Chapitre 6 : Répercussions


Le jeune homme replia son parapluie avant de pénétrer dans le bâtiment qui hébergeait la Gazette du Sorcier. Il accrocha son imperméable au portemanteau, révélant le costume bleu roi qu'il portait en dessous avant de s'engouffrer dans l'une des allées qui séparait deux rangées de bureaux à cloisons parfaitement ordonnés. Ces aires de travail étaient allouées aux journalistes débutants, ce qui n'était heureusement plus son cas.

Avec seulement quatre années de carrière derrière lui, et ce grâce à des articles qui lui avaient valu la reconnaissance de ses pairs par leur profondeur et leur véracité, Stephen Cornfoot était déjà considéré comme un reporter expérimenté et profitait donc des privilèges inhérents à sa fonction. Ainsi, l'ancien Serdaigle disposait d'une paie plus que convenable et surtout de son propre bureau.

Bien sûr, Rita Skeeter avait tenté à plusieurs reprises de le faire licencier, le considérant peut-être comme une menace envers son poste de reporter phare de la Gazette mais à chaque fois, elle avait essuyé un refus. Même s'il l'avait voulu, le rédacteur en chef n'aurait pas été en mesure de renvoyer Cornfoot… les actionnaires majoritaires du journal ne l'auraient jamais permis.

Skeeter avait toutefois fini par se désintéresser de lui. En effet, les articles de la mégère figuraient toujours en première page alors pourquoi s'inquiéter d'un petit reporter insignifiant ? Il était vrai que les articles de Stephen figuraient au mieux en page 3, exactement là où il souhaitait les voir apparaître.

Cela faisait plus de trois ans que Rita ne quittait plus son bureau pour aller sur le terrain. A la place, elle envoyait ses « assistants » interviewer des personnes à sa place, leur laissant faire tout le sale boulot tandis qu'elle récoltait les lauriers. C'était simple, et cela la dispensait du moindre effort tout en lui donnant le temps d'écrire son autobiographie.

Ce que Skeeter ignorait, c'était que ses subordonnés travaillaient en réalité pour Stephen. Ainsi, c'était l'ancien Serdaigle qui passait en revue toutes leurs interviews et qui décidait de ce qui arrivait sur le bureau de la journaliste au final. En trois ans, pas un seul des articles de la reporter n'avait comporté une information ou sali un individu sans le consentement préalable de Cornfoot. Bien sûr, la réputation de Skeeter n'avait pas changé, elle était toujours considérée comme une journaliste dépourvue de la moindre morale ou conscience journalistique.

Seulement, cette petite mesure préventive mise en place par le jeune homme permettait qu'aucun des articles de Skeeter ne fasse apparaître un membre de la Confrérie sous un mauvais jour. Après tout, les citoyens sorciers de Grande-Bretagne étaient dans leur grande majorité des moutons qui croyaient tout ce qu'ils lisaient dans la presse alors, à défaut de pouvoir faire dire la vérité à la journaliste, autant l'empêcher d'écrire des mensonges au sujet de ses amis et alliés.

L'un des rôles de Stephen consistait justement à relater les accomplissements des membres de la Confrérie dans ses articles, comme cela avait été récemment le cas pour Harry. Ce qu'il y avait de bien avec le jeune Lord Black, c'était qu'il n'avait pas besoin d'écrire le moindre mensonge au sujet du professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Tout ce qu'il avait écrit était la plus stricte vérité, ce qui faisait que la presse à scandale ne pouvait y trouver aucune faille à exploiter.

Sur son bureau se trouvait déjà l'esquisse du prochain article de Skeeter. Sans surprise, la journaliste s'en prenait violemment au Ministre de la Magie et à son sous-secrétaire pour le manque de sécurité lors de la finale. D'autres hauts fonctionnaires n'avaient pas non plus été épargnés mais comme il l'avait demandé, ni Amelia Bones, ni Sirius Black n'apparaissaient sous un mauvais jour.

L'article de Cornfoot était également bien avancé puisque les prédictions d'Harry concernant l'attaque s'étaient avérées majoritairement exactes. Les Mangemorts avaient attaqué en force le stade et les Aurors sur place avaient fait de leur mieux pour les repousser. Grâce aux multiplettes de certains membres de la Confrérie, Stephen avait pu observer des enregistrements de la bataille sous différents angles et ainsi relater les faits du point de vue qui l'arrangeait.

