Bonjour.

Voici (enfin) le nouveau chapitre de M&A. Je tiens à m'excuser pour cette longue période d'inactivité. Je travaillais beaucoup trop… c'est toujours le cas mais plus autant. La série me manque… Vous aussi ? Vous avez vu la BA d'Atlantis, la nouvelle série qui remplace Merlin ? Je suis sceptique. On retrouve la même dynamique et certains des mêmes acteurs. Retrouver Lady Catrina/The troll m'a bien fait rire. ^_^

Je ne vous cache pas que j'ai galéré pour ce chapitre… Oui encore. Je tiens à remercier Padoune2620, ma bêta adorée qui supporte mes frasques ainsi que Gargouilles et RoyalPrat pour leur soutien.

Vous êtes en droit de me lapider après ce chapitre.


Un peu d'histoire :

L'âge adulte au Moyen-Âge : classes . bnf . fr / ema / ages / index 3 . htm

Le mariage au début du Moyen-Âge : medieval . mrugala Mariage / Mariage . htm


Gwen

Je l'ai encore croisé hier. Vous me direz que c'est inévitable en vivant sous le même château. Rien d'exubérant. Rien d'inattendu. Rien de ce que je désir en secret depuis maintenant un an. Je ramenais un seau d'eau de la basse ville pour Morgana lorsque je les ai aperçus à l'opposé de la grande cours. Arthur, à cheval, et lui, à pied, se dirigeant vers les portes du château pour une quelconque raison. Il serait plus juste de dire qu'Arthur sortait. Merlin se contentait de lui courir derrière en le harcelant de questions, un pli d'inquiétude lui barrant le front. N'obtenant aucune réponse, il tenta de saisir les brides du cheval du prince. Il fut intercepté dans son mouvement par une tape sur le dos de la main. Arthur n'en attendit pas moins pour partir au trot, le laissant derrière lui. Merlin en resta coi, les yeux fixé sur la silhouette du prince jusqu'à ce qu'il disparaisse avant de faire demi-tour sans même un regard pour moi.

Un peu plus tard ce jour-là, je suis venu le visiter à l'Office. Toujours soucieux, il ne m'a pas une seule fois demandé de mes nouvelles, trop obnubilé par l'absence du prince. J'avais pourtant mis ma belle robe, cadeau de mon défunt père. J'en suis là, à regarder un homme de loin sans espoir de retour. Je pensais pourtant qu'il avait compris mes sentiments à son égard. Bon sang, je l'ai embrassé ! N'est-ce pas un signe suffisant ? Je n'en reviens toujours pas de mon audace d'alors. Dans mon souvenir, il m'avait semblé avoir apprécié le geste. Ce soir-là, après sa résurrection, je l'ai attendu dans ma chaumière, frémissant à chaque bruit de bas dans la rue… Malgré mes attentions à son égard au cours des dernières semaines, il n'est pas une seule fois venu me trouver pour en parler. Il n'est jamais venu malgré l'espoir que je nourris depuis bon nombre de mois. Nous avons pourtant discuté à de nombreuses reprises depuis lors… Jamais de ce baiser échangé. Au lieu de cela, il offre toute son attention à son prince tandis que moi, insignifiante servante, je me vois obligée de l'observer de loin. Encore aujourd'hui, j'en ai eu la preuve en empruntant le même couloir qu'eux. Il accompagnait Arthur comme à l'accoutumée. Accompagnait n'est pas le bon mot. Il lui courrait littéralement derrière chargé de diverses pièces d'armures. Il ne m'a même pas adressé un regard. En vérité, je ne pense même pas qu'il m'ait vue, obnubilé comme toujours par le bien-être du prince. Cela m'a peinée de le voir si soucieux du bien-être d'un homme qui ne le mérite pas. Certes, Arthur a changé depuis que Merlin est à son service. Il a changé en bien. Arthur n'est plus le tyran arrogant qui, jadis, terrorisait les serviteurs. Il est devenu plus sociable et paradoxalement, il s'est coupé de ses anciens amis chevaliers. C'est pour un mieux. Ils n'étaient pas d'une bonne influence de toute manière, toujours occupé à jouer de méchants tours aux autres. Non, pas de bonne influence du tout.

Je ne suis pas la seule à avoir constaté le changement qui s'est opéré. J'entends souvent des brides de conversations au marché. Tous l'ont vu. Tous en parlent à voix basse. Arthur se montre enfin à la hauteur de ce que le peuple réclame à larmes et à sang. Un Roi capable de les guider vers cette paix si longtemps souhaitée. Un Roi aimant et attentionné. Un Roi différent d'Uther Pendragon.

