¤ Et si avant d'être une fanfiction, il s'agissait à prime abord d'un message de tolérance ? ¤

Papiers Froissés

« Les plus belles histoires commencent toujours par des naufrages. » (Jack London)

Sous-titre : Mémoire d'une journée ordinaire pour un couple ordinaire

Written by Dairy's Scribenpenne - anciennement Dairy22.


Posté le : [SURPRISE] 12 Août 2010, date anniversaire de la fanfiction ! Un an déjà, et la boucle est bouclée. J'ignorais qu'un jour j'écrirai autant en si peu de temps mais il faut dire que je suis une machine à écrire - à prendre au sens propre du terme. Cela devient une raison de vivre. Et maintenant, j'écris mon propre roman qui prend forme : près de cent cinquante page en trois mois à peine. Je devrais sûrement prendre des calmants… Mais il fallait bien que quelqu'un en profite ? Hier encore il me semblait poster le tout premier chapitre de cette très longue histoire qui n'était, pour moi, qu'une série de papiers froissés.

Dédicace à tous les lecteurs de cette fanfiction. Cet épilogue - même si je me refusais d'en écrire un - est venu se dessiner devant moi telle une évidence. Je ne voulais pas salir une fin qui convenait à la plupart d'entre vous… Je voulais vous dire une fois encore merci car, grâce à vous, j'ai pu trouver une voie et une passion. Aujourd'hui j'ignore ce qui m'arrivera dans ce domaine qui me tient tant à cœur. Une chose est sûre, il faut persévérer, progresser et espérer. Merci de m'avoir inculqué ces valeurs sans vous en rendre compte.

Ps : Vous êtes plus que des lecteurs, mais des amis.

Disclamer à notre merveilleuse J.K. Rowling qui a su hisser Harry Potter au rang de chez d'œuvre littéraire – dit pour jeunesse – mais qui émerveille aussi les plus grands ! Je ne touche pas de bénéfice sur les mots que j'écris si ce n'est le plaisir de faire partager mon travail.

PlayList : Goodbye Apathy - One Republic / Heart Sharped Box - Nirvana / Don't Cry - Guns N Roses / Wonderwall - Ryan Adams / Paris is Burning - St Vincent / Sunday Morning - Velvet Underground / Last request - Paolo Nutini / Hemingway - Negrita / Dust In The Wind - Kansas / Bermuda Highway - My Morning Jacket /

Nota Bene (!) :

* en caractère normal se trouve le récit principal.

* en caractère italique se trouve le récit enchâssé de Draco.

* en caractère gras se trouve des bribes de souvenirs se situant dans les Parties 1 à 3.

Ps : J'ai corrigé le chapitre moi-même, soyez indulgents ! Au fait, c'est le chapitre le plus long de toute la fanfiction ! Treize mille mots =D

Amicalement,

Dairy's Scribenpenne.


A posteriori

Après. En partant des données de l'expérience.

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Epilogue

Harry tapait sur une machine à écrire en fredonnant. Par moment, il s'arrêtait et contemplait le ciel et les immeubles s'étendant au-delà de sa fenêtre. Le ciel n'était pas bleu et il s'en fichait. Ce n'était pas tant la couleur qui comptait, mais ce qu'elle cachait… Tous ces oiseaux, passant au-dessus de nos têtes, camouflés par les nuages compactes. Tout semblait si petit, si insignifiant comme une simple lettre d'un roman. Désormais, il ne comptait plus les années depuis qu'il écrivait. Il ne relevait plus tous les nombreux titres qu'il avait fait paraître sous sa plume. Il préférait ignorer le nombre colossal de cartouches d'encre, de stylos et de papiers qu'il avait utilisé depuis. C'est alors que l'écrivain passa une main sur ses joues où une barbe de quelques jours grignotait son visage. Il fronça des sourcils et s'aperçu que s'il continuait ainsi, bientôt il aurait une ride visible sur le front. Et bien que pour beaucoup cela suffirait pour les mettre dans une névrose incroyable, lui, était heureux de savoir qu'un fin liserai apparaîtrait. Car chaque ride avait son histoire : celles sur son front, c'était pour tous les soucis qu'il avait pu avoir depuis ces dernières années ; celles aux coins des yeux, c'était pour toutes les nuits blanches à vouloir écrire inlassablement ; celles près de ses lèvres, c'était pour tous les sourires qui avaient fendu son visage.

Harry tapait sur sa machine à écrire qu'on lui avait offerte il y a deux ans de cela pour son anniversaire. Ca faisait très vintage et il adorait ça. C'était comme un petit rappel de l'Angleterre qu'il ne voyait que six mois de l'année. Toutes ses petites choses que les anglais, par lassitude, ne voyaient plus. Et à chaque retour à Londres ou à Little Whinging, il s'émerveillait encore et toujours. Alors, prit d'inspiration, il voulait écrire ce qu'il voyait que cela soit à l'intérieur ou à l'extérieur de chaque chose. Il s'était fixé non pas pour objectif la perfection, mais savoir écrire les émotions. Cela passait de l'euphorie à la rage ; de la jalousie à la simple affection. Il y avait des milliards de détails à relever quand il s'agissait de la mécanique humaine, que jamais Harry ne s'en lassait. Et quand l'inspiration lui manquait, il demandait à une personne qui lui était chère d'expliquer ce qu'elle pouvait bien ressentir dans des moments pareils. En général, c'était Draco - son compagnon de vie - qui se prêtait à l'exercice avec quelques réticences :

- Je te l'ai déjà dit soixante-treize fois aujourd'hui, Harry, souffla le blond en se levant du sofa. Non, je ne veux pas me mettre en colère. Et pas la peine de me menacer en annulant nos prochaines vacances : je sais que tu y tiens autant que moi.

- Tu ne veux pas que je finisse mon livre alors ? Parce que là je détiens une bonne scène sauf que j'ai du mal à expliquer les pensées du personnage principal.

- Il lui arrive quoi à ton pion ? demanda évasivement Draco en remettant en place le plaide.

Harry pivota sur sa chaise de bureau en acier et regarda la page à moitié sortie de la machine à écrire. Il fronça des sourcils et déclara :

- Il s'aperçoit qu'on l'a copié. Il a couché avec une fille et alors qu'il s'était endormi, elle s'est tirée avec sa thèse.

- Il emploie un tueur gage qui retrouve la fille et lui tire une balle dans la tête.

- Donc tu me conseillerais d'orienter mon récit vers la Mafia ?

- Pourquoi pas, dit ironiquement Draco. Tu parles des trafics en tout genre et qu'un pauvre auteur insignifiant se retrouve avec le Parrain sur le dos. Sauf que le cousin du Parrain, c'est le petit-ami de la voleuse de manuscrit. Donc il se met dans une fureur noire en apprenant que c'est toi - enfin, le héros - qui a organisé son meurtre.

- Et c'est là que tu me montres ce que s'est que de se mettre en colère !

- Je ne suis pas d'humeur Harry… Pour une fois que les techniques de respirations fonctionnent. Tu tiens à ce que je meurs d'un infarctus ? Tous les jours tu me demandes de mimer une émotion : je ne suis pas comédien professionnel.

- Tu te débrouilles assez bien vu les quelques best-seller à mon actif.

- Et au prochain livre, je veux une dédicace à moi tout seul en première page où tu me déclares ton amour brûlant et infrangible.

- C'était déjà au programme…

Draco eu un sourire vainqueur et se posta juste derrière son compagnon qui détestait être épié ouvertement. Pour le contrarier encore plus, il plaça ses mains sur le bureau et commença à lire par-dessus son épaule. Harry finit par se retourner en pivotant sur sa chaise et planta ses deux yeux vert dans ses orbes métalliques.

- Tu sais très bien que j'ai horreur lorsque tu fais ça !

- Tu ne peux pas m'en vouloir de désirer partager ta passion, rétorqua Draco en haussant des épaules. Et puis, tu ne peux pas m'assassiner pour quelques ébauches, si ?

- Ceci est CONFIDENTIEL, cria-t-il en désignant sa machine à écrire.

- Ce n'est plus secret puisque c'est moi qui vient de te donner les idées principales !

- Qui t'a dit que je comptais les utiliser ? Je n'ai pas envie de te payer des droits en plus de tes costumes hors de prix.

- J'en sens un qui va dormir dans la litière du chat, persifla Draco d'un air menaçant.

- Tu crois vraiment que tu me fais peur ?

- Tu devrais.

Harry arqua un sourcil par simple suspicion tout en suivant Draco du regard, qui quittait justement le salon en attrapant son walkman sur le canapé. Avant que celui-ci mette son casque audio sur ses oreilles, Harry s'écria :

- Et je te ferai dire qu'on n'a même pas de chat !