C'est ainsi qu'il mit en avant l'héroïsme de Lord Black, non seulement lorsque ce dernier avait combattu des Mangemorts aux côtés de son père mais aussi quand il sauva les vies du Survivant et de sa jeune sœur, Rose Potter. Il nota également les risques pris par la directrice du Département de la Justice Magique et par le directeur du Bureau des Aurors, qui avaient joint leurs forces pour déclencher une explosion qui avait permis de piéger une grande partie des Mangemorts sous les décombres de la tribune d'honneur.

Même si cela lui coûtait de l'admettre, l'article de Skeeter et le sien seraient complémentaires. Là où Rita enfoncerait prodigieusement Kingsley Shacklebolt, Percy Weasley et d'autres membres clés de son administration, son article mettrait en lumière la bravoure des Aurors, menés par le Capitaine Susan Bones et avec l'aide du professeur Black, les héritiers respectifs d'Amelia et de Sirius.

Ainsi, Shacklebolt perdrait lentement mais sûrement l'image de l'homme d'action qui lui avait valu son élection quatre ans plus tôt, alors que Mme Bones s'imposait progressivement dans l'esprit des gens comme une femme qui avait déjà prouvé qu'elle ne craignait pas de mettre sa propre vie en jeu pour combattre la menace que posaient à nouveau les Mangemorts. Certes, le Ministre avait lui aussi combattu lors de l'attaque, et Stephen ne manquerait pas de le citer très brièvement dans son article… mais ce dont la population sorcière se souviendrait, c'était qu'il avait ignoré la suggestion d'Amelia Bones concernant l'augmentation des effectifs des Aurors déployés pour assurer la sécurité de la finale. De ce fait, il apparaîtrait comme l'homme qui n'avait pas retenu les leçons de la précédente attaque lors de la finale entre l'Irlande et la Bulgarie, sous l'administration Fudge, huit ans plus tôt.

Tandis qu'il rédigeait son article, changeant des tournures de phrases par endroits, Stephen songea que les choses se déroulaient comme prévues et que si cela continuait ainsi, la société sorcière britannique survivrait peut-être à Voldemort et, plus important encore, pourrait enfin se diriger vers une ère plus éclairée.


En dépit de l'insistance de certains de ses subordonnés, Kingsley avait refusé de rentrer chez lui. C'est couvert de sueur et de sang que le Ministre de la Magie contemplait l'horrible spectacle qu'il avait sous les yeux. Le stade de la Coupe du Monde de Quidditch était en ruines, les gradins portant les marques des affrontements et on ne parlait même pas de la tribune d'honneur qui avait explosé vers la fin des combats.

Résultat d'une étroite collaboration entre Sirius et Amélia, l'explosion avait permis d'éliminer un certain nombre de Mangemorts et de mettre les autres en déroute du même coup. Ce n'était sans doute pas pour rien qu'ils étaient considérés comme les meilleurs Aurors de leurs générations respectives. De plus, pour avoir été témoin des prouesses de Susan Bones et d'Harry Black, la relève était visiblement assurée.

Sur les quelques cent mille spectateurs qui avaient été présents pour voir le match, le bilan des victimes s'élevait pour le moment à un peu plus d'un millier d'individus mais ce nombre augmentait d'heure en heure, au fur et à mesure que les corps étaient sortis des décombres. Les victimes n'étaient d'ailleurs pas toutes des inconnus. Parmi les dépouilles, on comptait certains de ses proches collaborateurs et amis, comme Elphias Doge et Dedalus Diggle mais aussi d'autres hauts fonctionnaires du Ministère comme Cubert Faussecreth, Wilkie Twycross ou encore Arnold Bondupois.

C'était une bonne chose qu'ils aient commencé à renouveler les rangs du Ministère, déjà bien entamés au terme de la seconde guerre contre Voldemort, en engageant des jeunes diplômés travailleurs et motivés. En effet, c'était triste à dire mais à la vitesse où il perdait ses subordonnés, l'intégralité des directeurs de bureau et de département seraient sûrement remplacés d'ici la fin de l'année.

