Dans cette histoire, les personnages du roman «Orgueil et préjugés» de Jane Austen se retrouvent dans un monde futuriste. Il va de soi que plusieurs détails sont très fantaisistes et certainement encore moins crédibles. Toutefois, j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire cette histoire à partir de mon roman préféré. N'oubliez pas de me dire ce que vous en pensez! Miriamme.

Première partie

-Commandant Darcy, ces Astériennes sont extrêmement dangereuses. Endormies, elles paraissent totalement inoffensives, mais éveillées, personne n'est plus redoutable qu'elles. On ne sait pas de quelle façon elles s'y prennent, mais elles finissent toujours par maîtriser les gens de l'association, déplora le supérieur hiérarchique du commandant William Darcy lors de l'une de leurs nombreuses communications.

-Je ne comprends toujours pas pourquoi il est nécessaire que vous passiez par nous Général… s'intéressa ce dernier sur un ton tout de même respectueux.

-J'y viens, j'y viens. C'est que voyez-vous, le nouveau chef des Astériens, Ralf Jutor, nous a prévenu que les révolutionnaires sont prêts à tout pour trouver où elles se cachent et leur intention est claire : ils veulent les délivrer. Ils ont déjà attaqué trois des vaisseaux à bord desquels nous les maintenions en détention. Maintenant qu'elles sont à nouveau entre nos mains, il est certain qu'ils sont déjà à leur recherche.

-Elles doivent avoir un émetteur sur elles…. Suggéra William.

-C'est ce que je crois aussi. Toutefois, comme aucun vaisseau de l'association n'est équipé pour les scanner, voilà pourquoi nous avons pensé les envoyer chez vous. Après tout, votre vaisseau est celui dont le bouclier de protection est le puissant de la flotte. Ces révolutionnaires ne pourront probablement pas les repérer si elles sont chez vous, du moins c'est ce que nous espérons.

-Bien… Bien. Si c'est ce que vous voulez, transférez-les à bord du Grondeur huit mon Général.

-Assurez-vous qu'elles restent endormies surtout. Et William, faites-moi plaisir voulez-vous, ne laissez pas vos hommes s'approcher d'elles… Le prévint le Général.

-Pourquoi?

-Quand vous le verrez, vous comprendrez.

Désirant rediscuter de cette mission délicate que le Général Duke venait de lui confier avec son meilleur allier, William pressa sur sa montre-bracelet en appuyant sur la touche qui correspondait à la fréquence de son second, le capitaine Charles Bingley.

-Mon commandant? Répondit celui-ci sans perdre une seconde.

-Charles, peux-tu venir me rejoindre dans mes quartiers?

-Bien sur, j'arrive William. Répondit celui-ci en mettant fin à la communication.

Cinq minutes plus tard, le capitaine Bingley déclencha l'ouverture de la porte et pénétra dans les appartements du commandant lorsque l'ordinateur de bord accepta sa requête.

-Alors, que puis-je faire pour toi William?

-Nous allons recevoir des prisonnières sous peu, des Astériennes. Elles seront ici dans une vingtaine de minutes. Notre ordre de mission est de les garder en détention et de les mener sur Sargon le plus rapidement possible sans que personne ne puisse se douter qu'elles sont à bord.

-Bien… mais encore?

-Cette mission nous a été confiée en partie parce que nous nous dirigions déjà vers cette galaxie et parce que nos boucliers sont les seuls qui possèdent assez de puissance pour bloquer ceux qui pourraient être tenté de venir les récupérer. Ces deux Astériennes sont considérées comme très dangereuses, ce qui explique pourquoi elles ont été plongées dans un sommeil artificiel. Dès que leurs caissons seront transférés à bord, nous les ferons entreposer dans la salle C.

-Bonne idée. Ne devrions-nous pas prévenir le lieutenant Cole? proposa Charles.

-Non! Moins nous serons nombreux à savoir qu'elles sont à bord, meilleures seront nos chances d'éviter de recevoir des visiteurs qui – soit dit en passant – possèdent une technologie bien supérieure à la nôtre.

-Est-ce à dire qu'ils peuvent pénétrer dans le vaisseau sans se faire remarquer?

-C'est ce qu'ils ont fait sur les autres vaisseaux où elles ont été retenues en captivité… Voilà pourquoi nous serons les seuls à savoir qu'elles sont ici. Pour tous les autres à bord, nous dirons que nous venons de recevoir du matériel militaire et qu'à cause de la toxicité celui-ci, les caissons sont maintenus dans un état de congélation.

-Officiellement donc, nous sommes toujours en route pour Sargon? Pour aller à la graduation de ta sœur Georgianna?

-Effectivement. Sargon est sur notre route de toute façon, fort heureusement.

-Des Astériennes… hum, je me demande bien à quoi ressemblent les gens de cette espèce?

Lorsque William reçut la confirmation que deux immenses caisses venaient d'arriver à bord du vaisseau, il prévint son second et lui demanda de venir le rejoindre sur la piste d'atterrissage. Ne voulant pas donner l'impression que les caisses étaient si importantes que cela, William jeta un œil rapide sur les deux boites qui étaient recouvertes d'une énorme bâche et ordonna qu'elles soient envoyées dans la salle C.

-Faites-moi prévenir lorsqu'elles seront entreposées là-bas lieutenant Cole, mentionna finalement Charles d'un ton neutre afin de se conformer à la procédure habituelle.

Quelques minutes plus tard, lorsque les deux officiers reçurent la confirmation que les boîtes étaient arrivées et entreposées à l'endroit désigné, ils convinrent de s'y rendre, pressés de voir à quoi pouvait ressembler ces Astériennes. Gardant en tête la mise en garde du Général Duke, William souleva uniquement le dessus de la caisse de bois dans laquelle était encastré le caisson. Une vitre ronde et teintée lui permit de découvrir qu'il s'agissait d'une femme. Sans échanger une seule parole avec son second, William lui fit signe de vérifier le contenu de la seconde caisse. Sans être en mesure d'en parler immédiatement – à cause du système de surveillance dont William n'avait pas désactivé le témoin sonore – les deux hommes furent aussi surpris l'un que l'autre en réalisant à quel point ces étrangères ressemblaient en tout point aux humaines. Un clignotant lumineux témoignait de l'état léthargique artificiel dans lequel étaient plongées les deux occupantes. Les deux hommes communiquèrent par signes à nouveau, firent glisser les deux caissons le plus loin possible de la porte d'accès et les recouvrirent avec la bâche.

Vers 19h00 ce soir là, les deux amis prirent enfin le temps de lire le rapport que William venait de recevoir du Général Duke et qui contenait le résumé des accusations qui pesaient contre les deux prisonnières. Si les informations contenues dans ce dossier étaient vraies, ces deux Astériennes étaient considérées comme responsables – à elles seules - de la mort de plus de trois milles Astériens. La majorité de leurs crimes aurait été commis alors qu'elles se trouvaient à la tête du plus grand groupe de révolutionnaires.

-Tu vois, c'est écrit ici Charles: On raconte qu'elles sont capables de tout pour arriver à leur fin.

Alors que le Grondeur 8 était en route pour la Galaxie de Sargon, à deux reprises des vaisseaux ennemis entrèrent en communication avec le commandant Darcy et utilisèrent des moyens détournés pour essayer de savoir s'il transportait des prisonnières à son bord. À chaque fois, heureusement, William réussit à faire dévier la conversation s'empressant de mentionner – sans avoir besoin de feindre la fierté qu'il éprouvait déjà à l'idée d'assister à la cérémonie d'assignation organisée annuellement par l'association : Ma sœur y recevra ses premiers jalons. J'ai tellement hâte d'y être.