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« Je crois que mes sentiments pour lui sont apparus le jour où j'ai lu son livre, en secret. Vous savez, quand Harry s'est retrouvé à l'hôpital - au tout début. Je me suis senti si… vide et désemparé. Je ne savais ni quoi faire ni où aller. Ca a été le déclic. Et à la fin de ma lecture, il n'y avait qu'une question en suspend : Verra-t-on un jour poindre dans le ciel ce soleil de minuit ? C'est con parce qu'après toutes ses années je m'en souviens encore et toujours… Cette simple question, durant tout mon séjour en Angleterre, je me la suis répété nuit et jour. Je la retournais dans tous les sens pour, justement, y découvrir son sens. Je voulais savoir ce qui s'était passé dans la tête d'Harry. J'avais déjà envie de le connaître, de le connaître bien. Ca a été le début de la fin en quelque sorte. Pour moi, ce n'était ni de l'amour et encore moins de l'attirance. Juste une question sans réponse. Harry était ce point d'interrogation que je n'osais soulever. J'avais bien trop peur de ce qui se passerait après, de ce que je découvrirai dans mon for intérieur… J'étais parti de chez moi confiant et plein de certitudes. Et quand je suis revenu… Il y avait Harry accroché à mon bras. Ce qu'il s'est passé entre les deux ? Le destin. »

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Harry fouillait dans la bibliothèque couvrant un pan entier de son bureau à Paris. Ironie du sort, il cherchait justement un ouvrage de Jack London. Il avait coincé entre ses lèvres une cigarette - une des celles qui avaient failli lui coûter très cher un été de jeunesse. Il fit glisser son index sur quelques reliures à une vitesse mesurée tout en continuant de fumer. Cela lui rappelait la période de deux ans qu'il avait passé sans Draco à ses côtés. Cela avait été si douloureux. Il avait encore dans la tête le souvenir précis du jour où il avait acheté cette maison. Il l'avait prit car elle ressemblait à l'idéal de vie qu'il s'était fixé, à deux. Il l'avait prit parce qu'il s'était imaginé la signature de Draco à côté de la sienne lors de l'achat. Mais rien de tout cela ne s'était fait. Il avait signé puis s'était replié dans cette forteresse de solitude, divulguant son adresse aux médias pour qu'un jour - enfin - quelqu'un vienne l'y délivrer. Ce quelqu'un s'appelait Draco.

Parfois le matin, Harry regardait Draco chercher ses vêtements dans son armoire avec soin. Cela lui rappelait les premiers jours d'été à Little Whinging. Il avait encore dans l'esprit ses premières tenues, toutes associées à un souvenir particulier. Par exemple, ce short de bain bleu au fond d'un tiroir avait été acheté le jour où Draco parti à la piscine municipale. Puis, il l'avait rejoint à la bibliothèque et ils s'étaient lancés dans un petit jeu stupide :

- C'est tout ce que tu peux faire en donnant des ordres ? avait-il demandé.

- Non, je peux faire bien pire et je suis certain qu'à tous les coups tu m'obéiras, avait répondu Draco, sûr de lui.

L'atmosphère lourde de la bibliothèque sentait l'odeur des vieux livres, la pelouse fraîchement coupée depuis la fenêtre ouverte et le début d'une romance insoupçonnée…

Durant toutes ses années, Harry pensait avec un petit sourire, que Draco avait peut-être - quelque part - un habit de prince. Où, comme dans les dessins animés qu'ils regardaient avec Teddy et Suomi, le prince viendrait délivré son âme-sœur (ou âme-frère) des terribles dangers qui l'entourent. C'était idyllique. Harry le savait. Mais parfois… parfois, on avait besoin de laisser son esprit s'échapper ; et d'échapper à la raison elle-même. Par moment, il avait besoin de se dire que Draco et lui cela sonnait plutôt comme une évidence et que jamais il n'eu tous ces bas… Que jamais, ils n'avaient été malheureux.

« Les plus belles histoires commencent toujours par des naufrages. »

Jack London.

Il n'avait pas tort. Car, nombre de fois où Draco et lui avaient coulé sans jamais pouvoir se relever... Ils avaient grandit trop vite et étaient rentrés dans un cercle vicieux, une spirale infernale, l'un entraînant l'autre ; l'autre mettant la tête sous l'eau de l'un. Mais une chose était sûre : toutes ses épreuves les avaient fait vivre cent vies d'homme. Et désormais, ils profitaient ensemble de la seule et unique existence qui leur était donnée.

- Tu regardes quoi ?

Harry se retourna et vit Draco qui semblait fouiller dans sa besace en cuir caramel.

- Un chef d'œuvre, répondit-t-il.

- Je sais que je suis beau. Tu me le répètes bien trop souvent, Harry. Je vais finir par avoir les chevilles qui enflent.

- Euh, je parlais du livre de Jack London.

Draco leva son visage vers lui en arquant un sourcil.

- Ah. Tu préfères Jack London à moi ?

- Il a un nom encore plus classe que le tien tout de même ! s'exclama Harry sur le ton de l'évidence.

- Je ne prends pas en note. Et pour ta gouverne, ma dynastie te réprouve à partir de la prochaine minute alors si tu as quelques choses à me dire avant que je pars travailler c'est maintenant.

- J'ai envie d'acheter un chat, affirma l'écrivain.

- Tu dis juste ça parce que je n'ai pas d'utérus.

- Mais… mais t'es bourré ou quoi ? T'as entendu ce que je viens de dire ?

- Ouais j'ai très bien entendu, certifia Draco en enfilant son blouson. Tu as besoin d'une boule de poils affective et qui te demande encore plus d'affection et d'attention, qui te pisse dessus à la première occasion... Et - avant que je n'oublis - qui a un certain appétit en lait. Tu ne veux pas d'un chat. Tu veux d'un gamin. Et malheureusement ça ne s'achète pas alors…

- Tu m'effraies depuis que tu revoies ton psy.

- Je sais, murmura-t-il en déposant un léger baiser sur ses lèvres. Mais si je me sens pousser des ovaires dans la journée, je te téléphonerai.

- Merci mon ange.

- De rien. A ce soir.

Harry le regarda partir et à chaque fois, il le vivait étrangement comme une séparation…

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« En France, cela a été le plus difficile. Plus difficile pour notre couple et surtout pour moi. Je me suis senti oppressé au sein de ma famille, enchaîné à des règles auxquelles je ne croyais plus. Je pensais sincèrement que cela serait aisé de s'assumer. Je me disais que cette histoire ne regardait que moi et que je faisais ce que je voulais de ma vie - et accessoirement, de mon cul. Je m'étais répété cent fois des discours tout préparé où à chaque fois je m'en sortais triomphant. A mes yeux, j'avais raison. J'avais raison de croquer la vie à pleine dents. J'avais raison de m'affirmer tel que j'étais. J'avais raison d'aimer sans limite. Mais j'avais grandement tort de mentir, de me mentir. Ca a duré quelques semaines. C'était pénible car je blessais les gens autour de moi juste pour un « nous deux » encore incertain. J'étais persuadé qu'Harry retournerait à Little Whinging à la fin de l'été et que nous nous reverrions seulement l'été prochain. Je m'étais déjà fait un calendrier dans la tête. Et mon inconscient me faisait faire des rêves où l'un de nous eux étaient infidèles. Cela commençait par moi avec Astoria. Dans mes rêves, elle tombait enceinte et Harry me plaquait. Parfois, le soir, j'ouvrais les yeux et je voyais Harry assoupi, blotti tout contre moi. C'était beau à voir et je me disais que ma vie n'était décidément pas un cauchemar… »

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Il était midi. Harry tournait en rond dans son bureau afin d'aligner quelques lignes sur sa machine à écrire pour son prochain roman. Il repensait aux divers conseils de Draco et à son scénario tournant autour de la Mafia. Puis il repensa à son bref séjour à Londres en compagnie de Draco, après leur réconciliation. Ils avaient mangés dans le restaurant où - quelques années plus tôt - Harry et Draco y avaient fait leur première sortie à deux. Ils avaient discutés avec Ron et Hermione d'avenir ; chose qu'ils ne s'étaient pas permise depuis longtemps… Harry avait même évoqué de nouveaux projets d'écriture.

- Tu n'as pas moins sombre ou moins angoissant ? avait proposé Ron.

Non, il n'avait pas ça en magasin. Ecrire était pour lui une bonne catharsis. Il avait besoin d'écrire pour évacuer toutes ses idées noires et être plus lui tous les jours. Plus Harry. Moins Potter.

Draco faisait énormément de progrès chaque jour. Il devait bien en faire aussi, non ? Chacun avançait d'un pas vers l'autre pour qu'au final, ils puissent se rejoindre. Etre en couple servait principalement à se sentir moins seul face à l'adversité… Harry contempla une photographie assez récente de Draco et lui. Puis il se dit qu'il avait besoin d'air frais. Il prit ses clefs et s'en alla rejoindre à pied le Paris fourmillant. Il traversa des faubourgs et avenues puis tomba enfin à une terrasse qu'il avait découverte l'an passé. Elle donnait une vue imprenable sur la Tour Eiffel. Harry se souviendrait toujours de la première fois où il avait rencontré la Dame de Fer. Quand il fermait le poing, il pouvait encore sentir la moiteur de la main de Draco tant ce souvenir était vivace…

- Je serais passé à coté d'un moment magnifique si j'étais mort le soir de mon agression au Chaudron Baveur, avait-il presque murmuré.