Il ne fut guère surpris de voir Percy Weasley marcher dans sa direction, lui aussi toujours habillé des mêmes vêtements. Après s'être assuré que ses parents et sa belle-sœur avaient été raccompagnés au Terrier, il s'était porté volontaire avec son frère Bill pour aider les équipes de recherche à secourir les éventuels survivants qui auraient pu se retrouver piégés sous les décombres.

- Vous n'êtes pas blessé, Percy ?

- Non, monsieur. Une brève exposition au Doloris ne cause heureusement pas de séquelles sur le long terme.

- Tant mieux. Comment se portent les autres membres de votre famille ?

- Ma mère, Bill, Fleur et la petite Victoire vont bien. Mon père a un bras en écharpe mais rien que quelques sorts de guérison et un peu de repos ne puissent soigner. Je me fais davantage de soucis pour mon frère Ron.

- Que lui est-il arrivé ? L'interrogea le Ministre, sincèrement curieux.

- Il a été touché en plein vol par un maléfice en essayant de porter secours à mes parents. Même si sa vie est visiblement hors de danger, la chute et le sort de magie noire pourraient avoir des effets irréversibles... Les guérisseurs disent qu'il y a des chances pour qu'il ne puisse plus jamais marcher.

- Je suis désolé. Souffla Kingsley, posant brièvement une main sur l'épaule du jeune Weasley avant de le laisser vaquer à sa tâche.

Shacklebolt posa son regard sur les draps blancs qui recouvraient les dépouilles d'Elphias et Dedalus. Tous deux étaient des vétérans de l'Ordre du Phénix, qui avaient participé aux combats contre Voldemort depuis les années 70, et ils constituaient désormais deux noms de plus sur la longue liste des victimes des Mangemorts.

Serrant les poings, Kingsley se jura que leurs sacrifices ne seraient pas inutiles.


Hermione avait du mal à lutter contre ce froid qui la glaçait de l'intérieur. Elle n'avait pas vu les couloirs immaculés de Ste Mangouste aussi encombrés de blessés depuis la deuxième guerre contre Vous-Savez-Qui, qui avait pris fin quatre ans plus tôt. Assise au chevet de Matthew, qui ne s'était pas encore réveillé depuis son admission quelques heures plus tôt, l'ancienne Gryffondor tentait tant bien que mal de retenir les larmes qui brillaient dans ses yeux noisette.

Elle savait que la vie de son meilleur ami n'était pas en danger, tout comme le fait que son état était beaucoup moins préoccupant que celui de Ron, qui risquait de perdre l'usage de ses jambes. Le rouquin se trouvait d'ailleurs toujours entre les mains des guérisseurs, sa mère et sa sœur attendant d'avoir des nouvelles de leur plus jeune fils.

Ginny était d'ailleurs assise à côté d'elle, la tête enfouie dans son épaule, et sanglotait doucement. De l'autre côté du lit, assis sur une banquette, se trouvait Arthur Weasley, un bras en écharpe et l'air exténué. Molly siégeait à sa gauche, les yeux rougis par les larmes versées. Elle tenait la main valide de son mari dans les siennes, s'y accrochant comme si elle avait peur de le voir disparaître.

A la droite du patriarche des Weasley se trouvait Fleur. La Française se tenait droite, berçant doucement sa fille dans ses bras tout en jetant des coups d'œil réguliers à une petite horloge qu'elle avait posé à côté d'elle. Réplique miniature de la pendule qui trônait au Terrier, offerte par les époux Weasley lors du mariage de Bill et Fleur, elle indiquait tout comme l'original la position de chaque membre de la famille Weasley. Les aiguilles de Bill et de Percy indiquaient « Au travail » tandis que celles des autres membres étaient toutes bloquées sur « A l'hôpital ».

La jeune Granger était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne se rendit compte de la présence d'un médicomage dans la chambre qu'au moment où ce dernier s'adressa à eux.

- M. et Mme Weasley, j'ai des nouvelles concernant Ronald. Déclara-t-il d'un ton sérieux.

Agé d'environ vingt-sept ans, Augustus Pye était un homme plutôt grand, dont les cheveux châtains étaient courts. Ses yeux bleu-gris étaient en partie dissimulés derrière une paire de lunettes rectangulaires tandis qu'il portait son regard sur le couple Weasley.

