Epilogue.

Le lendemain matin, Mamori arriva en cours, épuisée par sa nuit incomplète, et surtout, angoissée pour la première fois de sa vie pour un contrôle. Elle savait pertinemment qu'elle allait le louper et le stress la rongeait, autant qu'elle grignotait ses ongles. Ceux de ses camarades qui s'en aperçurent lui lancèrent un regard surpris, incrédules, puis échangèrent un haussement d'épaule perplexe.

Les bavardages cessèrent subitement et la rousse releva la tête, ne se faisant hélas aucune illusion sur l'identité de celui qui avait réussi à obtenir ce silence de plomb : Le professeur d'Histoire. Curieusement, il semblait très pâle et aucune jubilation ne venait animer son visage rondouillard. Au contraire, il semblait étrangement décomposé. Peut-être était-il malade ?

Mais ces réflexions passèrent au second plan lorsque l'homme tendit la main vers sa sacoche de cuir brun qu'il ouvrit rapidement. Il y plongea la main et Mamori ferma les yeux, désespérée, pour ne pas voir ce qu'il allait en sortie. Elle entendit toute la classe retenir son souffle et son cœur se mit à tambouriner furieusement contre sa cage thoracique, dans un rythme affolé.

Les mains moites, le front couvert de sueur, elle tournait et retournait entre ses doigts le stylo plume couleur argent que son cher Sena lui avait offert à son dernier anniversaire.

Elle appréciait particulièrement ce stylo, non seulement parce que c'était un cadeau mais aussi pour la facilité avec laquelle il glissait sur la feuille, y traçant a son grés des lettres, des mots, des phrases… Puis elle songea amèrement qu'elle n'aurait guère l'occasion de s'en servir durant cette heure-ci puisqu'elle savait d'avance que sa feuille resterait, a son plus grand malheur, définitivement vierge.

Cependant, l'atmosphère d'anxiété disparut soudain, remplacée par des murmures surpris. Déconcertée, la jeune fille ouvrit un œil. Puis, comme elle ne voyait pas bien, elle ouvrit l'autre.

Tout d'abord, elle ne vit pas ce qui avait provoqué l'étonnement des autres élèves. Le prof se tenait toujours devant eux, avec la même expression étrange. Puis elle avisa ce qu'il tenait dans la main : Son cahier de cours, tout simplement, au lieu de la liasse de sujet d'interrogation attendue. Effectivement, c'était surprenant. Mr Seichiro n'était pas connu pour lancer des menaces en l'air. Généralement, quand il promettait une interrogation, il tenait parole. Pas aujourd'hui, apparemment.

Sous le feu des regards déconcertés que ses élèves posaient sur lui, le pauvre Aoki Seichiro se dandina d'un pied à l'autre, mal à l'aise. Enfin, il ouvrit la bouche et vingt-sept adolescents se pendirent aussitôt à ses lèvres. Mais il se contenta d'ordonner d'une voix blanche :

-Prenez vos livres page 225…

Un silence dubitatif accueillit sa remarque. Touts les regards convergèrent instinctivement vers Mamori qui gémit intérieurement. De toute évidence, en tant qu'agent du comité de discipline, c'était à elle de prendre la parole. Et pourquoi pas le délégué de classe, tiens ? C'était son rôle après tout ! Elle le chercha des yeux mais, comme les autres, il la fixait bêtement en attendant qu'elle se décide à ouvrir la bouche.

Prenant son courage à deux mains, elle s'éclaircit bruyamment la gorge, s'attirant ainsi l'attention du professeur. Ce dernier, reprenant un semblant d'assurance, demanda :

-Oui, mademoiselle Anezaki ?

-Monsieur, au sujet du contrôle…

A ces mots, l'homme perdit à nouveau toute contenance et, après un court silence, il balbutia :

-Il est… Annulé, oui, il est annulé. Je ferais donc cours comme d'habitude, annonça-t-il.

Puis, reprenant un peu de sa verve habituelle, il aboya :

-Et veuillez cesser de me dévisager avec ces yeux de merlans frits, comme si j'avais deux têtes ! Prenez vos livres maintenant, à la page 225 !

Se sentant de toute évidence obligé de se justifier, il expliqua agressivement :

-Nous sommes déjà très en retard sur le programme, je ne vais pas en plus perdre du temps à cause de petits morveux qui refusent de travailler !

Il mentait, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. D'autant plus que sa peur était pratiquement palpable…

Mamori comprit une fraction de seconde avant que ne retentisse au loin, dans les couloirs, le très familier et très craint :

-YAAAAHA !

Fin.