Disclaimer: l'univers de Pirates des Caraïbes ne m'appartient pas, propriété de Disney et de Jerry Bruckheimer.

Rating: T, rien de bien violent ou olé-olé, mais quelques sous-entendus.

Prologue

"Je suis la légendaire Anne Bonny ! » lança Elizabeth Swann avec emphase, perchée sur un rocher, agitant un bâton récupéré sur la grève en guise de sabre.

Si sa gouvernante, Miss Robbins, avait pu la voir à cet instant, elle en aurait fait une attaque. Les cheveux habituellement soigneusement coiffés en bataille, la robe maculée de sable mouillé retroussée au-dessus des chevilles, la jeune demoiselle n'avait vraiment pas l'allure qui seyait à la fille du gouverneur de Port Royal !

Mais quelle importance ? Les occasions de s'amuser devenaient de plus en plus rares alors qu'Elizabeth approchait de ses quatorze ans. D'autant plus lorsqu'il s'agissait de s'amuser avec Will Turner. C'était lui qui avait découvert la grotte en haut de la plage et lui en avait parlé, une semaine plus tôt. L'idée de s'y rendre sans prévenir personne pour y jouer en cachette aux pirates dès que l'apprenti forgeron aurait un après-midi de libre était, en revanche, de l'Elizabeth Swann pur-jus.

« Et moi je suis… le capitaine Kidd ! » clama Will avec un enthousiasme davantage destiné à faire plaisir à sa compagne de jeu que dû à un véritable engouement pour le sujet.

Elizabeth lui lança un regard navré. Elle ne comprenait pas comment un garçon cachant selon toute évidence un passé de pirate pouvait être à ce point ignorant en la matière, et toujours si réticent à l'aborder. Parfois, elle doutait que ce soit de la simple comédie pour ne pas attirer les soupçons.

« Le capitaine Kidd ne navigue pas avec Anne Bonny, expliqua-t-elle avec patience. Il est mort depuis des années. On l'a pendu et ensuite, on a suspendu son corps au dessus de la Tamise pour servir d'avertissement aux autres pirates, c'est le capitaine Norrington qui me l'a raconté.

– Waouh, fit Will, nettement plus intéressé par le sort du forban que par le jeu. Il y est resté combien de temps ?

– Je l'ignore. Miss Robbins est arrivée sur ses entrefaites et a dit à Norrington qu'il devrait avoir honte de raconter des horreurs pareilles à une jeune fille de bonne famille comme moi. Alors il s'est excusé, et depuis il prend bien garde de ne plus aborder le sujet. Chaque fois que la conversation devient intéressante, c'est la même chose. »

Elizabeth Swann donna un coup dans le vide avec son bâton pour évacuer sa frustration. Le seul but de sa gouvernante dans l'existence semblait d'ôter toute satisfaction à celle de l'adolescente dont elle avait la charge.

« Bon, alors, où en étions-nous ? Ah, oui. Pas de Kidd, même si vous avez le même prénom. Anne Bonny navigue avec le capitaine Rackham. Ou Calico Jack, si tu préfères. »

Will hocha la tête, faisant signe qu'il avait cette fois-ci compris son rôle. Elizabeth brandit une nouvelle fois son bâton.

« Je suis la légendaire Anne Bonny ! répéta-t-elle, essayant de rassembler la même conviction que précédemment, malgré l'effet légèrement éventé de la déclaration.

– Il n'y a franchement pas de quoi s'en vanter ! »

Les deux enfants sursautèrent au son de la voix qui venait de retentir, et découvrirent le capitaine Norrington qui pénétrait dans la caverne. Il affichait un air sévère qui ne promettait rien de bon.

« Miss Swann, tout le monde vous cherche depuis des heures ! La nuit va bientôt tomber ! Votre père se faisait un sang d'encre. Il n'a pas encore mobilisé toutes nos troupes, mais cela ne saurait tarder. »

Déconfite, Elizabeth sauta à bas de son rocher.

« Et vous, Mr Turner, que faîtes-vous ici ?

– C'est son après-midi de congé, et il a parfaitement le droit de se promener sur la plage ! intervint Elizabeth.