- Que pouvez-vous nous dire, Augustus ? L'interrogea M. Weasley d'un ton clairement inquiet.

Ce n'était pas la première fois que les deux hommes se rencontraient. Près de sept ans plus tôt, alors que Pye n'était encore qu'un guérisseur stagiaire au service des blessures par créatures magiques, il avait traité des morsures ensorcelées dont souffrait le père des enfants Weasley. Les deux hommes s'étaient liés d'amitié, et c'était d'ailleurs Augustus en personne qui s'était occupé de l'accouchement de Fleur.

- Je ne vais pas te mentir, Arthur. Répondit le guérisseur en retirant les lunettes de son nez pour les nettoyer. La vie de ton fils est désormais hors de danger. Cependant, nous n'avons pas de contre-sort pour inverser les effets du maléfice dont il a été victime. Les potions dont nous disposons ont pu en atténuer les effets, au point qu'il est probable qu'avec une rééducation soutenue, Ronald pourra remarcher d'ici quelques mois… Il ne sera toutefois plus en mesure de courir, et encore moins de pratiquer une activité soutenue sur un balai.

Il ne fallait pas être un génie pour comprendre ce que le médicomage voulait dire. Même si Ron avait de grandes chances de vivre une existence « normale », ce diagnostic mettait un terme à sa carrière professionnelle dans le Quidditch. Lorsqu'on connaissait l'amour que le jeune Weasley portait à ce sport, et les efforts considérables qu'il y avait investis, il était évident que cette nouvelle allait l'anéantir…

- Je suis désolé, Arthur. Souffla Augustus d'une voix triste, posant brièvement une main sur l'épaule du père de famille avant de quitter la pièce.


Adossé au mur du couloir, à quelques mètres de la chambre de son fils, James Potter ferma les yeux en entendant les sanglots qui ne tardèrent pas à se faire entendre suite au départ du médicomage. L'ancien Auror ne réalisait que trop bien la chance insolente que ses enfants avaient eue de sortir quasiment indemnes de cette attaque.

Sauf que la chance n'avait pas grand-chose à voir là-dedans.

Les Mangemorts s'étaient réellement attaqués à ses enfants, alors que Matt était inconscient et Rose incapable de se défendre. La seule raison pour laquelle ils n'avaient pas tué les deux héritiers de la Maison Potter, c'était parce qu'on les en avait empêchés… et plus précisément parce qu'Harry Black les en avait empêchés.

Lily faisait de son mieux pour éviter de parler du jeune Lord devant lui mais c'était peine perdue. Le professeur de Défense Contre les Forces du Mal était dans tous les journaux, tantôt pour ses prises de position politiques, tantôt pour son investissement dans des causes caritatives. Son nom était sur toutes les lèvres et la seule raison pour laquelle les gens hésitaient à en parler devant lui, c'était parce qu'ils étaient au courant de ses rapports houleux avec Sirius.

Sirius Black avait été son meilleur ami pendant plus de dix ans. Ils avaient fait les quatre cents coups ensemble, et s'étaient souvent mis dans des pétrins que Remus avait été trop sage, et Peter trop lâche, pour y prendre part. Il avait été témoin à son mariage et parrain d'un de ses fils… à l'époque où Cornedrue avait encore deux garçons.

Jamais il ne pourrait oublier le regard que lui avait lancé Patmol en apprenant qu'Harry ne vivait plus avec eux. D'abord la surprise, l'incrédulité puis une colère telle qu'il n'en avait jamais vue chez l'animagus. C'était aussi la première fois où Sirius l'avait frappé avec l'intention de lui faire réellement du mal. Ils avaient passé un temps infiniment long à se disputer, à se battre, Sirius le traitant de tous les noms possibles et le menaçant avec une férocité dont il ne l'aurait jamais cru capable.

Ce soir là, leur longue amitié avait pris fin. Par la suite, il n'eut l'occasion de voir son ancien ami qu'une seule fois, bien des années plus tard, dans l'enceinte de Gringotts mais cela n'avait rien d'une visite de courtoisie. Bien plus mesuré et détaché que lors de leur dernière rencontre, Sirius l'avait contraint à abandonner tout droit sur Harry, en lui faisant clairement comprendre que s'il refusait, l'Auror déballerait toute l'histoire dans la presse.