- Et moi à côté de quelqu'un d'exceptionnel. Allez viens, le mieux c'est d'être en haut.

- Je ne suis pas sûr de vouloir y aller.

- Pourquoi ? Tu as le vertige ? s'était inquiété Draco. Cela serait débile puisque tu as osé te mettre sur le rebord de l'immeuble de la Grunnings à Londres, tu te souviens ?

- Oui je m'en souviens parfaitement. Mais, aller là-haut, avec toi... Je crois que cela sera le plus beau souvenir de ma vie alors, je veux en profiter. Pleinement.

- Alors profitons.

Cela faisait des années maintenant qu'ils profitaient. Tous les jours et en toutes saisons.

Harry descendit les quelques marches de pierre de la terrasse et la Tour Eiffel disparut de sa vue. En bas, se trouvait des boutiques et des magasins tous débordant de charme. C'est-là que Draco adorait acheter ses produits de confection des parfums ou sur les étales des pays étrangers. Leur prochaines vacances en Thaïlande s'annonçait déjà comme une découverte…

Ses pas le menèrent vers sa librairie favorite. Il prit un ouvrage en français, puis un en anglais - afin de se ressourcer. Harry alla ensuite chez un chocolatier et fit la queue afin d'acheter celui que Draco préférai.

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« Je m'étais promis de donner un bel avenir à la personne qui occuperait mon cœur. A cette période, Blaise avait débarqué à la maison avec la ferme intention de tout savoir de ce qu'il avait raté. Il aurait fallut un siècle entier pour tout lui raconter. De ma bisexualité ou homosexualité (je confondais un peu tout). De mes sentiments. De Little Whinging. De la pluie. Du voyage à Moscou en préparation. De mes parents. De ma peur. De mon mal-être. Du suicide qui s'échafaudait dans ma tête… J'avais la chance inouïe d'avoir quelqu'un pour m'écouter. Mais jamais je ne soufflai mot à Blaise. Je masquais ma détresse sous des airs de colère. Il me demandait toujours « Sinon, côté cœur ? » et je lui répondais sèchement « Toujours à gauche. » Ce n'était décidément pas la joie. Et en y repensant, Blaise fut un ami merveilleux. Pour moi et mes tracas. Avec du recul, je me dis qu'il aurait sûrement culpabilisé si j'étais mort… Il se serait dit qu'il aurait dû faire quelque chose, deviner… Mais il n'y avait rien à faire : la douleur était profondément cachée… »

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Harry retournait le moule à gâteau. Comme toujours, il était au chocolat. Draco adorait ça. Lui aussi, il devait se l'avouer. Il ne résista pas au fait d'en couper une part et de la dévorer tout en mettant du Guns N Roses à fond dans la cuisine. Il faillit s'étouffer quand son téléphone portable se mit à vibrer dans sa poche. Instinctivement, Harry jeta un coup d'œil au nom qui s'affichait sur l'écran et sourit :

- Je sens quelque chose, dit une voix familière à l'autre bout du téléphone.

- Une poussée d'ovaires ?

- Non, bien pire que ça. Je crois que j'ai oublié quelque chose à la maison.

- Encore ? Ne compte pas sur moi pour traverser tout Paris et t'apporter un taille-crayon fétiche ou je ne sais quoi.

- Tu n'as rien de mieux à faire, fit remarquer Draco d'un ton cynique.

- A part pondre un livre pour mon éditeur peut-être ?

- Egoïste.

- Tu peux parler, Draco. Tu veux qu'on joue au psy ? Je crois que tes oublis à répétition sont des actes manqués afin de rester à mes côtés, rien de plus.

- Alors comme ça tu veux un chat… dit-il d'une voix lointaine en guise de réponse.

- Change pas de sujet.

- Un persan ou…

- DRACO !

- Ok. J'admets que tu es tout bonnement irrésistible et que ton corps m'appelle à travers tout Paris et que je n'arrive pas à mettre la main sur cette putain de formule qui permet d'équilibrer les composants du nouveau parfum !

- Tu as essayé d'inverser les atomes ?

- Ne joue pas à celui qui s'y connait, grogna Draco d'un air maussade.

- Si on ne peut même plus rigoler…

- Donc, voilà, souffla-t-il piteusement. J'ai oublié mon parapluie.

- Mais… Il ne pleut même pas !

- Je me sentirai rassuré si j'avais mon parapluie à mes côtés.

- Je croyais que tu aimais la pluie ? questionna Harry en avalant une nouvelle bouchée de gâteau au chocolat.

- Et j'aime encore plus la coiffure que je me suis faite ce matin alors tu m'envoie ce parapluie par la poste ou tu viens, mais je le veux.

- Répète un peu ça pour voir…

- Et j'aime encore plus la coiffure que…

- Pas ça. La fin.

- Alors tu m'envoie ce parapluie par la poste ou…

- La toute fin.

- Je le veux.

- On t'a déjà dit que c'était mal de répondre avant qu'on pose la question ?

- Mais de quoi tu parles ?

- Veux-tu m'épouser ?

- Attends, j'ai un double appel.

- Lâche !

- C'est moi que tu appelles de lâche ? Tu me balances cette bombe au téléphone et tu me traites de…

- C'est à ce moment là que tu dis « je le veux », coupa Harry avec un sourire aux lèvres.

- Je pensais sérieusement que tu étais du genre à mettre le genou à terre, avec les fleurs, les violons et tout et tout…

- Comme quoi, on en apprend tous les jours sur mon compte. Alors, c'est oui ou c'est non ?

- Je ne sais pas encore. Mon parapluie m'aiderait certainement à réfléchir. A tout de suite.

Puis il raccrocha. Harry n'essaya même pas de le rappeler car il savait que dans ces cas là, Draco ne répondrait pas.

Cette discussion avait le goût du chocolat.

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« Je voulais crever. C'était sûr. Je ne sais plus exactement à quelle date je l'ai décidé. Je ne sais pas si ce sont plus les mots de mon père ou le regard de ma mère qui m'a mit cette idée en tête. J'avais envie de ne plus jamais exister. De… partir. La toute dernière semaine, je me posais plus la question : comment profiter de mes derniers jours avec Harry - ou profiter de mes derniers jours tout court ? Mais plutôt, comment j'allais m'envoyer en l'air ? Etranglement. Noyade. Saut dans le vide. Etouffement. Empoisonnement. Electrocution. Coupure Mortelle… J'avais opté pour le tout dernier. J'ai pris mes lames de rasoir et… Tout le monde connaît la suite. Je me suis retrouvé dans le coma parce que ma tête avait heurté le sol, je crois. C'était assez bizarre. J'ai vraiment cru mourir. Je ne me sentais plus. Je flottais quelque part (sûrement les effets des médicaments). Pour m'être suicidé j'avais vraiment pensé à tout, à l'heure, au lieu, à l'objet. Mais pas à Harry. Je m'efforçais de ne pas penser à lui pour m'éviter une blessure encore plus mortelle. Je voulais crever. C'était sûr. Je ne voulais pas connaître sa réaction lorsqu'il m'aurait vu me faire transporter à la morgue. Je voulais crever et d'un bel été sans nuage. »

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Il commençait à faire froid dehors. La brume s'épaississait. Harry prit sur le crochet dans l'entrée ses clefs de voiture et le parapluie de Draco. Il était transparent.

- Comme ça, ça va avec tout, avait répliqué Draco en l'achetant.

Harry n'avait pas préféré objecter de peur qu'une confrontation n'éclate en plein magasin. Il savait qu'au fond de lui Draco préférait largement acheter le noir. Mais il prenait le transparent pour une raison bien particulière. C'était sous un parapluie transparent qu'ils s'étaient de nouveau aimés, à Nice alors qu'Harry attendait au bas de son immeuble. Ce parapluie, vestige de cette époque, s'était perdu en route lors de leur déménagement à Paris.

- Et puis transparent, ça donne l'illusion de recevoir la pluie sur la figure, avait renchérit Draco en le donnant la caissière.

Harry avait payé sans rien dire. Il avait remarqué que Draco et lui s'attachaient encore beaucoup trop aux souvenirs. Beaucoup trop pour penser concrètement à l'avenir…

Mais c'était ardu. En effet, beaucoup d'objets, de bruits, d'odeurs, de chansons ou de paysages avaient longtemps hantés leurs pensées. Parce qu'il ne restait plus que les souvenirs dans les moments sombres ; uniquement la lumière de ces instants glorieux.

