmeline. Et vous-même ? Hogwarts n'est pas la porte à côté.
-Nous venons rendre visite à un vieil ami. Il a pris sa retraite voilà quelques années et a décidé de s'installer à Little Hangleton pour diverses raisons.
Au ton de Minerva, Emmeline comprit que lesdites raisons lui échappaient complètement.
-Est-ce une ville agréable ? Je n'ai jamais eu l'occasion de m'y rendre avant mon installation.
La pause imperceptible que marqua son interlocutrice avant de lui répondre n'échappa pas à Emmeline :
-Mademoiselle Vance, combien de temps comptez-vous rester à Little Hangleton ?
-Un laps de temps indéterminé, j'en ai peur ! dit Emmeline. Mon nouveau poste m'attend.
-Dans ce cas, Mademoiselle Vance, il est de mon devoir de vous avertir. Les visiteurs de passage ne trouvent rien à redire à Little Hangleton. Pour un observateur extérieur, cette ville n'a rien de remarquable. De même, nombre de ses habitants mènent une vie sans histoires, et ce sera sans doute votre cas. Mais laissez-moi vous dire, Mademoiselle, que sous ses dehors paisibles, cette ville…
-Il y aura un amour, un amour unilatéral ! interrompit Sibylle avec une exaltation croissante. Les cartes me désignent un homme…des chaînes le retiennent, et cependant il sera prêt, prêt aux plus grands sacrifices si vous le lui demandez.
-…cette ville est rongée de l'intérieur ! Malsaine, précisa Minerva. Tout n'est que façade, mais j'ignore ce que l'on cache. Prenez les plus grandes familles de la région : les Malfoy, Lestrange et j'en passe.
-Ils se comportent comme si Little Hangleton leur appartient ? interrogea Emmeline.
-Oui, mais il y a autre chose. Quelque chose de plus indescriptible, d'irrationnel même. Durant les rares occasions où j'ai croisé l'un d'entre eux en ville, de loin, j'ai été saisie par l'aura malveillante qu'ils dégageaient. Vous ne voulez pas avoir affaire à ces gens-là, croyez-moi. Il y a quelque chose de...dérangeant en eux.
-L'ombre de la mort plane sur vous et sur lui, prononça Sibylle d'une voix métallique qui réduisit Emmeline et Minerva au silence. Si vous vous opposez à votre destinée, vous causerez sa perte et la vôtre.
-Sibylle, voyons ! Cessez vos enfantillages ! s'exclama Minerva, rouge de colère.
Un éclat de rire lumineux d'insolence coupa court aux effusions de la pythonisse.
-Il en faut davantage pour m'effrayer, Madame Trelawney. Voyez-vous, je ne crois ni à la fatalité, ni à la destinée, peu importe le nom que vous donnez aux événements.
Sibylle se redressa vivement, faisant s'entrechoquer ses bracelets :
-Tout est écrit, absolument tout ! Chacun de nous converge vers son destin, inéluctablement ! Nous ne sommes que les jouets de circonstances qui nous dépassent !
-Foutaises, répliqua crûment Emmeline sans se départir de son calme. Il est bien trop facile de blâmer une mécanique implacable pour les erreurs que nous commettons. La fatalité n'est qu'une excuse inventée de toutes pièces par les hommes pour éviter de se salir les mains.
Elle regarda froidement Sibylle Trelawney :
-Vous faites des choix, vous vivez avec. Point.
Minerva MacGonagall intervint :
-Je suis d'accord avec Mademoiselle Vance, Sibylle. Personne ne naît sous une bonne ou une mauvaise étoile.
Sibylle Trelawney renifla dédaigneusement et entreprit de fouiller son sac à la recherche de son tricot au crochet.
-Si vous voulez sortir de Little Hangleton, la ville de Godric's Hollow est à une vingtaine de kilomètres. Elle n'est pas très fréquentée, mais j'apprécie beaucoup son calme. Et où allez-vous travailler, Mademoiselle Vance ?
-Au commissariat de police de Little Hangleton, répondit Emmeline. Permettez, ajouta-t-elle à l'adresse de Sibylle Trelawney, qui tentait vainement de défaire un nœud véritablement gordien.
