27 L'amour guérit tous les maux.

Onze mois étaient passés maintenant, et Pimpol Têtenbois pensa qu'il était temps de passer à la vitesse supérieure. Harry était prêt à supporter le choc. Le vieil homme sans âge regarda d'un œil intéressé et interrogateur Harry traverser le salon et s'asseoir sans un mot sur son fauteuil devenu familier avec le temps, le visage fermé et les poings serrés. Apparemment ça n'allait pas très fort aujourd'hui.

-Mauvaise journée ? Lui demanda-t-il pour essayer d'évacuer le mal-être tangible du survivant et sa magie un peu trop présente qui sortait de plus en plus souvent ces jours-ci. Tu veux peut-être m'en parler ?

-Il m'évite encore, après tout ce temps c'est incroyable, non ! J'ai beau faire tous les efforts du monde il continue de m'ignorer. Je ne sais pas ce que je pourrais faire dans ces moments-là tellement je suis en colère ! Se défoula Harry en criant, ce que ne lui reprocha pas Pimpol qui savait les tourments de Harry.

-Pourquoi j'ai l'impression que tu ne me parles pas d'un homme quelconque ?

-Peut-être parce qu'il ne l'est pas et qu'il ne le sera jamais.

-Donc il compte énormément pour toi puisque son indifférence à ton égard t'horripile et te fait mal. J'ai l'impression que tu aimerais qu'il se rapproche un peu plus de toi, est-ce le cas, Harry ?

-On peut dire ça, oui.

-Il suscite chez toi des sentiments profonds, n'est-ce pas ?

-Peut-être, fit du bout des lèvres Harry.

-Des sentiments amoureux sans doute ? Et ne vois là aucun reproche de ma part, Harry, se hâta de dire l'homme avant de voir la magie du survivant refaire des siennes dans son salon.

-J'aime cet homme, c'est vrai. Je l'ai déjà aimé par le passé, mais très mal, et il m'en veut à cause de ça. Mais ça je le sais, Pimpol, pas la peine de parler de ça !

-Je ne pense pas qu'il t'en veuille parce que, comme tu dis, tu l'as très mal aimé, continua le psychomage malgré tout. Il a certainement été déçu de voir que tu ne voulais pas te remettre en question, il a peut-être été déçu que tu ne te sois pas aperçu que lui était amoureux de toi, il espérait probablement plus de ta part. Un plus que tu n'as pas voulu lui donner, ou pas su, qu'en penses-tu ?

-C'est vrai, à ce moment-là je n'étais pas prêt, je les pensais encombrants, ennuyeux et indifférents à mon égard. Et il était trop tard ensuite quand j'ai pris véritablement conscience de leur importance pour moi, avoua Harry sans qu'il ne se rende compte qu'il parlait de deux personnes.

-Comment est cet homme dans la vie ? Fit Pimpol sans appuyer sur le lapsus involontaire….. ou pas, pensa-t-il.

Harry ricana, décrire Severus Snape n'était pas une chose aisée, et franchement qui le pourrait d'ailleurs ?

-Et si je vous disais plutôt son nom, après tout vous le connaissez, vous aurez une idée plus précise du personnage.

-Tu n'es pas obligé, Harry.

-Je sais, je sais aussi que vous garderez l'info pour vous, je vous fais confiance maintenant.

-Dans ce cas pour faire bonne mesure donne moi aussi le nom de l'autre homme, sourit Têtenbois avec un air de celui qui savait tout, un peu comme Albus.

-Oh ! Vous savez ?

-Savoir non, j'ai juste deviné dans tes paroles, mon enfant.

-Ils sont formidables, Pimpol. Je n'ai simplement pas su le voir à temps, s'emballa Harry.

-Et maintenant ?

-Je veux refaire parti de la vie de Severus et de Lucius, un jour, quand ils m'auront pardonné, s'ils le font.

-Pourquoi ne le feraient-ils pas maintenant ? Fit Pimpol, pas étonné du tout d'entendre qu'Harry parlait de ses deux amis.

-Ils ont souffert à cause de moi, et Severus ne veut plus me regarder ni même m'adresser la parole, quant à Lucius c'est tout juste s'il me dit bonjour quand il vient me chercher pour venir ici, alors vous voyez.