Voilà comment Harry Potter était devenu Harry Black, le fils et héritier de Sirius. Jamais James n'avait expliqué les circonstances de sa renonciation à Lily. En tant que père de famille, et chef d'une ancienne famille, c'était lui et lui seul qui avait le dernier mot dans ce genre d'affaires alors pourquoi faire souffrir sa femme inutilement ?

L'ancien Gryffondor n'avait revu Harry qu'en 1991, alors que Matthew devait embarquer dans le Poudlard Express pour commencer sa première année. A cette époque déjà, il ressemblait beaucoup plus à Sirius, sans doute suite à un rituel d'adoption par le sang mais il avait conservé les yeux émeraude hérités de sa mère.

Pendant les dix années qui suivirent, James garda un œil sur l'évolution d'Harry. Lily n'en sut jamais rien mais il conservait un petit dossier sous clé dans son bureau, rempli d'articles découpés dans la Gazette du Sorcier. Chacune de ces coupures de presse comportait une mention relative au jeune Black, et parfois une photo comme cela avait été le cas au cours d'une édition spéciale de la Gazette consacrée au bal du tournoi des trois sorciers. En entendant des discussions entre Matthew et ses amis, il avait appris qu'il était devenu Préfet puis Préfet-en-Chef, excellant dans ses études.

Cornedrue ne se faisait aucune illusion. Si le jeune homme ressentait encore quelque chose pour celui qu'il devait percevoir comme son géniteur, cela devait être de la haine et du ressentiment. Après tout, quel père digne de ce nom abandonnerait son propre enfant aux mains de personnes aussi abjectes que Vernon et Pétunia Dursley ? D'un autre côté, combien de pères découvraient qu'un de ses enfants était le porteur d'une destinée aussi horrible qu'exceptionnelle ?

James n'aurait jamais l'occasion de serrer à nouveau son fils dans ses bras, ni de lui dire à quel point il était fier de ce qu'il était devenu mais une chose était certaine, jamais il n'oublierait l'amour qu'il lui portait, ainsi que la gratitude qu'il ressentait à son égard pour avoir sauvé Matt et Rose.


Ses vêtements tâchés de poussière et de sang par endroits, Lily Potter marchait aux côtés de sa fille dans les couloirs de Ste Mangouste. En dépit des protestations de cette dernière, elle avait tenu à la faire examiner par un médicomage pour être sûre qu'elle n'avait rien. Toutefois, depuis que Rose avait fait le récit de ses mésaventures à une Auror, les pensées de la mère de famille étaient ailleurs.

C'était Harry qui avait sauvé ses enfants des Mangemorts, en mettant sa propre vie en danger. Elle savait pourtant qu'il était pleinement conscient de ses origines ainsi que de ce que James et elle-même l'avaient obligé à subir en le confiant à sa sœur et à son beau-frère. Pourtant, il n'avait pas hésité à secourir les enfants, et plus particulièrement le fils, que ses parents biologiques lui avaient préféré.

Etait-il possible qu'il soit passé outre sa colère ? Elle n'osait pas imaginer qu'il ait pu lui pardonner ses fautes mais peut-être…

- Oh maman, c'est le professeur Black ! S'exclama Rose avec enthousiasme.

Sortant de ses pensées, c'est avec des yeux écarquillés qu'elle posa les yeux sur le jeune homme.

Il se tenait aux côtés de Sirius, si bien que la ressemblance entre les deux hommes était frappante. Il possédait les mêmes cheveux noirs, mi-longs et des traits fins et aristocratiques qui étaient caractéristiques des Black. Seuls ses yeux étaient différents puisque son regard n'était pas anthracite mais d'un vert étincelant, si semblable au sien.

Sirius n'avait pas tellement changé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu. L'homme âgé d'une quarantaine d'années arborait toujours sa chevelure aussi noire que les plumes d'un corbeau et revêtu de son uniforme d'Auror, on devinait un physique toujours athlétique. Ses yeux d'un gris sombre et pénétrant étaient fixés sur Harry avec un mélange de fierté et de tendresse.