Arrivés sur place, William et Charles se rendirent assister comme prévu à la cérémonie officielle où Georgianna se distingua en recevant ses jalons de la main même du Général Duke avant de rentrer à bord du vaisseau en compagnie du nouvel officier.

De retour à bord, après être allé reconduire Georgianna jusqu'à sa cabine et lui avoir souhaité bonne nuit comme il avait l'habitude de le faire auparavant, William s'arrêta devant l'un des postes d'ordinateurs et entra le code qui lui permettait de prendre ses courriels. Après avoir survolé l'ensemble de ses nouveaux messages, il s'intéressa à un rapport rédigé une heure plus tôt par le responsable du système d'aération du vaisseau qui lui apprenait que la température faisait actuellement défaut dans une section éloignée du vaisseau. Par précaution, William jeta un œil sur le plan que le responsable avait annexé à son message, répondit brièvement à celui-ci puis regagna sa cabine, entièrement rassuré.

-Lieutenant Cole, que se passe-t-il? Se renseigna-t-il au chef de la sécurité lorsqu'au milieu de la nuit l'alarme se mit à sonner.

-Des intrus se sont introduits dans le vaisseau Commandant. Nous les avons perdus de vue… lui rapporta celui-ci tout en attendant les ordres de son supérieur.

-Où les avez-vous vus la dernière fois?

-Ils s'approchaient des entrepôts. Près de l'endroit où le chauffage faisait défaut dans la soirée. Juste à côté de la salle C, je crois.

-Cole, je veux que vous envoyiez vos hommes devant chaque accès qui mène aux entrepôts. Ne laissez personne entrer. Il y a des caissons à haute teneur toxique dans la salle C. Charles et moi allons passer des combinaisons antibactériennes avant d'aller vérifier à l'intérieur…

-À vos ordres mon commandant.

Après avoir revêtus la protection adéquate, William et Charles étudièrent attentivement les plans que le lieutenant Cole leur présenta.

Ouvrant les yeux, la première des deux astériennes revenait d'un long sommeil. Elle prit le temps de réfléchir puis comprit d'elle même que l'état de confusion qui régnait dans son esprit ne pouvait avoir qu'une seule cause : elle sortait d'un long sommeil artificiel. Elle vint pour se lever, mais fut aussitôt terrassée par une douleur atroce qui la saisit à la nuque. C'est alors qu'elle songea à Jane. La tristesse l'envahit aussi soudainement que revenaient ses derniers souvenirs. Elle exhala un profond soupir, jeta un œil mouillé en direction de la buée qui se formait au-dessus d'elle et sentit le sel de ses larmes brûler ses joues tandis qu'elles dévalaient jusqu'à ses oreilles. La dernière fois qu'elle avait pu apercevoir Jane, celle-ci était presque morte. L'astérienne tenta à nouveau de se redresser mais se heurta au couvercle vitré de son caisson. Tout en regardant autour d'elle, elle tâta l'intérieur de son étroite prison, cherchant un levier ou un bouton sur lequel elle pourrait presser pour activer l'ouverture du couvercle. Le trouvant enfin, elle l'actionna et regarda le dessus s'ouvrir totalement. Sans apercevoir ce qu'il y avait autour, elle perçut des mouvements. Redressant la tête, elle constate qu'un autre caisson avait été installé à côté du sien. Elle se pencha en avant, détacha ses pieds et se laissa lentement glisser à l'extérieur. Ses muscles eurent beaucoup de peine à lui obéir. Elle avança péniblement en direction de l'autre coffre et appuya sur un levier identique à celui qu'elle avait trouvé dans son propre caisson afin de déverrouiller le second. Tel que prévu, le couvercle se leva lui permettant de reconnaître la voix de Jane qui s'éveillait à son tour.

-Vite Jane, il faut nous cacher… Ils peuvent arriver à tout moment.

-Où sommes-nous? Lui demanda la seconde prisonnière en sortant péniblement de son caisson.

-Je l'ignore. Mais je t'en prie, fais vite. Nous ne pouvons pas rester ici… Je devine sa présence… Il est à bord… Vite, quittons cet endroit. La pressa-t-elle en la prenant par le bras pour l'aider à marcher.

Après avoir examiné ce qu'il y avait autour d'elle, Jane devina qu'elles étaient à bord d'un autre vaisseau de l'association.

-Encore des terriens… J'en étais certaine…

-Tu es certaine… commenta Élisabeth avec agressivité.

-Vite, Lizzie, il faut se cacher de Ralf et des autres.

Quelques minutes plus tard, le commandant William et son second Charles pénétrèrent prudemment dans la salle C, revêtus d'une combinaison immaculée.

-On arrive trop tard commandant, elles sont déjà parties… Constata Charles en réalisant que les deux caissons étaient non seulement ouverts, mais vides.

-Ajuste ton laser. Ordre de tirer à vue. Le prévint le commandant qui se dirigeait déjà vers le mur où il s'empressa de déclencher l'alerte rouge afin que tous les gardes enregistrent la même consigne.

Lorsque les deux étrangères entendirent l'alarme, elles convinrent de se séparer afin d'augmenter leurs chances d'arriver à fuir. Avant de se quitter toutefois, elles s'étreignirent avec affection.

-Bonne chance. La première qui trouve un moyen de partir d'ici communique avec l'autre, suggéra Jane avant de disparaître à gauche.

-Je t'aime Jane. Bonne chance, chuchota Élisabeth avant de s'élancer du côté opposé.

Obliquant dans le couloir central, Jane entendit des pas s'approcher. Après avoir étudié les lieux rapidement, elle s'approcha d'une grille d'aération, tira fermement sur celle-ci, réussit à la déloger à force d'insister, se glissa à l'intérieur et la referma aussi vite pour ne pas être repérée par ses poursuivants. Reconnaissant l'uniforme des gens de l'association, Jane se cala davantage dans sa cachette et retint son souffle tandis qu'ils circulaient dans le long corridor en fouillant chaque centimètre.

Un second détachement d'hommes traversa ensuite le corridor et s'arrêta directement devant la grille où elle était toujours cachée, précédé par deux individus entièrement recouverts d'un uniforme entièrement blanc. L'un d'eux rabaissa son capuchon avant de s'écrier : Identifiez-vous, je vous prie.

-Commandant Darcy, mon nom est George Wickham et on m'a envoyé ici pour prendre en charge les deux prisonnières astériennes qui ont été transférées à bord de votre vaisseau. Où sont-elles?

Presque certain que l'homme qui lui adressait la parole ne disait pas la vérité, le commandant décida d'utiliser la ruse en commençant par se montrer conciliant : Mes hommes eux-mêmes sont à leur recherche. Le système de chauffage a fait défaut, elles ont été accidentellement dégelées. Laissez-nous faire… nous allons bientôt les retrouver.

-L'association nous a demandé de les transférer sur notre vaisseau dès ce soir. C'est moi qui me chargerai de les conduire sur Sargon à partir de maintenant. Dès que vous les aurez retrouvées évidemment. Compléta le chef des intrus certain qu'il avait réussi à convaincre le commandant de sa bonne foi.

Un léger bruit provenant de la grille fit se retourner les deux hommes. Jetant un œil en direction de son second, William lui fit signe de le laisser passer.