-Et toi tu as souffert à cause de tes moldus et de Voldemort, et inconsciemment peut-être à cause d'eux aussi ?

-C'est juste, mais ce n'est pas la même chose, Pimpol.

-Alors éclaire-moi et dis-moi pourquoi ce n'est pas la même chose, Harry Potter, celui qui garde tout pour lui ? s'amusa le psychomage.

Harry souffla de lassitude puis peu à peu il parla de ses moldus, puis de Tom Jédusor et ensuite de Severus. Et sans qu'il n'y prit garde les mots s'échappèrent de sa bouche sans discontinuer. Il raconta tout, sa première rentrée à Poudlard, sa première rencontre chaotique avec Severus et avec Voldemort. Son premier duel avec le Lord Noir, la mort de Cédric, ses cauchemars, la douleur d'avoir perdu Sirius et la joie de l'avoir retrouvé.

Il raconta ses parents, sa jeunesse, sa soi-disant famille aimante, ses espoirs déçus, la sévérité de son maître des potions à son encontre alors qu'il n'était encore qu'un gamin qui ne savait pas pourquoi l'homme lui en voulait tellement, se demandant pourquoi il était si souvent puni dans les cachots alors qu'il ne demandait rien à personne. Il narra les cruautés qu'il avait vues et subies avec Voldemort, les morts sur les champs de bataille, les paroles haineuses de Tom, son meurtre, sa mort enfin, pas très glorieuse.

Les cris dans sa tête qui l'assaillaient chaque nuit et qui ne lui laissaient nul répit. Les hurlements sans fin des victimes et de Tom quand enfin il l'avait vaincu.

Il avait menti à tout le monde quand il avait affirmé que Voldemort était mort par un sortilège de magie noire. Il n'avait pas osé avouer la vérité, peur des regards écœurés envers lui, peur qu'on le regarde comme un monstre, chose qu'il était déjà d'après lui. Une seule personne se doutait de ce qu'il avait fait et cette personne c'était Draco. Il n'avait pas parlé, jamais, et pour ça il lui en sera éternellement reconnaissant.

Il avait bien lancé un sortilège puissant au mage noir, mais celui-ci ne voulait pas mourir, il s'accrochait à la vie désespérément. En fin de compte quand l'homme fut à terre il avait été contraint de matérialiser un poignard et de l'enfoncer plusieurs fois dans la poitrine de l'homme qui avait attrapé ses bras pour l'empêcher de frapper encore et encore.

Le sang bouillonnait à travers les coups mortels, il se rappelait encore du bruit que cela faisait, il sentait même encore l'odeur de ce sang, métallique, âpre, et cette couleur rouge vif qui hantait ses cauchemars. Il revoyait le regard de Tom, surpris, suppliant, et là il se rappela qu'il avait pleuré quand le regard s'était éteint. Il avait pleuré longtemps pour le geste qu'il venait de commettre et pour l'homme qu'il avait tué de ses propres mains.

Si c'était à refaire, oui si c'était à refaire il n'aurait pas tué l'homme. Il aurait pris d'autres risques certainement mais il aurait essayé de parlementer avec lui sans en parler aux autres. Il aurait dû faire à son idée, il était sûr que Voldemort l'aurait écouté.

Pimpol secoua la tête, Il n'était pas étonnant que le survivant soit sorti de cette histoire dans un tel état de délabrement. Ce coup dut être terrible pour lui. Tuer un homme à main nu était traumatisant pour ce jeune homme qui avait déjà tant enduré dans la vie.

Harry ne prit pas le temps de respirer pour continuer son récit, s'il s'arrêtait maintenant il savait qu'il ne pourrait plus continuer. Aussi il narra également les remontrances et les coups des Dursley, les punitions inutiles pour le faire plier et lui faire prendre conscience qu'il n'était qu'un monstre et qu'il ne valait rien. Son coin dans le placard sous l'escalier où il avait passé tant d'années, la faim qui le tenaillait des nuits entières pour le punir de quelque chose qu'il n'avait pas fait.

Chaque jour, chaque nuit il les entendait tous et ça le tuait à petit feu. Voldemort, Dursley, Severus, les victimes du serpent, tous, tous, tous.