Arthur n'est pas encore parfait dans ce rôle de futur dirigeant mais il s'inquiète de plus en plus du bonheur de son peuple. C'est un premier pas vers un futur plus serein. À n'en point douter, Arthur sera un Roi bon s'il persévère dans cette voie. Je le sais. Je le sens dans mes tripes.

Qu'importe, il ne mérite de toute façon pas Merlin. Je suis sûr que celui-ci serait mort à l'heure actuelle s'il ne s'était pas réconcilié avec Arthur. Au fond de moi, je désespérais que cela arrive. Je n'aurais pas supporté qu'il disparaisse de nos vies. Non ! Et je pense sincèrement qu'Arthur ne s'en serait jamais réellement remis.

Je ne remercierai jamais assez Morgana d'avoir accepté de plaider en sa faveur auprès d'Arthur. Moi, je ne pouvais pas le faire. J'aurais sans nul doute fini au pilori pour ma témérité. Tout le monde est en vie au final et c'est le principal. Les habitudes ont repris leurs places à Camelot. Pourtant, je continue d'espérer un geste de Merlin bien que, peu à peu, je finisse par me résigner. Il ne m'aime pas. Tout au plus, je ne suis qu'une amie. Mon attachement envers Merlin ne sera jamais partagé, je le sais. Une amie… Rien de plus.

Un fait étonnant à pourtant marqué ma journée d'aujourd'hui de son empreinte. Alors que Merlin passait sans un regard, Arthur, lui, m'a vu et m'a souri. J'étais pourtant encombrée d'une pile de lingues. Et il m'a souri. Vous vous rendez compte ! Il m'a souri, à moi ! Une servante parmi tant d'autres. Je n'en reviens toujours pas. Mon cœur s'emballe en me rejouant la scène. Il n'est pas Merlin mais c'est toujours plaisant de ne plus se sentir quelconque, perdu dans la masse.

Je sais bien que je ne devrais pas réagir de la sorte, qu'il s'agissait plus d'un signe de reconnaissance que d'un signe de réel attachement. Néanmoins, je ne suis pas insensible au geste. Qui le serait ? Lui m'a vu alors que je me pensais invisible. Lui m'a souri tandis que l'homme que je chéris en secret passait sans un regard pour moi. C'est tellement inattendu, surtout venant de la part du prince. Depuis aussi loin que remonte ma mémoire, Arthur n'a jamais porté attention à aucune fille, exception faite de Morgana. Oh, toutes ont bien essayé d'obtenir ses faveurs, servantes comme princesses, mais ce, sans résultats… Et il m'a souri, à moi ! Je sais que ce n'est que par…Par quoi ? Par amitié ? Non. Par gratitude ? Peut-être. Mais c'est tout de même flatteur venant de lui. Il faut croire qu'il ne cessera jamais de me surprendre. Il ne se préoccupe plus uniquement de lui-même. Il s'est, en quelque sorte, ouvert aux autres comme si un voile invisible venait de s'envoler. Et je sais qu'on le doit uniquement à Merlin. Il a réussi là où tous ont échoué au fil des années. Avec ou sans son amour, je lui en serais éternellement reconnaissant pour cela.


Merlin

J'évite de justesse la porte des appartements princiers alors qu'elle m'est fermée violemment au visage. Deux jours que ce manège-là dur. Je laisse échapper un grognement de frustration sans même m'en apercevoir. Il va finir par me rendre fou ! Ma vie n'est qu'une succession de problèmes et de questions sans réponses. Pourquoi a-t-il fallu que je sois en charge du plus lunatique et imprévisible des princes en ce bas monde ? En quoi ai-je fauté cette fois ? Las et en colère, je m'adosse au mur derrière moi, face à la porte de ses appartements. Je suis perdu.

Deux jours plus tôt, la situation semblait de bonne augure, en voie d'amélioration. Tout d'abord, Arthur s'est comporté de manière polissonne en voulait me surprendre. Nous sommes tombés au sol et nous avons ri de notre bêtise. Cela faisait bien longtemps que je n'avais plus rit. Je crois qu'il en était de même pour lui. Ensuite, il m'a amené dans ce qu'il a appelé son refuge. Une magnifique berge cachée parmi les saules pleureurs. Un havre de paix où la lumière filtre entre les arbres créant une ambiance indescriptible. C'est de loin le plus bel endroit sur Terre qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent. Arthur m'a raconté les circonstances de la découverte de son refuge. Dire qu'il m'a surpris par ce geste est un euphémisme. Je ne le pensais pas si sensible, ni si concerné par mon bien-être. Je ne le pensais pas si tracassé pour avoir besoin d'un endroit où s'isoler. Je ne serais dire à quel point ce geste, surtout venant de sa part, m'a touché. Je pense le connaitre depuis le temps où je suis à son service. Il parvient pourtant encore à m'étonner. Ainsi, Arthur Pendragon a lui aussi un cœur même s'il le cache de toutes ses forces. J'en arrivais à douter de ce fait. Il faut dire à ma décharge qu'Arthur passe tout son temps à jouer au brave chevalier sans peur ni sans reproche…