Aussitôt qu'il fut assez près de la grille, William se baissa rapidement, l'arracha d'un mouvement sec et pointa son laser en direction de la jeune femme qui le fixait maintenant la bouche grande ouverte. Sans perdre une seconde, le dénommé Wickham se baissa à son tour, saisit la fugitive par les épaules, la tira hors du conduit d'aération, la força à se relever et la pressa contre lui en lui tordant le bras. Les yeux de la jeune femme se remplirent de larmes en même temps qu'elle lâchait un cri de douleur.

Un hurlement strident se fit alors entendre tandis que la seconde jeune femme se précipitait vers eux. Elle arracha le laser des mains de l'homme qui était le plus près d'elle en passant derrière lui et plaqua le bout de l'arme dérobée sur sa tempe : Laissez la princesse s'en aller où je tue cet homme, les menaça-t-elle tous d'une voix ferme.

-Non, Élisabeth, va-t-en. Laisse-moi ici, je suis fichue… Il est trop tard. Lui ordonna l'autre prisonnière.

-Je vous ai dit que la relâcher, sinon cet homme mourra, insista Élisabeth la voix maintenant agitée par un léger tremblement.

-L'homme que tu tiens en otage n'est même pas des leurs… lui souffla finalement Jane.

-Perspicace la princesse… ironisa George avant de serrer davantage Jane contre lui, relever son fusil laser puis menacer de faire feu en direction d'Élisabeth prouvant qu'il ne se souciait aucunement de l'homme qu'elle utilisait encore comme bouclier.

Au même instant, la princesse planta ses dents dans l'avant-bras du tireur, le prenant suffisamment par surprise pour qu'il relâche sa prise et qu'elle puisse en profiter pour s'élancer en direction d'Élisabeth. Elle s'écrasa sur le sol avant d'arriver jusqu'à celle-ci, atteinte d'un tir précis à l'épaule. En étant de choc, Élisabeth libéra le soldat pour aller couvrir le corps de l'autre prisonnière : Jane, s'écria-t-elle désespérée, Jane, oh, mon Dieu, je t'en prie, reviens la pria-t-elle tout en la secouant doucement.

-Sauve-toi, il est trop tard… chuchota finalement la l'autre astérienne avant de perdre conscience.

-Jetez vos armes messieurs! Tonna enfin le commandant Darcy, je n'aime pas du tout ce qui se passe ici… ajouta-t-il tout en pointant son arme en direction de George Wickham.

Comme celui-ci le défiait du regard et refusait d'obéir à son injonction, le commandant s'empressa de faire un signe à ses hommes afin qu'ils procèdent à son arrestation. Juste avant que les officiers ne l'immobilisent, le scélérat en profita pour hausser son arme et tirer sur la seconde prisonnière. Honteux de ne pas avoir prévenu son geste, William Darcy le tint en joue à son tour le temps que ses hommes le désarment définitivement. Éclatant d'un rire sec, George se laissa faire, satisfait de voir la jeune astérienne s'écraser sur la première aussi molle qu'une poupée de chiffon.

Une courte bataille s'ensuivit au terme de laquelle, les terriens maîtrisèrent rapidement la situation et firent le nécessaire pour que les deux jeunes femmes soient prises en charge par le docteur Jones, médecin en chef du vaisseau et que les intrus soient téléportés directement sur le vaisseau de Général Duke. Toujours indécis quand à l'importance qu'il devait accorder à l'incident qui venait de se produire, William exigea que les deux prisonnières soient maintenues sous haute surveillance le temps que la lumière se fasse sur les événements troublants dont il avait été témoin et qui ne correspondaient absolument pas au scénario dont lui avait parlé le Général Duke.

Dans l'unité médicale, Élisabeth fut la première à reprendre conscience. Encore étourdie elle scruta les alentours puis, ne voyant personne et ne décelant aucun bruit, essaya de se lever, mais constata qu'elle était attachée. Le docteur Jones qui observait le manège de la jeune femme depuis son réveil, envoya automatiquement un message au commandant, afin de se conformer aux ordres qu'il avait reçus.

-Commandant Darcy… l'une d'elle vient de se réveiller.

-J'arrive. Lui répondit le commandant avant de rompre la communication.

Dès qu'elle entendit la porte de l'unité médicale glisser doucement, la prisonnière releva légèrement la tête puis s'informa : Où est Jane?

-La princesse n'est pas encore réveillée, lui annonça le commandant en s'arrêtant devant son lit, mais restant prudemment en retrait.

-Dieu merci. Maintenant redressée sur ses coudes, la jeune femme l'interrogea à nouveau: Qu'avez-vous fait de Ralf et de ses hommes?

-Vous parlez de George Wickham?

-Ce n'est pas son vrai nom. Ce n'est pas un terrien voyons et il s'appelle Ralf Jutor.

Sans vraiment réagir à ses propos, William répondit tout de même : Ceux qui vous ont attaquées sont maintenant entre les mains des hommes de l'association.

-Alors pourquoi avoir fait ça? Le questionna-t-elle en redressant ses poignets afin qu'il voie ses liens.

-Nos ordres sont toujours de vous conduire sur Sargon.

-Quoi?

-Les ordres sont les ordres.

-Vous ne pouvez pas faire ça… La princesse ne doit pas y retourner.

-L'association n'est pas de cet avis.

-Votre association est corrompue… s'emporta-t-elle.

-Et pourquoi devrais-je vous croire?

-Parce que c'est la vérité… rétorqua-t-elle avec exaspération.

-Commandant, les caissons de refroidissement seront bientôt pleinement opérationnels, les interrompit soudainement le docteur Jones.

-Commandant, vous serez complice des hommes qui nous ont attaquées si vous ne nous libérez pas, l'implora-t-elle une dernière fois avant de se redresser et cracher dans sa direction après avoir compris qu'elle n'avait aucune chance de le convaincre. Vous ne valez pas mieux que les autres.

-Docteur Jones, administrez donc un calmant à cette sauvageonne… chuchota William au médecin en passant près de lui pour s'en retourner vers la sortie.

Maintenant la porte ouverte devant lui, William entendit clairement le cri de surprise que lâcha la jeune femme lorsque le docteur lui injecta le puissant sédatif.

-Non, je me suis trompée, vous êtes pire qu'eux commandant. Je ne vous laisserai pas faire… Je ne dois pas abandonner Jane… elle doit restée cachée… Elle ne doit pas tomber entre les mains de Ralf… tempêtait-elle en se débattant inutilement.

Comme les mots de la jeune femme devinrent rapidement indistincts, William passa la porte coulissante en s'adressant une dernière fois au médecin : Veuillez continuer la préparation des caissons et me prévenir dès que l'autre astérienne s'éveillera.

De retour dans son bureau, William convoqua son second et prit quelques notes dans son journal de bord en l'attendant.

-Charles, je suis perplexe en ce qui concerne nos deux prisonnières, débuta-t-il lorsqu'il se présenta devant lui dix minutes plus tard. Je crois que nous devrions effectuer certaines vérifications. J'aimerais beaucoup que tu assistes à la discussion que je vais avoir avec les gens de l'association. Tu me diras ce que tu en penses une fois que j'en aurai terminé avec eux.

Lorsqu'ils ce furent entendus sur ce que William devait demander au Général et sur la place qu'occuperait Charles pendant que la discussion se tiendrait entre les deux autres, William entra en communication avec le Général et attendit silencieusement que celui-ci se manifeste tout en relisant ses notes.