Cherchant ses mots, Lily fut prise de court quand Rose s'adressa à eux d'une voix enjouée, ses lèvres étirées en un large sourire.

- Merci beaucoup pour nous avoir secourus, professeur !

Tournant la tête vers l'adolescente, Harry lui sourit à son tour, avant de lui répondre d'un ton mesuré.

- C'est bien normal, Miss Potter. J'espère simplement qu'à l'avenir, vous penserez à demander de l'aide auprès d'un adulte plutôt que de foncer la tête la première dans une situation périlleuse. La sermonna-t-il gentiment.

Les joues de la jeune Potter rosirent et elle passa une main dans ses cheveux d'un roux sombre d'un air gêné. Sirius éclata d'un rire si semblable à celui d'un chien avant de prendre la défense de Rose.

- J'ai le souvenir d'un jeune élève qui n'allait pas non plus demander de l'aide aux professeurs avant de se fourrer dans le pétrin. Railla-t-il d'un ton moqueur.

Pour toute réaction, Harry se contenta de hausser un sourcil avant de rétorquer avec humour.

- Je ne me rappelle pas que mon père m'ait encouragé à le faire. Au contraire, je me souviens très bien d'un conseil donné sur le quai 9 ¾ : « Surtout Harry, tâche de ne pas décevoir ton vieux père. N'hésite pas à semer le chaos dans Poudlard, et surtout dans la classe de ce cher Servilus ».

Sirius eut la décence de paraître gêné avant que tous deux n'éclatent de rire, sous les yeux écarquillés de Rose, qui peinait à croire que le grand Auror Sirius Black et son fils aient pu être du genre à jouer des tours aux professeurs et aux élèves.

C'est à cet instant que Lily décida de les rejoindre, rassemblant tout son courage pour prendre la parole à son tour.

- Sirius, cela faisait longtemps.

Le large sourire qui illuminait le visage du Maraudeur disparût presque instantanément de son visage, pour être remplacé par une expression plus neutre, même si elle percevait clairement une lueur de méfiance dans ses yeux gris.

- Bonjour, Lily. Répondit-il poliment.

Lorsqu'elle se tourna vers Harry, ce dernier arborait un air impassible, ses yeux verts la fixant avec la même attention qu'il devait accorder aux étrangers et à ses ennemis. L'ancienne Gryffondor n'aurait cependant pas été en mesure de dire ce qu'il ressentait, au point de se demander s'il ne pratiquait pas l'occlumencie.

- Enchanté de faire votre connaissance, professeur Black. Je… je tenais à vous remercier, pour avoir protégé Matt et Rose. Je vous en suis infiniment reconnaissante.

- Je vous en prie, professeur Potter. C'est mon devoir d'enseignant de protéger mes élèves. Répondit-il d'une voix parfaitement neutre, tout en ne la quittant pas des yeux.

Lily était sur le point d'ouvrir la bouche quand une voix féminine se fit entendre derrière elle.

- Harry !

Tout ce qu'elle eut le temps de voir, c'est une tornade bleue passer à côté d'elle et se précipiter sur Harry. Il lui fallut un instant supplémentaire pour réaliser qu'il s'agissait d'une femme. Dotée de longs cheveux châtains attachés dans son dos par un ruban, elle serra le jeune homme dans ses bras avec force, et ne le relâcha qu'au bout de quelques instants pour poser délicatement ses mains sur ses joues.

Tout comme Lily, Mary Black, née Macdonald, avait bien vieilli, puisque le temps ne semblait pas avoir entaché sa beauté. Ses yeux d'un bleu sombre fixaient Harry avec un mélange de soulagement et de joie.

- Je suis tellement heureuse que tu n'aies rien. Déclara-t-elle, les yeux brillants de larmes.

- Maman, on pourrait croire qu'après la seconde guerre, tu aurais un peu plus confiance en mes talents de duelliste. Ce ne sont pas quelques Mangemorts qui parviendront à me tuer. Répondit-il d'une voix douce.

