Cet OS a été écrit pour la 115ème nuit du FoF, en un peu plus d'une heure, pour le thème « partir ». Le FoF est un forum francophone où l'on peut venir jouer et discuter de tous sujets concernant la fanfiction (lien sur mon profil ou dans mes auteurs favoris).

Disclaimer : rien à moi, à JKR.


Partir.

Se séparer. Faire ses choix, les assumer.

C'est ce qu'avait fait sa sœur Andromeda, avec perte et fracas.

C'est ce qu'avait fait sa sœur Bellatrix, non dans une opposition aux valeurs familiales pour sa part mais avec tout autant d'affirmation d'elle-même : elle était désormais décisionnaire de son avenir et l'influence parentale n'avait plus droit de citer.

Narcissa aussi avait quitté la maison. Elle était devenue la jeune femme dont sa mère lui avait si souvent parlé : « un jour, ma petite fille, tu auras un bon mari qui prendra soin de toi et tu seras précieuse pour la communauté magique ».

Elle avait été présentée à Lucius quelques années auparavant et, si ça n'avait pas été le coup de foudre immédiat, elle avait appris à l'aimer. Il la traitait convenablement, elle avait une situation confortable et tous deux partageaient un projet d'enfant qui la rendait heureuse.

Un jour cependant, Bellatrix se présenta devant sa porte et s'invita d'autorité dans son salon.

A contrecœur, Narcissa retrouva ses bonnes manières et lui servit un verre de whisky pur feu. Puis elle s'assit en face de sa grande sœur, les mains sur ses genoux. Si elle s'était arrêtée deux secondes sur sa posture, Narcissa aurait compris que ce geste était à lui seul un mauvais présage tant elle se comportait comme une petite fille sur le point de se faire sermonner, alors qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qui justifiait cette visite surprise.

Bellatrix porta son verre à ses lèvres, prit une gorgée délibérément lente puis, avec une théâtralité exagérée, toujours en silence, reposa son whisky sur la table et releva la manche de son pull jusqu'à son avant-bras.

Narcissa se força alors à regarder en face la marque noire qui apparaissait devant elle, puis, en direction de sa sœur qui ne disait toujours mot, leva un sourcil interrogateur.

« Oui ? » Questionna-t-elle pour rompre le silence qui s'éternisait.

« Qu'est-ce que tu vois, là, Narcissa ? » Interrogea son interlocutrice d'une voix condescendante.

Narcissa sentit immédiatement une rancœur enfouie s'éveiller en elle.

« Oh je t'en prie, Bellatrix, ne joue pas aux devinettes avec moi. Je ne suis plus une gamine, tu sais ! »

« Vraiment ? Je te trouve pourtant bien collée encore aux jupes de mère », asséna Bellatrix d'un ton définitif, sans chercher le moins du monde à faire preuve de diplomatie.

« Pardon ? » S'étrangla la cadette.

« Il est temps de grandir, Narcissa ».

« Et si tu étais plus claire ? » S'impatienta l'interpelée.

« Oh mais je vais être très claire. Il est temps de sortir du petit modèle propre et bien rangé dans lequel mère voudrait nous voir rentrer », développa Bellatrix avec hargne.

« Je ne comprends pas de quoi tu me parles, Bellatrix. J'ai quitté la maison depuis longtemps, si tu te souviens. Qu'est-ce que mère vient faire là-dedans ? »

« Partir ne signifie pas grandir, petite sœur ! Tu es partie physiquement, mais tu es restée bien engluée dans le schéma familial ».

« Et en quoi as-tu grandi davantage que moi ? Si tu me disais une bonne fois pour toute quel est l'objet de ta visite ? Je commence à en avoir assez de tes insinuations sans queue ni tête ».

Toujours théâtrale, Bellatrix marqua un nouveau temps d'arrêt, prenant une autre gorgée de son whisky pour se donner une prestance. Puis elle sembla jeter un regard amoureux en direction de la marque des ténèbres sur son avant-bras et enfin, fixa son regard sur sa jeune sœur qui se retenait d'exploser par toutes les fibres de son être.

« Je veux que tu prennes la marque des ténèbres », déclara-t-elle enfin d'un ton solennel.

« Pardon ? » Répéta Narcissa pour la seconde fois en quelques minutes.

« Tu m'as bien entendue. Le Seigneur des Ténèbres est la seule et unique alternative pour notre société. Tu le sais, du moins je l'espère. Ne fais pas comme père et mère qui sont d'accord avec cette idée mais attendent en silence que d'autres fassent le travail ».

« Lucius porte déjà la marque, je pense que ça en dit suffisamment long sur l'engagement de notre famille ». Parler de son mari pour se dédouaner avait tout d'une défense bancale, Narcissa le savait bien. C'était irrecevable pour sa sœur, clairement. Mais, prise ainsi de court, il fallait bien trouver quelque chose à dire et surtout, ne pas bafouiller. Ne pas montrer la moindre hésitation, car Bellatrix s'y engouffrerait telle une sangsue.

L'argument, de fait, ne passa pas. Bellatrix rejeta sa tête en arrière et éclata d'un rire diabolique.

« Lucius ! VOTRE famille ! Oh ma pauvre... » Elle semblait en perdre ses mots d'indignation.

« Arrête ! » Narcissa aurait aimé que cette injonction paraisse ferme, mais c'est davantage un gémissement qui franchit ses lèvres. Elle sentit son estomac se nouer et une envie de vomir lui monter à la gorge.

L'expression de l'implacable mépris de sa sœur la rendait malade et la mettait méchamment en colère. Mais que dire ? Comment se défendre face à une telle impossibilité de formuler un avis différent ?

Alors elle se défendit pitoyablement. Ne refusa pas formellement la marque mais dit qu'elle ne savait pas, qu'on verrait... Resta loyale à Lucius en ventant son indéniable implication.

Bellatrix finit par s'en aller, promettant qu'elles en reparleraient. Narcissa acquiesça et referma précipitamment sa porte derrière son aînée, soulagée temporairement et refusant de penser au moment où cette conversation reviendrait à l'ordre du jour.

Lorsque Lucius rentra ce soir-là, elle ne lui souffla mot de cette visite. Mais elle s'empressa de lui reparler de leur projet d'enfant, mettant une pression à son mari que ce dernier ne sembla pas comprendre. Pourquoi, d'un seul coup, ceci devenait-il si urgent ? Oui, lui aussi voulait un héritier mais ils avaient le temps, non ?

Non. Il n'y avait pas de temps à perdre. Depuis que sa sœur avait franchi le seuil de sa porte quelques heures plus tôt, Narcissa ne pouvait se défaire du sentiment d'urgence qui lui vrillait les tripes.

Certes, ses choix étaient moins spectaculaires que ceux de ses sœurs, depuis qu'elle était partie du domicile familial pour construire sa vie d'adulte. Mais n'en déplaise à Bellatrix, elle aussi avait grandi et ferait ses propres choix de vie. Elle les assumerait et espérait, secrètement, qu'une fois enceinte puis avec un bébé dans les bras, sa sœur mangemort la préserverait de ses assauts agressifs.