Dès que son supérieur hiérarchique l'interpella sur l'écran géant faisant face à son bureau, William le salua comme le veut l'usage puis s'intéressa au sort qu'il avait réservé à George Wickham et à ses hommes.

-Ils sont présentement sous bonne garde dans des cellules d'incarcération. Félicitations commandant Darcy. Vous êtes l'efficacité même, le complimenta ensuite le vieil homme.

-Il y a un tout de même point que j'aimerais éclaircir avec vous Général…

-Je vous écoute…

-Lorsque vous m'avez parlé des deux astériennes pour la première fois, vous m'avez expliqué que ceux qui les recherchaient n'avaient qu'un objectif et que c'était de les libérer. Pourtant, dès que ce George Wickham en a eu l'occasion, il a tenté de les tuer et il y serait même arrivé, si mes hommes et moi n'étions pas intervenus.

-Oh, ça… oui, vous avez raison. Ce qu'il y a, c'est que des changements sont survenus entre temps. Le nouveau leader des astériens nous a contactés pour nous dire qu'elles avaient été jugées en leur absence et qu'ayant été déclarées coupables, elles devaient être éliminées. En un mot, elles doivent payer pour leurs crimes.

-Ah bon… je comprends. Et naturellement vous ne trouvez pas ce retournement bien soudain?

-Franchement William… que ce soit le cas ou pas… on s'en fout. Le climat politique actuel est si fragile qu'il vaut mieux ne pas trop se poser de question. Nous n'avons pas à nous mêler de ces règlements de compte interraciaux. Livrez les donc une bonne fois pour toute sur Sargon et ne vous préoccupez plus d'elles. Conclut le Général d'un ton las.

-Vous avez raison. C'est exactement ce que je vais faire… Merci mon Général. Je vous recontacterai lorsque nous quitterons Sargon.

-Très bien, merci commandant Darcy.

Dès que le visage du général disparût de l'écran, le commandant se tourna vers son second et posa sur lui un regard interrogatif.

-Hum, je ne sais pas encore, mais une chose est sûre, je n'arrive pas à croire que les consignes peuvent changer à ce point aussi rapidement. Il a dû se passer quelque chose… convint Charles tout en se passant la main dans les cheveux pour les brasser avec vigueur.

-Comment savoir qui dit vrai dans toute cette histoire? Mon petit doigt me dit que nous devrions aller interroger celle qui s'appelle Jane.

-La princesse?

-Oui… Après tout, nous sommes à deux jours de Sargon, nous avons un peu de temps devant nous.

Quelques minutes plus tard, aussitôt qu'ils furent prévenus de son réveil par le médecin chef de l'unité de soin, les deux hommes se présentèrent au chevet de la princesse.

-Puis-je savoir où je suis? Leur demanda la jeune malade d'entrée de jeu.

-Vous êtes toujours à bord du grondeur huit qui est un vaisseau de l'association. Je suis le commandant William Darcy et voici mon second, le capitaine Charles Bingley.

-Enchantée messieurs… Je me nomme Jane Bennet… Je viens de la planète Aster. Bien que je ne puisse plus être aussi fière de ces origines aujourd'hui…

-Pourquoi? S'intéressa Charles Bingley.

-Avant de vous répondre capitaine, puis-je savoir où est l'astérienne qui était avec moi?

-Parlez-vous de celle qui se nomme Élisabeth? Rougit violemment le commandant.

-Oui. Il ne lui est rien arrivé de grave, j'espère?

-Non ne vous inquiétez pas… Elle s'est un peu emportée à son réveil… alors j'ai suggéré qu'on lui administre un calmant… finit-il par admettre en fuyant son regard.

-Oh…

-Elle ne fait que dormir ne vous en faites pas pour elle… Maintenant, mon second et moi aimerions vous poser quelques questions… déglutit-il en dardant sur elle un œil inquisiteur.

-Ce que vous vous demandez réellement, c'est si oui ou non, vous allez nous ramener sur Sargon, c'est ça?

-Comment le savez-vous? Balbutia Charles impressionné.

-J'ai des antennes pour capter les dilemmes….

-Étonnant… répondit Charles franchement admiratif.

-Non, ce n'est qu'une simple caractéristique astérienne. Tous les gens de mon peuple possèdent un don distinct. Vous connaissez maintenant le mien. Écoutez… voici ce que je vous propose…. Je vais vous donner ma version des faits… sans prétendre qu'il s'agit de la vérité… à ce sujet, vous prendrez votre propre décision… Je vous promets également de ne rien faire pour tenter de vous influencer, ni de vous persuader… Seul mon père possédait ce don. Le don de persuasion.

-D'accord, approuva le commandant.

-On vous écoute attentivement… renchérit Charles tout sourire.

-Mon père Max Bennet était le roi d'Aster. Si je parle de lui au passé, il y a deux bonnes raisons à cela. La première était qu'il a été renversé il y a un an et la seconde c'est qu'il a été assassiné. L'homme qui a pris sa place sur le trôle après le renversement était un mercenaire, répondant au nom de Ralf Jutor. Mais à vous, il s'est présenté sous le nom de George Wickham. Personnellement, je ne l'avais jamais vu, mais je savais qu'il était cruel et sanguinaire… Pour renverser mon père et prendre le pouvoir, Ralf s'est associé avec les Rutiliens, qui sont nos ennemis de toujours. Ça faisait déjà quelques années que Ralf négociait avec ce peuple et cherchait à les faire entrer chez nous. Heureusement, Élisabeth avait pressenti la chose et est venue nous en informer… C'est grâce à elle si nous avons pris la décision d'agir et si nous en avons eu le temps… Nous nous sommes donc regroupés et avons organisé une rébellion.

Toutefois, lorsque nous avons voulu mettre notre plan à exécution, nous avons été trahis par l'un des nôtres… Il s'appelait Collins. Il avait pactisé avec Ralf. Nous sommes donc tombés dans une embuscade. Élisabeth et moi avons pu nous échapper, mais de justesse. Nous sommes restées suffisamment longtemps pour assister de loin à la mort de nos hommes et à l'assassinat de notre père. Finalement, nous avons trouvé refuge sur la planète Autor… C'est là que les membres de l'association nous ont retrouvées avant de nous plonger dans ce sommeil artificiel. Lorsque votre sénateur est entré en contact avec les derniers représentants de notre communauté, Ralf Jutor s'est substitué à mon père et a demandé que nous soyons maintenues en détention et conduites sur Sargon.

-Il est vrai que dans le rapport de l'association c'est écrit noir sur blanc que c'est vous deux qui avez massacré les vôtres. Convint William.

-Ralf avait tout intérêt à nous faire endosser la responsabilité de sa propre tuerie. Il lui a été très facile de mentir à vos supérieurs. Après tout, avec Ralf, nous sommes les trois derniers astériens à être encore en vie. Si vous obéissez à l'ordre de mission que vous a donné l'association et que vous nous ramenez sur Sargon, c'est certain que nous tomberons entre les pattes de Ralf…

-Et qu'il va s'empresser de vous éliminer…

-Voilà… alors il ne vous reste plus qu'à décider si vous pouvez ou non me faire confiance ainsi qu'à Élisabeth.

-Le moins que l'on puisse dire… c'est que vous venez de nous plonger encore plus loin dans ce dilemme. Soupira Charles en se redressant.