La transformation était saisissante. D'un bloc de marbre, le jeune homme paraissait désormais complètement relaxé et en adoration devant la femme qui se trouvait devant lui. Cela n'aurait pas dû étonner Lily, Mary avait dû l'élever en compagnie de Sirius après tout mais elle ne s'attendait pas à ce que cela lui fasse si mal de le voir appeler une autre femme « maman » et pire encore, de voir toute l'affection qu'il lui portait.

- C'était un plaisir de te revoir, Lily mais je crains que nous ne puissions rester plus longtemps. Déclara Sirius, qui avait passé un bras derrière les épaules de son fils. Le Magenmagot se réunit en session extraordinaire d'ici deux heures. Passe mes bons vœux de rétablissement à ton fils.

Tandis que les trois Black s'éloignaient, l'enseignante songea que pas à un seul moment Sirius n'avait mentionné James. Elle avait tout à fait conscience que ce qu'il devait percevoir comme une trahison avait été pire venant de son époux que d'elle-même. Il avait aimé James comme un frère et lui avait porté davantage d'affection qu'il n'en avait jamais éprouvé pour Regulus. Sa déception avait dû être d'autant plus grande lorsqu'il avait appris ce qui était arrivé à Harry.

Posant une main sur l'épaule de sa fille, Lily s'efforça de laisser sa culpabilité et ses remords de côté. Elle avait une famille à protéger et Sirius avait la sienne. Peut-être qu'avec le temps, ils parviendraient à renouer un semblant d'amitié mais cela n'arriverait pas tout de suite.


Rabastan venait tout juste de regagner ses appartements et il portait toujours les mêmes vêtements que lors de l'attaque. Le souffle court, le Mangemort laissa tomber son masque sur le sol et s'affala sur son lit, tremblant de tous ses membres.

Le plus dur n'avait sans doute pas été l'assaut en lui-même. Hormis dans la tribune d'honneur, où étaient concentrés nombre d'Aurors et autres combattants, ils n'avaient pas rencontré beaucoup de résistance. Comme leurs informateurs l'avaient prédit, la sécurité mise en place autour du stade était largement insuffisante pour les repousser en force.

Malheureusement, Black et Bones étaient parvenus à faire converger une bonne partie de leurs effectifs vers la tribune avant de causer une explosion d'une telle ampleur qu'elle avait piégé un nombre conséquent de ses hommes sous les décombres.

En dépit des lourdes pertes subies par le personnel du Ministère, ainsi que parmi les spectateurs, le Seigneur des Ténèbres avait été furieux d'apprendre les pertes subies par ses propres troupes. Voilà pourquoi il avait été soumis au Doloris pendant un long moment, qui lui avait d'ailleurs paru interminable, et dont il sentait encore les effets.

Le cadet des frères Lestrange regrettait un peu plus à chaque instant d'être resté au service du mage noir. Non seulement le maître ne jugeait pas son investissement et sa performance à leur juste valeur mais en plus, il le punissait pour une tournure des évènements sur laquelle il n'avait eu aucun contrôle.

Bien sûr, Bellatrix n'avait eu aucune punition puisqu'elle n'avait pas participé directement à l'opération. Sa belle-sœur s'était contentée de se tenir à côté du trône où siégeait le Seigneur des Ténèbres et de le regarder se faire torturer sans lever le petit doigt.

Passant une main dans ses cheveux bruns, l'ancien prisonnier songea qu'il était grand temps de réagir. S'il continuait sur cette pente, quoi qu'il fasse, il finirait par y laisser sa peau. Il lui fallait trouver un moyen de se sortir de cette situation mais lequel ? Il ne pouvait pas se rendre aux autorités, conscient que Shacklebolt l'expédierait de nouveau à Azkaban ou, pire encore, lui ferait administrer le Baiser du Détraqueur.

Réussissant tant bien que mal à s'extirper de sa cape, il vit un morceau de parchemin en tomber et tendit la main pour le ramasser. Il s'agissait d'une adresse et d'une date, accompagnés des mots suivants :

Si vous souhaitez vous extirper de la gueule du serpent, rencontrez-nous.

Ses yeux noirs fixant le parchemin pendant un long moment, mémorisant ainsi son contenu, Rabastan le réduisit ensuite en cendres d'un geste de sa baguette.

Au point où il en était, il n'avait plus grand-chose à perdre alors pourquoi ne pas tenter sa chance ?