Harry ouvrit la portière avant de sa Volkswagen Golf Plus rouge. Il alluma sa radio et fouilla dans la boîte à gant quelques instants avant de trouver une compile. Il glissa le CD dans le lecteur et mit le contact. Durant le trajet, Harry écouta Stairway To Heaven de Led Zeppelin ainsi que d'autres titres du même groupe. Il tapotait sur son volant au rythme des chansons et se passait la main dans les cheveux à quelques feux rouges. Il eut un bref sourire lorsque ses yeux rencontrèrent une nouvelle pub pour shampoing. Harry se remémora sa première conversation avec Ron au sujet de Draco. Le premier détail qui lui fit partager, fut ses cheveux.

- D'abord, on a un nouvel arrivant au 4 Privet Drive. Les Dursley hébergent le correspondant français de Dudley. Pour le moment il s'est montré discret. Je n'en sais pas trop sur lui à part qu'il a des cheveux à se faire damner. Et des yeux qui rivaliseraient avec ceux de…

- Il te plaît ?

- Disons qu'il ne fait pas honte à son pays d'origine, avait ironisé Harry. Enfin, je parle de ses cheveux parce que les miens sont pitoyables. Dès que j'aurais gagné assez d'argent je me ferai un coiffeur.

En y repensant, sa dernière phrase pouvait avoir une double interprétation.

- Se faire un coiffeur, marmonna l'écrivain. Quelle idée !

Il tourna une nouvelle fois à gauche. Dans le virage, le parapluie de Draco tomba sous un des sièges de la voiture.

- J'adore la pluie, avait avoué Draco un soir à Moscou. S'il y a bien une chose que j'aime, c'est ça.

- Tu ne me l'avais jamais dis. Enfin, si peut-être un jour...

- Parce que jusqu'ici l'occasion ne s'est jamais présentée. Il n'a jamais plu lorsque nous étions ensemble que ce soit à Londres ou à Paris. Nous avons toujours eut un temps radieux…

- Comme notre histoire.

C'était mièvre. Harry ne s'en cachait pas. Mais chaque début de romance l'est forcément un peu. Cela ne pouvait pas qu'être composé de douleur…

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« Je me suis réveillé un jour comme un autre. Et le visage soucieux d'une infirmière m'indiqua que je n'étais définitivement pas en Enfer, ni au Paradis. L'équipe médicale m'a fait faire tout une batterie de tests et quand j'ai eu enfin le droit au répit, je ne dis qu'un mot : Harry. Dans ma tête, je pensais qu'il était reparti en Angleterre suivre ses cours de Lettres après ma mort. Mais si je n'étais pas mort, que lui était-il arrivé ? La porte de ma chambre s'est ouverte et je l'ai vu s'avancer en tremblant. Ses yeux vert semblaient éteints. J'avais envie qu'il m'embrasse pour lui insuffler la vie. J'avais envie de tout reprendre à zéro mais je ne pouvais pas. J'étais cloîtré dans une souffrance beaucoup trop dure à exprimer avec des mots, alors je l'ai traduit par des gestes… Lorsque j'ai levé ma main pour lui faire signe d'avancer, j'ai remarqué des cicatrices sur mes poignets. Lui aussi les a vu. Et il m'a prit la main tout doucement. Ca m'a fait mal. Mon bras était encore engourdi ; mes sens aussi… J'ai pleuré comme une demande de pardon silencieuse. Je pensais que pour lui, je n'étais que le coup d'un été. Mais pourtant, il était là. A mes côtés. Je l'ai entraîné dans mon micro-enfer sans qu'il n'y puisse rien y faire.

- Ne pleure pas, m'avait-il dit, ne pleure pas on va s'en aller. On va partir, toi et moi. Fais-moi confiance.

Je lui ai fait confiance. Toujours. Et même si cette décision ne plut pas à mon entourage, je ne l'ai jamais regretté. Quelques temps plus tard, nous avions trouvé notre premier appartement. »

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Harry était arrivé en bas de l'institut de beauté où travaillait Draco. Il se gara un peu plus loin, après avoir péniblement trouvé une place dans ce Paris surchargé. Il passa devant les portes en verres et se dirigea directement vers l'accueil où il demanda pour Monsieur Malefoy. Cela faisait bizarre d'appeler l'homme qu'il aimait par son nom. Mais il doutait que Draco apprécie le fait qu'il en soit autrement.

- Il s'entretient avec quelqu'un dans son bureau, dit la secrétaire. Veuillez patienter quelques instants.

- Je croyais qu'il était en labo ?

- Une visite.

- Vous pourriez juste lui dire que je suis là, demanda Harry en regardant l'ascenseur. Je dois également retourner chez moi pour travailler un peu.

- Bien entendu.

Elle composa le numéro de l'étage réservé au service chimie puis elle mit sa main sur l'appareil en disant :

- Vous pouvez y aller. Il vous attend.

Harry fit un hochement de tête en guise de remerciement et emprunta finalement l'ascenseur. Il appuya sur le numéro trois et patienta un instant. Les portes se rouvrirent peu après et il se dirigea vers le bureau du fond à gauche. Une fois arrivé à sa hauteur, la baie vitrée lui offrit une vue sans pareille sur la discussion qu'entretenait Draco avec son père.

Lucius Malefoy s'était assis derrière le bureau, à la place de son fils, et le désignait avec sa canne à pommeau. Draco avait les mains dans les poches de sa blouse blanche et fronçait des sourcils par moment. Lucius finit par regarder vers l'endroit où se trouver Harry, et Draco l'imita. Harry, quoique la gorge nouée, finit par pénétrer dans le bureau.

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« Ce n'était pas très grand. Une cuisine ouverte donnant sur le salon, une salle de bain où l'on pouvait à peine faire deux pas, une chambre et des placards. Mais il y avait une magnifique fenêtre dans la pièce à vivre, aussi grande qu'une baie vitrée. Et durant ma dépression nerveuse, j'étais toujours à cette fenêtre, à regarder les gens passés… Je pensais à tous ces gens ayant une vie à peu près normale, qui allaient voir leur amis, allaient étudier ou travailler, étaient amoureux. Et moi… Et moi, je contemplais toutes ses choses que je manquais - qui ME manquaient. Je sentais qu'à mes côtés, Harry se retenait de me faire partager ses craintes et de m'envoyer mon égoïsme à la figure. Car tout ce que je ratais, il le ratait également. Il ne sortait plus. Il ne vivait plus. En fait, Harry devait survivre pour deux. J'ai honte de le dire mais… la seule chose qui nous retenait l'un à l'autre c'était l'avenir. On se projetait déjà dans le futur. Lui suivait ses cours de Littérature anglaise via le net. Moi, j'allais à l'école de Parfumerie quasiment tous les jours et Harry m'accompagnait et venait me chercher. Il avait trop peur que je fasse une connerie ; que la rechute soit plus terrible encore… Finalement, il avait bien raison de s'inquiéter. Jusqu'au jour où… »

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- Voici donc ce cher Henry, annonça Lucius Malefoy avec un sourire goguenard peint sur la figure. On vous attendait Draco et moi.

- Ah ? Et pourquoi ça ? s'empressa de répondre le concerné tout en consultant du regard Draco.

- Vous devriez venir tous les deux en Russie, avec moi.

Harry arqua un sourcil. Draco leva les yeux au ciel.

- Impossible, je te l'ai déjà répété cent fois. Harry a son livre à écrire et à soumettre à son éditeur et moi je dois mettre au point ce nouveau parfum, expliqua Draco, lassé. On ne peut pas quitter nos travails pour ton bon vouloir et celle de la famille Malefoy.

- Ta grand-mère est sur son lit de mort, Draco. Tu te dois d'aller respecter la tradition et aller à sa rencontre.

- Elle fabule ! Je suis certain qu'elle va s'en remettre. Tu te souviens de la fois où elle nous avait fait venir à Moscou pendant trois semaines parce qu'elle déprimait ?

- Ca s'appelle avoir le sens de la famille, rétorqua Lucius Malefoy en plantant ses orbes métalliques dans les yeux identiques de son fils.

- Et bien, il faut croire que je ne l'ai pas ; tout simplement.

- Ca risque de changer. Avec ta mère, nous pensons qu'elle t'a mis dans son testament. Ta grand-mère est propriétaire d'une mine d'extraction de pierres précieuses en Sibérie je te signale. Tu ne peux pas cracher dessus.

- Je croyais qu'elle n'avait pas supporter le choc que je sois homosexuel ?

- Et moi aussi je croyais que j'allais en mourir ! s'emporta Lucius. Et pourtant je suis là, je te parle oui ou non ? Avec l'héritage, tu pourrais avoir ta propre marque de cosmétiques. Tu y penses à ça ?

- Je pense surtout que je devrais faire l'hypocrite pendant des jours entiers…

- C'est-ce qu'on fait de mieux dans la famille ! fit remarquer le patriarche.

- Tonks est aussi sur le testament ?

- Sincèrement ? Je ne pense pas.

- Alors, grand-mère préfère donner sa fortune à un homosexuel plutôt qu'à une mère de famille en détresse ?

- C'est à peu près le schéma… marmonna-t-il.

- Et tu y gagnes quoi là-dedans ?

- Comment ça, qu'est-ce que j'y gagne ? Jamais je ne…

Draco eu un regard perçant.