Après avoir remercié la jeune femme, les deux hommes prirent congé d'elle et s'en retournèrent dans le bureau du commandant pour en rediscuter.

-Je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi… je serais porté à croire à l'histoire de cette fille… Toutefois… mon instinct me dit que nous ne devrions pas lui faire savoir que nous y croyons… pas plus que l'association doit être informée que nous n'avons pas l'intention de les livrer… pour les deux camps, nous devrions faire semblant d'être neutres et indifférents.

-Bonne idée… mais je vais tout de même ordonner que des localisateurs soient installés sur elles à leur insu évidemment… pour notre sécurité autant que pour la leur. Bien, ceci était décidé, je vais informer le docteur Jones qu'il peut cesser la médication de l'autre astérienne.

Lorsque le localisateur fut programmé et que Jane le passa sans le savoir à son poignet en même temps que son bracelet de communication, William se rendit au chevet de la seconde astérienne et profita de ses dernières minutes de sommeil pour lui en installer un aussi. Une fois le bracelet bien attaché, la jeune femme s'éveilla doucement.

-Où est Jane?

-Du calme… vous la verrez bientôt. Allons ne tirez pas si fort sur vos liens… soyez patiente… je vais vous détacher.

-Pourquoi m'avoir réveillée? Aie… vous me faites mal.

-Désolé… si vous pouviez cesser de bouger aussi.

Pendant que le commandant finissait de dénouer ses liens, la jeune femme garda résolument la bouche fermée tout en le dévisageant effrontément.

-La princesse nous a raconté votre histoire… commença William autant pour contrer son malaise que pour détourner son attention, nous avons décidé de vous donner le bénéfice du doute… c'est à dire que nous allons vous détacher, mais que nous gardons le cap du Sargon… Là-bas… nous aviserons.

-Autant dire que vous nous livrerez comme prévu… les terriens sont bien tous les mêmes… pesta-t-elle en se frottant le poignet gauche.

-Si les astériennes sont toutes comme vous… je suis bien heureux d'être un terrien obtus… Tenez, vous êtes libre maintenant…

-Où est Jane? Lui demanda-t-elle pour la seconde fois en tentant de se lever. Posant un premier pied sur le sol, elle se redressa trop vite, perdit l'équilibre et se retrouva dans les bras du commandant qui la soutint et la pressa contre lui quelques secondes supplémentaires afin d'éviter qu'elle ne défaille à nouveau. Levant les yeux vers lui, Élisabeth se retrouva prisonnière de son regard et reprit la parole en bafouillant : Pardon… je suis encore étourdie… c'est sans doute à cause de ce produit que m'avez injecté…

-Utile les terriens… vous voyez. Se moqua-t-il en la relâchant. La princesse est dans la salle des commandes…lui apprit-il ensuite avant d'ajouter, elle explique à mes ingénieurs comment augmenter la puissance de nos moteurs…

-Pouvez-vous me montrer le chemin?

-Bien sur…

-Mais avant, dites-moi… est-ce qu'il y a une chance pour que nous puissions vous convaincre de ne pas nous livrer aux hommes de Ralf?

-Convaincre un homme obtus… n'essayez même pas… c'est impossible.

-Très bien… je tiendrai compte de vos limites.

-Vous êtes la sagesse même.

Lorsque les deux jeunes astériennes se retrouvèrent enfin l'une en face de l'autre, elles s'étreignirent affectueusement puis s'écartèrent pour s'examiner plus attentivement. Un mouvement vers la gauche leur rappela qu'elles n'étaient pas seules dans la pièce et les obligea à s'adresser l'une à l'autre d'une manière beaucoup plus distante. Une fois que le commandant les eut rassurées en leur annonçant qu'il allait leur faire préparer deux cabines voisines, les deux jeunes femmes le suivirent des yeux tant et aussi longtemps qu'il n'eut pas quitté la pièce. La princesse fut la première à prendre la parole.

-Lizzie… enfin quelle joie… j'ai eu peur…

-Moi aussi… admit Élisabeth avant de tourner la tête vers les deux gardes qui les surveillaient de loin pour leur demander : Messieurs, pouvez-vous me monter où nous sommes?

-Lizzie, nous sommes à 200 heures spatiales de Sargon. Nous y serons dans deux jours. L'entraîna Jane en lui désignant un point sur la carte qui était projetée sur le mur du fond.

-Qu'allons-nous faire d'ici là?

-Je suggère que nous commencions par nous familiariser avec la culture terrienne… suggéra Jane en désignant l'ordinateur que William avait mis à leur disposition.

Une heure plus tard, le commandant pénétra dans la pièce une seconde fois, accompagné cette fois d'une jeune femme en uniforme. Celle-ci s'approcha des deux étrangères et se mit à les dévisager attentivement.

-Comment peux-tu croire qu'il s'agit de deux révolutionnaires? S'insurgea la jeune femme en se retournant vers le commandant.

-Nous ne sommes pas des animaux de cirque, s'insurgea Élisabeth en s'avançant vers la jeune femme.

-Tout doux… l'intima le commandant en lui barrant le chemin, ce jeune officier est ma sœur…

-Je comprends mieux pourquoi elle pose des questions idiotes. Elle a de qui tenir la sœurette. Ironisa l'astérienne en retournant se poster à côté de Jane.

-Élisabeth, si nous sommes libres maintenant c'est grâce au commandant Darcy. Alors un peu de respect… la gronda celle-ci.

-Nous jouissons d'une fausse liberté Jane… insista Élisabeth en montrant les deux gardes qui étaient restés à leur poste depuis le départ du commandant.

-Toujours agressive à ce que je vois… se moqua le commandant.

-Je fais de mon mieux pourtant, intervint alors Élisabeth avec encore un peu trop de colère dans la voix.

-Georgie, tu veux bien aller leur montrer où se trouvent leurs cabines… pour ma part je dois retourner au travail.

-Certainement… vas-y William.

Restée seule avec les deux astériennes, Georgianna les invita à la suivre et les conduisit dans la section des cabines privées. Les deux invitées découvrirent avec joie que leurs cabines étaient voisines et qu'elles disposaient même d'une porte communicante intérieure. Après avoir remercié la sœur du commandant, Jane proposa à Élisabeth de se donner le temps d'explorer leur chambre avant de se retrouver.

-Utilisez vos montres bracelet pour me contacter… je me ferai un plaisir de vous faire visiter le vaisseau un peu plus tard, si vous le souhaitez évidemment.

-Oh… merci Lieutenant Darcy… la gratifia Jane tout en étant parfaitement consciente du regard désapprobateur qu'Élisabeth posait sur elle.

-Oh non… appelez-moi Georgianna tout simplement. Vous êtes à peine plus âgées que moi…

-Comme vous voulez…

Juste avant de s'éloigner, Georgianna se souvint de la dernière recommandation de son frère et informa les deux astériennes qu'elles devaient revêtir l'uniforme standard que portent l'ensemble des employés de l'association. Il n'y a que de cette façon que vous pourrez vous mêler aux autres sans attirer l'attention…

-Bonne suggestion… mais…

-Vos uniformes sont déjà dans vos cabines respectives…

-Ah… merci bien.

-À plus tard alors. La salle à manger ouvre ses portes vers 17h00. Lorsque vous aurez faim, vous n'avez qu'à vous y rendre… Pour ma part, je mange toujours vers 18h00. Si vous venez à ce moment-là… vous pourrez toujours vous joindre à moi, leur suggéra-t-elle avant de tourner le coin et disparaître.