Depuis mon retour des douves, je me suis efforcé de me montrer efficace et silencieux. N'est-ce pas, après tout, ce qu'on est en droit d'attendre d'un serviteur ? Il faut dire que je n'avais plus le cœur à plaisanter.

Pourtant, malgré tous mes efforts et mes convictions, il semblerait qu'Arthur me préfère bavard et impertinent. Et, à vrai dire, je me préfère aussi au naturel. Je ne sais combien de temps j'aurais encore pus maintenir cette mascarade en sa présence. Je n'ai finalement pas le cœur de me venger de sa personne bien qu'il l'aurait mérité.

Inévitablement, il a fallu que notre relation s'améliore et s'étiole dans la même journée. Arthur se comporte étrangement depuis la condamnation de Sir Melbourn… D'accord, il se comporte plus étrangement qu'à l'accoutumée. Il est taiseux, taciturne, plongé dans ses pensées une partie du temps. L'autre partie, il se contente d'essayer de me semer dans les couloirs du château. Il ne m'a pas adressé la parole depuis 2 jours, ni à personne d'autre, exception faite de son père. Ne parlons même pas du fait de l'avoir récupéré juste avant qu'il ne se jette dans le bûcher…

J'ai beau lui en vouloir de son attitude envers moi, je suis inquiet pour lui. Depuis quelques mois, Arthur est instable, changeant, voir irascible à certains moments. Je me demande bien la cause de tout ceci ? Quoiqu'il en soit, avoir récupéré Arthur à quelques pas de flammes de la taille d'un homme m'inquiète au plus haut point. J'ai déjà assez de difficultés à le maintenir parmi les vivants sans qu'il n'attente lui-même à sa vie. Est-ce à cause de la mort de Melbourn ? Oui, définitivement mais cela n'explique en rien le fait qu'il me fuit. M'en veut-il de mes propos à l'encontre de Sir Melbourn ? Je l'ai critiqué, c'est vrai. Quiconque sain d'esprit ferait de même. Melbourn n'était, passé l'horreur de son méfait, qu'un égoïste qui a condamné 5 personnes au tourment et à la moquerie : sa femme, ses 3 enfants ainsi que son apprenti chevalier et ce, uniquement par luxure déplacée. Tous se sont finalement vu bannir de Camelot. Est-ce cela la folie de l'amour ? J'ai du mal à concevoir que quiconque puisse risquer sa vie et celle de ses proches pour si peu.

Juste pour un baiser…

En vérité, je suis bien mal placé pour juger, moi qui suis incapable d'éprouver ne fusse qu'une infime partie de ce que les amoureux ressentent. Je n'ai jamais eu ce pincement au cœur, cette flamme qu'ils ont au fond des yeux. Peut-être est-ce dû à ma magie ? Non. Ce serait une explication trop simpliste, trop parfaite. Les autres sorciers éprouvent des sentiments, eux. C'est bien pour cette raison qu'ils s'en prennent aux Pendragon d'ailleurs…

Alors pourquoi suis-je si différent ? En toute sincérité, je ne veux pas être différent. Je le suis déjà bien assez à mon goût. Je ne peux qu'imaginer ce que serait une vie à deux, remplie de rires et de baisers. J'envie les couples, les époux, leurs complicités, leurs regards l'un envers l'autre. Je me contente d'observer de loin ce bonheur hors de ma portée. Oh, bien entendu, je pourrais essayer de me lier à une autre servante. Après tout, je ne pense pas être repoussant au point de faire fuir les femmes, loin de là. Alors pourquoi suis-je incapable de faire un geste vers elles ? La réponse est si simple… Ma magie. J'aurais beau me voiler la face autant que je le souhaite, voilà la raison de ma solitude forcée. Je me sens différent, je suis différent, je le serai toujours quoique je fasse. Différents de tous ces gens qui vivent dans ce château sans se douter une seule minute de la présence d'un sorcier à Camelot. Comment se lier à une personne tout en lui mentant quotidiennement ? C'est tout simplement impensable. Ils ne comprendront jamais la raison de tous mes agissements, Arthur le premier. Seule une autre sorcière pourrait me comprendre… encore faudrait-il qu'elles n'aient pas fuit Camelot… Peine perdu…