- Très bien, je voudrai le collier de l'impératrice. Et la voiture de collection… Et les images d'archives du Parti Communiste et d'autres babioles. Mais tu ne pourras pas m'en vouloir de ne pas t'avoir informer !

- Et je suis censé faire quoi là-dedans ? interrogea sceptiquement Harry en déposant le parapluie contre un mur.

- Le convaincre, Henry !

- Je n'arrive pas à croire que tu ne te souvienne toujours pas de son nom ! s'emporta Draco. Tu le fais exprès, hein ? C'est Harry.

- Harry, répéta Lucius Malefoy comme s'il s'agissait d'un produit bas de gamme qui ne méritait même pas son attention. J'imagine que vous n'êtes pas resté insensible aux charmes envoûtants de la Russie ?

Harry et Draco échangèrent un regard. Dans leurs prunelles dansaient le souvenir de leur toute première fois…

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« La réconciliation. Elle était née de la manière la plus improbable qui soit. Harry avait un frère ; un demi-frère. Je les ai vu par la fenêtre échanger une accolade. Et mon sang n'a fait qu'un tour. La jalousie. En voyant Harry dans les bras d'un autre homme je me suis aperçu qu'il était la seule chose qui me manquait, la seule chose pour laquelle il valait la peine de vivre encore. Ce jour-là nous nous sommes disputés et aussitôt réconciliés sur l'oreiller. C'était magique. Et à partir de là je me suis dis que le cauchemar devenait conte de fée…. »

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- Alors c'est d'accord ? demanda le père de Draco.

- Nous ne savons pas encore, Papa. Il y a plein de choses que nous devons voir avant cela. Et puis, je pense que j'ai déjà une vie assez confortable comme cela. Je n'ai pas besoin de plus. Je veux dire, financièrement. Je fais un métier que j'aime et je commence tout juste à avoir de la liberté dans mes manœuvres. Ce qui compte le plus pour moi c'est ma vie à deux. Ca ne m'intéresse pas de partir à l'autre bout de l'Europe quérir un héritage que je ne suis même pas sûr d'obtenir. Je veux juste rester à Paris la moitié de l'année et en profiter.

Manifestement, Lucius Malefoy était déçu.

- Je dirai à ta mère que tu ne lui offres pas le plaisir de rêver dès ce soir d'argenterie.

- Embrasse-la pour moi, répondit Draco avec un fin sourire.

- Tu ne t'en sortiras pas si facilement.

Et pour la première fois de toute sa vie, Harry vit un simple sourire - dénué d'ironie - s'esquisser sur le visage de cet homme autrefois si antipathique… Lucius Malefoy sortit du bureau d'un pas claudiquant, la main fermement appuyée sur sa canne à pommeau. Draco ouvrit grand la fenêtre, et d'un geste instinctif s'y accouda afin de regarder le monde s'étendre devant lui telle une frise de papier-peint.

Une image mentale très précise sauta aux yeux de Harry lorsqu'il le vit ainsi. C'était une nouvelle fois au 4 Privet Drive, au tout début, lorsque Harry avait dû amener Draco à Londres.

- Nous allons bientôt aller à la bibliothèque, murmura-t-il.

Le simple fait de l'avoir dit avait réveillé en sursaut un fantôme du passé. Comment oublier les premiers mots qu'il avait prononcé à l'adresse de l'homme qui devrait, plus tard, déterminer sa vie ?

Draco se retourna.

- Et c'est cela que les anglais appellent une sortie culturelle ? J'imaginais plutôt une visite au British Museum ou quelque chose du genre…

Sa voix était beaucoup plus suave que celle employée il y a des années de cela, dans la banlieue londonienne lors d'un fatidique été. Désormais, ils se regardaient droit dans les yeux en ayant une certaine retenue étant donné que les collègues et associés de Draco allaient et venaient devant la baie vitrée du couloir.

- Tu crois que ça ce finira comment ? reprit Draco.

- Et ils vécurent heureux jusqu'à…

Draco déposa un doigt sur ses lèvres en arborant une mine à la fois contrariée et déçue.

- Je pensais que tu ferais beaucoup plus originale comme fin.

- En général, c'est toi qui me fournit les bonnes idées alors…

- Tu n'as pas d'excuses, dit-il. On ne vit pas dans un conte de fées. On ne peut pas être heureux toute notre vie : c'est impossible. On ne peut pas se marier ni avoir des enfants alors je ne vois pas pourquoi on y penserait. Ca ne sert qu'à nous faire du mal supplémentaire. Tu n'es pas heureux comme ça ? Juste toi et moi ?

Il y avait presque des trémolos dans sa voix. Harry sentit instinctivement sa gorge se nouer.

- Ca n'a rien à voir… Tous les deux, c'est vraiment… bien. Mais… hésita l'écrivain.

- Il y a un mais ? Attends, je sais… Après tout ce temps tu te rends compte qu'être gay ce n'était pas ce que tu cherchais et que tu éprouvais le besoin irrépressible que de voir ton nom être transmis ? Tu veux avoir un fils c'est ça ? Ou peut-être une petite fille ? Tu veux une vie de famille, c'est bien ça ? Tu veux avoir la famille que tu n'as jamais eu ? Parce que sache que je ne pourrai jamais te l'offrir biologiquement et… et même si je le pouvais, je ne le ferai pas. Par égoïsme. Ca a toujours été toi et moi, je ne veux pas que ça change.

- Tu as l'air heureux avec Suomi et Teddy, pourtant.

- Ce sont les enfants de Nymphadora, répliqua Draco piqué à vif.

- Qu'est-ce que cela change ? Tu as l'air plutôt complice avec eux. Tu… Tu veux des enfants autant que moi, non ?

- Non. J'ai… J'ai toujours su que je ne serai jamais époux ou père de famille. Ce sont des rôles qui ne me vont pas. Les types comme Ron, eux oui. Moi, non.

- Alors, tu ne veux pas ?

- C'est ça ou c'est rien.

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« Nous étions partis de rien. Nous avions tout. Et finalement, nous sommes devenus des rien du tout. Cet épisode est devenu un chapitre entier de notre vie : celui de la rupture. J'avais beaucoup pleuré ce soir-là et je pensais sincèrement avoir touché le fond. Pour moi, plus de lumière possible ; uniquement les ténèbres. Je vivais dans un cauchemar dont j'étais le sujet et l'acteur à la fois. Mes pieds se sont dérobés sous moi. Mon cœur ne battait plus. Et je revis l'horreur à l'état brut… Aujourd'hui, en fermant les yeux, je me souviens tout à fait de l'expression d'extase de Harry tandis qu'il se faisait prendre par Cédric. Il m'arrive encore d'y penser et d'en avoir si mal que je pleure silencieusement. Jamais ces images ne s'en iront. Constamment là à me hanter. Harry, lui, ne comprend pas. Il ne peut pas comprendre. Pour lui, tout cela appartient à cet affreux passé. Mais moi… Moi je ne peux pas oublier. »

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Harry ne bougeait pas. Il fixait Draco de ses yeux vert émeraude.

- Qu'est-ce que tu veux dire par « c'est ça ou c'est rien » ?

- Je…

- Tu veux… Tu veux…

- Non ! Bien sûr que non que je ne veux pas qu'on arrête tout ici. Ecoute, je me suis très mal exprimé. Comment pourrais-je simplement envoyé en l'air des années de combat ? On a tout fait pour que cela fonctionne entre nous deux. Et aujourd'hui on y est. La vie est beaucoup trop courte pour ne pas en profiter pleinement… pour ne pas faire ce dont on a toujours rêvé… pour ne pas…

- Je te demandais juste une concession, Draco.

- Une concession ? Accepter de se marier avec quelqu'un n'est pas une concession, Harry, mais un engagement à vie. Ce que j'appelle une concession c'est de vivre ici six mois de l'année. Un mariage, ça c'est… Mon éducation revient au galop, tu sais ? Pour moi, on ne se marie que si on est sûr à cent pour cent, quitte à attendre dix ans. Il n'y pas de divorce possible dans une véritable union. Ca a une consonance religieuse et la religion - la mienne tout du moins - ne tolère pas notre genre de couple… Et puis, se marier où ? En Angleterre ? En France ? Laisse-moi rire.

Draco semblait vouloir faire de l'humour mais Harry ne riait pas. Il semblait blessé.

- Quand… Quand je parlais de mariage, je ne voulais pas dire devant un prêtre et tout le blabla. Mais un truc tout simple : toi, moi, nos amis… Ce serait plus symbolique qu'officiel. Je sais bien que tu te refuserais d'être attaché à quelqu'un par un bout de papier. Je te connais un peu tout de même.

Draco se tu.

- Je sais que cela restera la grande question de notre vie de couple et de celle de beaucoup d'autres encore, finit-il par prononcer. Je trouve que les ennuis commencent lorsqu'on a la bague au doigt, pas toi ?