-Elle est gentille, tu ne trouves pas?

-Pfff… son frère lui a sans doute demandé de nous garder à l'œil, rétorqua Élisabeth, de mauvaise foi.

Après s'être amusées en constatant que leurs silhouettes étaient très différentes une fois recouvertes par l'uniforme de l'association, les deux astériennes convinrent qu'elles avaient intérêt à aller se restaurer avant de mourir d'inanition. Elles quittèrent leurs cabines, utilisèrent le plan miniature intégré dans leur montre-bracelet pour trouver l'emplacement de la salle à manger, puis cherchèrent des yeux la sœur du commandant.

-Qu'est-ce que je te disais Jane. Tu crois qu'elle serait encore là à cette heure-ci si elle n'avait pas été chargée d'une mission nous concernant... la nargua Élisabeth en la découvrant assise seule et constatant qu'elle leur faisait signe de venir la rejoindre.

Le repas se passa beaucoup mieux que ce que les deux astériennes avaient imaginé. Elles apprécièrent les mets que Georgianna avait choisis pour elles et se satisfirent également de la compagnie de la jeune terrienne. À la fin du repas, Georgianna les invita à se rendre dans l'un des salons privés du vaisseau, déterminée à les présenter à son groupe d'amis.

Lorsqu'elles pénétrèrent ensemble dans l'immense pièce où plusieurs officiers venaient pour se distraire après une bonne journée de travail, Élisabeth remarqua aussitôt le regard entendu qu'échangèrent leur nouvelle amie et le commandant qui se tenait debout, un long bâton de bois dans la main tandis que son second, penché une table recouverte d'un tapis vert, s'apprêtait à frapper sur une boule blanche de taille moyenne.

-Qu'est-ce que c'est? Demanda Jane à voix basse, en se penchant vers Georgianna.

-Ces messieurs jouent au billard…

Le lieutenant Darcy expliqua brièvement les rudiments du jeu aux deux astériennes, avant de les conduire à une table d'où elles pourraient suivre le déroulement la partie tout en rencontrant ses amis.

Bien qu'Élisabeth ait senti le regard du commandant les suivre tandis qu'elles prenaient place sur la banquette où Georgianna les avait conduites, celle-ci ne répondit à pas au signe de tête qu'il lui fit un peu plus tard, alors qu'elle regardait à nouveau dans sa direction.

Lorsque le commandant se pencha sur la table afin d'étudier l'emplacement des balles et choisir celle qu'il allait essayer de faire entrer en premier, Charles s'approcha de leur table et vint les saluer chaleureusement.

Après avoir entendu les acclamations de ceux et celles qui suivaient le déroulement de leur partie, le second se retourna pour suivre le jeu et déplora: William va encore gagner. Il est imbattable.

-Tu n'as pas encore parié avec lui j'espère? Le gronda affectueusement Georgianna.

Le rouge qui envahit les joues de celui-ci déclencha un fou rire chez la jeune femme.

-Le commandant est si bon que ça? S'intéressa Élisabeth prenant la parole pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans la pièce.

-Personne n'est jamais arrivé à le battre jusqu'ici… confirma sa sœur, non sans une certaine fierté.

Jetant un œil entendu en direction de Jane, Élisabeth ignora le signe de négation de celle-ci et se releva pour aller se placer debout contre le mur, au centre de l'attroupement qui s'était nécessairement formé autour de la table de billard.

Très rapidement, elle comprit que le commandant ne s'intéressait qu'aux balles qui possédaient un nombre impair. Il venait même tout juste de réussir à faire entrer la balle 13 dans la poche qui était au centre de la table, du côté où se tenaient ses admirateurs. Observant l'emplacement des autres balles, Élisabeth réalisa qu'il lui restait deux balles seulement à entrer. Toutefois, comme elle ne connaissait pas les règles du jeu, elle porta une attention toute spéciale aux conversations qui se tenaient autour d'elle, espérant qu'une information signifiante serait révélée.

-Moi à sa place, je commencerais par la boule 11, la 5 est trop mal placée… suggéra l'homme qui se tenait à sa gauche.

-Non. Trop risqué voyons, protesta son voisin immédiat.

-Pourquoi? S'informa Élisabeth sans quitter le commandant du regard tandis qu'il recommençait à étudier la position des boules sur la table.

-Il perd à coup sûr s'il la huit tombe dans une poche…

-Chut! Taisez-vous donc. Vous allez le déconcentrer… les réprimanda une admiratrice.

Croisant le regard mécontent du commandant tandis qu'il revenait s'installer devant la boule 5, signe qu'il avait fait le bon choix, Élisabeth réprima son envie de rire, croisa les bras puis attendit qu'il daigne s'installer pour jouer. Le silence qui régnait dans la pièce, lui confirma que le résultat du coup à venir serait déterminant dans la partie.

Elle admira l'aisance dont faisait preuve le jeune homme tandis qu'il se penchait sur la table, alla positionner sa main gauche juste devant la cinquième boule et posa délicatement le bout de la longue baquette de bois sur le dessus de cette même main que ses doigts maintenait en hauteur, dans une grande rigidité.

Lorsqu'il ramena sa baquette d'un mouvement souple et fluide à quelques reprises vers l'arrière autant pour prendre son élan que pour évaluer correctement la force à appliquer sur la balle afin qu'elle se rende là où il la désirait, Élisabeth présentait un regard tout aussi concentré que lui.

La plainte collective qui suivit le moment où son bâton heurta la balle prouva à l'astérienne que son intervention était couronnée de succès.

-Hein? Vous avez vu ça? S'insurgeait l'homme qui lui avait indiqué la voie à suivre sans le savoir évidemment.

Le mouvement brusque que fit le commandant pour déposer son bâton sur la table et le juron qui s'échappa de sa bouche n'échappèrent pas à l'examen attentif d'Élisabeth juste avant qu'elle ne tente de se faufiler vers la banquette, obligée de remonter le flot d'admirateurs qui s'était spontanément élancé vers le perdant. Arrivée à destination, Élisabeth rougit violemment en sentant le regard désapprobateur de Jane se poser sur elle.

-Ben quoi… lâcha-t-elle en haussant les épaules. Il faut un début à tout.

Lorsque William vint leur souhaiter le bonsoir un peu plus tard, Élisabeth fut étonnée de sa bonne humeur. Il conversa poliment avec elles pendant quelques minutes avant de prendre congé pour la nuit en entraînant son second avec lui.

Une heure plus tard, les deux astériennes suivirent le conseil de Georgianna et se retirèrent également, parfaitement au fait qu'il ne leur restait plus qu'une journée de sursis avant d'être livrée aux autorités.

-Je vous retrouverai au déjeuner… Leur promit Georgianna après leur avoir fait la bise.

Une heure avant que la vaste majorité des employés du vaisseau ne s'éveille, Charles contacta William à partir de sa montre bracelet. Il l'informa que le signal émis par le localisateur installé sur la montre d'Élisabeth indiquait qu'elle aurait quitté sa cabine et qu'elle se dirigerait maintenant vers le hangar principal des vaisseaux. Sans perdre une seconde, William ordonna à Charles d'accompagner l'équipe qu'il allait envoyer vers les hangars pendant que lui-même se dirigerait vers la cabine de la princesse.

-Princesse? Princesse, réveillez-vous… l'interpella-t-il à travers la porte-coulissante, une fois arrivé devant celle-ci.