La seconde raison de mon absence de vie sociale n'est autre que le prince lui-même. Arthur ne me laisse que très rarement l'occasion de penser à moi-même, qu'il le veuille ou non. Il est déjà assez turbulent en journée sans que je doive lui sauver la vie, à son insu, la nuit. Le reste du temps, les corvées que Gaius me confie achèvent de combler mes journées….

Certains jours, il m'arrive de haire ma vie, de haire Arthur pour me faire vivre cette vie parsemée d'embûches et d'ennuis divers. Le reste du temps, j'accepte ma destinée plus par obligations que par réel choix.

Je suis de mauvaise foi, faute à une journée exécrable faite de courses dans les couloirs et de portes claquées. Travailler pour Arthur n'est pas toujours aussi désagréable que de le supporter… Ou bien est-ce l'inverse ? Il faut dire qu'il me tourmente à nouveau. Je nous pensais en bonne voie de réconciliation… jusqu'au bûcher. La mort de Melbourn l'a affecté pour une raison qui m'échappe. Il était un chevalier d'Arthur après tout. C'était une surprise pour nous tous qu'il soit devenu sodomite. Je peux comprendre qu'Arthur se sente trahi par Melbourn mais cela ne justifie en rien son mutisme constant ni son comportement odieux à mon égard. Je n'ai pas mérité pareil traitement ! Quel sera la prochaine étape ? Le retour aux douves ? Les cachots ? L'exil ? Dois-je essayer de le faire parler ? Dois-je le laisser en paix ? J'en ai assez de ménager ce sale prince capricieux !


Prit d'une bouffée de colère envers l'attitude du prince, je pénètre dans ses appartements avec cris et fracas, bien décidé à lui dire ses quatre vérités en face quitte à terminer au pilori ou au fond d'une geôle. Je suis à bout de nerfs. Cette situation est grotesque. Je n'en peux plus de ses frasques et de ses excentricités.

Arthur est posté à sa fenêtre, comme à l'accoutumée. Il se retourne à mon arrivée, plus surpris que fâché par mon acte. Sourcils levé d'étonnement, il a sa tête d'ahuri, celle qui lui donne un air idiot. Je m'arrête à un bon mètre de lui par prudence avant d'entamer un sermon qu'Uther lui-même aurait aimé tenir à son fils s'il n'était pas aussi aveugle le concernant.

-« Arthur, il faut que nous parlions ! J'en ai assez de votre comportement. Cela ne peut plus durer. Vous allez continuer longtemps à jouer avec moi de la sorte ? Personne ne comprend plus votre attitude. Je ne vous comprends plus. Vous m'envoyer paitre aux douves sur un coup de tête, le lendemain vous tenter de nous réconcilier pour à nouveau m'écarter de votre vie. Vous êtes peut-être prince mais cela ne vous donne pas tous les droits. Je vous apprends sans doute quelque chose en vous disant que le petit peuple dont je fais partie à, lui aussi, des sentiments. Des sentiments que vous bafouez depuis trop longtemps. Ça en devient risible. Le peuple commence à se poser des questions à votre sujet. Je ne…»

J'arpente la pièce de long en large, perdu dans mon élocution quand Arthur me coupe la parole d'une voix rauque.

-« Ce n'est pas prémédité... »

Arthur me fixe, une expression triste au visage, trop souvent arboré ces derniers mois.

-« Que se passe-t-il pour que vous soyez si changeant, Arthur ? Est-ce de ma faute ? Vous pouvez me parler, vous savez. Je ne suis en rien votre ennemi, loin de là. Je peux peut-être même vous aider…»

Je me tourne vers lui mais il ne semble pas prêt à réagir, les yeux dans le vague.

Je m'approche lentement de lui, préparé à fuir au moindre changement dans son comportement.

Précautionneusement, je dépose une main sur son épaule en l'appelant par son nom. Ses yeux trouvent instantanément les miens. Mon geste semble avoir délié sa langue momentanément.

-« Merlin… J'apprécie ta sollicitude mais je ne veux pas en parler. Je… Je me pose beaucoup trop de question récemment, tant concernant mon futur que me concernant personnellement. Sache juste que tu n'es en rien fautif de mon état… »

D'un mouvement lent, Arthur dégage son épaule de mon emprise.