- Tu as peur. Tu as peur de ne pas pouvoir t'aérer l'esprit, t'enfuir ou t'en aller…

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« Je lui ai ensuite hurlé de s'en aller. Pour qu'au final, ce soit moi qui parte. Cela s'était passé très vite dans ma tête : j'avais besoin d'oxygène. Je ne pouvais plus vivre avec Harry source de mon bonheur et de mon malheur à la fois. Il me bouffait. Les images de lui et Cédric entrelacés me rongeaient encore l'esprit. J'ai contacté un site internet de location d'urgence. Et le seul local dans mes moyens se trouvait à Nice, à des centaines de kilomètres d'ici. Je ne me suis pas posé plus de questions. J'ai fais mes cartons. J'ai pris un billet d'avion et j'ai demandé à Blaise de garder les meubles sans aucune précision. Quand je suis arrivé dans le sud de la France, cela m'a fait un bien fou - comme respirer un bol d'air frais après une sortie de prison. J'ai prit tout mon temps pour aménager mon nouvel appartement et, inconsciemment, j'ai pensé à celui de Paris désormais vide. Quelques jours plus tard, Blaise m'a appelé pour me dire qu'Harry était passé. Il m'a rapporté ses élans de tristesse et de culpabilité. Il m'a aussi demandé s'il devait lui donner ma nouvelle adresse. Ma réponse était claire : il fallait bien plus que cela pour se faire pardonner. »

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Draco le fixait intensément.

- Oui, j'ai peur. Je suis effrayé même. Pour moi, c'était beaucoup plus facile d'échapper à ça… à ce schéma habituel du couple approchant la trentaine. Je ne sais pas… Cela m'a l'air tout bonnement évident de ne jamais vouloir se marier. C'est la première fois qu'on a des points de vue si différent sur une même question et j'ai peur de te faire du mal juste par mes mots. Mais je n'y peux rien. C'est la vérité, ma vérité. Il faut que je te raconte quelque chose, Harry. Quand tu faisais ta cure de désintox, j'ai passé mes journées en compagnie de Teddy et Suomi et une après-midi nous sommes allés au manoir de mes parents. On a revu toutes ces pièces, tous ces endroits remplis de souvenirs à mes yeux. Puis… Nous sommes rentrés dans ma chambre. Il y avait une photo de nous trois : toi, Blaise et moi. Et tu sais ce que m'a dit Teddy ? « C'était le Monsieur à l'enterrement de Papa ? Il était tout seul, derrière. Je m'en souviens. Tu n'avais pas l'air de beaucoup l'aimer. »

- Et qu'as-tu répondu ?

Draco prit une inspiration :

- Justement, c'est le contraire. Je l'aime beaucoup. Et les adultes ont tendance à montrer leur affection d'une manière tout à fait particulière…

Harry l'observa longuement.

- Je lui ai dit aussi que j'étais amoureux de toi depuis longtemps. Et pour lui cela a sonné comme l'évidence que nous allions nous marier un jour ou l'autre. Mais je lui ai dis que… que je ne le pensais pas car je n'avais pas besoin de ça… Je n'ai pas besoin de ça pour savoir que tu m'aimes en retour.

Et ils se sourirent.

Harry sentait le regard brûlant de Draco sur lui. Finalement, il se recula quelque peu et désigna du menton le parapluie transparent qui lui avait ramené.

- A la radio, tout à l'heure, ils ont parlé d'une averse.

- Menteur ! s'exclama Draco. J'ai regardé la météo sur Internet il y a une demi heure.

- De une, je disais ça uniquement pour te faire plaisir. De deux, il semblerait que… Attends une minute. Tu savais qu'il n'allait pas pleuvoir et tu m'as quand même fait venir ?

- Tu n'as pas entendu ce qu'à dit mon père tout à l'heure, déclara doucereusement Draco. Mentir et faire l'hypocrite c'est-ce que nous faisons de mieux dans la famille.

Harry jeta un rapide coup d'œil par-dessus son épaule pour voir si la voie était libre et profita de cet instant pour embrasser fougueusement Draco. Quand ils se séparèrent enfin, il chuchota :

- Pour celui que je devais te donner devant l'autel.

- Entendu Potter. Je reviendrai sûrement un peu plus tard. Je dois aller voir Monsieur Tuvier.

- D'accord. A ce soir.

- Ouais, à ce soir.

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« A Nice, j'ai continué de suivre ma formation de parfumerie et tout s'est passé très vite. Mon stage. Ma rencontre avec Anton. Ma passion grandissante. Anton était un peu la solution de facilité tombée du ciel. Il était beau, intelligent, doux et tout ce que l'on pouvait demander d'autre. Et même si mon cœur s'accommodait plutôt bien à cette situation, mon corps réclamait Harry. Je tremblais dès que son nom était prononcé et - malheureusement pour moi - ce fut souvent le cas. Les médias ouvraient des cicatrices que j'essayais de refermer depuis de bonnes années déjà. Et dès que je voyais le nom Harry Potter quelque part, je touchais instinctivement mes cicatrices aux poignets. C'était encore beaucoup trop douloureux. »

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Le retour en voiture se passa sans la moindre musique. Harry avait besoin de calme pour tout se remettre en tête. Il fixait résolument la route. Pour lui, c'était une journée ordinaire pour un couple ordinaire. Harry s'engageait dans l'avenue adjacente lorsque son téléphone portable vibra une nouvelle fois dans la journée. A un stop, il plaça son kit oreillette.

- Allo ?

- C'est Hermione.

- Ah, comment tu vas, Mione ?

- Le mieux du monde, et toi ?

- Passablement bien, répondit-elle. Ron et moi nous voulions prendre de tes nouvelles.

- Où se trouve mon meilleur ami ?

- Il s'est coupé avec une capsule de bière. Il doit sûrement être en train de se lamenter dans la salle de bain ou quelque chose comme ça… Et Draco ?

- Je viens de le quitter, annonça Harry sur le ton de la conversation.

- QUOI ?

- Pourquoi tu me hurles dessus ?

- Tu… Tu QUOI ?

- Attends, c'est un mal entendu, rectifia-t-il. Je voulais juste dire que je sortais de son bureau à l'instant.

- Ah, très bien. J'avais juste un peu peur que tu m'annonces la fin du monde sur un ton aussi banal. Ca va bien entre vous ?

- Ouais, ça va… Je viens de le demander en mariage. Et il a dit non, pour plein de raisons.

- Je suis sincèrement désolée, Harry.

Il mit ses essuie-glace car il commençait, contre toute attente, à pleuvoir.

- Non, ne t'en fais pas. Ce n'est rien après tout. C'est juste que… que je ne savais pas que c'était si important à mes yeux. Je respecte sa décision, vraiment mais…

- Tu avais placé beaucoup d'espoir dans sa réponse, compléta Hermione, perspicace.

- A peu près, ouais. Attends, une minute. Je dois passer la deuxième et le fil s'emmêle.

- Harry James Potter ! Ne me dites pas que vous conduisez au téléphone.

- Je ne le dirai pas alors.

- Tu sais que c'est dangereux ? Les enquêtes scientifiques ont prouvés que le cerveau était beaucoup moins réactif lorsqu'on…

- C'est un trajet court, trancha l'écrivain.

- Cinquante pour cent des accidents mortels de la route se font sur des trajets courts.

- Et l'autre moitié ? Bon, Mione, je sais que tu essais de m'alerter de tous les dangers qui m'entourent mais tu sais bien que je ne fais jamais ce qu'il faut… je suis une tête brûlée après tout. Tu te souviens du jour où j'ai fabriqué un cocktail Molotov dans le garage des Weasley avec Fred et George ? Je m'étais brûlée le sourcil droit.

- Harry, la vie est trop courte. Ne la mets pas péril stupidement.

- Ce n'est qu'un kit oreillette, bon sang. Ne me fait pas culpabiliser pour ça. Et puis, c'est toi qui m'appelle je te signale.

- Et bien tu n'aurais pas dû répondre car je ne pouvais pas savoir que tu conduisais à l'heure qu'il est, fit remarquer Hermione.

- Il est qu'elle heure au fait ?

- La montre à quartz de Ron qu'il a laissé sur la table indique 14 : 20. Et il fait douze degrés à Londres.

- Merci de la précision. Ecoute Hermione, tu diras bonjour à Ron de ma part. Cet après-midi, je dois écrire et j'ai pris du retard sur le délai de mon éditeur. Et puis, je dois classer des papiers parce que c'est un peu le foutoir niveau organisation pour mon nouveau roman. J'ai tout en vrac dans un carton et je ne sais même plus où Draco l'a arrangé en passant l'aspirateur hier.

- Tu es anxieux ?

- Ca se voit tant que ça ?

- Mmh.

- J'éprouve du mal à écrire en ce moment, expliqua Harry, navré. Ca me préoccupe un peu, je dois te l'avouer. Je dois trouver une solution très vite sans pour autant bâcler ma nouvelle œuvre. J'ai également un couple à faire tenir debout et d'autres engagements.

- Relaxe, dans deux mois tu viens à Londres.