-Commandant? S'étonna la princesse en le découvrant devant elle.

-Savez-vous où est Élisabeth?

-Non… Pourquoi?

-Parce que selon son localisateur, elle se trouverait actuellement dans le hangar à vaisseaux

-Mais pourquoi?

-Je l'ignore. J'espérais que vous sauriez quelque chose. Mais puisque ce n'est pas le cas… je vais aller rejoindre les autres sans tarder.

-Attendez-moi, je viens avec vous.

-Faites-vite alors.

Lorsqu'ils arrivèrent au devant de Charles et de son équipe et que celui-ci leur fit signe d'être extrêmement silencieux, William s'approcha seul de son second, regarda dans la direction indiquée par lui et réalisa que la fugueuse était malmenée par des rutiliens.

-Où est la princesse? hurlait le chef du groupe à la jeune femme pendant que deux autres rutiliens la maintenaient fermement.

-Partie… balbutia la jeune femme d'une voix rauque.

Le chef la gifla rudement avant la narguer : Et maintenant, la mémoire te revient?

-Plus à bord du vaisseau… répéta-t-elle d'une voix encore plus faible.

Sa tête vacilla en recevant une seconde gifle, plus forte que la première. Le rutilien s'approcha d'elle, la ramassa par les cheveux et lui releva la tête pour la haranguer : Si la mémoire ne te reviens pas tout de suite, je te tue… réfléchis bien avant de répondre.

-Partie… la princesse n'est plus à bord… gémit-elle d'une voix éteinte.

Le chef se redressa et grommela : Achevez la, en direction de ses hommes.

Sachant qu'il était temps de réagir, William fit signe à son équipe, émergea lui-même de sa cachette et pointa son laser sur l'ensemble des rutiliens : Jetez vos armes!

Vif comme l'éclair, le chef des rutiliens fit passer Élisabeth devant lui afin de s'en servir comme un bouclier.

-Jetez d'abord les vôtres où vous ne la reverrez pas vivante. prévint-il le commandant à son tour.

-Commandant, laissez-les m'emmener… Ne faites rien… haleta Élisabeth en l'implorant du regard.

-Que voulez-vous exactement? S'intéressa William en s'adressant au chef.

-Que diriez-vous d'un échange : la princesse contre cette banale astérienne.

-Refusez… l'implora Élisabeth dans un souffle.

Le chef lui replia violemment le bras vers l'arrière pour la faire taire.

-Aie!

-Je suis d'accord. Clama alors la princesse d'une voix ferme alors qu'elle passait au travers du groupe serré d'hommes qui lui bloquait le chemin.

-Il n'en est pas question… protesta William en la retenant puis la repoussant en direction de Charles qui se conforma exactement à l'ordre non-verbal que lui lança son supérieur.

Sentant qu'il n'obtiendrait pas gain de cause, le chef se mit en mouvement, reculant de plus en plus rapidement, entraînant son bouclier humain avec lui pour se couvrir.

-Réfléchissez, je vous contacterai à nouveau… annonça-t-il juste avant de tourner à gauche et disparaître des yeux de William et son équipe.

Toujours maintenue fermement par le chef des rutiliens, Élisabeth aperçut enfin un objet assez lourd qu'elle croyait pouvoir utiliser. Il s'agissait de l'un de ces cylindres rouges qu'on retrouvait ça et là à bord du vaisseau et que Georgianna leur avait décrit comme étant nécessaire pour éteindre des incendies. Utilisant son pouvoir astérien de télékinésie, elle le força à s'arracher du mur, le fit s'élever dans les airs et relâcha son emprise au moment où il aurait le plus de chance de s'abattre sur la tête de celui qui la maintenait fermement. Le cylindre métallique l'atteignit directement sur le sommet de son crâne, l'envoyant directement au sol. Élisabeth en profita pour prendre la fuite. Puisque ses hommes étaient derrière lui, Élisabeth avait donc une bonne longueur d'avance lorsqu'il se redressa et amorça un mouvement dans sa direction. Comprenant qu'il n'avait aucune chance de la rattraper, il leva son arme, tira sur elle et la regarda s'écouler sur le sol à son tour, gravement blessée à l'épaule.

Ayant déjà reprit sa course pour aller la ramasser, le chef n'eut d'autre choix que de s'arrêter quelques secondes plus tard, réalisant que William et ses hommes (qui avaient eut la bonne idée de les contourner) arrivaient de l'autre côté de la jeune femme. Les rutiliens sortirent alors leurs armes et se mirent à faire feu dans toutes les directions en prenant la fuite.

Dès que les tirs se furent suffisamment éloignés, Jane s'approcha d'Élisabeth et la retourna, horrifié non seulement par la gravité de sa blessure, mais également par la quantité impressionnante de sang qui couvrait déjà le sol.

-Oh, mon Dieu Lizzie! S'inquiéta-t-elle.

-Ce n'est rien… haleta cette dernière en essayant tout de même de se redresser. Aie! Échappa-t-elle en retombant mollement dans la marre de sang.

-Laissez-moi faire Princesse. La prévint William en se penchant pour la soulever.

-Non… Je peux marcher… Je vais bien… prétendit l'astérienne en utilisant tout ce qui lui restait d'énergie pour se relever, faire un premier pas… puis s'écrouler inconsciente dans les bras du commandant qui avait cette fois, également réussi à prévenir sa chute.

Précédé de Charles qui était déjà en communication avec l'unité médicale, William le suivit tandis qu'il lui ouvrait le chemin, la princesse sur les talons.

Une fois dans l'unité de soin, le docteur Jones constata aussitôt que l'astérienne avait besoin d'une transfusion.

-Elle a perdu trop de sang….

-Euh, c'est que je ne crois pas que nous ayons ce qu'il faut à bord. Renchérit l'infirmier qui préparait déjà le matériel nécessaire pour recoudre sa plaie.

-Sans compter que si cette race fonctionne comme la nôtre… c'est-à-dire par groupes sanguins, il faudrait idéalement obtenir du sang d'un membre de sa famille…

-Servez-vous, intervint la princesse en faisant glisser la manche du chandail de l'association afin de dégager le haut de son bras, il n'y a pas une minute à perdre.

Roulant des yeux, William se pencha légèrement vers elle: Je n'ose imaginer ce que vous nous avez caché d'autre… l'intima le commandant.

-Nous sommes sœurs… ajouta-t-elle avant de grimacer pendant que l'aiguille s'enfonçait dans sa chair.

-Je vais vous laisser prendre part à cette transfusion… après quoi, il me faudra connaître la suite de votre histoire…

Pendant que le médecin prenait en charge les délicates opérations liées à la transfusion, William quitta l'unité médicale pour se rendre sur la passerelle afin de régler le transfert des nouveaux prisonniers vers le centre de détention de l'association. Pendant qu'il complétait le long rapport qu'il devait envoyer au Général Duke, il ordonna à son second de se rendre auprès des deux astériennes et de rester auprès d'elles.

Beaucoup plus tard, pendant que Jane se reposait et que le médecin surveillait les effets de la transfusion sur la malade qui était toujours inconsciente, la princesse eut une bonne conversation avec Charles. Elle lui expliqua que c'est au moment où qu'elles se surent en danger, que les deux sœurs avaient décidé de cacher leur lien de parenté.