-« Vous vous sentez bien ? »

Il hoche la tête mais je n'en crois rien.

-« Voulez-vous que je fasse mander Gaius ? »

Mouvement de négation.

-« Voulez-vous que je parte ? »

J'ai le cœur au bord des lèvres dans l'attente de sa réponse. S'il me chasse maintenant, je ne suis pas certain d'avoir la force de refaire un pas vers lui…

Autre mouvement de négation.

Je libère mon souffle que je ne me savais pas retenir. Peut-être reste-t-il de l'espoir nous concernant.

-« Voulez-vous que nous en parlions ? »

Mouvement de tête…. Non. Ses yeux me fuient à nouveau. Il m'écarte à nouveau… Bien ! Si lui ne veut pas aborder le sujet, je le peux tout du moins.

-« Cela concerne Sir Melbourn ? »

Vif comme l'éclair, ses yeux retrouvent les miens. Un tel amalgame de sentiments les traverse qu'il m'est difficile de leur donner un nom. Cependant, je peux voir sans mal sa peine transparaitre. Il est définitivement question de Sir Melbourn. Je ne peux le laisser seul dans cet état…

-« Venez, asseyons-nous. »

D'un geste, je lui indique la table à mes côtés. Arthur ne dit toujours rien. Il s'assoit dans sa chaise, celle en bout de table qu'il utilise habituellement pour les repas. Je me poste à l'autre bout pour ne pas l'effaroucher. Nous nous regardons un instant en chiens de faïence. Arthur m'observe, la mine triste. Je le sens bouleversé et, intérieurement, cela me tue à petit feu de ne pas pouvoir l'aider à aller mieux. En parler le soulagera peut-être…

-« Êtes-vous révolté contre Sir Melbourn pour ce qu'il a fait ? »

Haussement d'épaule. Il ne le sait pas. Il a l'air si perdu… Je le crois.

-« Vous voulez en parler ? »

Non.

-« Cela vous aiderait. Je sais que ce qu'il a fait vous a profondément blessé. Il a eu tort d'agir de la sorte et il en a payé les conséquences ! »

-« Vraiment ? »

Vraiment ? Mes sourcils se haussent d'étonnement avant de se froncer. Que veut-il dire par là ? Arthur s'est tu instantanément. Captivé, il gratte l'accoudoir de sa chaise d'un geste absent. Une minute de silence passe… Bientôt deux. Je m'apprête à parler lorsqu'il me précède de peu.

-« Savais-tu que Melbourn avait été mon premier instructeur lorsque j'ai commencé ma formation de chevalier ? Je n'avais que 10 ans à l'époque. Devant ma précocité, mon père avait insisté pour commencer mon apprentissage avant celle des autres enfants. Melbourn m'a accueilli malgré mon âge. Il m'a instantanément traité en adulte, ce que d'autres n'ont pas fait. Bien sûr, cela n'a duré que quelques mois, le temps qu'il soit affecté à d'autres tâches plus importantes... Je ne crois pas que quiconque s'en souvienne à Camelot. À l'époque, c'était un jeune chevalier fraichement promu, marié depuis à peine une année… Et son fils aîné venait de naitre… Et maintenant… »

Arthur se tait. Il n'y a rien à ajouter. Je suis sans voix. Je ne le savais pas. Rien d'étonnant à cela. C'était bien avant mon temps à Camelot, lorsqu'Arthur n'était encore qu'un enfant aux portes de l'âge adulte. En y réfléchissant bien, j'aurais dû m'en douter. Je comprends mieux les raisons de son mutisme. Tous à Camelot ne voyaient en Sir Melbourn que ses méfaits de chairs, que ses crimes. Arthur, lui, le voyait encore comme son instructeur et ami d'enfance… Le premier à l'avoir accepté parmi la chevalerie… Ce ne doit pas être évident pour lui de faire la part des choses entre le passé et le présent. Je ne suis même pas certain qu'il comprenne réellement les raisons du châtiment de Melbourn. Je comprends mieux sa réaction lors de son exécution.

-« Je suis désolé pour votre ami… »

Arthur a un rictus de mépris.

-« Merci… Pour ce que cela change… Cela ne le fera pas revenir… »

-« Ni les deux chevaliers qu'il a tué... »

Son regard me transperce de part en part. Il sait que j'ai raison. Il ne peut le nier. Ne fusse que pour les deux vies qu'il a prises, Melbourn méritait sa sentence. Il a mérité sa mort, d'une manière ou d'une autre...

