« Je crois qu'on devrait parler »

La phrase est banale, les mots simples, le sens limpide. Et pourtant, chaque silence, chaque lettre, chaque syllabe, chaque mot tombent comme autant de poignards glacés. Je ne veux pas te parler, entendre ta voix, te voir, te toucher, te sentir, t'avoir, te voir, te voir, te voir, te croire. Crois pas que je suis là pour toi, mais explique-toi, rend tes comptes à ta reine, soumets-toi à moi, moi pas à toi, pauvre con. Qu'on s'entende bien, il n'y a rien entre nous, il n y a pas de nous, tu n'es pas, tu n'existes pas en dehors de tes devoirs envers moi, tu n'es pas, pour de vrai. Devrait y avoir une loi contre les mortels comme toi qui pensent avoir une chance avec les déesse comme moi, bon, c'est amusant, après tout tu n'es pas laid. Parler. Parler. Parler. Sentence. Putain, mais moi Greengrass, j'ai juste envie de t'embrasser. Et même ça ce n'est qu'à demi vrai. A demi vrai. A demi là. A demi eux. Quoi de mieux. Et il n'a plus vraiment peur, qu'elle enfonce ses crocs. A l'eau endormie, jamais ne te fie, Daphné, toujours elle te défie. Et te défera.

« Bonjour, je m'appelle Blaise Zabini. J'habite seul avec ma mère depuis mes trois ans et j'ai pas vraiment de souvenirs d'avant. J'ai douze papas, moins onze. Paul, pendu, Victor, volé puis tué, Simon, suicidé, Alain, accidenté, Edward, éventré, Ignatus, intoxiqué, Orion, océan, ne savait pas nager, Tarius, transplanage raté, Perceval, perdu en montagne, Baptiste, bibliothèque bancale, Damien, disparu. Mémo-technique. Technique, je ne le suis que par obligation et encore quand j'ai la mémoire. Instinctif. Serpentard, oblige. Deux fois, le mot obligation, jamais deux cent trois. Je serais capable de réitérer deux cent deux fois la même connerie mais pas de parler avec toi. Jouer, séduire, flâner, flirter, pourquoi pas. Parler, non. Je ne peux pas. Je ne sais pas.

- Dis-moi, ça marche vraiment ton numéro en général ? Tu ne parles pas à Millicent, Zabini.

Le ton. Froid. Gelé. Lui et ses synonymes hébétés. Et puis, comment il disait déjà, ah oui, Serpentard, instinctif. Reprend le dessus. Daphné te chasse, la nature revient. Serpent Zabini. Serpent. Il allume une cigarette, l'air faussement désabusé, elle le regarde réellement excédée. Il lui sourit. Elle a envie de le mordre.

- Mince, je ne savais pas que je t'obsédais au point que tu dissèques toutes mes manœuvres de séductions avec tes copines dans les dortoirs, le soir… Intéressant. Fallait le dire. C'est pour ça que tu m'as embrassé. Tu voulais tester la marchandise. Aller, Millicent t'as intrigué, tu es parti voir qui d'autre ? Dubois ? Fougueuse. Une vraie furie. Mais une pro. Si tu changes de bord, je te la conseille.

Flagrant délire. Il s'attend à tout, qu'elle sorte en claquant la porte, qu'elle l'insulte, qu'elle le gifle, qu'elle le roue de coups, qu'elle lui jette des sorts, qu'elle le torture, qu'elle le crucifie, qu'elle le martyrise, pourquoi pas même un ridicule petit Avada. Enrobé du charme de sa voix. Robe de soie. Leger. Volatile. Fragile. Mort puérile. Sensuelle. Charnelle. La toucher et s'en aller, l'avoir et aller se faire voir. Bon plan. Et elle, aimant. Attirante, jusque dans la magie qui virevolte autour d'elle. Rageuse. Elle va exploser. Pourquoi brûler son âme un peu, faire d'un lui un eux. Il rêve. Et c'est la neige qui teinte sa voix quand elle répond, rieuse.

- Tu essayes de me blesser ? De me faire mal ? De m'abaisser ? Allons. Un peu de sérieux. Tu n'es pas de taille. Tu ne peux rien me faire, rien que je ne me sois déjà fait. T'es rien Blaise Zabini, rien. Un idiot de petit Serpentard prétentieux. Oh, et puis ta façon narquoise de te présenter en parallèle avec les caractéristiques de notre maison, c'est ridicule. T'es ridicule. T'es rien, sans ça. T'es rien, sans Malfoy. T'es rien, sans tes admiratrices. T'es rien, sans ta nonchalance. T'es rien, sans tes habits hors de prix. T'es rien. T'es rien. T'es rien. T'es rien. Un vide. Insipide. Une béance qui avance. Un creux et tout ça au milieu. Aucune constance, aucune présence. Des semblants de prestances. Un presque. Presque Malfoy. Presque chasseur. Presque intouchable. Presque touché. Presque vrai. T'es rien, t'es rien, t'es rien.