-En tant qu'aînée, après tout, je savais très bien que c'est moi au terme de l'affrontement qui devrait remonter sur le trône. Pour avoir une chance de découvrir ce qui se tramait à la source, nous avons annoncé la mort de la princesse Élisabeth… nous avons lancé cette rumeur dès le début des troubles et l'avons laissée faire son chemin. Tout le temps que dura la crise, Élisabeth fut donc libre de se mêler à la populace et a pu prendre part à la rébellion en temps que simple citoyenne. C'est grâce à cette ruse qu'elle fut en mesure de nous transmettre de précieuses informations. Et c'est cette tactique anodine qui nous vaut également d'être encore en vie aujourd'hui. Après tout, vous l'avez vu vous-même tout à l'heure, le chef des rutiliens n'a pas réalisé l'importance de son otage. S'il avait su qu'elle était ma sœur, les négociations ne se seraient pas déroulées de la même manière…

Ému par son histoire et n'ayant plus aucun doute sur sa sincérité, Charles s'empara de la main de la princesse et posa délicatement ses lèvres à l'intérieur de sa paume, se surprenant lui-même par son audace.

-Merci capitaine… le remercia-t-elle en se demandant ce que pouvait signifier un tel geste.

Juste avant qu'elle ne se décide à lui poser directement la question, Charles reçut un appel du commandant et dut quitter la pièce pour aller s'entretenir avec lui.

-Charles, un autre groupe de rutiliens vient de monter à bord du vaisseau. Selon le rapport préliminaire que je viens de recevoir de la sécurité, ils sont deux fois plus nombreux.

-J'arrive!

-Non, reste avec la princesse et sa sœur. Je suis déjà en route pour aller vous retrouver. Il faut à tout prix les cacher rapidement. Je crois savoir comment ils arrivent à détecter leur présence.

Dix minutes plus tard, les deux hommes se retrouvèrent dans l'unité médicale et commencèrent à énumérer les lieux où ils pourraient cacher les deux prisonnières recherchées.

-Vous devriez nous livrer…. Ils ne vous laisseront pas en paix tant que nous ne serons pas entre leurs mains… leur suggéra Jane.

-Hors de question … s'insurgea Charles en la contemplant d'une manière telle que le souffle lui manqua.

-Charles, as-tu encore des exemplaires de ces granules métamorphiques que nous avons essayé de développer il y a quelques semaines? S'informa William avec une idée en tête.

-J'en ai encore une ou deux dans mes affaires, pourquoi?

-Je me demande si nous ne devrions pas en essayer une sur la princesse… le temps que les Rutiliens sont à bord… proposa-t-il enfin.

-Tu n'y penses pas sérieusement William. Ces granules n'ont pas encore fait leur preuve… et leur effet est plus que variable…

-Vraiment imprévisible, je le sais, mais avons-nous réellement le choix?

-De quoi parlez-vous? Intervint Jane les dévisageant l'un après l'autre avec curiosité.

-C'est un produit qui transforme l'aspect extérieur pour une durée indéterminée, lui expliqua Charles en insistant sur les mots durée indéterminée.

-En fait… ça chance de sexe, mais temporairementcompléta William en espérant qu'elle y verrait la même chose que lui, c'est-à-dire, un moyen de déjouer le plan des Rutiliens.

-L'effet de ces granules dure combien de temps?

-Entre 3 minutes et…

-2 jours… on ne sait pas encore vraiment… compléta Charles prouvant ainsi qu'il était totalement contre l'idée.

-Comment ça, vous ne savez pas encore?

-On n'a jamais fait de test sur des humains…

-Pas très rassurant…

Comprenant pourtant qu'elle n'avait pas vraiment le choix, Jane suggéra à Charles d'aller lui chercher l'une de ces fameuses granules puis aida le commandant à faire glisser la civière sur laquelle reposait Élisabeth dans une section isolée et de la recouvrir entièrement d'un drap comme s'il eut s'agit d'un cadavre.

Revenant avec la précieuse granule que la princesse avala d'un trait, Charles resta résolument à ses côtés, la surveillant sans cesse, craignant qu'elle ne souffre inutilement lors de sa transformation.

Quelques minutes plus tard, après s'être éloigné pour lire le nouveau message que ses hommes venaient de lui transmettre, William fit comprendre aux deux autres qu'il leur fallait se cacher puisque les Rutiliens s'approchaient de l'unité médicale. William et Charles s'installèrent de chaque côté de la porte coulissante et envoyèrent Jane tenir compagnie à Élisabeth dans la cellule isolée.

Contre toute attente, parce qu'elle s'éveillait doucement, Élisabeth laissa échapper un bruyant gémissement attirant définitivement l'attention des Rutiliens qui arrivaient justement devant la porte de l'unité médicale.

Aussitôt entrés, les envahisseurs se mesurèrent brièvement avec les deux hommes qui se rendirent sans résister, espérant que les Rutiliens en concluraient que le gémissement avait été émis par l'un d'eux. Maintenus en joue par plusieurs rutiliens, les deux hommes eurent beaucoup de peine à ne pas réagir lorsque deux autres rutiliens revinrent avec un jeune homme blond tout à fait craquant dont l'allure rappelait vaguement celle de Jane.

Le forçant à s'installer à côté des deux autres, les rutiliens ouvrirent les portes des cellules indépendantes les unes après les autres, s'approchant lentement mais sûrement de la section où était cachée la civière d'Élisabeth. Pendant que William surveillait les Rutiliens avec attention, Charles ne quittait pas Jane des yeux, impressionné bien sur, mais surtout inquiet de la voir se retransformer avant le départ de leurs ennemis. Recommençant à respirer normalement en constatant que les Rutiliens étaient prêts à quitter l'unité en les y enfermant, William se figea en entendant Élisabeth éternuer alors qu'elle était censée être morte.

Se retournant d'un bloc, les rutiliens les remirent en joue, puis se dirigèrent vers la section où se trouvait la civière pour la seconde fois, obligeant les trois autres à s'en éloigner davantage. Dès que le premier d'entre eux eut relevé le drap et eut reconnu l'astérienne, il aboya ses ordres dans une langue étrangère, jusqu'à ce que deux autres rutiliens vinssent la ramasser et s'éloignassent avec elle. Charles, Jane et William assistèrent impuissants à son enlèvement.

Arrivant au milieu de la pièce avec leur fardeau, les deux porteurs entrèrent au centre du faisceau lumineux de téléportation qui venait d'apparaître dans la pièce et s'immobilisèrent. La lumière s'intensifia provoquant la disparition immédiate des trois occupants sous les yeux éberlués de William qui apprit ainsi comment les étrangers pénétraient aussi aisément à bord des vaisseaux de l'association qu'ils soient armés d'un bouclier de protection ou non.

Le phénomène se répéta tant et aussi longtemps que les rutiliens ne furent pas tous entrés dans le cercle. Les derniers à pénétrer dans l'espace lumineux furent le Chef et sa garde rapprochée composée de deux costauds Rutiliens. Juste au moment où le faisceau allait s'éteindre et où Jane luttait contre les effets secondaires associés à sa reconversion en femme, William surprit son second en sautant dans le cercle à son tour.

Le voyant disparaître en même temps que le chef et les deux autres, Charles devina que les Rutiliens réaliseraient rapidement qu'ils ramenaient un passager clandestin et frissonna en songeant au sort qu'ils lui réserveraient alors.

William réussira-t-il à sauver Élisabeth? Celle-ci sera-t-elle reconnaissante? Qu'en pensez-vous?