Les larmes dévalaient les joues du survivant en même temps que ses souvenirs s'enfuyaient entre ses lèvres.

Sans pudeur il narra sa débauche, racontant quelles avaient été ses nuits, espérant oublier dans des bras inconnus sa détresse et ce même quand il était avec ses deux amours, deux hommes merveilleux qu'il avait trompé sans aucun regret.

Il raconta ses suicides manqués et l'aide de Draco dans ces moments-là. Il murmura ses souffrances véritables quand Lucius et Severus l'eurent quitté, insultants et blessés dans leur cœur et probablement aussi dans leur orgueil de mâle.

-Enlève ton masque, Harry, demanda doucement Pimpol Têtenbois avec la gorge serrée et les yeux humides. Je sais que tu as un sortilège sur toi, retire-le, je te prie. Tu n'as plus besoin de ça, laisse-toi le droit de vivre, laisse les autres te voir tel que tu es, ta souffrance n'est pas honteuse, ils comprendront, ils comprennent déjà.

Le jeune homme le fit en passant sa main tremblante sur son visage. Le psychomage, pourtant habitué au pire, poussa un hoquet d'effroi.

Merlin ! Dans quel état était le gamin ! Ravagé, brisé, anéanti, mais après tout ce qu'il venait de lui raconter quoi d'étonnant ? Le vieil homme se leva et posa une main consolatrice sur le dos de Harry qui s'était retourné par pudeur face à la fenêtre. Sur le visage du survivant se reflétait l'horreur de sa vie, comment pouvait-on subir ça sans perdre la tête ?

Les deux hommes discutèrent encore un long moment, en chuchotant, pour ne pas briser les paroles du Gryffondor qui avait de la peine à continuer.

Au bout de trois heures Lucius s'impatienta, il entra dans le salon pensant que la séance était terminée depuis longtemps. Il fut effaré de voir l'état de détresse de Harry, il ne reconnaissait pas en lui cette chose démunie et effondrée qui lui tournait le dos mais dont le reflet sur la vitre ne laissait aucun doute sur son état. Le jeune homme qu'il côtoyait depuis onze mois de traitement avait bien changé, métamorphosé serait plus exact.

L'aristocrate avait devant lui un être détruit et méconnaissable. Pimpol fit un signe discret à Lucius de disparaître avant que Harry ne s'aperçoive de sa présence. Le Serpentard obéit, mais ce qu'il avait vu là lui avait chaviré le cœur, et il savait que dorénavant il ne regarderait plus Harry de la même façon. Le jeune homme méritait son respect, il avait prouvé pendant ces onze mois que son désir de s'en sortir était plus fort que tout et il savait parfaitement qu'il avait souffert pendant ces séances et qu'il avait fait tout ça pour eux, Severus et lui, sans faillir.

Que pouvait-il faire pour qu'il se sente mieux en sortant de cette pièce ?

Oh ! Oui, une chose lui ferait certainement plaisir, voir Severus lui adresser de nouveau la parole. Comment allait-il arranger ça sans que Harry ne prenne ça pour de la pitié ? N'était-ce pas bientôt l'anniversaire de la fille de Sev ? Voilà qui serait parfait, il n'avait qu'à l'inviter pour cette occasion et le tour serait joué.

Bon, le hic est que le maître des potions allait refuser tout net, car même s'il avait encore des sentiments pour Harry cela ne voulait pas dire qu'il allait accepter son plan. Non, pour ça il faudrait qu'il voit Harry comme lui venait de le voir, effondré, et sans son sortilège, devina-t-il, qu'il avait si bien su cacher à leur regard.

L'aristocrate n'attendit pas vitae aeternam pour se rendre à Poudlard et ramener Severus Snape dans les dix minutes qui suivirent par la peau des fesses.

-Mais qu'est-ce qui te prend ? Hurla presque le professeur aux robes noires avant de se rendre compte qu'ils se trouvaient chez Pimpol, un de leurs amis communs.

-Calme-toi…

-Que fait-on ici ? S'enquit Severus en se calmant. Pourquoi est-on chez Pimpol ? Etions-nous invités ce soir ?