Arthur se lève, sans doute vexé par ma remarque. Il se poste à nouveau devant sa fenêtre, contemple la cours en contre-bas.

-« L'aurait-on fait exécuter s'il ne les avait pas tué ? »

-« Difficile à dire… Vous connaissez votre père. »

Je n'aurais peut-être pas dû dire cela. Je sais à quel point Arthur est attaché à son père. Cela n'empêche qu'il doit apprendre à être objectif le concernant. Ma réplique n'a pas fait mouche. Le voilà en colère à présent… Mais toujours aveugle…

-« Je connais surtout l'agilité de la langue du vicaire. Ce serpent a sans nul doute aggravé les faits ! »

-« Je ne le pense pas. Quand bien même il se serait abstenu que les conclusions auraient été les mêmes… »

-« Pourquoi ? »

-« Arthur… »

-« Faisons abstraction des deux chevaliers morts. En quoi est-ce mal d'aimer une personne ? »

-« Ce n'est pas cela… »

-« Vraiment ? »

Je ne peux que lui donner raison. Oui, Melbourn est mort pour avoir aimé un homme. Il est mort pour avoir aimé un homme qui ne l'aimait pas en retour. Je n'ai pas envie d'en parler avec Arthur. En tant que serviteur de ce Royaume, il est de loin le mieux placé pour le savoir.

Tous à Camelot connaissent les lois imposées par la nouvelle religion. Tous la respectent, aussi bien les croyants que les païens qui vénèrent l'ancienne religion. C'est le prix à payer pour vivre en paix dans ce Royaume… Dans les autres aussi, à vrai dire. Tous ont adopté cette religion monothéiste, oubliant de ce fait leurs anciens Dieux, leurs cultures ancestrales, leurs savoirs transmis de pères en fils…

Triste constat découlant de la décision des puissants de ce monde. C'est 'l'évolution' imposé à ce monde qui, autre fois, vivait en harmonie avec la nature.

Je ne me considère pas comme croyant en la nouvelle religion… J'en serais incapable compte tenu de la magie qui coule dans mes veines. Je suis bien trop lié aux anciens rites même si je n'y ai jamais pris part. Je me contente juste de simuler les agissements des 'Chrétiens' bien-pensants. C'est un bien piètre sacrifice pour éloigner tout soupçon de ma personne. Ce n'est, finalement, qu'une mascarade que nous jouons tous. Malgré tout, j'y consens.

Dans ces circonstances, que suis-je sensé répondre à Arthur ? Je soupire lourdement. Pourquoi faut-il que nous en parlions ? Parce qu'Arthur l'a décidé, voyons…

-« Arthur, vous savez pourquoi Sir Melbourn a été condamné, n'est-ce pas ? »

-« Je ne suis pas idiot. »

Ce point reste à discuter…

-« Aux yeux de Dieu, Sir Melbourn a pactisé avec le Diable en acceptant cet amour pour Conrad… »

-« Aux yeux de Dieux ou à ceux du vicaire ? »

-« Sans doute aux deux. »

-« Dieu n'est-il pas sensé n'être qu'Amour et Pardon ? Où est-il le pardon pour Sir Melbourn ? » me crie-t-il.

-« Peut-être sera-t-il gracié aux portes des Enfers… »

Ma remarque arrache un rire grave et dédaigneux à Arthur.

-« Arthur, vous me posez des questions dont je ne connais pas les réponses. »

Il refuse toujours de me faire face. Il semble perdu dans ses pensées.

-« Merlin. »

-« Oui ? »

-« Ton village est-il aussi converti à la nouvelle religion ? »

Je ne m'attendais pas à cette demande. Où veut-il en venir ? En quoi mon village l'intéresse-t-il ? Que répondre ? La vérité, au risque d'attirer l'attention du vicaire sur mon village ? Arthur a beau être un idiot, il n'ira jamais en parler au vicaire, encore moins aujourd'hui qu'hier.

-« Certains villageois le sont. Une infime partie du village. »

-« Vous vénérez encore les anciens Dieux ? »

-« Nous respectons et vivons en harmonie avec la nature. Il y a bien longtemps que nous n'avons plus vu de druides dans notre région.»