Et dans sa tête comme une litanie, t'es tout, t'es tout, t'es tout, pour moi. T'es rien, t'es rien, t'es rien qu'à moi. Et dans son âme, comme un Requiem, mais jamais elle ne reste blême. Plutôt mourir. Plutôt vivre.

- Et alors ? Y a que toi que ça dérange de ne pas exister en dehors de l'imaginaire des gens. Que toi que ça fout en l'air. Que toi. Putain, Greengrass, y'a que toi.

Y a que toi, que toi pour moi. Mais il s'en fout un peu. On n'a jamais eu besoin d'être deux pour aimer. Il n'a jamais eu besoin d'eux pour l'aimer. Et c'est un crime. Daphné Greengrass est une criminelle. Sur le banc des accusés. Un corps fait pour l'amour, une âme faite pour être aimée. Un corps mal aimé et une âme en mal d'amour. Blaise est patient. On l'a déjà dit. Mais Blaise n'est plus Blaise avec Daphné. Blaise n'est plus avec Daphné. Blaise n'est plus qu'à Daphné. Et il n'a même pas peur. Pourquoi faire ? Les Serpentard ne sont pas des lâches. Rien ne sert d'être calife à la place d'un calife médiocre. Autant diriger la reine par son fou, par son cœur. Autant être fou et laisser la reine diriger son cœur. Digérer son cœur.

- Blaise, - la voix n'est qu'un murmure, un souffle avorté, elle prend son temps, comme si de chacune de ses syllabes dépendaient son avenir, chacun de ses mots s'encombre d'un destin bien trop grand pour elle-, est-ce que j'existe dans ton imaginaire ?

Drôle cette brise qui lui répond. Il doit avoir chaud. Les mensonges, ça réchauffe. Ca l'échauffe. Et ça s'en volent en fumée. Soudain, elle se rend compte qu'elle n'a plus chaud, froid, rien, non pas rien. Elle a… mal. Mal. Vivante. Elle a envie de se tordre de douleurs, de tordre cette vie qui la rattrape d'un coup. Mais de sourire surtout, de l'embrasser partout. De lui dire merci. Merci. Merci. Merci. Merci. Merci. Merci. Merci. Merci, Blaise, tu m'as ramené à la vie. Tu as rallumé la vie en moi. Elle a envie de hurler. De sauter de joie. De le sauter dans sa joie. Peu importe qui il est, qui il aime, peu importe. Elle est là. Elle est cette souffrance immense. Elle est ce mal. Elle a mal. Merlin. C'est merveilleux. Reconnaisante elle murmure :

- Merci, c'est bien ce que je pensais. A la prochaine.

Et elle s'avance vers la porte. Calme et résignée. Condamnée à vivre. Amusant. Pas comme cette porte qui reste fermée. Même l'alomora n'y fait rien. A croire qu'un rien ne suffira pas à les défaire. Elle va devoir lui demander son aide. Amusant. Tout autant. Elle n'avait jamais demandé l'aide de personne, avant, avant, avant quoi ? Avant, lui. Et maintenant, deux fois en un mois. Il pourrait lui offrir son aide, le monde, au lieu de vivre pour la condamner. Il pourrait arrêter de la regarder. De la percer. Vulgaire. Ce garçon est vulgaire.

- Même pas capable de réussir un Alomora ? Une première année en serait capable, enfin si elle n'était pas occupée à raccourcir sa jupe ou à se forger un monde d'apparences glacées pendant ce cours.

Si Daphné en avait douté, elle aurait eu la preuve à cet instant que Blaise Zabini était un vrai Serpentard. Droit dans ses jeans neufs, le torse bombé sous son t-shirt vert, la bouche close, le venin au bord des lèvres, le visage impassible et les yeux calcinés. Prêt à tuer. Le serpent est un chasseur, danseur sensuel et ensorcelant, mais n'en est pas moins un assassin froid et sans scrupules. Pourtant, quelque chose lui échappait. La haine. Sa haine. Pourquoi. Certainement pas une question, juste un soupir, un abandon, à l'image de son rire, une déraison, une autre manière de mourir, à sa façon. Pourquoi. Le mot s'est échappé et Blaise n'a pas tremblé. Il va répondre. Elle le sait, il va répondre. Et elle s'en fout. Il peut la haire. Qu'est-ce qu'elle s'en fout de sa réponse, Merlin. Après tout, elle est à elle autant qu'à lui, elle la sait déjà. Comme la fin des contes pour enfants, comme la faim de cette histoire sans début. Sans but. Une réponse. Quelle est idiote cette idée. Mais Blaise est un idiot, alors elle sait qu'il va répondre.