-Non, ce n'est pas ça, Severus. Je voulais que tu vois quelqu'un, quelqu'un que je pense guéri même s'il est un peu trop tôt pour le dire.

Snape plissa les yeux, il la sentait pas cette conversation avec Lucius. Le blond avait un air trop…..trop Malfoyen pour son propre bien, pourtant il osa la question en sachant qu'il allait le regretter.

-Qui ?

Le Serpentard blond décida d'y aller avec douceur, le « qui » de son amant avait été dit avec une extrême lenteur, donc méfiance.

-Tous les lundi et jeudi j'accompagne une personne chez Pimpol, tu n'ignores pas que notre cher ami est un psychomage reconnu ?

-Evidemment que je le sais ! Riposta Snape en croisant ses bras sur sa poitrine. Tu ne m'apprends rien là, Lucius. Cependant j'aimerai savoir depuis combien de temps tu joues à ce petit jeu ?

-Onze mois, avoua Lucius en levant un fin sourcil séducteur croyant qu'ainsi la pilule serait plus facile à avaler.

-Bien, se renfrogna l'autre homme, et je gage que malheureusement je connais le nom du patient, n'est-ce pas ?

-Il s'agit de Harry, et oui tu le connais puisqu'il a été notre amant pendant plusieurs mois.

-Non, cet homme n'est rien pour moi, et je ne vois toujours pas pourquoi tu m'as amené ici, fit Snape en esquissant un pas pour sortir de la maison.

-Severus, attend, peut-être que tu as raison et peut-être que j'ai tort, mais essaye de voir au-delà du mal qu'il nous a fait.

-Je n'y arriverai pas, il ne se passe pas une journée sans que je le revoie dans cette chambre sordide, avoua le maître des potions. Toi tu peux y arriver mais moi non.

L'aristocrate amena Severus contre lui et posa son front sur le sien.

-Fais-le pour moi, mon amour. Je te le demande comme une faveur spéciale.

Snape faiblit et faillit, il n'arrivait jamais à refuser quoi que ce soit à Lucius.

-Que veux-tu que je fasse ? Se laissa convaincre l'homme aux yeux d'onyx en reculant légèrement.

-Je veux que tu le regardes, je veux que tu…..

Lucius n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Pimpol Têtenbois ouvrit la porte du salon et la referma derrière lui après en être sorti.

-Il lui faut du temps, expliqua le vieil homme en regardant Lucius et Severus toujours enlacés au milieu de son entrée.

-Pourquoi ? Demandèrent-ils en se séparant pour de bon cette fois.

-Les souvenirs ne sont pas toujours bons quand ils vous éclatent en plein visage, surtout quand vous essayez de les effacer de votre mémoire. Ce garçon a vu des choses et en a subit certaines toutes plus horribles les unes que les autres qui vous glaceraient les sangs. Son combat contre Voldemort, ses années à Poudlard, son enfance avec….

-Son enfance ? s'exclama Lucius, mais il vivait avec des moldus, que pouvait-il lui arriver avec ces gens-là ?

-Je ne peux rien dire, secret professionnel, mon bon ami. Mais sachez tous les deux que votre vision d'un enfant gâté par sa famille est plus que fausse.

-Et à Poudlard ? Tu as dit qu'il n'avait pas été heureux à Poudlard, intervint Severus Snape.

-Je n'ai pas dit qu'il n'avait pas été heureux, mais disons que certains souvenirs sont là aussi douloureux, pas tous, fort heureusement.

-Il parle de moi, Harry je veux dire, ajouta le maître des potions, touché plus qu'il ne voulait se l'avouer. J'ai fait de sa vie un enfer quand il était à l'école en tant qu'élève. J'y ai été obligé pour cacher mon rôle d'espion.

-N'y as-tu pas mis trop de zèle, Severus ? Ronchonna Pimpol.

-Je devais le faire, j'ai agi dans l'intérêt du gamin qu'il était alors, vous le savez aussi bien que moi tous les deux !

-Il a énormément souffert de ça, Severus.

-Comment va-t-il ? Se radoucit le maître des potions qui ne pensa plus à s'en aller.