-« Dans cette religion païenne, Sir Melbourn serait-il décédé ? »

-« Notre village se situe loin des villes… »

-« Tu ne réponds pas à ma question. L'ancienne religion l'aurait-elle condamnée à mort? »

J'aimerais lui dire non. J'aimerais lui donner un peu du réconfort dont il a besoin. J'aimerais…

-« Vous ne comprenez pas. L'ancienne religion n'est pas aussi stricte que la nouvelle. Rien n'est écrit sur du papier. Les druides considèrent l'écriture comme morte, comme trompeuse car à même d'être interprétée. Ils transmettent leurs savoirs par la parole de génération en génération. La vie de tous est en harmonie avec celui de la nature. Notre rythme de vie est emprunté à celui des animaux et des plantes. »

-« Vous qui vous dites si proche de la nature, vous pratiquez pourtant les sacrifices… »

-« Les druides pratiquent des sacrifices pour honorer les Dieux et prévoir l'avenir comme les chrétiens prient le leur dans le même but. »

-« Vous tuez des gens… »

-« Il est vrai. J'oubliais que la nouvelle religion ne tue personne… »

Le silence est de nouveau parmi nous. Je me sens irrité par ses paroles sans même en comprendre la raison. Il doit en être de même pour lui. Pourquoi sommes-nous si opposé alors qu'aucun de nous ne vénère réellement l'une de ces deux religions ? Pourquoi ce sentiment d'appartenance ?

Je ne devrais pas réagir de la sorte. Arthur cherche juste à comprendre le monde qui l'entoure. Il aimerait que je lui dise que son ami ne serait pas mort parmi les miens mais c'est une garantie que je ne peux lui donner.

-« Je ne sais pas. »

-« Hum ? »

-« Je ne sais pas si les druides l'auraient épargnés. Il en reste si peu de nos jours… Moi-même je n'en ai jamais vu dans mon village. »

-« Du fait de mon père… »

Comment le contredire ? J'hoche la tête. Il n'est finalement pas aussi aveugle que je le pensais.

-« Penses-tu qu'ils l'auraient laissé en paix ? »

-« Sincèrement Arthur, je ne le pense pas. Ils ne l'auraient peut-être pas tué pour l'amour qu'il portait à Conrad. Selon moi, ils se seraient contenté d'interdit cette relation. »

-« Pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi ils sont tous si prompt à les séparer. En quoi est-ce important de les opprimer ? Ils ne font rien de mal ! »

-« Arthur. Vous connaissez la réponse. Deux hommes ne peuvent procréer ensemble. C'est un fait. Une telle relation est, par conséquent, inutile et sans avenir. Voilà pourquoi la nouvelle religion bannit ce type d'amour. Voilà pourquoi l'ancienne religion les aurait séparés. »

-« Ne peuvent-ils donc pas les laisser vivre leurs vies au lieu de les persécuter ? Sir Melbourn ne faisait aucun mal.»

-« J'imagine que quelques individus isolés peuvent très bien influencer le plus grand nombre si on les laisse s'exhiber aux yeux de tous. Leurs différences représentent l'inconnu ce qui leur fait peur. Ils représentent de ce fait un danger pour la perpétuation de l'Homme et de la religion quelle qu'elle soit. Ils se doivent donc d'y mettre un terme pour le bien de tous. C'est une leçon que vous auriez pourtant dû apprendre de votre père... »

-« MERLIN ! »

Arthur s'est violement levé et me toise de toute sa hauteur. Je n'aurais pas dû dire cela, je le sais. Je ne suis pas vraiment moi-même depuis quelques jours, tout comme le prince, il semblerait. Quoiqu'il se passe, certaines choses ont besoin d'être dites.

-« La vérité vous dérange ? »

-« Ne dis plus un seul mot si tu ne veux pas… »

-« Finir dans les douves ? »

Ma remarque a eu le mérite de le calmer. Il n'accepte pas ce que je viens de dire. Il ne l'acceptera pas. J'ai pourtant raison. Il ne veut juste pas l'entendre… Comment lui faire comprendre ?

-« Imaginez que vous soyez amoureux d'un autre homme. »

-« Merlin ! »

Sa voix est sévère et rauque quoiqu'un rien vacillante, une mise en garde à ne pas dépasser ses limites, pourtant… J'espace chacune de mes phrases de quelques secondes de silence pour qu'il ait le temps d'assimiler mes propos.