- C'est vrai. Je vais te laisser raccrocher. Si j'appuie sur le bouton je risque de foncer dans un mur, plaisanta-t-il.

- Tu es incorrigible, Harry. Appelle-moi dans la semaine pour me dire quel a été ton remède écriture.

- Pas de soucis. Prends soin de tes patients.

- En parlant de ça, j'en ai un qui hurle dans la salle de bain. A bientôt !

Le bip retentissant dans son oreille. D'un geste nonchalant, il arracha son kit et le jeta sur le siège passager avant. Harry emprunta une rue juste devant un cimetière.

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« Puis la douleur d'un décès suivit. Remus nous avait quitté et je sens encore les larmes de Nymphadora mouiller mon visage. L'enterrement avait eu lieu à Paris, la ville de l'amour. Même si ma cousine avait besoin de moi, je craignais plus que tout d'y retourner. Les rues puaient les souvenirs de mes sentiments endeuillés pour Harry. On m'avait dit qu'il serait là également, près de la tombe de l'homme que j'admirais le plus. Au fond, cela me révoltait. Je n'avais plus envie de lui dans mon monde. Pas parce que je ne l'aimais plus. Mais j'appréhendais le cataclysme qui allait me secouer lorsque je l'apercevrai. Et nos regards se sont croisés par trois fois. Malgré le froid entre nous deux, cet acte simple suffit pour me rappeler la vérité :

On ne peut pas fuir éternellement l'homme qu'on aime. »

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Harry venait d'arriver chez lui et se dirigea vers sa cuisine où il se prépara une grande tasse de Caffè Latte. Il récupéra son grand Mug « Lui & Lui » et rejoignit son bureau où trainait une pile de dossiers en équilibre précaire. Il rangea rapidement son mini globe terrestre sur un dictionnaire franco-anglais. Harry arqua un sourcil quand il mit la main sur le PEZ Bob L'éponge de Draco, offert par Suomi. Et dire qu'il l'avait soupçonné de kleptomanie durant toute une soirée à cause de ça… Harry se permit un léger sourire et attrapa son notebook d'une seule main.

Une fois celui-ci allumé, il consulta ses mails. Puis quand il ne pu plus reculer l'échéance, il ouvrit un dossier de traitement de texte comportant déjà une bonne centaine de pages. Pour s'échauffer, il écrivit un petit texte dans un fichier annexe pour se remettre dans le bain. Il huma son Caffè Latte quelques secondes.

« Je crois que de nos jours, les nouveaux écrivains ont perdu contact avec le papier. Cet ami autrefois si familier fut relégué au second plan. Par souci pratique, par habitude ou simple addiction, l'écrivain des temps modernes a délaissé la plume pour le clavier. Le grand classique de la page blanche a été remplacé par les millions de pixels recouvrant l'écran. Ce n'est plus l'écriture manuscrit mais la police Georgia, Tahoma ou Century… En tout cas, ça économise du papier mais cela efface également les traces. Un clic, un virus, un coup de tête et voilà des mois de travail supprimés, valdingués dans une corbeille déjà pleine de papiers froissés. J'ignore si le talent numérique est beaucoup moins authentique qu'un autre. Après tout, nombre de contestations se sont faites autour de la toile… Et le plagiat… Le plagiat qui ne cesse toujours pas. »

Harry bu quelques gorgées de sa boisson chaude et cliqua sur enregistrer. Enfin, il s'attaqua au plus gros morceau : son roman qu'il peinait tant à écrire…

- Allez, tu peux le faire, s'encouragea-t-il. Comment tu faisais déjà, à dix-sept ans pour être si productif ?

La question semblait là, flottant dans les airs, juste au dessus de sa tête. Son roman parlait du voyage et des choses si ordinaires devenant extraordinaires aux yeux du narrateur. Ce dernier était un jeune adulte parti suivre sa dernière année de recherche en chimie organique dans une université étrangère. Harry avait déjà rédigé tout le nœud de l'intrigue mais il s'était de nombreuses fois figé d'effroi à l'idée d'écrire les premières lignes du roman. Aujourd'hui, il se le devait. Harry serra son stylo noir entre ses dents, le mordillant nerveusement. Il défia du regard son écran d'ordinateur puis reposa finalement sa tasse. Harry plaça ses pieds sur son bureau et prit le notebook sur ses genoux.

- On va parler météo dans ce cas, dit-il, défaitiste tout en posant son index droit sur la lettre U.

« Un petit garçon dans l'avion regardait par le hublot et dit :

- Nous sommes dans le ventre d'un gros oiseau qui s'envole.

Je l'ai regardé brièvement et j'ai souri face à son innocence. Cette simple phrase était un excellent avant-goût du Portugal. Nous traversions les nuages en douceur et moi aussi j'avais envie de rêver.

Quand le ciel s'émerveille. Chargé d'eau mais léger et souple comme un roseau. Du blanc recouvert de nacre argentée. Nuage pouvant recouvrir une micro cité de particules. Milliards de vivants mono ou pluricellulaire. H²O. C'est-ce qu'on apprend au collège, en cours de chimie. Mais comment donné un nom aussi barbare à une chose aussi belle ? Elle est si fluide, vitale, courant entre nos doits, roulant sur nos muscles. Puis la pluie. La pluie qui coule sur nous comme des milliers de petites caresses.

Après deux heures de vol, d'assoupissement et de rêve, nous sommes descendus sur le tarmac de l'aéroport. La brume maussade, figée par un nappage de nuages glacés, nous transissait de froid par ce matin de juillet. Faisant tomber à l'eau nos projets, le glou-glou des gouttes de pluie a trempé nos sacs. Le vent a tiré nos vêtements en arrière ainsi que nos cheveux devenus ébouriffés. Des épis impétueux, des mèches rebelles, des boucles indécentes... Et peu à peu, le distillat du soleil nous parvint par maigres rayons incandescents. Une rafale de chaleur s'est soudainement abattue sur nous comme si le mauvais temps n'avait jamais existé. Nous étions restés bouche bée face à ce changement climatique soudain.

La chevelure de Roxanne est revenue, tout à coup, à sa couleur d'origine. C'était d'un blond-doré dans lequel elle avait glissé un coquelicot vermeil en plastique. Il était néanmoins très bien fait, tant et si bien que nos yeux se laissaient abuser. Sa corole souffletait et battait telle les ailes d'un papillon. Cette seconde, je l'ai perçu d'une écœurante poésie. Je déteste les instants trop mielleux ou la mise en place sirupeuse d'une romance, facilitée par les conditions météorologiques. Jamais je n'ai pris des perches lumineuses que me tendait le soleil pour embrasser une fille.

Embrassons-nous plutôt sous la pluie.

Je suis arrivé au Portugal et jamais il ne plut durant l'été, sauf un matin où j'avais laissé mon linge sécher dehors. Roxanne et moi partagions un appartement pas très loin de notre futur campus universitaire. Cela changeait considérablement de Paris et de son atmosphère asphaltée. Là, nous avions des palmiers, la mer à perte de vue et des prix beaucoup plus accessibles.

Sur les plages endormies du Portugal, Roxanne et moi avions décidés de passer la nuit à la belle étoile. Nous voulions observer les astres qu'aucun d'entre nous aurait pu nommer avec certitude. Je m'étais emmitouflé dans un large sweat-shirt gris, un casque audio sur les oreilles. Je lui tenais la main.

Le brouillard s'épaississait alors que nous parcourrions les avenues silencieuses de Barra. Plus d'étoile en vue, juste l'aveuglement ouateux du brouillard. La pluie allait revenir. Enhardis, nous nous sommes tout de même rendus sur la plage avoisinante. L'humidité s'insinuait sous nos vêtements épais. Le sable fit un matelas de première qualité. Et la seule lumière suffisamment pure pour percer les nuages fantômes fut la lune.

Nous fîmes l'amour sur une dune, ce soir-là. »

Harry doutait que cela puisse sérieusement faire un bon début de roman. Il avait peur de perdre son lecteur dès la première page. Il referma son notebook et alla rédiger une lettre à sa Tante Pétunia avec qui il était désormais en bon terme…

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« Les lettres. Les fameuses lettres. Celles où, quelques mots plus tard, j'appris à accepter cette flamme qui ne voulait s'éteindre. J'appris aussi qu'Harry m'aimait autant - si ce n'est plus. Il m'a écrit :

Un jour tu as dit : « Maintenant que j'y pense, je ne peux plus concevoir ma vie sans Harry. » Savais-tu à quel point ces quelques mots m'ont troublé ? Je ne pense pas réellement. Tu vois, je m'en souviens comme si tu venais de me le souffler et pourtant, il ne s'agissait que de quelques paroles dans les milliers que j'ai reçu venant de toi. […]

J'ai toujours les lettres gardées précieusement dans le livre « Papiers Froissés » - première édition - publié il y a déjà quelques années. C'était le déclic. Je l'aimais. Et quelques jours après ça, il était en bas de chez moi sous la pluie. Et vous connaissez la suite… »

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Il était en train de signer la lettre lorsque la porte du bureau s'ouvrit. Harry tourna la tête et vit Draco sur le seuil, les cheveux trempés et le parapluie transparent en main.