-Mal, très mal, c'est difficile pour lui de se remémorer sa vie d'antant puisque pour lui elle ne vaut pas la peine d'être racontée. Sa véritable vie a commencée à Poudlard, quelques moments de bonheur qu'il garde précieusement en lui mais qui, malheureusement, n'effacent pas le reste.

-Puis-je aller le voir ?

-Si tu veux, mon ami, mais je ne te garantie pas qu'il t'adresse la parole dans l'état où il est, et tu seras surpris de sa nouvelle apparence, ne lui en parle pas, il le prendrait de travers, surtout en ce moment où il est si fragile.

-Aucune importance, je veux juste le voir.

Le petit homme se poussa et Severus entra dans le salon, laissant les deux hommes derrière lui. Pimpol Têtenbois referma la porte et invita Lucius à le suivre dans sa cuisine pimpante.

-Laissons-les discuter seuls si Harry s'en sent le courage, et dis-moi plutôt pourquoi tu es allé chercher Severus ?

-Je crois qu'il est temps que nous pardonnions à Harry ces…frasques. Pendant tous ces mois il a prouvé qu'il pouvait changer, que son amour pour nous n'était pas un vain mot. Il faut que ses souffrances cessent, Pimpol, tu n'es pas d'accord avec moi ?

-Certes oui, en lui pardonnant ses erreurs vous allez le stabiliser et lui rendre sa joie de vivre même s'il y aura par moment des hauts et des bas. Ce jeune homme a besoin de vous, de ses amis, de son parrain qu'il a mentionné plusieurs fois et d'un certain Remus Lupin qu'il considère comme un membre de sa famille.

-Lupin et Black sont ce qu'il reste de sa famille, ils sont ses deux parrains si l'on peut dire.

Dans le salon, Snape s'avançait près de la silhouette prostrée devant la fenêtre aux petits rideaux de chintz. L'homme entendait des reniflements légers et il voyait Harry essuyer ses yeux de temps en temps. Il fit un pas de plus puis un autre, il avait des remords, des remords d'avoir maltraité Harry quand il était un de ses élèves. Il aurait dû, il aurait pu être plus souple et éviter toutes les punitions, toutes les vexations et les railleries qui n'avaient pas lieu d'être.

Il se rendait compte qu'il l'avait fait souffrir inutilement et qu'il n'avait été qu'un imbécile arrogant de se croire plus fort devant un enfant désarmé. Aujourd'hui il était là, devant lui et il se trouvait à court de mots, aujourd'hui c'est lui qui était désarmé.

L'hommes aux robes noires s'arrêta derrière le jeune homme et posa une main sur son épaule.

Harry tressaillit mais ne se retourna pas.

-Pourras-tu un jour me pardonner ? Soupira Severus conscient de ses erreurs.

-Te pardonner quoi ? Répondit Harry au bout d'un très long moment. C'est du passé tout ça.

-Peut-être, mais il a existé, Harry.

-Je sais, mais voilà longtemps que tu es excusé, Severus. Tu n'avais pas le choix, je le savais, tu le savais. Tu n'aurais pu faire autrement sans risquer ta vie et celles des autres.

Snape enlaça le jeune homme par derrière et posa sa tête sur son épaule.

-Je me sens coupable.

-Ne le sois pas, ne le sois plus.

-Lucius est venu me chercher, il m'a dit que tu avais besoin de nous, je crois qu'il a raison.

-Je ne sais pas, je ne sais plus, chuchota le Gryffondor en se recroquevillant sur lui tout en fixant par la fenêtre le vent qui faisait bouger les feuilles des arbres.

-Tu as besoin de temps, nous en sommes conscients, Lucius et moi.

-Non….ce n'est pas ça.

-Retourne-toi, Harry, regarde-moi s'il te plaît.

-Je ne peux pas, tes yeux me brûlent, il y a tant de reproches dedans, ça me fais mal tu sais, tu ne peux pas savoir à quel point j'ai…..

L'homme prit le jeune sorcier par les épaules et le retourna lentement vers lui.

-Voilà qui est mieux, non ?

Harry garda la tête baissée et n'essuya pas les larmes qui continuaient de couler sur ses joues et dans son cou, ses bras pendaient le long de son corps, comme inertes.

-Je ne quitterai pas ce salon tant que tu ne m'auras pas regardé, murmura Severus en soulevant le menton du survivant.