-« Vous comprendrez peut-être les choses ainsi présentées. Imaginez être à la place de Sir Melbourn et aimer un homme comme on aime une femme… »

-« Tu dis des bêtises… »

Instantanément, Arthur s'est rassis, les yeux perdus dans le vague. Son intonation a perdu en puissance. Je crois qu'il commence à comprendre les raisons qui ont poussé le vicaire à condamner Sir Melbourn…

-« Imaginez qu'elle serait la réaction de votre père ? Sa rage…Son incompréhension… Son sentiment de trahison… »

-« ARRÊTE ! »

Arthur me fusille du regard, prêt à me violenter pour me faire taire. Je bénis ma présence d'esprit de m'être assis à l'opposé de lui. Il ne veut pas m'écouter, accepter la vérité telle qu'elle se présente à Camelot…

-« Que dirait le peuple lorsqu'il vous faudra une descendance ? Quelle femme choisiriez-vous tout en aimant un homme lorsqu'il sera temps pour vous de vous marier? Que dirons ses parents lorsqu'ils apprendront la vérité vous concernant ? Que dira-t-elle en vous sachant épris d'un autre. »

Arthur est livide à présent. J'ai dû le choquer par mes propos. Pour son bien, c'était la seule solution… Il faut qu'il comprenne au mieux le monde qui l'entoure afin d'y trouver sa place. Il est le futur souverain de ce Royaume, après tout.

-« Comprenez-vous pourquoi il est impossible tant pour la nouvelle que pour l'ancienne religion de laisser ce genre d'amour s'exprimer en public ? Comprenez-vous les raisons de la mort de Sir Melbourn ? »

Le prince hoche vaguement la tête. Je ne l'ai jamais vu aussi muet, mise à part ces deux derniers jours.

-« En s'exposant, bien qu'involontairement, aux yeux de tous, il a entrainé sa famille et son aimé dans sa chute. Il a condamné 5 personnes à une vie de misère loin de Camelot… Est-ce cela l'amour, Arthur ? Est-ce cela pour vous ? »

Je sais que mes propos l'ont blessé, d'une manière obscur et indéchiffrable. Je n'ai rien à ajouter. Je me lève pour sortir quand…

-« Merlin ? »

-« Oui ? »

-« Cette conversation n'a jamais eu lieu. »

-« Qu'elle conversation. »

J'ai droit à son premier sourire en deux jours et cela me suffit pour le moment. C'est, le cœur plus léger et le sentiment de devoir accompli, que je regagne l'Office de Gaius.


Arthur

Mon sourire de pacotille se fane une fois la porte refermée. Merlin, l'homme que j'aime plus que ma propre vie, vient de me briser le cœur en mille morceaux et avec lui, tous mes espoirs d'une future vie heureuse. Je suis prostré dans ma chaise, incapable de bouger. Je peine à respirer. Un poids immense repose sur ma poitrine. Je m'asphyxie. J'ai mal. Tellement mal. Je me sens si seul, incomplet et incompris dans ce château si peuplé de vie.

La seule personne à qui j'aurais pu parler n'est plus de ce monde. D'un coup de genou, je repousse violemment la table, envoyant valser les chaises dans un bruit assourdissant. Je n'ai même plus le courage de pleurer.

Merlin a raison. Il faut dire qu'il a toujours raison. Melbourn et moi-même avons pactisé d'une manière ou d'une autre avec le diable en acceptant cet amour. Nous sommes des pêcheurs condamné à faire souffrir ceux que nous aimons. Je me rends compte à présent que j'ai volontairement évité de penser à mon père, à la réaction qu'aurait Morgana, au désespoir qu'éprouverait le peuple de Camelot en sachant la vérité… A leur haine envers moi… A la déception que je représente…

Tout au long de mon apprentissage de chevalier, je me suis évertué à rendre mon père fier de moi. J'ai sué sang et eau afin de me perfectionner, jours après jours, dans le maniement des armes. Tous ces efforts pour en arriver là aujourd'hui ?

Non. Je ne peux plus me permettre d'espérer être aimé en retour. Merlin s'est montré assez clair à ce sujet. Je ne peux me permettre d'être aussi égoïste. Le peuple en souffrirait…

Je suis condamné à une vie en solitaire… à le regarder de loin sans jamais l'approcher. Il ne m'accepterait de toute manière pas à ses côtés. Même si cela me tuera à petit feu, c'est ainsi que cela doit être. Dans un dernier élan d'égoïsme, je prie intérieurement qu'il ne rencontre personne, qu'il ne se marie jamais. Ce serait mon coup de grâce. Je ne suis pas certain de supporter son bonheur avec une autre que moi. Jamais…

Je me glisse hors de ma chaise pour terminer à genou sur le sol. Me voilà réduit aux mêmes pratiques que tout homme. Mes mains se joignent et je me mets à prier, prier pour Melbourn, que son âme repose en paix, prier pour sa famille, puisse-t-elle trouver refuge, prier pour le salut de mon âme. Dieu, donne-moi la force…


Voilà. ^^ Les review sont toujours les bienvenues pour celles et ceux qui en ont le courage.