Cet OS a été écrit dans le cadre de la onzième nuit du FoF pour le thème « gâteau ». Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide et s'amuser entre nous. Vous trouverez le lien dans mes auteurs favoris. Viendez !

Disclaimer : les lieux et personnages de la saga Harry Potter appartiennent à JK Rowling. SI c'était à moi, vous le sauriez, parce que je n'aurais pas manqué de le faire savoir à la face du monde.

Note : le titre de ce recueil est la première chose qui m'est venu quand je cherchais quelque chose en rapport avec « cousins ». Ca n'a pas grand-chose à voir avec les OS qui suivent, mais finalement l'idée est la seule qui me soit restée et la famille Addams était culte pour moi quand j'étais jeune.

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Sirius se souvenait parfaitement du jour où il avait compris ce qu'était l'injustice. La plupart des choses de la vie s'apprenaient au fur et à mesure, les valeurs se construisaient petit à petit et les normes sociales s'acquéraient progressivement, sans que, une fois adulte, on ne se souvienne exactement comment ça nous était venu.

Mais pas pour Sirius, en ce qui concernait l'apprentissage de la justice et l'injustice. Cette leçon-là, il s'en rappelait comme d'un événement marquant de son enfance, au milieu de nombreux autres événements devenus plus flous avec le temps.

Oh, bien sûr, les Black avaient toujours eu des valeurs critiquables, et ce bien avant que Sirius n'ait la capacité de s'en rendre compte. Bien avant sa naissance à vrai dire. Des générations et des générations avant. Quant aux normes sociales, les Black n'adoptaient que celles de leur rang, ils étaient donc conformes. Pas conformes à la société anglaise, ni même à la société sorcière. Mais conformes à leur microsociété, ça oui.

Bref, il s'agissait là d'un autre débat. Pour Sirius, avoir sa culture ne justifiait pas une injustice telle que celle qu'il avait vécue. Il avait environ neuf ans, et Orion et Walburga organisaient une grande réception pour le soir même. Toutes les familles influentes étaient invitées : les Malefoy bien sûr, mais aussi les Rosier, les Lestrange, les Wilkes, les Avery, et son oncle Cygnus et sa tante Druella également. Ses cousines, cependant, ne seraient pas là. Elles étaient à Poudlard, et pour la première fois, Sirius les enviait. Il n'avait jamais été particulièrement impatient d'y aller, parce que ses parents lui avaient expliqué qu'il serait mêlé à des enfants inférieurs à sa condition, et Sirius n'avait jamais été mêlé à des enfants inférieurs à sa condition. Ca lui faisait peur, et il n'avait absolument aucune envie d'essayer.

Non, il était très bien au Square Grimmaurd. Certes, il se disputait souvent avec son frère qui n'était qu'un petit pleurnichard, mais quoi qu'il en dise, il devait bien admettre qu'il aimait jouer avec lui, la plupart du temps. Ses parents le disputaient parfois, mais ils lui répétaient aussi régulièrement qu'il deviendrait un sorcier puissant et respecté, et cela le faisait se sentir incroyablement fier. En plus, Kreattur lui cuisinait de bons petits plats, et si Sirius le trouvait souvent bête avec son air pathétique et soumis devant ses parents, il avait bien compris, sans pourtant être en capacité de le verbaliser, qu'il n'y avait aucun mal à le mépriser tout en profitant allégrement de ses talents.

Donc Sirius n'avait pas hâte d'être à Poudlard. Mais en ce moment même, il aurait tout donné pour être à la place de ces trois enquiquineuses qui le traitaient comme un bébé et le mettaient systématiquement à l'écart de leurs préoccupations. Ces cousines, oui.

Depuis quelques jours, Orion et Walburga étaient insupportables. Oh, ce n'était pas la première fois qu'ils organisaient une réception, mais d'habitude, Sirius était laissé à la garde de Kreattur pour la soirée. Il avait pour ordre de rester dans sa chambre, de rester calme et de ne pas faire de vagues. Kreattur passait le voir régulièrement, entre deux services auprès des invités. Sirius s'ennuyait souvent lors de ces soirées, mais il pouvait aller voir son frère dans sa chambre et, ces soirs-là, comme Regulus s'ennuyait autant que lui, ils étaient solidaires et ne se chamaillaient pas.

Ce soir, pourtant, ses parents avaient décidé que Sirius était devenu assez grand pour ce joindre à eux. « Pour apprendre à te tenir comme un sorcier de ton rang » avait dit son père, « en prévision de Poudlard où tu devras montrer à tous qui tu es et faire honneur à ta famille » avait ajouté sa mère.

Donc, en prévision comme elle le disait si bien, ses parents ne lui passaient absolument rien et cela faisait plusieurs heures que Sirius n'entendait que des injonctions. « Tiens-toi droit », « redresse la tête », « arrête de balancer ta jambe », « ne triture pas tes ongles »… Evidemment, ses parents demandaient à ce qu'il se tienne droit et calme en toute circonstance, mais parfois, ils avaient l'indulgence de comprendre qu'il était un enfant, même s'ils n'omettaient jamais d'ajouter « dans quelques années, il comprendra et sera irréprochable ». Mais « dans quelques années » semblait tellement lointain à Sirius qu'il n'y prêtait guère attention.