Snape retint un mouvement d'étonnement et d'incrédulité. Maintenant il comprenait ce qu'avait voulu dire Pimpol par « sa nouvelle apparence » il ne le reconnaissait plus là.

-Regarde-moi, mon amour, je veux voir ton beau visage, je veux revoir de la vie dans tes sublimes prunelles vertes.

L'homme posa sa main sur la joue mouillée, il en essuya les traces humides avec tendresse, puis fit la même chose sur l'autre joue. Harry gardait les yeux clos, appréciant la caresse et le contact de Severus qui venait de l'enlacer en chuchotant des mots apaisants contre son oreille.

-Je t'aime, mon amour, murmura soudain Severus Snape.

Le jeune homme tressaillit dans sa chair et dans son cœur. Il venait d'entendre des mots qu'il n'avait jamais osé prononcer avant et qu'il n'était pas prêt de dire. Des mots que jamais personne ne lui avait dit un jour, des mots qu'il n'oubliera jamais, dut-il vivre deux cent ans. Et là Harry ouvrit ses yeux, il n'avait plus peur de plonger dans ce regard sombre qui l'avait tant de fois méjugé. Il y plongea, dans ce regard, profondément, espérant s'y noyer et ne plus le quitter.

Tout disparut de sa tête en un seul coup, ses souvenirs comme ses peines, les Dursley, Voldemort et son assassinat, les suppliciés, les mangemorts, ces deux ans qui venaient de passer, ces actes désespérés. Ne restait plus que Severus là devant lui, et Lucius qui venait de les rejoindre et qu'il n'avait même pas entendu entrer. Ces deux hommes étaient son avenir et sa vie, ils étaient tout ce qu'il n'avait jamais eu, il ne comprenait pas comment il avait pu leur faire si mal.

-Arrête de te torturer l'esprit, c'est oublié, repartons de zéro, comme si rien de tout cela ne s'était jamais produit. Et pour ce qui est du reste, Harry, nous t'aiderons du mieux que nous pourrons avec Severus.

-Vous voulez encore de moi ? Après toutes mes….turpitudes ?

-Tu souffrais, on comprend ça, nous aurions dû agir avant et ne pas attendre que tu ailles encore plus mal. Draco nous avait averti pourtant et nous ne l'avons pas écouté.

-Repartons chez nous, tous les trois, annonça le maître des potions. Nous avons une vie à continuer et une petite princesse à nous occuper.

Pimpol Têtenbois regarda sortir de chez lui trois hommes. Trois hommes qui avaient grandi de part les coups de la vie qui les avaient rendus plus forts. Harry reprit goût dans l'existence assez vite surtout entouré comme il le fut par ses deux amants d'abord, puis par son parrain et Remus, par Draco et Scott, Lilas-belle, sa jolie filleule, Ron et Hermione, Albus Dumbledore, sans omettre tous les autres.

En fait il fallut un an de plus à Harry pour se remettre complètement de ses problèmes. Il n'eut aucune relation intime avec les deux hommes pendant six mois, faisant chambre à part. Il avait besoin de ça, leur avait-il expliqué en venant vivre avec eux. Severus Snape et Lucius Malfoy avaient parfaitement compris, ils avaient aussi compris que Harry n'était plus dépendant de sexe avec les autres et qu'à partir de là tout ne pouvait que bien aller.

Quand le jeune sorcier se décida enfin à les rejoindre, un soir, au manoir Malfoy, après son travail, il était d'une nervosité extrême. Il savait qu'il n'avait pas encore avoué aux deux hommes de sa vie qu'il les aimait. Les mots avaient du mal à passer ses lèvres, mais maintenant il se sentait bien et il savait que Severus et Lucius attendaient ce moment avec grande impatience.

Il attendit que Lilas-Belle soit couchée par Severus puis, après avoir pris une douche, il se coucha tranquillement dans le lit de ses deux hommes et tout ça sous les yeux incrédules et inquiets des deux Serpentards qui n'y croyaient plus et qui avaient bien remarqué dans le même temps que quelque chose n'allait pas.

Ils ne dirent rien, se contentant d'attendre que le jeune homme parle en premier. Mais Harry ne le fit pas.