– Sans doute, mais il pouvait me l'expliquer lui-même, n'est-ce pas ? »

Cramoisi, Will balbutia une réponse inintelligible.

« Vous feriez mieux de rentrer, tous les deux. Miss Swann, je vous raccompagne. » trancha l'officier d'un ton sec.

Après avoir salué cérémonieusement Elizabeth et Norrington, Will prit ses jambes à son coup, soulagé d'avoir échappé à un sermon, mais craignant d'éventuelles suites à son escapade. Si le gouverneur venait se plaindre à Brown de sa conduite, il pourrait dire adieu à son apprentissage.

Elizabeth le vit s'éloigner avec dépit, et ignora le bras que lui tendait obligeamment Norrington.

« C'était mon idée, déclara-t-elle un peu plus tard, alors qu'ils quittaient la plage, avançant d'un bon pas. Nous n'avons pas vu le temps passer. Je ne veux pas que Will ait d'ennuis.

– Il ferait néanmoins bien de réfléchir à deux fois aux conséquences de ses actes, rétorqua le capitaine. Ce n'est pas votre domestique, il n'a pas à vous obéir au doigt et à l'œil.

– Et je ne le traite pas comme un domestique. C'est mon ami, protesta Elizabeth.

– Vous ne serez bientôt plus des enfants tous les deux. Je sais que cela n'a rien de réjouissant, mais il ne faut plus vous livrer à des fugues de ce genre, dans votre intérêt à tous deux. Enfin, j'imagine qu'il est inutile de vous réprimander davantage, votre gouvernante s'en donnera à cœur joie. Je peux cependant ne pas mentionner le jeune William, si cela vous rassure. Vous serez simplement partie vous promener seule. »

Le ressentiment qu'Elizabeth éprouvait à l'égard de Norrington s'apaisa légèrement. Il n'était pas si terrible malgré son côté pompeux et moralisateur. Et sa fâcheuse idée, depuis sa promotion de capitaine, de porter une perruque poudrée. Le but était sans doute de se donner un air plus âgé et autoritaire pour en imposer à ses subordonnés plus âgés que lui, mais la jeune fille avait du mal à percevoir l'intérêt d'avoir l'air d'un vieux crouton avant l'heure. Elizabeth savait, pour avoir entendu les demoiselles de son entourage en parler, que le capitaine faisait tourner bien des têtes, mais de son côté, elle restait insensible à ses charmes. Il était certes plutôt beau, mais bien trop vieux pour elle. Au moins dix années les séparaient. Il ne pouvait de toute façon pas rivaliser avec Will. Will était un pirate, après tout.

« Comment avez-vous deviné où nous étions ? demanda-t-elle d'un ton plus léger.

– Oh, vous savez, quand on veut attraper des pirates, rien de tel que penser en pirate, répondit malicieusement Norrington. Et où se cacheraient-ils, sinon dans une grotte du bord de mer ? Non, en réalité, cela tient plus du hasard. »

Le trajet de retour dans la fraîcheur du soir fut relativement agréable, jusqu'à ce que le gouverneur Swann et Miss Robbins se précipitent à leur rencontre. Elizabeth observa avec agacement son père se répandre en remerciements auprès de Norrington – comme s'il l'avait sauvé des griffes de forbans sanguinaires ! – tandis que Miss Robbins lui promettait une liste de punitions qu'elle n'oublierait pas de sitôt. Elizabeth soupira. Elle venait peut-être de vivre sa dernière sortie en compagnie de Will. Si seulement le sort pouvait la lancer sur une voie plus inattendue que celle annoncée depuis sa naissance, celle d'une sage fille de bonne famille destinée à un beau mariage…

Le capitaine Chevalle, Seigneur des Pirates de la Méditerranée, se frayait péniblement un chemin parmi la foule bariolée de la Baie des Naufragés. Machinalement, il plongea la main dans la poche de son lourd manteau et la retira, rassuré. Elle était toujours là. Au milieu de tous ces voleurs, on ne savait jamais…

« Eh, toi, mon garçon, lança-t-il en tirant sur sa fine moustache d'un air avantageux à un jeune homme athlétique au teint basané après lui avoir jeté un regard appréciateur, est-ce que le capitaine Teague est là ?