- Tu ne comprends vraiment rien, hein ? T'es aveugle. Et tu voudrais que je pense que tu n'es plus sourde ? Que tu m'entends, que tu me vois ? Que tu vas écouter, entendre, me voir ? Tu demandes pourquoi, mais tu t'en fous. Tu sais juste que je vais répondre. Tu sais juste ce que je vais répondre. Tu crois que je vais te parler de tes amants, de ton indifférence, de ta méfiance, de ton baiser, de tes rejets, de tes gestes, de ta peau, de quoi tu crois que je vais te parler ? Terence Higgs en troisième, dans la salle des préfets ? Warrington en cinquième ? Adrian Pucey ? Sois mignonne, arrête de me prendre pour un con. Arrête de te prendre pour une mignonne enfermée dans son cocon. Tu crois que pendant toutes ces années je ne pensais qu'à ça ? Je t'ai toujours trouvé belle, foutuement belle, Greengrass. Et si tu ne l'étais pas, je ne te parlerais même pas. Tu n'existerais pas. Tu n'existes pas, sans ça. Toi non plus. Tu n'es que ce que tu parais, hein ? Mais t'es vraiment bien trop idiote. Tu crois que si y'avait que ça, je serais là ? Tu mérites même pas qu'on te déteste, tu mérites même pas que je, que je, que je. Par Morgane ! Toutes ces années à me dire, à me raconter ces histoires, tout ça pour ça, tout ça pour toi. Et tu vas me faire croire que tu ne le vois pas, que tu ne sais pas ce que tu es ? Ce que tu fais quand les autres rampent ? Tu crois que tu vas encore courir ? Tu sais pourquoi je te hais, pourquoi. Tu sais pourquoi. Par ce que jusque-là je pouvais me dire : Et elle court. Toujours. Elle est du style à aller devant, à vous montrer le chemin contre le vent. Et j'aimerais lui dire de s'arrêter, elle me donne le tournis. Où elle croit aller ? Vraiment, elle croit qu'elle va réussir à s'en aller ? Elle se croit libre, cette pimbeche. Qu'est-ce qu'elle peut me faire rire. Elle est enfermée. Enfermée dans ses rêves d'enfants. De rêveries adolescentes en réveils endoloris, elle joue sa comédie. Risible. Et elle ment. La bécasse. En courant, elle ment. Tu pensais tomber amoureux du vent, tu t'es épris d'une ombre. Imbécile. Même au milieu de ses fers, elle sait être libre. Elle est libre d'écrire les règles de son je. Quand elle parle ce n'est que de jeux. Ah ouais, ça elle sait y faire. Tu ne peux pas la faire taire. Qui-est-ce qui pourrait enfermer celle qui nous bouffe la nuit ? Presque succube et juste Mélancolie du Danube. Qu'est-ce qu'elle peut me faire souffrir. Elle m'a enfermé. Enfermée dans ses rêves d'enfants. De rêveries adolescentes en réveils endoloris, je joue sa comédie. Risible. Aimant elle ? N'aimant qu'elle.

Tu vas faire semblant encore longtemps ? Je ne peux plus. Tu n'existes plus, dans mon imaginaire. Tu n'es plus, tu es moins que moi. Tu es tout, à présent. Mais ça tu le sais déjà. Et je m'en fous, que tu l'ignores, que tu m'ignores, par ce que moi, je le sais, trésor, tu es à moi. Mais ça tu ne le sais pas, encore. Bois de l'or. Moi, j'aurais voulu savoir t'aimer, mais maintenant tu peux te tirer."