Là, ça devenait invivable. Ses parents n'avaient que les noms des invités à la bouche, et toute la fierté qu'ils éprouvaient pour Sirius avait disparu au profit d'exigences implacables. Et Sirius en avait assez maintenant. Son frère ne cessait de répéter qu'il avait de la chance, qu'il serait avec les grands et pourrait tout lui raconter de ce qu'il s'y passait. Sirius avait été fier au début, c'était certain. Regulus et lui avaient imaginé nombre de choses à propos de ces dîners, et qui plus est, ils salivaient à la vue des plats que préparait Kreattur, quand eux n'avaient droit qu'à un repas banal. Et encore, en dessous de banal même, puisqu'il fallait que ce soit vite fait afin que l'elfe ait tout son temps pour le dîner des invités, or en temps normal les repas journaliers au Square Grimmaurd n'étaient jamais vite faits.

Assis sur l'une des chaises de la cuisine, Sirius attendait l'heure fatidique. Les invités arriveraient dans quelques minutes. Il était vêtu d'une robe noire coûteuse que ses parents avaient achetée spécialement pour l'occasion, et dans laquelle il se sentait mal à son aise, comme s'il n'était plus lui mais une sorte de pantin maladroit. Sur la table se trouvait le gâteau que Kreattur venait de déposer. C'était plus qu'un gâteau, même, c'était une véritable pièce montée, avec diverses couches de biscuit, de mousse et de fruits frais.

« Sirius, lève-toi et montre-moi comment tu dois me saluer si je suis un invité ».

La voix de son père était posée mais n'admettait aucune contestation. Sirius pourtant se braqua, complètement à bout maintenant :

« Je l'ai déjà fait cent fois, je sais le faire, c'est bon ! »

Il n'avait regardé personne en disant cela. « Sirius », prévint sa mère du ton qui annonçait généralement les beuglantes vivantes. Son père pourtant ne dit rien mais Sirius sentit son regard. Lorsqu'il leva les yeux vers lui, se fut pour tomber sur un regard encore plus noir que sa robe. Ignorant ces avertissements pourtant plus qu'explicites, Sirius s'en tint à sa conduite, nourri par sa frustration et la colère qui l'envahissait toujours plus depuis le début de la journée. Soudainement, il décida qu'il s'en tiendrait à sa révolte, et il la laissa monter en lui.

« Lève-toi immédiatement », ordonna son père sèchement.

Et le corps de Sirius réagit à l'injonction brusquement, sans qu'il puisse y réfléchir. « J'en ai marre ! », hurla-t-il. Il se leva, faisant tomber sa chaise, bousculant la table. Et le gâteau, la pièce montée, se fracassa au sol.

Le silence était assourdissant. Sirius resta immobile, le cœur battant, la crainte ayant remplacé la colère. Soudain, son père le saisit violemment par le bras, le serrant à lui en faire mal. Sa mère s'époumona. Mais tout à sa frayeur, Sirius n'entendit rien, ni de ses hurlements, ni de la sentence annoncée dans un chuchotement menaçant par son père lorsqu'il le balança littéralement dans sa chambre.

Aux cris de Walburga vint bientôt se mêler celui de la sonnette de l'entrée, et, le cœur battant à tout rompre, Sirius voulut ouvrir la porte pour écouter ce qu'il se disait en bas. Mais sa porte était fermée à clés, évidemment. Il se jeta sur son lit et pleura de toutes ses forces, donnant des coups de poing à son oreiller pour tenter d'évacuer son mal.

Plusieurs jours plus tard, lorsqu'il eut à nouveau le droit de sortir de sa chambre, il apprit par Regulus, le seul qui lui adressait la parole, ce qu'il s'était passé. Quand les premiers invités étaient arrivés, Kreattur était encore en train de nettoyer la saleté laissée par le gâteau détruit et de ramasser les débris de vaisselle. Orion et Walburga, en quelques secondes, avaient orchestré une mise en scène dans laquelle ils punissaient l'elfe et l'accusaient d'être responsable du carnage. Regulus expliqua « ils ont dit que les autres familles de sang pur ne devaient pas savoir qu'un tel manque de retenue et d'attention venait de l'héritier de notre famille ».

Kreattur était donc une cible facile. Et bien évidemment, il avait accepté sa punition sans broncher, et s'en était rajouté d'autres par lui-même. Et quand Sirius le vit, brûlé, saignant et courbaturé, il se sentit effroyablement coupable.

Bien sûr, il n'aimait pas Kreattur depuis longtemps, et ça ne changerait pas avec le temps. Ca deviendrait pire, même. Mais accuser un parfait innocent pour sauver son image, Sirius se souvenait encore aujourd'hui du choc que lui avait procuré cette machination, organisée en quelques secondes avec un naturel inouï et sans une once de culpabilité.

L'incident avait fini par passer et la vie avait repris ses droits au Square Grimmaurd. Mais cet épisode lui était resté, comme un souvenir d'enfance marquant et formateur.

Et au cours de ses années à Gryffondor, au cours de sa révolte et après sa fuite, à chaque fois qu'il versait des larmes sur le soutien et l'approbation familiale qu'il n'avait plus, il se remémorait ce type d'événements pour se convaincre qu'il avait fait le bon choix.

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