- Tu as encore oublié quelque chose à la maison ?

Draco fit oui de la tête.

- J'ai retrouvé ton PEZ, reprit Harry en tâtonnant sur son bureau afin de mettre la main sur une enveloppe. Je l'ai mit sur l'étagère derrière toi. Mais si tu continues à ce rythme là tu ne mettras jamais au point ce nouveau parfum.

- J'ai oublié le plus important, prononça-t-il d'une voix devenue rauque. J'ai oublié de te dire que je t'aimais tout à l'heure. Et j'avais peur que tu doutes de mes sentiments pour toi.

- Je sais que tu m'aimes. Quand on se chamaille tous les deux, quand on se crie dessus ou quand on se sépare… ça prouve qu'on s'aime, non ?

- Je n'avais pas envie que tu te renfermes à cause de mon refus et que tout reparte dans le mauvais sens. Nous sommes conscients qu'avec notre couple, nous marchons sur des œufs. Alors j'essais de prendre des précautions.

- Attention Malefoy, tu risques de tomber dans le mièvre.

- Je crois que c'est déjà fait. Et je n'ai plus rien à perdre : ça en vaut vraiment la peine…

Doucement, Draco tira sur le pull de Harry et l'attira vers le canapé.

- Tu te souviens ce qu'on a fait à l'ancien ?

- Celui de notre premier appartement ?

- Oui.

- Il était tout défoncé.

- J'adore tes vilains jeux de mots… susurra Draco.

Désormais, Harry était assis sur le canapé et grignotait ses lèvres. Draco, pour sa part, était assis en califourchon sur lui. Il passa sa main sur son cou afin d'approfondir leur baiser.

- Ton patron ne va pas te tuer d'être parti sans prévenir ?

- J'ai prétexté une migraine, répondit Draco d'une voix hachée. Les gens attendront pour sentir enfin bon.

Harry sourit contre ses lèvres en déboutonnant sa chemise. Ses doigts glissèrent sur son torse dans une caresse mesurée. Il sentait les mains de Draco chercher les boutons tout en ayant les yeux clos. Par la fenêtre, le souvenir de leur première nuit à Moscou tapait contre les carreaux. Harry s'appliqua alors à lui faire un succion tout en passant sa paume dans son dos. Leurs doigts s'entrelacèrent par moment.

C'était un orage de passion.

- Attends, dit Harry, je voudrais juste que tu te souviennes de cette seconde toute ta vie. Je veux que tu te souviennes qu'à ce moment précis, je t'aimais. D'accord ?

- Mmh. Si tu veux, ouais. Je peux faire ça.

Draco avait prononcé ces derniers mots tout en déblayant son visage des quelques mèches brunes.

- Pourquoi cette seconde en particulier, Harry ? murmura-t-il tout en déboutonnant son pantalon. Pourquoi pas une autre ? Il y en avait tout un tas de belles…

- Je sais… Je veux juste que tu te souviennes des moindres des détails. De mon toucher... De mon parfum... De mes yeux posés sur toi…

A chaque bout de phrase, ils s'étaient embrassés, leur corps fiévreux s'appelant l'un l'autre.

- Je m'en souviendrai, Harry, gémit-t-il alors que la pression devenait trop forte pour résister quelques minutes supplémentaires.

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« C'était la période de sevrage. Je ne voyais plus Harry. Il ne touchait plus à la drogue. Et ça a duré des mois interminables. En général, nous parlons peu de cette période douloureuse lui et moi. Car elle nous rappelle comment nous avons pu très mal tourner. Lui, mort. Moi, mort-vivant. Je venais le voir de temps à autre, vérifier s'il allait bien, si les médicaments n'étaient pas trop forts, si la cure ne lui était pas trop douloureuse et surtout, s'il m'aimait encore… J'avais peur - une fois de plus - que cette période loin de moi l'éloigne aussi bien sentimentalement parlant. Mais j'avais encore plus peur pour sa santé. S'il ne se soignait pas très vite, il n'y aurait plus de billet retour. Alors j'ai prié pour qu'il me revienne en entier. »

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La sensation était toujours la même après toutes ces années. La légère douleur et le plaisir qui s'y mêlait peu à peu, par mouvement. Draco avait ses bras autour du cou de Harry. Sa tête légèrement rejetée en arrière, il sentait Harry baiser son cou. C'était toujours aussi agréable. Il ne parvenait pas à se lasser.

Draco plaça deux doigts sous le menton de Harry afin de goûter une mille et unième fois à ses lèvres. Quand ils reprirent leur souffle, Draco dit avec une once d'humour :

- On sait parfaitement ce que cela fera d'embrasser l'autre et on est toujours aussi pressé de recommencer. Tu m'expliques ?

- Peut-être parce que j'espère que tu vas enfin t'améliorer.

Draco lui pinça l'épaule.

- C'était une question rhétorique. Contente-toi de faire ton travail.

Harry reprit son mouvement de va-et-vient, un sourire moqueur sur ses lèvres. Parce que c'était un peu ça Draco et lui. Ils avaient tous deux un laissé-passé pour aller et venir dans la vie de l'autre sans qu'aucune objection puisse être faite…

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« Et quand le jour des retrouvailles a sonné, nous nous sommes embrassés. C'était comme recevoir de l'oxygène. Nous allions enfin pouvoir tout recommencer du bon pied après deux ans d'essais et d'échecs successifs. Et pour réussir de la plus belle manière qui soit, nous avions décidés de revenir aux bases. Au tout début. Vous savez, Harry et moi nous nous sommes rencontrés à Little Whinging, nous ne pouvions nous redécouvrir ailleurs. Cela sonnait comme l'évidence.

Il n'en pouvait en être autrement. Rien que lui et moi. »

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Tranquillement, Draco se rhabillait. Harry lui jetait parfois des regards en biais comme s'il s'assurait qu'il n'allait pas soudainement s'évaporer. Mais tout était bien réel. Il passa sa main dans les cheveux de Draco, les ébouriffant un peu plus au passage.

- Eh, j'étais très bien comme ça !

- Je n'ai même plus le droit de te toucher ?

- Si, mais la tête jusqu'à la nuque uniquement.

Harry roula des yeux.

- Je me dépêche. Je dois toujours aller chez Monsieur Tuvier.

- Ok, bonne route.

- Je peux prendre ta voiture ?

- Pourquoi pas la tienne ?

- Elle ne m'aime pas la mienne, dit-il avec une petite moue.

- Les clefs sont dans le cendrier de l'entrée.

Draco renoua négligemment sa cravate puis sorti du bureau, arborant un sourire vainqueur.

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« Ce voyage en Angleterre nous a permis de faire table rase du passé. On a enfin respiré. Nous avons pu faire tout ce qu'un couple ordinaire fait. Et ça nous a rendu incroyablement plus fort. Cela aurait pu être une magnifique fin, mais ce n'était que le début de notre histoire… Maintenant, je ne parle plus au passé mais au présent. Je l'aime Docteur. J'aime Harry et je n'ai plus peur de le dire ou de l'admettre. Parce que ça fait indéniablement parti de moi. »

Face à Draco se tenait son psychothérapeute et il avait enfin réussi à mettre des mots sur tant d'années de souffrance et de non-dit. Cela lui avait permit d'avancer en même temps que son couple. C'était sa dernière séance de thérapie et le résultat avait été concluant.

- Je crois qu'il s'agit là du point final, formula le psy. Je vous félicite de tous les progrès accomplis Monsieur Malefoy.

Celui-ci se leva et se dirigea vers la sortie après avoir déclaré :

- Merci à vous, Monsieur Tuvier.

Il referma la porte derrière lui.

Désormais, l'avenir leur appartenait.

FIN DE L'EPILOGUE


Tadam. Je ne sais pas si vous appréciez réellement cet épilogue. A vrai dire, j'étais réellement angoissée à l'idée de le poster de peur qu'il déçoive les lecteurs ; que cela ne soit pas à la hauteur... J'espère en tout cas que cela vous fera une bonne lecture pour les vacances d'été et que les votres ont été excellentes. Je vous embrasse sur les deux joues et je prendrai grand soin à répondre à toutes les reviews. Par contre, pour ceux n'ayant pas de compte, je suis sincèrement désolée de ne pas pouvoir y répondre car j'y tiens... Si j'avais le temps je ferai des remerciements par ordre alphabétique mais bon, ce serait un peu pitoyable, non ? Donc... Une seule question en suspend : avez-vous aimés ou non ? Sachez que j'ai été très heureuse de partager cette aventure avec vous ; de voir grandir les personnages ; de leur attribuer une histoire et une destinée propre... Mais je vous laisse deviner qui sont les véritables héros de papiers.

Avec tout l'amour fanfictionesque du monde,

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(o.Ô)
(")_(")_ Dairy's Scribenpenne*