Daphné savait que l'Aconit était plus connu sous le nom de Tue-Loup, que le Sourdinam annulait un Sonorus alors que le Silencio devenait inutile, que lorsqu'elle utilisait l'Orchideus des amarillys rouges apparaissaient, qu'Astoria n'avait pas perdu sa virginité avec Drago alors que lui si, qu'il ne fallait pas mélanger les queux de rats et les larmes de gorgones dans une potion, que Zabini avait une fossette sur la joue gauche, qu'il avait une cicatrice dans la nuque et qu'il frémissait quand elle la touchait, qu'il frémirait encore si elle le touchait, que le Polygonum était essentiel dans la préparation du Polynectar, qu'il y avait des Bilywig dans les Fizwibiz, que sa mère avait couché avec le père de Malcom Baddock l'été dernier, alors que sa mère à lui se mariait, que l'ananas ne faisait pas maigrir, que Harry Potter était capable de faire un Patronus corporel qui prenait la forme d'un cerf, que le Choixpeau avait hésité à l'envoyer à Serdaigle mais que son intelligence n'avait pas peser lourd dans la balance face à ses vertus d'un autre genre, que la mère de Hermione Granger s'appelait Rose, oui Daphné savait tout cela, mais ça non, elle le jure, elle ne savait pas ça. Mais elle est polie, elle jure dans sa tête. Elle ne s'insurge même pas. Et le désir de croire, croit, comme un mauvais jeu de mots. « Moi, j'aurais voulu savoir t'aimer, mais maintenant tu peux te tirer ». Blaise est un idiot, alors elle sait qu'elle doit répondre. Avant qu'il n'aille.

Elle avance et elle sourit. Il s'est laissé tomber dans un fauteuil vert émeraude, il la regarde. Finalement il n'a jamais fait que ça, la regarder. La dévorer. Ces derniers temps, il s'est juste fait plus mordant. Elle avance et elle sourit, par ce qu'elle a juste envie de lui dire merci. Et lui il rit. Par ce qu'il pense que tout est déjà fini. Ses mots l'ont épuisé. Ses maux l'ont écorché. Il ne sait plus très bien où commence ses paroles et où finissent ses piqures. Il n'a jamais vraiment su qui ils étaient. A part quand ils dansaient, à part quand elle l'embrassait, quand elle l'a embrassé. Le reste du temps, elle l'embrasé. De son brasier. La jolie sorcière et son bucher, sa belle mégère qu'est-ce qu'elle a à avancer les lèvres étirées. Elle avance et elle sourit, parce qu'elle sait qu'ils tomberont d'accord sur les derniers accords. Et puis elle arrête de sourire. Parce qu'elle ne peut pas l'embrasser et sourire en même temps, par ce qu'elle ne peut pas enrouler ses jambes autour de ses hanches et avancer en même temps. Elle arrête d'être conne et mignonne. Elle arrête d'être en dehors de lui. Et allongés c'est leurs ecchymoses qu'elle voit fusionner. Enfin ils ne sont plus. Un. Le néant n'est plus rien, le froid, la chaleur, les flammes, la glace, rien que des coneries. Deux masques et une âme. Daphné se trouve verbeuse pendant que sa jupe se retrouve à terre.

Instants volés. Rêves démembrés. Poésies incarnées. Moment choisi… par Hermione Granger pour rentrer dans la salle sur demande en vociférant des insultes à l'encontre des Serpentards inconscients qui violent le règlement impunément. Heureusement, Daphné sait qu'un silencio marche dans ce genre de cas. Elle sait aussi que même si Blaise trouve le moyen, pendant leur fuite troublée de fous rires, de lui glisser à l'oreille un « Ils avaient raison, tu es vraiment givrée », il est ivre des éclats d'étoiles qu'elle laisse filtrer dans sa voix. Même si elle ne les appellerait pas comme ça, et que ses rires lui échappent, encore et pour toujours, elle sait de qui elle ne rechapera plus. Et quand elle répond « Totalement. De toi. », Il ne comprend pas tout de suite. On n'arrive pas à réfléchir quand on sent son cœur repartir, quand on avait oublié ce que c'était de ne pas souffrir.

Mais rien ne parait. Blaise Zabini ? Le nouvel encas de la reine de glace. Daphné Greengrass ? Une de plus au tableau du fils de la menthe religieuse. Et c'est mieux ainsi.

Personne ne peut entrer dans leur danse.

L'amour les a foutu en en transe.

Mais rien ne parait. On vous parle de Blaise et de Daphné. Les deux damnés.

Amen.

Et voilà, ma premiere histoire qui s'achéve.

Merci pour vos reviews, sincèrement.

Vous m'avez aidé à construire et approfondir mes personnages, alors mille fois merci.

J'ai répondu aux membres par messages et je crois que c'est "illegale" de répondre aux anonymes dans les chapitres, mais je fais une petite entorse à la règle pour remercier Ecchymose et ses si gentilles reviews, laisse-moi un endroit où te répondre la prochaine fois.

Je pense revenir très bientot avec un Rose/Scorpius, j'aimerais bien m'amuser un peu avec les clichés.

Encore une fois: merci.

Au revoir.