Déconcentrés Severus et Lucius se déshabillèrent et le rejoignirent chacun d'un côté.

Difficile comme situation, pensa Snape qui ne savait quoi faire.

Lucius se décida à éteindre les lumières, lui savait que justement cela serait plus facile pour Harry de réagir.

-Inutile, fit le survivant contre toute attente.

Deux secondes plus tard l'aristocrate emmenait le Gryffondor pour une nuit remplie de caresses et de douceur. Il n'avait fallu qu'un geste des deux hommes pour que Harry se libère de sa tension et répondre à Lucius qui fut aussitôt rejoint par Severus.

Sous le blond, Harry gémissait de plaisir, peu à peu il reprenait goût à l'amour et les gestes lui revinrent facilement. Il les aima ce soir-là avec toute son âme, tout son cœur et tout son corps. Et dans le creux de leur oreille il leur murmura les mots tant attendus, des mots que Severus et Lucius croyaient ne jamais devoir entendre.

Une larme discrète coula sur la joue du Gryffondor, une larme que Severus essuya avec tendresse et avec amour. Et quand il se libéra dans le corps de son jeune amant il lui répéta ces mots en le serrant fort contre lui. Tout comme Lucius l'avait fait quelques minutes auparavant.

Ils ne s'endormirent pas de suite, ils avaient tellement de choses à se dire. Harry souriait entre les deux, il était heureux.

-Moi je dis que nous devons baptiser Lilas-Belle, déclara soudain Lucius sautant du coq à l'âne.

-Ca se fait dans le monde sorcier ! S'étonna Harry en se tournant vers l'homme.

-Oui, mon amour, répondit le blond en attirant Harry vers lui dans la chaleur de ses bras.

-C'est un baptême sorcier, justement, Harry, expliqua Snape. Ainsi cette enfant sera protégée par Merlin lui-même.

Les deux Serpentard continuèrent de papoter pendant que dans leurs bras s'endormait un jeune homme qui avait enfin retrouvé la sérénité. Severus Snape fit un clin d'œil à Lucius et tous deux regardèrent leur ange endormi contre eux.

-Je croyais qu'il n'allait jamais se décider, souffla le professeur de potions. J'ai même pensé que j'allais devoir faire tout le travail et l'amener à nous parler de gré ou de force.

-Tu as toujours été très impatient, chéri.

-Ouais, mais c'est pas moi qui me rongeais les ongles d'anxiété !

-Hey ! Je ne me suis pas rongé les ongles !

-Encore un peu et tu t'attaquais à tes doigts, ironisa Severus en ricanant.

-C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Tu crois que je n'ai pas vu ce que tu as fait à tes pauvres bocaux à Poudlard !

-Comment tu sais….., putain cet Albus ne pourra donc jamais se taire !

-On discutera de ça demain, messieurs, fit Harry qui se retenait de rire mais qui ne put empêcher son corps de tressauter.

-Le morveux se fout de nous, Lucius.

-Je vois ça, Sev.

-Je crois qu'il a besoin d'une bonne leçon, qu'en penses-tu ?

-Je dis que tu as raison.

-Vous êtes deux contre moi, c'est pas juste ça ! sourit le survivant heureux de vivre et surtout heureux d'avoir retrouvé ses deux amours sans oublier Lilas-Belle.

-Fallait pas nous attaquer, rigola Snape qui se jeta sur son lion qui éclata de rire.

Le bonheur irradiait dans la chambre, un bonheur durement gagné pour un jeune sorcier appelé Harry Potter. Un bonheur qui dura jusqu'à la fin des temps pour ces trois hommes qui avaient franchis beaucoup d'étapes douloureuses avant d'en arriver là.

FIN

C'était une fic basée sur la détresse d'un jeune homme. La souffrance morale est terrible et souvent il est très difficile de s'en sortir. Je pense que tout le monde a compris ça même si certains m'ont dit que c'était gonflant. Je leur suggère d'ailleurs d'écrire eux-mêmes si le cœur leur en dit !

Je n'oublie pas de remercier TiteNana qui a fait un travail super en m'accompagnant tout le long de cette histoire, sans faillir. Mes éloges sont sincères, merci encore et un gros bisou à toi.