– Il vous attend », répondit le pirate en se poussant de la porte contre laquelle il était appuyé, faisant place au Seigneur des Pirates et le gratifiant d'un mince sourire.

Chevalle pénétra dans la pièce et vérifia que le jeune homme s'éloignait avant refermer l'embrasure et de s'avancer vers le capitaine Teague, qui grattait une guitare et ne s'était pas levé à son approche.

« Je l'ai, annonça Chevalle fièrement, sortant de sa poche une petite boîte en bois d'olivier, curieusement ouvragée.

– Bien joué, » approuva simplement Teague en la manipulant avec précaution.

Chevalle, un peu contrarié, s'éclaircit la gorge :

« Je ne l'ai pas trouvé sans mal, mais j'ai réussi. Une quête digne de rentrer dans la légende.

– Sans doute, répondit Teague en dévisageant pour la première fois le pirate français attifé comme un courtisan. Hélas, pour des raisons évidentes, vos exploits devront rester strictement confidentiels. Si je vous ai demandé de retrouver cet objet et de me l'amener, c'est pour qu'il soit en sécurité ici, au secret, non pour que tout le monde connaisse son emplacement. Mais vos services ne sont pas oubliés. »

D'un geste de la main, il désigna un coffre de taille moyenne qui attendait sur une table. Le visage outrageusement fardé de Chevalle s'éclaira à la vue des doublons qu'il contenait.

« La générosité du Gardien du Code est proverbiale, souffla-t-il.

– En paiement de votre aide. Et de votre silence. Vos hommes en savent-ils long sur cette affaire ?

– À l'exception de mon second, et il est digne de confiance, autant qu'on peut l'être dans notre branche, rien du tout. Ce qui m'a valu quelques récriminations. Les hommes n'aiment pas chasser un trésor dont ils ne verront jamais la couleur.

– Le contenu de ce coffre devrait les consoler. »

Chevalle blêmit :

« Vous voulez dire que je dois partager ? Je pensais qu'il s'agissait de la récompense pour mes services, uniquement ! Je renonce déjà à la gloire qu'aurait dû m'apporter les exploits que j'ai accomplis ces derniers mois, s'il faut en plus abandonner les richesses ! Je suis un loyal serviteur du Code, comme tout le monde, mais je n'en reste pas moins un capitaine de la flibuste !

– À vous de diviser les parts comme vous l'entendez. Contentez-vous d'oublier cette boîte, désormais. »

Avec un geignement, Chevalle sortit, le coffre calé sous le bras. Regardant autour de lui, il constata, pour parachever sa déception, que le jeune flibustier musclé avait disparu. Tant pis. Autant obéir à Teague et ne plus penser à cette fichue boîte et aux difficultés qu'il avait eu pour l'obtenir. Il avait été presque tenté de la garder pour lui, mais il ne regrettait pas, à présent, d'avoir suivi scrupuleusement les ordres du Gardien du Code. Certains objets de pouvoir étaient bien trop puissants pour être utilisés par de simples mortels, fussent-ils des pirates de haut vol tel que lui-même.

Resté seul dans la cabine d'un ancien galion échoué depuis des années, Teague continua de faire tourner la boîte entre ses doigts calleux. Chevalle avait beau se pavaner comme un paon et se pousser du col à la moindre occasion, sa mission avait été délicate, et il s'en était tiré avec les honneurs. Désormais, l'objet était en sécurité au cœur d'une forteresse imprenable. Celui qui le convoitait ne mettrait pas de sitôt la main dessus. Non, il ne mettrait jamais la main dessus, ni lui, ni tous ses semblables assoiffés de désir de domination, prêts à balayer la traditionnelle lutte entre pirates et représentants des marines de toutes les nations pour leur propre profit.

À suivre.

Voilà, voilà ! Il s'agit pour l'instant d'un simple avant-goût, l'histoire ne démarre vraiment qu'au prochain chapitre, qui se déroule quelques années plus tard, après les événements du premier film. À bientôt !