La lame jaillit comme un éclair et, canif suisse en main, Emmeline trancha le nœud avant que les deux femmes ne puissent réagir.
Emmeline se renfonça dans la banquette. A l'adresse de Minerva, qui demeurait choquée de la rapidité de la jeune femme, et de Sibylle, qui contemplait bouche entr'ouverte le résultat de l'opération, elle confia sur le ton de la plaisanterie:
-C'est la méthode Vance. Radicale et efficace..
Ce fut à ce moment que le train longea une forêt. Les arbres projetèrent leurs ombres sur les vitres et sur le visage d'Emmeline.
Comme un masque, pensa Minerva, troublée.
La gorge serrée, Andromeda jeta un ultime regard à la vénérable université de Hogwarts.
Six mois. Elle y avait étudié six mois avant que le doyen ne lui notifie son expulsion la veille, pour tricherie aux partiels. Par égard pour sa famille, son renvoi ne serait pas rendu officiel : Andromeda Black quittait Hogwarts pour « raisons personnelles ».
Elle avait eu la nuit pour pleurer et faire ses bagages avant que la luxueuse limousine envoyée par ses parents pour la récupérer ne la ramène à Little Hangleton.
Enfin, elle prit place sur la banquette en cuir. Le reflet de la vitre lui renvoya au passage les mèches d'un rose éclatant qui détonnaient au milieu de sa chevelure châtain. Andromeda laissa échapper un ricanement amer :
-Petite dinde ! souffla-t-elle, se moquant d'elle-même.
Avait-elle cru, sincèrement, qu'elle avait remporté la bataille ? Que sa famille accepterait de la laisser poursuivre ses études en paix, hors de leur contrôle ?
Les mèches roses qu'elle s'était fait faire deux mois auparavant pour affirmer sa rébellion, lui paraissaient bien dérisoires à présent. Le message qu'elle venait de recevoir était d'une clarté foudroyante : jamais elle ne leur avait échappé. Ils avaient feint de céder après qu'Andromeda eût tour à tour supplié et tempêté ; ils lui avaient donné le goût de la liberté pour mieux la lui reprendre alors qu'elle commençait à s'y habituer. Dûment domptée, Andromeda rentrait au bercail.
Elle n'avait même pas protesté quand le doyen l'avait accusée d'avoir triché aux examens- avait-il reçu une généreuse donation en échange de ce petit service ? ou l'avait-on menacé ?
Quelle que fût la réponse, Andromeda avait la certitude que l'influence des Black, ou des Malfoy, ou des Lestrange, car leurs familles étaient alliées, avait encore frappé.
Les Black avaient toujours été puissants, mais depuis que sa famille le servait, leur influence s'étendait pour le plus grand désespoir d'Andromeda.
Trop tôt, elle aperçut les manoirs de Wallburga et d'Orion- son oncle et sa tante-, puis de Cygnus et Druella, ses parents. La limousine patienta quelques secondes devant les grilles imposantes entourant la demeure familiale, laissant à Andromeda le temps de visualiser chaque pierre, chaque colonne de la noble maison. Elle brûlait de l'envie de sortir de voiture, de se saisir de poignées de graviers qu'elle jetterait de toutes ses forces contre les murs haïs. Mais il faudrait davantage qu'un caillou pour ébranler l'édifice.
Les grilles s'entrouvrirent, Andromeda descendit de voiture et, sous bonne garde, marcha vers sa prison.
-Little Hangleton, terminus !
Sur le quai, Minerva et Sibylle firent hâtivement leurs adieux à leur compagne avant de rejoindre l'homme à la barbe blanche et aux yeux bleus qui les attendaient.
Attendant son taxi, Emmeline fit quelques pas jusqu'au panneau où « Little Hangleton » s'étalait en lettres capitales. La jeune femme s'autorisa le moment de satisfaction propre à tous ceux qui avaient atteint leur destination.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Elle était dans la place.
Note:
-des avis? n'hésitez pas! le prologue est court, mais les prochains chapitres devraient être plus fournis...
-prochainement: apparition des collègues d'Emmeline & plongée dans le monde d'Andromeda.